COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-7
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2023
N° 2023/ 201
Rôle N° RG 21/04032 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHEES
[H] [M]
C/
S.A.S. ORKIS
S.A.S. ORKIS SYSTEM
Copie exécutoire délivrée
le :12 mai 2023
à :
SELARL SC AVOCATS ASSOCIES
SELEURL ES AVOCATS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 16 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00664.
APPELANT
Monsieur [H] [M], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Silvia SAPPA de la SELARL SC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure MICHEL, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
S.A.S. ORKIS, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Evelyne SKILLAS de la SELEURL ES AVOCATS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
S.A.S. ORKIS SYSTEM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Evelyne SKILLAS de la SELEURL ES AVOCATS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise BEL, Président de chambre
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023
Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:
La société Orkis est une société par actions simplifiée immatriculée depuis le 30 mars 1990 au registre du commerce et des sociétés d’Aix-en-Provence et dont le président est M. [K] [W].
Dans le cadre du dispositif de formation ARDAN, M. [H] [M] et la société Orkis ont conclu une convention de stage du 16 février 2015 au 15 août 2015. Par la suite, M. [M] a été embauché par cette même société le 20 janvier 2017 en contrat à durée déterminée de trois mois, contrat reconduit le 29 avril 2017 jusqu’au 30 juillet 2017.
La société Orkis systems, également société par actions simplifiée ayant pour président M. [K] [W] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Aix-en-Provence le 30 décembre 2015. Filiale de la société Orkis, elle a pour actionnaires :
– La société Orkis SAS depuis le 4 mai 2017,
– M. [K] [W]
– M. [H] [M]
et pour objet la commercialisation de matériels, de logiciels et prestations de services associées (hébergement).
Par assemblée générale en date du 29 janvier 2016, M. [M] a été nommé directeur général de la société Orkis systems.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2017, M. [H] [M] a été embauché par la société Orkis systems en qualité de directeur général, percevant une rémunération de 5850 euros brut par mois.
Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 juillet 2018, la relation contractuelle prenant fin le 13 juillet 2018.
Par requête en date du 24 septembre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence aux fins de faire reconnaître la qualité de coemployeur des sociétés Orkis et Orkis systems et faire constater, outre le caractère vexatoire, l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et la dissimulation d’emploi salarié par la société Orkis.
Par jugement du 16 février 2021, ce conseil a notamment :
– dit et jugé que les sociétés Orkis et Orkis systems n’étaient pas coemployeurs de M. [M];
– dit et jugé que la société Orkis systems et M. [M] étaient liés par un contrat de travail;
– dit et jugé que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
– condamné la société Orkis systems à payer à M. [M] les sommes suivantes :
– 17 550 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 755 euros brut au titre de congés payés sur préavis,
– 7 150 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 5 850 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté les parties du surplus de leurs demandes et
-condamné la société Orkis systems aux entiers dépens.
M. [M] a interjeté appel de la décision le 17 mars 2021.
La société Orkis systems a interjeté appel le 18 mars 2021.
Une ordonnance de jonction a été prise le 10 mars 2023, joignant le dossier 21/04083 au dossier 21/04032.
Aux termes de ses dernières conclusions remises et notifiées au greffe le 20 juillet 2021, M. [M] sollicite de la cour de :
– débouter la société Orkis systems de l’ensemble de ses demandes;
– prononcer la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit que M. [M] et la société Orkis systems sont liés par un contrat de travail,
– jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Orkis systems au paiement de la somme de 17 550 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– condamné la société Orkis systems au paiement de la somme de 1755 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– condamné la société Orkis systems au paiement de la somme de 7 150 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
– prononcer la réformation du jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau de :
– prononcer la qualité de coemployeur de la société Orkis et Orkis systems;
– dire que la société Orkis s’est livrée à du travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié;
– prononcer la fixation de la date de prise d’effet de la relation contractuelle au 16 février 2015;
– condamner solidairement les sociétés Orkis et Orkis systems au paiement de la somme de 102 375 euros brut au titre des salaires dus du 15.08.2015 au 31.01.2017;
– condamner solidairement les sociétés Orkis et Orkis systems au paiement de la somme de 10237.50 euros brut au titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire;
– condamner solidairement les sociétés Orkis et Orkis systems au paiement de la somme de 35100 euros au titre d’indemnité de travail dissimulé;
– condamner solidairement les sociétés Orkis et Orkis systems à remettre à M. [M] les bulletins de salaire pour la période allant du 15.08.2015 au 31.02.2017 sous astreinte de 150 euros par jour de retard;
– condamner solidairement les sociétés Orkis et Orkis systems à remettre à M. [M]
l’attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 150 euros par jour de retard;
– condamner solidairement les sociétés Orkis et Orkis systems au paiement de la somme de 23400 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– condamner solidairement les sociétés Orkis et Orkis systems au paiement de la somme de 17 550 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire;
– ordonner le remboursement par les sociétés Orkis et Orkis systems aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [M] dans la limite de 6 mois en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail;
– prononcer que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 du code du travail et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent jugement sera adressée par le greffe au pôle emploi du lieu où demeure le salarié;
– prononcer qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier et le montant des sommes de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner les sociétés Orkis et Orkis systems au paiement de la somme de 4400 euros au titre
de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses conclusions, M. [M] allègue:
– sur le travail dissimulé : avoir continué de travailler pour la société Orkis en qualité de responsable du développement commercial du 15 août 2015 au 1er février 2017 en dehors de tout cadre conventionnel et légal, sans jamais avoir été déclaré.
-sur le coemploi:
– qu’il existe une confusion totale d’activité, d’intérêts et de direction entre les deux sociétés, lesquelles ont le même président/associé Orkis possédant 84,21% d’Orkis systems, sont domiciliées à la même adresse et sont toutes deux des SAS, ont la même activité, un exercice social se clôturant à la même date et une gestion unique du personnel;
– que la société Orkis n’a pas produit les conventions de refacturation qu’elle dit avoir établies à Orkis systems pour la mise à disposition de M. [M];
-sur le licenciement : il conteste les faits qui lui sont reprochés précisant que les intimées n’en rapportent pas la preuve, les constats réalisés par l’expert-comptable ne lui étant pas directement imputables et n’ayant jamais utilisé de carte bancaire de la société en qualité de salarié. Il fait valoir en outre que les manquements en cause ne peuvent lui être reprochés dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail ayant statutairement été autorisé en qualité de directeur général d’Orkis systems à faire supporter à la société ses frais de représentation et de déplacements. Il considère que si des manquements ont été commis, ces manquements relèveraient de son statut de directeur général et non de sa qualité de salarié. En tout état de cause et dans le cas d’un c-emploi, le salarié rappelle que le licenciement doit être prononcé pour des motifs concernant chacun des coemployeurs.
– surabondamment, le salarié relève que la procédure de licenciement n’a pas été respectée, l’employeur ayant fait part de son souhait de le licencier avant l’envoi du courrier l’invitant à se rendre à un entretien préalable.
-sur le caractère vexatoire du licenciement : il précise qu’il s’agit d’un licenciement disciplinaire abusif qui a jeté sur lui le discrédit. La lettre de licenciement lui a été notifiée le 13 juillet 2018 jour de son mariage, événement dont son employeur était informé y étant lui-même invité.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 8 septembre 2021 les sociétés Orkis et Orkis systems demandent à la cour :
À titre principal,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– jugé que M.[M] était lié par un contrat de travail à la Société Orkis systems
– jugé que le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse
– condamné la société Orkis system au paiement des sommes suivantes:
* 17 550 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis
* 1 755 euros brut à titre d’indemnité de congés payés sur préavis
* 7 150 euros brut à titre d’indemnité de licenciement
* 5 850 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonné à la société Orkis systems le remboursement aux organismes sociaux des indemnités chômage,
– condamné la société Orkis systems aux entiers dépens;
Et statuant à nouveau de,
– déclarer irrecevables les demandes de condamnations financières à l’égard de la société Orkis systems en l’absence de lien de subordination permettant de reconnaître à M. [M] le statut de salarié,
– inviter M. [M] à mieux se pourvoir quant à sa demande d’indemnisation pour rupture de son mandat social de directeur général;
À titre subsidiaire si la cour considérait que la société Orkis systems et M. [M] étaient liés par un contrat de travail :
– dire et juger le licenciement de M. [M] pour faute grave pleinement justifié ;
En conséquence :
– débouter M. [M] de ses demandes de condamnation financières de ce chef.
En tout état de cause:
– dire que la société Orkis n’était pas co-employeur de M. [M] ;
– débouter M. [M] de ses autres demandes, fins et conclusions à l’égard des deux sociétés;
– condamner M. [M] à verser à chacune des sociétés la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs conclusions, les sociétés font valoir :
-sur la qualité de co-employeur des sociétés Orkis et Orkis systems: qu’il s’agit de deux personnes morales bien distinctes entre lesquelles il n’existe aucun lien de subordination quand bien même il existerait entre elles des liens d’ordre capitalistique et managérial ainsi que des liens commerciaux;
-sur le contrat de travail entre M. [M] et la société Orkis systems:
– que l’appelant ne rapporte pas la preuve d’un lien de subordination entre lui et la société Orkis systems ou avec M. [W] ;
– que M. [M] en qualité de fondateur, associé majoritaire et directeur général, mandataire social de la société Orkis systems jouissait d’une autonomie totale d’action et d’organisation dans son travail disposant notamment de délégations de signatures sur des contrats engageant la société;
– que le contrat de travail signé entre les parties n’avait pour seul objet que d’asseoir la rémunération de M. [M] en qualité de directeur général;
-sur le licenciement:
– qu’il s’agissait avant tout d’une révocation de l’intéressé comme mandataire social de la société au regard des dépenses excessives et non justifiées constatées par l’expert comptable; que cette révocation a été confirmée par décision des actionnaires de l’entreprise le 18 décembre 2019 à effet au 10 juillet 2018;
– à titre subsidiaire, que le licenciement pour faute grave est fondé, l’intimé ayant abusé de son statut de directeur général pour effectuer des dépenses d’ordre personnel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
Motifs
Sur le coemploi
Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer,une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
En l’espèce, les éléments produits par l’appelant attestent de l’existence de liens managériaux, organisationnels et commerciaux entre les deux sociétés à la création de la société Orkis systems les deux sociétés ayant le même président M. [W], une activité commerciale fonctionnant en synergie et un service commun de gestion des ressources humaines. Toutefois les deux sociétés étaient initialement distinctes capitalistiquement l’une de l’autre, M.[M] ayant la qualité d’actionnaire majoritaire détenant plus de 90% du capital d’Orkis systems lors de la souscription du capital, qualité qu’il a ensuite perdu à compter du 4 mai 2017, la société Orkis entrant au capital de la société Orkis systems à l’occasion d’une augmentation de capital par compensation de créances.
Pour autant, ces seuls éléments ne démontrent pas l’existence d’une confusion d’intérêts, d’activités ou de direction se manifestant par une immixtion permanente de la société Orkis dans la gestion économique et sociale de la société Orkis systems et notamment par la mise en place d’un contrôle systématique et continu. La cour relève ainsi qu’en sa qualité de directeur général de la société Orkis systems depuis le 29 janvier 2016, l’appelant ne conteste pas avoir bénéficié d’une totale autonomie pour l’engagement de dépenses importantes pour le compte de cette société et ce, même après l’entrée au capital de la société Orkis comme en attestent les signatures d’un contrat de bail dérogatoire le 5 septembre 2017 ainsi que d’un contrat d’apporteur d’affaires le 12 mai 2017. Elle constate par ailleurs l’existence de conventions de refacturation entre les sociétés démontrant l’existence de comptabilités distinctes.
S’agissant plus particulièrement des liens entretenus entre M. [W] et l’appelant, il convient de relever que le recrutement de ce dernier dans le cadre du dispositif ARDAN était destiné au développement d’une nouvelle prestation de service qui sera commercialisée par la société Orkis systems comme les intéressés l’ont explicité au cours d’une interview produite par M.[M].
Le travail réalisé a effectivement conduit à la création de cette société dont l’appelant a été nommé directeur général avec mandat social, les liens personnels et commerciaux entretenus entre M. [W], président de la société Orkis et l’appelant étant exclusifs de tout lien de subordination habituel entre l’appelant et la société Orkis à la date de création de la société Orkis systems.
En conséquence, il convient de débouter l’appelant de sa demande de condamnation à des rappels de salaire et congés payés afférents du chef du coemploi et de confirmer la décision entreprise.
Sur la demande indemnitaire formée au titre du travail dissimulé
L’article L.’8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L.’8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L.’8223-1, de la volonté chez l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.
En l’espèce, l’appelant produit certes des courriels démontrant qu’il a continué à travailler au sein de la société Orkis entre la fin de sa convention de stage le 14 août 2015 et la signature de son premier contrat de travail à durée déterminée le 20 janvier 2017, pour autant et tel qu’indiqué supra, il n’est pas démontré l’existence d’un lien de subordination dans les liens avec la société Orkis étant rappelé que durant cette période et tel qu’en attestent le contenu desdits courriels, M. [M] a poursuivi le développement d’une nouvelle prestation de service ayant conduit à la création d’Orkis systems immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 30 décembre 2015, dont il est devenu actionnaire majoritaire et directeur général doté d’un mandat social.
Par suite et pour les prestations effectuées pour le compte d’Orkis, il a dûment bénéficié de contrats de travail à durée déterminée.
En conséquence, l’existence d’une relation de travail salarié n’étant pas matériellement démontrée, il y a lieu de confirmer la décision de première instance ayant débouté l’appelant de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé.
Sur la qualification du contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er août 2017 avec la société Orkis systems:
Le contrat de travail litigieux est souscrit à temps complet le 1er août 2017 pour exercer les fonctions de Directeur général, placé sous l’autorité d’un supérieur hiérarchique.
L’appelant produit le contrat de travail susmentionné, sa déclaration d’embauche, ses bulletins de salaire ainsi que le certificat de travail remis par la société Orkis systems mentionnant qu’il a fait partie de son personnel du 1er août 2017 au 13 juillet 2018.
Ces éléments établissent l’existence d’un contrat de travail apparent, de sorte qu’il incombe à celui qui invoque le caractère fictif du contrat de travail d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, la société Orkis systems se borne à soutenir que M. [M] a été le fondateur et associé majoritaire de la société Orkis systems SAS, qu’il en a été le Directeur général, Mandataire social, qu’il disposait d’une autonomie dans son activité et que le « contrat de travail » signé entre les parties n’avait pas d’autre objet que d’asseoir la rémunération de M.[M] en qualité de Directeur général.
Or à compter du 4 mai 2017, M. [M] a perdu la qualité d’associé majoritaire, il a ensuite été embauché par la société Orkis le 20 janvier 2017 en contrat à durée déterminée de trois mois à temps complet, contrat reconduit le 29 avril 2017 jusqu’au 30 juillet 2017. Si sa qualité de mandataire social n’a pas été expressément révoquée lors de l’entrée au capital de la société Orkis, aucun élément n’est produit sur les fonctions effectivement exercées à ce titre pendant la relation litigieuse.
L’ allégation de la souscription d’un contrat de travail en vue d’asseoir la rémunération de M. [M] en qualité de Directeur général, n’est pas pertinente de la fictivité de ce contrat.
La production d’un contrat de bail entre un bailleur et la société Orkis systems représentée par M. [M] , dûment habilité à la signature de l’acte en sa qualité de Directeur général, et d’un contrat d’apporteur d’affaires conclu entre un apporteur d’affaires et la société Orkis systems représentée par M. [M] Directeur général ayant tout pouvoir à cet effet, ne vient pas utilement au soutien de la fictivité du contrat de travail et de l’absence de lien de subordination
entre M. [M] et la société Orkis systems.
Les sociétés intimées ne démontrent pas, au delà des seules allégations d’une autonomie dans l’activité exercée à compter du 1ER août 2017 et des pièces inopérantes, que l’apparence du contrat de travail ne correspondait pas à la réalité de l’activité de M. [M], de sorte que l’existence d’un contrat de travail est rapportée.
Sur la rupture du contrat de travail
– le licenciement pour faute lourde:
En droit, la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l’employeur, le salarié n’ayant rien à prouver.
La lettre de licenciement du 10 juillet 2018 qui fixe les limites du litige fait grief à l’appelant des faits suivants :
‘Vous êtes titulaire d’une carte bancaire de l’entreprise dans le seul but de simplifier la gestion de vos frais professionnels sans que vous ayez de surcroît à faire l’avance vous-même de ces frais.
Le 28 février 2018, je vous ai alerté moi-même par mail au sujet de vos dépenses de repas.
Ce mail n’a eu aucun effet sur votre comportement qui a attiré l’attention de notre cabinet comptable qui dans le cadre de sa mission a réalisé un audit des dépenses passées au débit de votre carte.
Ont été mises à jour les anomalies suivantes :
– Vous étiez en arrêt de travail du 16 mai au 1er juin 2018.
Pendant cette période, vous payez par carte société, deux restaurants, deux pleins de carburant, des péages, et des frais de parking pour un montant total de 187,70 €.
– Lors de vos congés, vous exposez 669,30 € de frais divers de carburant ou de repas.
– Vous réglez 45 € d’amende pénale alors que vous savez que la société a déjà été redressée par l’Urssaf sur ce comportement.
– Au titre des repas le midi ou en soirée pour lesquels nous ne savons pas qui ont été vos invités et pour quelle raison, le montant total est de 1.265,49 € sans justification.
– Pour les pleins de carburant effectués sur votre véhicule personnel, nous déplorons des débits à hauteur de 1.422,95 €, sans justification, puisque vous utilisiez la plupart du temps la Clio société, ou que la majorité de vos rendez-vous commerciaux se déroulaient en Région Parisienne, donc sans faire usage de votre véhicule.
-Enfin, l’audit a révélé un total de 1.505,65 € de dépenses pour lesquelles vous n’avez fourni aucun justificatif.
Vous faites donc supporter à la société des frais qu’elle n’a pas à régler et vous le faites délibérément dans votre seul intérêt.
Cette conduite met en cause la bonne marche de l’entreprise d’autant plus qu’en qualité de Directeur Général et actionnaire, vous devez avoir une attitude exemplaire à l’égard des autres salariés.
En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.’
En énonçant de tels griefs, suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables, l’employeur satisfait à l’exigence de motivation de la lettre de licenciement.
– sur le bien fondé du grief:
La société Orkis systems produit au dossier une lettre rédigée par le cabinet comptable Gecia du 6 juin 2018 à l’attention de son président, M.[W], laquelle précise notamment ‘ (…) le niveau des frais de missions et de représentation est élevé et semble couvrir régulièrement des restaurants ‘hors déplacements’. A notre avis, les dépenses engagées via la carte bancaire sont trop importantes et ne doivent pas couvrir les frais de repas du quotidien (car déjà intégré dans la déduction fiscale forfaitaire de 10% sur les salaires imposables). De manière générale, les frais engagés devraient être supervisés par vos soins’, ainsi que trois tableaux récapitulatifs de frais de repas, hébergement, taxi, carburants, péages et parking ayant été réglés avec la carte de la société sans être justifiés auprès du comptable.
Les tableaux produits corroborent le constat effectué par le cabinet comptable de dépenses de frais de repas quotidiens principalement effectués à proximité de la société.
Bienque le comptable ne mentionne pas expressément que les dépenses ont été réalisées par l’appelant, il n’est toutefois pas équivoque que lesdits frais ont été exposés au moyen de la carte bancaire de la société, que M.[M] ne conteste pas détenir depuis le 16 février 2016, l’appelant se limitant à faire valoir que les dépenses ont été effectuées en sa qualité de directeur général mandataire social et non en sa qualité de salarié.
Or, tant le contrat de travail de l’appelant signé avec la société Orkis systems le 1er août 2017 que les stipulations relatives à la rémunération du directeur général mandataire social de la société, mentionnées dans le procès-verbal d’assemblée générale du 29 janvier 2016, précisent que M. [M] pourra être remboursé des frais engagés pour l’accomplissement de ses missions tels ceux de représentation ou de déplacement, sur présentation de pièces justificatives. En l’espèce, il ne justifie nullement des dépenses engagées.
Ces éléments établissent la matérialité et le bien fondé du grief fait à l’appelant, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise.
Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Il en résulte que le salarié est privé de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement.
Le jugement est infirmé en ce qu’il a fait droit aux demandes du chef du licenciement et les demandes sont rejetées.
– sur le moyen d’un licenciement irrégulier:
L’appelant a été convoqué à un entretien préalable par lettre en date du 15 juin 2018 pour le 28 juin 2018.
La mention que le message de M. [W] à M. [M] annonce à l’intéressé la décision de procéder à son licenciement et dès lors présente le caractère d’un licenciement irrégulier doit être écarté, compte tenu des liens personnels entretenus avec M. [W] dès les premières relations professionnelles de sorte que, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, aucune irrégularité ne vient entacher la mesure prononcée.
Sur le caractère vexatoire du licenciement :
La seule concomitance entre la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et la célébration du mariage du mariage de l’appelant ne constitue pas en elle-même un caractère vexatoire . Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.
Par ces motifs,
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées à l’exception de celles relatives au licenciement et à ses conséquences indemnitaires;
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement prononcé repose sur une cause réelle et sérieuse;
Dit que le licenciement est prononcé pour faute lourde;
Déboute M. [M] de ses demandes indemnitaires;
Déboute les parties du surplus de ses demandes;
Condamne M. [M] aux entiers dépens de la procédure.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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