Augmentation de capital : décision du 23 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01447

·

·

Augmentation de capital : décision du 23 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01447

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63C

DU 23 MAI 2023

N° RG 21/01447

N° Portalis DBV3-V-B7F-ULMZ

AFFAIRE :

[D], [U] [K]

S.A.R.L ACAZOIR

C/

Société FICUCIAIRE D4EXPERTISE COMPTABLE DES YVELINES, enseigne FIDECY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/00956

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Ghislaine DAVID-MONTIEL,

-La SELARL ARGUO AVOCATS,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [D], [U] [K]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

S.A.R.L. ACAZOIR

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 351 540 927

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentés par Me Ghislaine DAVID-MONTIEL, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 216

Me Guillaume NORMAND, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : D0156

APPELANTS

****************

Société FICUCIAIRE D’EXPERTISE COMPTABLE DES YVELINES, enseigne FIDECY

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 321 817 926

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Olivier AMANN, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 116 – N° du dossier 1263

Me Nicolas LEMIERE substituant Me Nathalie SIU BILLOT de la SELARL ARGUO AVOCATS, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : R094

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Pascale CARIOU, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Acazoir exerce une activité de marchand de biens immobiliers. Elle a pour actionnaire majoritaire M. [D] [K].

En 1995, ce dernier a consenti un abandon de créance de son compte courant d’associé, pour un montant de 5,5 millions de francs, sous réserve d’une clause de retour à meilleure fortune. Un second abandon de créance est intervenu dans les mêmes conditions, en 1998, pour un montant de quatre millions de francs.

La société Fidecy est intervenue en qualité d’expert-comptable auprès de la société Acazoir

à compter de 1999. M. [K] est un tiers à ce contrat.

En 2000, la société Acazoir a procédé à une augmentation de capital par incorporation du compte courant de M. [K], à concurrence de 2 millions de francs, suivie d’une réduction de capital avec apurement de ses pertes à due concurrence.

Un remboursement partiel de la créance de M. [K] a été alors opéré, pour un montant

de 1,8 millions de francs.

Cette somme a été comptabilisée en charge exceptionnelle déductible, le résultat étant réduit

d’autant, en application de la clause de retour à meilleure fortune.

Contestant cette déduction, l’administration fiscale a adressé des propositions de rectification à la société Acazoir et à M. [K].

Le redressement notifié à la société Acazoir et le supplément d’impôt sur les sociétés qui en est résulté ont été annulés par le tribunal administratif de Paris suivant jugement du 15 décembre 2009.

Par arrêt du 7 mars 2012, la cour administrative d’appel de Paris a cependant réformé cette décision, considérant que les conditions de la clause de retour à meilleure fortune n’étaient pas réunies.

Par acte introductif d’instance du 16 décembre 2016, la société Acazoir et M. [K] ont

fait assigner la société Fidecy devant le tribunal de Nanterre afin de voir engager la responsabilité civile professionnelle de l’expert-comptable.

Par un jugement contradictoire rendu le 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– Déclaré irrecevable l’action engagée par la société Acazoir et M. [D] [K] à l’encontre de la société Fidecy,

– Débouté la société Acazoir et M. [D] [K] de l’intégralité de leurs demandes,

– Condamné la société Acazoir et M. [D] [K] à payer à la société Fidecy la somme

de cinq mille euros (5 000 euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Acazoir et M. [D] [K] aux dépens,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

M. [K] et la SARL Acazoir ont interjeté appel de ce jugement le 8 février 2021 à l’encontre de la société Fidecy.

Le 15 février 2021, le conseiller de la mise en état a adressé une demande d’observation concernant l’objet de l’appel du 8 février 2021 qui mentionnait ‘appel total’ et qui n’était pas accompagné d’une annexe précisant les points de la décision de première instance que les appelants entendaient voir infirmer.

Le 3 mars 2021, M. [K] et la SARL Acazoir ont procédé à la régularisation en produisant une nouvelle déclaration d’appel comportant les chefs du jugement critiqués.

Par ordonnance rendue le 11 mars 2021, le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre, 1ère section, de la cour d’appel de Versailles a ordonné la jonction des procédures RG n° 21/00779 et 21/1447 sous le n° 21/1447.

Par d’uniques conclusions notifiées le 11 mai 2021, M. [K] et la société Acazoir demandent à la cour, au fondement des articles 1134 et suivants, notamment 1146 et suivants du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, 1382 et suivants du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, de :

– Les recevoir en leurs demandes,

– Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre rendu le 26 novembre 2020 en

toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

– Dire et juger que la connaissance des faits reprochés à la société Fidecy n’a pu intervenir

avant le 7 mars 2012,

– Rejeter l’exception tirée de la prescription soulevée par la société Fidecy,

– Dire et juger que :

* la société Fidecy a commis une faute dans l’exercice de son mandat d’expert comptable de la société Acazoir au cours de la période 1999-2000, en ce qu’elle a mis en ‘uvre une clause de retour à meilleure fortune en l’absence des conditions prévues à cet égard, telles que définies dans le procès-verbal du conseil d’administration de la société Acazoir en date du 12 octobre 1995,

* cette faute a directement entraîné la mise en ‘uvre d’un redressement fiscal à l’encontre de la société Acazoir et de son associé majoritaire, M. [D] [K],

* la société Fidecy a engagé sa responsabilité envers la société Acazoir en application des articles 1146 et suivants du code civil,

* la société Fidecy a engagé sa responsabilité envers M. [D] [K] en application des articles 1382 et suivants du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 ;

– Condamner la société Fidecy à réparer les préjudices subis par les appelants du fait des conséquences desdits redressements fiscaux en ce qu’ils se rattachant à la seule mise en ‘uvre de la clause de retour à meilleure fortune au cours des exercices 1999 et 2000 ;

– Condamner la société Fidecy à verser à la société Acazoir la somme de 202 596,31 euros (outre les intérêts moratoires postérieurs à décembre 2002) en réparation de ce préjudice ;

– Condamner la société Fidecy à verser à M. [D] [K] la somme de 267 977,81 euros (outre les intérêts moratoires postérieurs à décembre 2002) en réparation de ce préjudice ;

– Condamner la société Fidecy à verser la somme de 10 000 euros à la société Acazoir et la somme de 15 000 euros à M. [K] au titre de l’article 700 code de procédure civile.

Par d’uniques conclusions notifiées le 27 juillet 2021, la société Fidecy demande à la cour, au fondement des articles 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 9 et 16 du code de procédure civile, 2270-1 ancien et 2224 nouveau du code civil, L.110-4 du code de commerce, de :

– Confirmer le jugement prononcé le 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a :

*Déclaré irrecevable l’action engagée par la société Acazoir et M. [D] [K] à l’encontre de la société Fidecy,

*Débouté la société Acazoir et M. [D] [K] de l’intégralité de leurs demandes,

*Condamné la société Acazoir et M. [D] [K] à payer à la société Fidecy la somme de cinq mille euros (5 000 euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile,

*Condamné la société Acazoir et M. [D] [K] aux dépens,

*Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision. »

– Débouter M. [K] et la société Acazoir de l’ensemble de leurs demandes ;

– Condamner M. [K] et la société Acazoir à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [K] et la société Acazoir aux entiers dépens ;

Subsidiairement :

– Juger que la société Fidecy n’a commis aucune faute à l’égard de M. [K] et de la société Acazoir,

– Juger que M. [K] et la société Acazoir ne justifient d’aucun préjudice subi.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 16 février 2023.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire et sur les limites de l’appel

La cour rappelle que l’article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.

Par prétention, il faut entendre, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux. Il s’ensuit qu’il ne sera pas statué sur les ‘dire et juger’, qui ne constituent pas des prétentions, récapitulés au dispositif des conclusions des appelants, tout au plus la cour y répondra-telle, à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

Les appelants poursuivent l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Sur la prescription de l’action engagée par la société Acazoir et M. [K] à l’encontre de la société Fidecy

‘ Moyens des parties

Les appelants reprochent au tribunal de retenir que le point de départ du délai de prescription, à savoir la date à laquelle la victime a eu connaissance du dommage, ou à laquelle celui-ci s’est révélé à elle (article L.110-4 du code de commerce) ou encore au jour de la manifestation du dommage ou de son aggravation (article 2270-1 du code civil ancien), devait être fixé au jour de mise en recouvrement des sommes correspondant aux redressements notifiés aux intéressés à savoir le 15 décembre 2003 de sorte que cette action était prescrite le 15 décembre 2013 tant pour la société Acazoir que pour M. [K] et que, par voie de conséquence, en assignant l’expert comptable le 16 décembre 2016, la société Acazoir et M. [K] étaient irrecevables, leur action étant prescrite.

Ils font valoir qu’à cette date, le 15 décembre 2003, ils étaient dans l’ignorance des faits leur permettant d’agir puisque l’administration fiscale justifiait sa position sur l’absence de mention de la mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune dans les procès-verbaux du conseil d’administration et des assemblées générales et sur l’absence de justificatifs des apports réalisés par M. [K] au profit de la société Acazoir qui constituaient le compte courant de ce dernier, pas sur le non respect des conditions de mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune telle énoncée dans le procès-verbal du conseil d’administration du 12 octobre 1995.

Ils ajoutent que le redressement notifié à la société Acazoir et le supplément d’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice 1999 étaient annulés par le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2009 en raison d’un vice de forme (pièce 17) et non sur des motifs tenant aux conditions de fond du redressement ; que ce n’est que devant la cour administrative d’appel de Paris qu’un nouvel argument a été soulevé par l’administration fiscale tiré du non respect des conditions de mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune énoncée dans le procès-verbal du conseil d’administration du 12 octobre 1995 et le redressement notifié à M. [K], en tant que bénéficiaire du redressement de la somme de 1 800 000 francs, était lui aussi confirmé.

Ils prétendent donc ce n’est qu’à partir de cet arrêt du 7 mars 2012 qu’ils ont été en mesure de connaître les faits leur permettant d’agir en responsabilité civile professionnelle contre la société Fidecy de sorte que le point de départ de la prescription n’a pu commencer à courir qu’à compter de cette date pour expirer le 7 mars 2017, donc postérieurement à l’assignation qu’ils ont fait délivrer le 16 décembre 2016.

La société Fidecy sollicite la confirmation du jugement de ce chef et rétorque que la prescription décennale de l’article L.110-4 du code de commerce est acquise à l’égard de la société Acazoir depuis le 17 décembre 2012 puisque le point de départ de cette prescription a commencé à courir dès la réception par cette dernière de la notification de redressement (pièce 5 des appelantes). Elle souligne que, contrairement à ce que soutiennent ses adversaires, dans son arrêt du 7 mars 2012, la cour administrative d’appel de [Localité 3] a expressément indiqué que ‘l’administration, qui n’a pas changé la base légale du redressement, qui avait d’ailleurs, au cours de la procédure d’imposition, réintégré cette charge au motif que l’intéressée n’avait pas apporté la preuve de sa déductibilité’ (pièce 7 des appelants) de sorte que leurs affirmations selon lesquelles ‘aucun des actes de la procédure fiscale allant du 17 décembre 2002 jusqu’à l’arrêt de la cour administrative d’appel du 7 mars 2012, quelle que soit leur nature (…) ne peut être qualifié de point de départ de la prescription car leur fondement ne portait pas sur le travail de la société Fidecy dans la mise en oeuvre de la clause retour à meilleure fortune dans les comptes de l’exercice 1999’ (conclusions des appelants page 10) sont clairement contredites par les considérants de cet arrêt. Elle ajoute que si ce point de départ devait être fixé à la date de l’avis de mise en recouvrement adressé à la société Acazoir par l’administration fiscale, donc au 15 décembre 2003 (pièce 6 adverse page 2), il n’en demeurerait pas moins que l’action serait également prescrite puisque la société Acazoir aurait dû introduire son action avant le 18 juin 2013 conformément aux dispositions de l’article 26.II de la loi du 17 juin 2008 (cette loi réduisant les délais de prescriptions en les ramenant à 5 ans, alors qu’initialement le délai de prescription était de 10 ans).

L’intimée rappelle que ses adversaires se bornent à soutenir que le principe de la contradiction n’a pas été respecté en ce que les modalités de mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune n’étaient dans le débat qu’à compter de la procédure devant la cour administrative d’appel sans en justifier comme, du reste, le jugement déféré l’a relevé. Elle souligne que ses adversaires persistent dans leur carence probatoire puisqu’ils ne versent toujours pas aux débats l’intégralité de la proposition de redressement de la société Acazoir ainsi que les mémoires établis par l’administration fiscale tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel. Elle fait valoir que ces éléments ont pourtant été réclamés par elle devant le juge de la mise en état de Nanterre et en réponse la société Acazoir a prétendu qu’elle ne les détenait plus, ce dont elle s’étonne dès lors que son adversaire produit la liasse fiscale de l’exercice clos le 31 décembre 1999 (pièce 3 de la société Acazoir).

Elle observe en outre l’incohérence des arguments de la société Acazoir qui prétend tout à la fois que l’administration fiscale n’a soulevé que fort tardivement l’impossibilité de mettre en oeuvre la clause de retour à meilleure fortune pour tenter d’échapper à la prescription tout en soutenant ultérieurement dans ses écritures (page 11) que ‘compte tenu du refus de l’administration fiscale d’accepter la mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune, la somme de 1 800 000 FF (274 408,23 euros) était considérée non comme une charge déductible, mais comme une distribution de bénéfices’.

Elle soutient qu’en tout état de cause, cette absence de production de l’intégralité des éléments liés aux propositions de rectification fiscale ne permet pas à la cour de s’assurer que les modalités de mise en oeuvre de la clause n’ont pas été contestées par l’administration fiscale dès les propositions de rectification de sorte que l’argument de la société Acazoir, infondé, ne saurait être accueilli et permettre de retenir comme date de point de départ de la prescription le 7 mars 2012. Elle souligne en outre que la charge de la preuve de la fixation du point de départ de la prescription ‘décalé’ pèse sur la société Acazoir et que ses moyens et productions ne lui permettent pas de triompher.

Il s’ensuit que, selon elle, l’action de la société Acazoir est prescrite et le jugement ne pourra qu’être confirmé.

S’agissant de M. [K], qui n’est pas son client, elle observe que les dispositions de l’article 2270-1 ancien du code civil sont applicables et la prescription décennale est acquise depuis le 19 décembre 2012. L’intimée rappelle que, selon ces dispositions, le point de départ de la prescription se situe au jour de la manifestation du dommage donc au jour du redressement reçu par M. [K] le 19 décembre 2002. Elle souligne que la Cour de cassation précise que la manifestation du dommage doit être entendue comme la connaissance du fait reproché et non des conséquences que le fait déclenche (1re Civ., 1er juillet 2015, pourvoi n° 14-16.555).

Elle souligne que les nouvelles dispositions du code civil, à savoir l’article 2224, ne disent pas autre chose puisqu’elles fixent le point de départ de la prescription quinquennale à la date à laquelle le ‘titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’ donc à compter de la révélation du dommage quand bien même il ne serait pas définitif, serait-il potentiel, conditionnel, hypothétique ou soumis à des aléas, notamment judiciaires.

Enfin, elle fait valoir que la prescription de l’action des demandeurs est acquise au plus tard le 19 juillet 2013 si le point de départ retenu devait être fixé conformément aux dispositions de l’article 26-II de la loi du 17 juin 2008 en retenant à cette fin les avis de mise en recouvrement adressés par l’administration fiscale.

‘ Appréciation de la cour

C’est avec raison, par d’exacts motifs adoptés par cette cour, que le premier juge a retenu que l’action des demandeurs était prescrite. En outre, la démonstration faite par l’intimée, aux termes d’écritures spécialement claires, exhaustives tout en étant synthétiques, est particulièrement convaincante et juridiquement implacable.

En effet, peu important le fondement juridique retenu, à savoir les dispositions de l’article L.110-4 du code de commerce, ancien ou nouveau, de l’article 2270-1 ancien du code civil, de l’article 2224 nouveau du code civil ou de l’article 26-II de la loi du 17 juin 2008, le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité civile professionnelle, compte tenu des faits reprochés à la société Fidecy pour obtenir sa condamnation en raison de ses manquements contractuels ou de ses fautes délictuelles, doit effectivement être fixé à la date à laquelle les redressements ont été notifiés aux demandeurs, la société Acazoir et M. [K], donc aux 19 et 23 décembre 2002 (pièces 4 et 5 des appelants), voire comme le relève le jugement le 15 décembre 2003, à savoir le jour de la mise en recouvrement de ces sommes de sorte que la société Acazoir et M. [K] devaient agir avant le 15 décembre 2013 voire avant le 19 juillet 2013, si les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 devaient être appliquées. Dès lors, en engageant cette action le 16 décembre 2016, la société Acazoir et M. [K] étaient irrecevables en leurs demandes, l’action étant prescrite.

C’est exactement que la société Fidecy fait valoir qu’il revient à ses adversaires de démontrer, comme ils le prétendent, qu’ils n’ont eu connaissance des faits leur permettant d’agir (à savoir le fait que l’administration leur reprochait et fondait le redressement fiscal opéré en raison du non respect des conditions de mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune telle qu’énoncée dans le procès-verbal du conseil d’administration du 12 octobre 1995) qu’à compter de l’arrêt du 7 mars 2012 rendu par la cour administrative d’appel de Paris.

Cependant, force est d’observer que les appelants ne produisent aucun élément sérieux qui serait de nature à le justifier alors que le premier juge a très exactement souligné leur carence probatoire. En effet, l’absence de production par les appelants de l’intégralité des éléments liés aux propositions de rectification fiscale ainsi que des mémoires établis par l’administration fiscale tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel ne permet pas à la cour, et avant elle au tribunal judiciaire, de s’assurer que les modalités de mise en oeuvre de la clause litigieuse n’avaient pas été contestées par l’administration fiscale dès les propositions de rectification.

En outre, c’est de manière judicieuse et pertinente que l’intimée souligne l’incohérence des arguments des appelants qui prétendent tout à la fois que l’administration fiscale n’avait soulevé que fort tardivement l’impossibilité de mettre en oeuvre la clause de retour à meilleure fortune pour tenter d’échapper à la prescription tout en soutenant ultérieurement dans leurs écritures (page 18, souligné par la cour) que ‘compte tenu du refus de l’administration fiscale d’accepter la mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune, la somme de 1 800 000 FF (274 408,23 euros) était considérée non comme une charge déductible, mais comme une distribution de bénéfices’.

Enfin, il résulte des motifs décisoires de l’arrêt de la cour administrative d’appel du 7 mars 2012 (pièce 7 produite par les appelants) que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette juridiction a expressément indiqué que la position de l’administration fiscale avait été constante depuis l’instruction de la procédure d’imposition en ce qu’elle a invariablement reproché aux intéressés, fondant le redressement en particulier sur ce point, d’avoir déduit en charge exceptionnelle la somme de 1 800 000 FF au titre de la mise en oeuvre d’une clause de retour à meilleure fortune en faveur de son dirigeant à la suite des abandons de créances consentis par ce dernier de 1995 et 1998 sans justifier que les conditions de mise en oeuvre de cette clause, telles qu’elles résultent des délibérations du conseil d’administration antérieures à la constatation de la charge litigieuse, étaient remplies (page 4 de cet arrêt). Il est ainsi établi que les appelants ne peuvent sérieusement prétendre que la position de l’administration fiscale a changé au stade de l’appel et qu’ils ont pris connaissance des faits leur permettant d’agir (à savoir la date de réalisation du dommage, celle à laquelle il a été révélé à la victime, sa manifestation) à compter du 7 mars 2012 seulement. Il est également aisé de comprendre, en raison de ces éléments, les raisons pour lesquelles les appelants n’ont pas entendu verser aux débats les éléments de preuve réclamés, en vain, par leur adversaire.

Il découle de l’ensemble des éléments qui précède que le jugement ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il déclare irrecevable l’action engagée par la société Acazoir et par M. [K] à l’encontre de la société Fidecy.

En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu’il déboute la société Acazoir et M. [K] de ses demandes parce que, en prononçant l’irrecevabilité de l’action, le juge s’interdit d’examiner le fond.

Sur l’amende civile

Aux termes de l’article 559 du code de procédure civile, en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages intérêts qui lui seraient réclamés.

En l’espèce, il est clair que la société Acazoir et M. [K] n’ont tenu aucun compte des motifs du jugement et ont persisté à réitérer des moyens infondés auxquels le premier juge a répondu de manière pertinente et circonstanciée ; qu’il a, en particulier, exactement rappelé qu’il leur revenait de justifier, autrement que par de simples affirmations sans offre de preuve, n’avoir eu connaissance des faits leur permettant d’agir qu’à compter du 7 mars 2012, ce qu’ils n’ont toujours pas fait à hauteur d’appel. Pire, ils produisent des pièces qui les démentent.

Il s’ensuit que la société Acazoir et M. [K], par ce comportement procédural téméraire, ont commis une faute faisant dégénérer en abus l’exercice de leur droit d’appel.

Il s’ensuit qu’ils seront condamnés, in solidum, à une amende civile d’un montant de 5 000 euros.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Acazoir et M. [K], qui succombent, seront condamnés aux dépens d’appel. Par voie de conséquence, leur demande au titre des frais exposés pour assurer leur défense en appel sera rejetée.

Il apparaît équitable d’allouer à la société Fidecy la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les appelants seront condamnés au paiement de cette indemnité.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

INFIRME le jugement en ce qu’il déboute la société Acazoir et M. [D] [K] de l’intégralité de leurs demandes ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Acazoir et M. [K] aux dépens d’appel ;

REJETTE la demande de la société Acazoir et de M. [K] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Acazoir et M. [K] à verser à la société Fidecy la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société Acazoir et M. [K] à une amende civile de 5 000 euros.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon