Augmentation de capital : décision du 21 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02974

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Augmentation de capital : décision du 21 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02974

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02974 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IEKX

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

21 juillet 2021

RG:2019J121

S.A.S. NIMOTEL LA BRANDADE

C/

S.A.S. AUDACIA

Grosse délivrée

le 21 JUIN 2023

à Me Hubert MARTY Me Marie-camille CHEVENIER

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 21 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 21 Juillet 2021, N°2019J121

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S. NIMOTEL LA BRANDADE, Immatriculée au RCS de Nîmes sous le n° 481 775 633, représentée par son président demeurant en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hubert MARTY de la SELARL P.L.M.C AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. AUDACIA, société par actions simplifiée au capital de 457.000 Euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 492 471 792, prise en la personne de son président en exercice domicilié es qualités audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-camille CHEVENIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Emmanuel D’ESPARRON, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 19 Mai 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 21 Juin 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’appel interjeté le 29 juillet 2021 par la S.A.S. Nimotel La Brandade à l’encontre du jugement prononcé le 21 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2019J121,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 mai 2022 par l’appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 septembre 2022 par la S.A.S. Audacia, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l’ordonnance du 16 janvier 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 19 mai 2023,

Vu les notes en délibéré transmises les 7 et 9 juin 2023 par les parties, à la demande de la cour qui a entendu relever d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande en paiement des factures de la société Audacia des années 2015, 2016 et 2017, en application des articles L.622-21 I 1° et L.631-14 du code de commerce

La société Nimotel la Brandade, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nîmes sous le numéro 481 775 633, exploite un ensemble hôtelier sis [Adresse 5] à [Localité 2]. Son capital était initialement détenu à 100% par la société Almendricos, holding familiale.

La société Audacia, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 492 471 792, est une société de gestion agréée par l’Autorité des Marchés financiers, investissant dans d’autres sociétés, pour le compte de ses mandants, personnes physiques recherchant le bénéfice d’avantages fiscaux.

La société Nimotel dont le plan de sauvegarde avait été arrêté le 30 avril 2013 par le tribunal de commerce, a souhaité procéder à une augmentation de capital afin de financer le développement de son activité.

Aux termes d’un protocole d’investissement du 3 décembre 2013, la S.A.S. Nimotel La Brandade s’est engagée à émettre des bons de souscription d’actions (BSA) au profit exclusif des souscripteurs qui auront mandaté la S.A.S. Audacia et à prêter, gratuitement et pendant la durée du mandat de représentant des porteurs des actions de préférence, une action à la S.A.S. Audacia.

Le 9 décembre 2013, une assemblée générale extraordinaire s’est tenue aux termes de laquelle 245 692 actions de préférences (ADP13) ont été créées et attribuées à 942 investisseurs ayant apporté 2 456 920 euros.

La société Audacia a annuellement facturé à la société Nimotel des honoraires de frais d’animation et de représentation des porteurs à hauteur de 4% des capitaux investis, soit de 98 276,80 euros HT.

Le 5 mars 2014, la société Nimotel s’est acquittée d’une facture d’honoraires d’un montant de 98 276,80 euros HT, soit de 117 932,16 euros TTC.

Par jugement du 12 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Nimotel La Brandade. Un plan de redressement a été arrêté par jugement du 29 janvier 2019.

Le 19 décembre 2018, l’administrateur judiciaire de la société Nimotel a saisi le juge commissaire d’une demande de résiliation de la convention de représentation.

Par exploit du 28 mars 2019, la société Nimotel a fait assigner la société Audacia devant le tribunal de commerce aux fins notamment de voir prononcer la nullité de la convention de représentation et ordonner le remboursement des factures payées à tort pour un montant de 235 864,32 euros.

La S.A.S. Audacia a soulevé la prescription de la demande en nullité du protocole d’investissement et a formé une demande reconventionnelle en paiement des factures d’honoraires des années 2015 à 2020.

Par jugement du 21 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa de l’article 2224 du code civil :

Sur les demandes de la société Nimotel :

-Constaté que la demande en nullité du protocole établi par Nimotel a été engagée plus de cinq ans après la conclusion du protocole

-Déclaré prescrites les recherches de nullité des différentes factures annuelles émises par Audacia depuis 2013, ainsi que de la convention de représentation

-Dit que la prestation de représentation annuelle est licite et ne constitue pas une rémunération sous forme d’intérêt du capital investi

-Débouté en conséquence la requérante de l’intégralité de ses demandes

Sur les demandes reconventionnelles de la société Audacia :

-Constaté que la société Nimotel est redevable envers la société Audacia de la somme de 648 626,88 euros TTC au titre des factures impayées et échues

-Condamné la société Nimotel au paiement de la somme de 648 626,88 euros TTC avec intérêts à un taux directeur de la Banque centrale majoré de 10% calculé prorata temporis sur la base du nombre de jours écoulés à compter de la date d’exigibilité jusqu’au jour du paiement total et effectif, et d’un mois de 30 jours

-Rejeté la demande de la condamnation de la société Nimotel à titre de dommages et intérêts

-Dire qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire du jugement

-Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

-Condamné la SAS Nimotel la Brandade aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 29 juillet 2021, la S.A.S. Nimotel la Brandade a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu’elle a déclaré prescrites les recherches de nullité des différentes factures annuelles émises par Audacia depuis 2013, ainsi que de la convention de représentation, dit que la prestation de représentation annuelle est licite et ne constitue pas une rémunération sous forme d’intérêt du capital investi et condamné la société Nimotel au paiement de la somme de 648 626,88 euros TTC avec intérêts à un taux directeur de la Banque centrale majoré de 10% calculé prorata temporis sur la base du nombre de jours écoulés à compter de la date d’exigibilité jusqu’au jour du paiement total et effectif, et d’un mois de 30 jours.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.A.S. Nimotel la Brandade, appelante, demande à la cour de :

-Réformer la décision entreprise dans toutes ses dispositions

Sur la prescription, vu l’article 1185 du code civil, vu l’assignation du 28 mars 2019 :

-Dire et juger que l’exception de nullité du contrat de représentation de 2013 et des factures émises depuis est perpétuelle et peut être soulevée à l’encontre de la demande de paiement des factures annuelles de représentation émises depuis 2013

-Dire et juger non prescrite la recherche de nullité depuis 2013

-Dire et juger à tout le moins que les différentes factures annuelles émises par Audacia au titre de la représentation et postérieures au 28 mars 2014 peuvent faire l’objet d’une demande de nullité, cette demande n’étant pas irrecevable sur le terrain de la prescription

Sur le fond :

Tenant les factures émises par Audacia au titre des frais d’animation et de représentation des porteurs D’ADP 2013 mentionnant un taux de 4% du montant du capital investi, tenant la quasi absence de travail effectif, tenant le mode de calcul de ses honoraires constitués par l’application d’un taux de 4% sur le capital investi, vu les articles L. 232-15 du code de commerce, les articles 1905 et suivants du code civil, vu l’article 1832 alinéa 1 du code civil, vu les articles 1126 et 1129 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’époque, relatifs à l’objet des conventions,

-Dire et juger sans objet la convention de représentation et les facturations émises au titre des honoraires de représentation par la société Audacia depuis 2013 et à tout le moins le 28 mars 2014;

-Dire et juger nulle, en conséquence, la convention de représentation et annuler toutes les factures émises sur ce fondement;

Vu les articles 1131 et 1832 du code civil dans leur rédaction applicable à l’époque relatifs à la cause et à l’obligation de contribution aux pertes d’un associé,

-Dire et juger la convention dépourvue de cause ou réalisée sur une cause illicite visant à détourner l’obligation d’un associé de contribuer aux pertes;

Subsidiairement :

Vu les articles 1905 et suivants du code civil, dans leur rédaction applicable à l’époque,

-Re-qualifier les honoraires facturés en intérêts financiers;

-Dire et juger ces intérêts non dus car non contractuellement stipulés en tant que tels;

-Dire et juger nulles et non avenues les factures d’intérêt qualifiées d’honoraires effectuées par Audacia depuis 2013 et à tout le moins le 28 mars 2014;

Subsidiairement sur la demande reconventionnelle :

Vu les articles L. 631-14 et L. 622-7 du code de commerce,

-Juger que les factures Audacia antérieures à la date du redressement judiciaire de la société Nimotel la Brandade, soit le 12 septembre 2017, pour un montant de 353 796,48 euros ne peuvent faire l’objet d’une condamnation à paiement mais simplement d’une admission au passif dont l’apurement est prévu par le plan de continuation;

-Condamner Audacia au paiement d’une somme de 7 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que la prescription ne peut lui être opposée, en raison du principe de perpétuité de l’exception de nullité ; de plus, le contrat de représentation est un contrat à exécution continue et chaque facturation constitue un nouveau contrat susceptible de fonder ou non un nouveau titre de créance dont le support comptable n’est que la facture.

Sur le fond, l’appelante expose qu’il est interdit de stipuler en faveur d’un actionnaire un intérêt fixe, la clause étant réputée non-écrite; or, la société intimée, actionnaire, perçoit en rémunération annuelle 4% de la somme investie, représentant un taux d’intérêt annuel fixe et non la rémunération d’un travail par des honoraires. Les prestations facturées par la société intimée sont quasi-inexistantes et la convention, dépourvue de substance, est nulle pour absence de cause et d’objet. Les diligences effectuées par l’intimée, avant la levée de fonds, ont déjà été facturées et payées. Il en est de même de la levée de fonds. En outre, l’objet et la clause de l’obligation sont illicites, les associés partageant les bénéfices et contribuant aux pertes, ce qui exclut tout dividende fixe. L’administrateur judiciaire a lui-même indiqué, dans sa requête en résiliation de la convention de prestation de représentation présentée au juge commissaire, qu’il n’y avait pas de contrepartie au coût de cette prestation.

Subsidiairement, l’appelante indique que les honoraires facturés, qui doivent être re-qualifiés en intérêts financiers, sont indus car non contractuellement stipulés en tant que tels.

Subsidiairement sur la demande reconventionnelle, l’appelante fait observer que les factures des 3 mars 2015, 17 février 2016 et 23 février 2017, d’un montant total de 353 796,48 euros sont antérieures à la date d’ouverture du redressement judiciaire de la société appelante ; cette somme ne peut faire l’objet d’une condamnation au paiement mais d’une simple fixation au passif dont l’apurement est prévu par le plan de continuation.

Dans sa note en délibéré transmise le 7 juin 2023, l’appelante précise que les demandes en paiement par l’intimée des factures 2015, 2016 et 2017 sont irrecevables, en application des articles L.622-21 I 1° et L.631-14 du code de commerce.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.A.S. Audacia, intimée, demande à la cour, au visa de l’article 1134 ancien du code civil, des articles 1131, 1133 du code civil, des articles 515, 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

-Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes en toutes ses dispositions et,

-Juger que la demande en nullité du protocole établie par Nimotel a été engagée plus de cinq ans après la conclusion du protocole;

-Juger que la demande de nullité du protocole est prescrite;

-Juger l’existence d’un objet dans le protocole signé;

-Juger l’existence et la licéité d’une cause dans le protocole signé;

-Juger que la société Nimotel ne règle pas les factures émises par la société Audacia en application des dispositions du protocole;

-Juger que la société Nimotel est débitrice de la société Audacia pour la somme de six cent quarante huit mille six cent vingt six euros et quatre vingt huit centimes (648 626,88 euros) TTC, somme arrêtée au 8 juillet 2020;

-Débouter l’appelante de l’intégralité de ses demandes

Reconventionnellement,

-Condamner la société Nimotel au paiement des factures impayées pour la somme de six cent quarante huit mille six cent vingt six euros et quatre vingt huit centimes (648 626,88 euros) TTC, avec intérêt à un taux directeur de la Banque Centrale majoré de 10%, calculé prorata temporis sur la base du nombre exact de jours écoulés à compter de la date d’exigibilité jusqu’au jour du paiement total et effectif, et d’un mois de 30 jours;

-Condamner la société Nimotel au paiement de la somme de vingt mille euros (20 000 euros) à titre de justes dommages-intérêts pour sanctionner sa procédure abusive, d’une particulière mauvaise foi;

Subsidiairement,

-Ordonner la modification du plan de continuation et l’adoption à 100% de la créance antérieure d’Audacia, d’un montant de 353 796,48 euros;

-Ordonner la compensation des sommes et condamner la société Nimotel au paiement de la somme de deux millions deux cent vingt et un mille cinquante cinq euros et soixante dix centimes (2 221 055,70 euros);

-Condamner la requise aux entiers dépens et au paiement d’une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’intimée fait valoir, à titre liminaire, que l’action de l’appelante est prescrite, les actions personnelles ou mobilières se prescrivant par cinq ans; le protocole datant du 2 décembre 2013, l’action en nullité est prescrite depuis le 3 décembre 2018; or, l’assignation a été délivrée le 28 mars 2019 ; l’exception de nullité n’est pas applicable puisqu’il s’agit d’un moyen de défense ; or, la société appelante agit en demande ; de plus, cette exception n’est perpétuelle que si le contrat n’a reçu aucune exécution, ce qui n’est pas le cas puisque la société appelante a payé de nombreuses factures avant de connaître des difficultés ; aucune disjonction n’est possible entre les factures et la convention initiale, les prestations de la société appelante s’inscrivant dans le même cadre contractuel.

Sur le fond, l’intimée soutient qu’elle n’a prêté aucune somme à la société appelante ; elle a permis une levée de fonds de la part de neuf cent quarante deux porteurs et intervient comme mandataire de ces derniers ; ses prestations sont licites ; elle est intervenue en amont de l’opération d’entrée des nouveaux investisseurs pour identifier et analyser la société appelante et négocier l’augmentation de capital réalisée ; en aval, elle a mis en place et assuré la tenue annuelle du registre des actions de préférence, représenté valablement l’intégralité des porteurs, fait des comptes rendus semestriels à destination de ses investisseurs, organisé et animé la vie sociale des actions de préférence, assuré la mission de génération informatique et d’archivage des documents fiscaux à communiquer aux associés ; de plus, l’administration fiscale a admis la déductibilité des factures de l’intimée, démontrant l’existence des prestations correspondantes ; ses prestations sont fournies et facturées en qualité de mandataire et non comme associée de la société appelante ; sa rémunération constitue donc des honoraires de gestion, définis contractuellement et statutairement ; sans le protocole et les conditions qu’il fixe, la société appelante n’aurait pu bénéficier de la levée de fonds ; de plus, sans ce protocole, la société appelante n’aurait pu effectuer ses prestations; cette dernière a payé certaines factures sans en contester le bienfondé, prouvant l’existence de la cause; de plus, il appartient à la société appelante de démontrer en quoi la clause de commission serait prohibée par la loi, contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public.

Subsidiairement, l’intimée indique que s’il devait être considéré que le protocole est nul, il devrait être procédé à l’intégralité des restitutions entre les parties ; ainsi, la société appelante devrait être condamnée à la restitution de la somme de 2 456 920 euros, tout comme la société intimée devrait rembourser la somme de 235 864,32 euros au titre des factures payées ; dès lors, en application du mécanisme de la compensation, la société appelante devrait être condamnée au paiement de la somme de 2 221 055,70 euros. S’agissant des factures 2015 à 2017 antérieures au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, si la cour devait retenir la demande de l’appelante en fixation de la somme de 353 796,48 euros au passif, elle ordonnerait la modification du plan de continuation ; la créance de la société intimée ne pourra être que retenue à 100%.

Dans sa note en délibéré transmise le 9 juin 2023, l’intimée indique qu’elle a valablement déclaré sa créance par acte du 5 octobre 2017. Le mandataire judiciaire a contesté cette créance arguant précisément qu’une procédure contentieuse était en cours. C’est donc pour rester cohérent avec la position du mandataire qu’elle a sollicité reconventionnellement la condamnation de l’appelante au paiement des factures de 2015, 2016 et 2017.

Eu égard à ces précisions, l’intimée demande à la cour de prendre acte du contentieux préexistant entre les parties et de condamner l’appelante au paiement des factures impayées pour la somme de 648 626,88 euros TTC. Subsidiairement, si la cour devait faire application des dispositions de l’article L. 622-21 du code de commerce, elle lui demande de juger que les factures 2015, 2016 et 2017 sont juridiquement causées, bien qu’antérieures, et d’ordonner la modification du plan de continuation et l’adoption à100% de sa créance antérieure, d’un montant de 353 796,48 euros.

En tout état de cause, l’intimée sollicite la condamnation de l’appelante au paiement des factures postérieures d’un montant de 294 830,40 euros à parfaire avec les factures postérieures.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la validité de la convention de représentation et des factures

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La S.A.S. Nimotel La Brandade a pris l’initiative d’assigner la S.A.S. Audacia devant le tribunal de commerce de Nîmes, par exploit du 28 mars 2019, aux fins de voir dire et juge nulle la convention de représentation et ordonner le remboursement des factures prétendument payées à tort pour 235 864,32 euros.

La S.A.S. Nimotel La Brandade n’a donc pas agi par voie d’exception de sorte qu’elle est mal fondée à invoquer la caractère perpétuel de l’exception de nullité.

C’est, par conséquent, à bon droit que les premiers juges ont considéré que l’action en nullité était prescrite comme ayant été introduite plus de cinq années après la signature du protocole d’investissement signé le 3 décembre 2013.

Pour faire échec à la prescription, la S.A.S. Nimotel La Brandade soutient désormais que le contrat de représentation étant un contrat à exécution continue, chaque facture, prise isolément, émise par la S.A.S. Audacia au titre des cinq dernières années peut faire l’objet d’une critique ; qu’en effet, chaque facturation constitue un nouveau contrat susceptible de fonder ou non un nouveau titre de créance dont le support comptable n’est que la facture.

Les parties n’ont pas conclu d’autre contrat que le protocole d’investissement du 3 décembre 2013 prévoyant que le représentant des porteurs des actions de préférence (ADP2013), au titre de la gestion des relations de la société Nimotel La Brandade avec les porteurs des ADP2013, percevrait une rémunération annuelle égale à 4% du montant total reçu par la société Nimotel La Brandade au titre de la souscription des ADP2013 augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée.

Les factures litigieuses n’ont été émises à partir du mois de mars 2014 que pour permettre l’exécution par la S.A.S. Nimotel La Brandade des obligations contractées le 3 décembre 2013. La S.A.S. Nimotel La Brandade est irrecevable en sa demande d’annulation du protocole d’investissement en vertu duquel les factures litigieuses ont été établies et elle n’invoque que des moyens tenant à l’absence de validité du contrat lui-même en raison de son contenu ; dès lors, il convient de la débouter de sa demande d’annulation des dites factures qui ne sont affectées d’aucune cause d’irrégularité intrinsèque.

2) Sur la requalification des honoraires facturés

Les honoraires facturés ne sauraient être requalifiés en intérêts financiers alors que le protocole d’investissement signé le 3 décembre 2013 stipule en son article 7-3 que le représentant des porteurs des ADP2013 recevra la rémunération annuelle prévue à l’article 3.4b en ‘rémunération de son rôle actif dans la gestion des relations de la société entretenues avec les porteurs des ADP2013″. Il a donc été convenu de manière explicite entre les parties que l’intimée percevrait personnellement des honoraires en contrepartie des services rendus à la société appelante. Ces honoraires ne sauraient être assimilés aux intérêts d’un prêt alors que la société intimée n’a joué qu’un rôle de mandataire des porteurs des ADP2013 et que ce sont ces derniers qui ont apporté les fonds d’un montant de 2 456 920 euros à la société appelante.

3) Sur la demande reconventionnelle en paiement des factures

Aux termes des articles L.622-21 I 1° et L.631-14 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L.622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

En l’espèce, par jugement du 12 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société appelante. Dès lors, la demande reconventionnelle en paiement formée par la société intimée au cours de l’instance introduite le 28 mars 2019 par la société appelante est irrecevable en ce qui concerne les factures des 3 mars 2015, 17 février 2016 et 23 février 2017 qui constituent des créances antérieures à l’ouverture de la procédure collective.

La cour n’a nullement le pouvoir de statuer sur l’admission de ces créances antérieures au passif du redressement judiciaire de l’appelante et d’ordonner une quelconque modification du plan de continuation adopté par une décision non frappée de recours.

En revanche, l’intimée est bien fondée en sa demande en paiement des factures des 15 février 2018, 2 mars 2020 et 8 juillet 2020 d’un montant de 294 830,38 euros, avec intérêts à un taux directeur de la Banque centrale européenne majoré de10%, calculé prorata temporis sur la base du nombre exact de jours écoulés à compter de la date d’exigibilité jusqu’au jour du paiement total et effectif, et d’un mois de 30 jours, conformément à l’article 7.5 du protocole d’investissement .

4) Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive

La société intimée ne démontre pas avoir subi du fait de la procédure un préjudice distinct de celui découlant de l’obligation dans laquelle elle s’est trouvée de devoir assurer sa défense; ainsi le jugement attaqué sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

5) Sur les frais du procès

L’appelante qui succombe sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’intimée et de lui allouer une indemnité de 3 000 euros, à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a condamné la société Nimotel au paiement de la somme de 648 626,88 euros TTC

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevable la S.A.S. Audacia en sa demande en paiement des factures des 3 mars 2015, 17 février 2016 et 23 février 2017

Condamne la S.A.S. Nimotel La Brandade à payer à la S.A.S. Audacia la somme de 294 830,38 euros, au titre des factures des 15 février 2018, 2 mars 2020 et 8 juillet 2020, avec intérêts à un taux directeur de la Banque centrale européenne majoré de10%, calculé prorata temporis sur la base du nombre exact de jours écoulés à compter de la date d’exigibilité jusqu’au jour du paiement total et effectif, et d’un mois de 30 jours, conformément à l’article 7.5 du protocole d’investissement

Y ajoutant,

Condamne la S.A.S. Nimotel La Brandade aux entiers dépens d’appel,

Condamne la S.A.S. Nimotel La Brandade à payer à la S.A.S. Audacia une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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