Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2023
(n° , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13519 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 03 Juin 2022 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2020030647
APPELANTES
S.A.S. DIGITAL AUTO PARTS HOLDING
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 843 745 712
S.A.S. PARTS HOLDING EUROPE
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 488 077 165
Représentées par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153
INTIMEE
S.A.S. ÏNDENOÏ
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 532 481 348,
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Antoine DEROT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT, Présidente
Mme Isabelle ROHART, Conseillère
Mme Déborah CORICON, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.
ARRET :
– contradictoire,
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.
**********
Exposé des faits et de la procédure
La société Oscar Holding est la société holding de la société Oscaro.com créée en février 2001 et dont l’activité est la vente de pièces automobiles par le biais d’une plateforme en ligne.
La principale associée de la société Oscar Holding était la société Indenoï.
Le Président du Tribunal de commerce de Paris a ouvert une enquête sur la situation financière de la société Oscaro.com, à la demande du parquet par jugement du 9 mai 2018.
La société Oscaro.com rencontrant des difficultés financières, la société Indenoï a recherché de nouveaux investisseurs.
Le 4 juillet 2018 la société Oscaro.com a obtenu du Tribunal de commerce de Paris la désignation de Monsieur [I] [W] en qualité de mandataire ad hoc.
Le 17 juillet 2018, le capital d’Oscar Holding a été ouvert au groupe Parts Holding Europe PHE, l’un des fournisseurs de Oscaro.com qui souscrivait à une augmentation de capital par apport en numéraire. A l’issue de cette augmentation de capital le groupe PHE détenait une participation de 4,95% dans le capital d’Oscar Holding.
Par requête du 19.10.2018 la société Oscaro.com demandait qu’il soit mis fin à la mission du mandataire ad’hoc et que soit désigné un conciliateur en la personne de Me [K]. Il était fait droit à cette demande par ordonnance en date du 30.10.2018
Le 13 novembre 2018, les sociétés du groupe Oscar Holding, et les sociétés DAPH (Digital Auto Parts Holding) et PHE (Part Holding Europe) ont conclu un Protocole de Conciliation, aux termes duquel DAPH se substituant à sa société mère PHE a porté sa participation dans le capital de la société Oscar Holding à 82.49% pour un coût de 81.130.000 euros s’agissant:
d’une part d’une augmentation de capital de 55 millions d’euros,
d’autre part d’un achat d’une partie des actions détenues par la société Indenoï, pour une somme de 26.130.000 euros, réglée à hauteur de 13.850.000 à Indenoï, et à hauteur de 6.500.000 euros aus sociétés du groupe Oscar Holding pour le compte d’Indenoï et des sociétés affiliées.
La société Indenoï est restée actionnaire minoritaire à hauteur de 17,51% du capital.
Dans le cadre de cette acquisition, Indenoï a consenti à DAPH une garantie d’actif et de passif et s’est ainsi engagée à garantir DAPH, notamment de :
‘Toute augmentation du passif (au sens du plan comptable) du Groupe Oscar Holding ou diminution de l’actif (au sens du plan comptable) du Groupe Oscar Holding (à l’exclusion d’une diminution des impôts différés) entre la Situation Comptable à la Date de Réalisation et la Situation Comptable au 19 octobre 2018.’
Il était pour cela prévu à l’article 12.1 du Protocole de Conciliation : « Oscar Holding devra établir, dans les neuf (9) mois suivant la Date de Réalisation, une situation comptable consolidée (bilan, compte de résultat et cashflow) de l ‘état du passif (échu et à échoir) du Groupe Oscar Holding résultant d’engagements souscrits par Groupe Oscar Holding jusqu’à la Date de Réalisation et de l’actif du Groupe Oscar Holding à la Date de Réalisation auditée et certifée par le commissaire aux comptes. Cette situation devra être établie en appliquant les méthodes et règles comptables en vigueur selon les normes applicables en France et conformément aux normes appliquées pour la clôture des comptes réalisée au 31 décembre 2017. Cette situation sera revue par Eight Advisory et rapprochée des comptes annuels consolidés audités au 31 décembre 2018 (la ‘Situation Comptable à la Date de Réalisation’). La situation Comptable à la date de réalisation fera foi entre les Parties sauf fraude ».
Le Protocole soumettait cette garantie d’Indenoï à une franchise globale d’un montant de 5.000.000 euros.
Une somme de 5.000.000 euros était prélevée sur le prix de vente et séquestrée afin de garantir le paiement des indemnités pouvant résulter d’éventuelIes réclamations au titre des garanties accordées.
La libération des fonds devait intervenir de façon progressive entre novembre 2019 et avril 2023, en fonction des réclamations en cours.
Les sociétés DAPH et PHE ont mis en oeuvre la garantie consentie en faisant valoir une augmentation du passif entre le 19.10.2018 et le 13.11.2018.
Indenoï s’est opposé à celle-ci arguant que les conditions de mise en jeu de la garantie contractuelle relative à l’écart de Situation Nette n’avaient pas été respectées, qu’ainsi le chiffrage de la réclamation présenté par DAPH ne présentait pas le degré de fiabilité requis pour donner lieu à indemnisation et qu’il convenait donc de libérer les sommes séquestrées.
Fin 2019, les parties ont tenté une médiation pour mettre un terme à leur différend.
La médiation a abouti, le 30 janvier 2020, à la signature entre Indenoï, DAPH et PHE d’un Protocole transactionnel valant Avenant au Protocole de Conciliation.
Cet accord prévoit, notamment, le paiement par DAPH à Indenoï d’un complément de prix de 4.750.000 euros sur la vente des titres d’Oscar Holding,et la transmission de documents par le cabinet Eight Advisory au cabinet Abergel & Associés afin de lui permettre d’échanger sur les travaux de Eight Advisory relatifs à la situation comptable et financière au 13 novembre 2018.
Aucun autre accord n’a pu intervenir entre les parties, et les fonds restant séquestrés, la société Indenoï a fait assigner les sociétés DAPH et PHE devant le tribunal commerce pour obtenir au principal la levée du séquestre.
Reconventionnellement les sociétés DAPH et PHE ont demandé au tribunal de commerce de dire que la réclamation effectuée par elles était bien fondée et en conséquence de condamner la société Indenoï à verser à DAPH la somme de 3,4 millions d’euros, de dire recevable les autres réclamations effectuées, fondées sur la mobilisation de la garantie d’actif et de passif (contrôles Urssaf, locaux de Bernin, projet Diligo), de condamner en conséquence Indenoï au paiement de la somme de 753.992 euros au titre du contrôle Urssaf sur Oscaro.com et de dire que celle ci devra garantir les défenderesses au titre des préjudices subis s’agissant des autres réclamations.
Le 6 mai 2021, DAPH a adressé au Séquestre une instruction de libération partielle des fonds au profit d’INDENOl, à hauteur de 883.678 euros.
Par jugement du 3.06.2022 le tribunal de commerce:
a débouté la SAS DIGITAL AUTO PARTS HOLDING et la SAS PARTS HOLDINGS EUROPE de leur demande reconventionnelle au titre de l’écart de situation nette,
les a débouté de leurs autres demandes reconventionnelles au titre de la garantie de passif,
a ordonné au Séquestre Juridique de I’Ordre des Avocats de Paris de verser le montant du compte créditeur dudit compte (2 116 322 €) à la société INDENOÎ sur présentation d’une copie du jugement;
a débouté la société INDENOÏ de sa demande d’intérêts moratoires,
a débouté la société INDENOÏ de ses demandes de dommages et intérêts relatives aux honoraires de l’expert et des avocats,
a débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires au présent dispositif,
a dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
a condamné les SAS DIGITAL AUTO PARTS HOLDING et PARTS HOLDINGS EUROPE aux dépens de l’instance.
Sur la demande principale au titre de la garantie de l’augmentation du passif entre le 19.10.2018 et le 13.11.2018, le tribunal a retenu que la demande faite par les sociétés DAPH et PHE se fondait sur un travail réalisé par le commissaire aux comptes de la société, la société Deloitte, qui a indiqué que son travail est celui d’un examen limité et non d’un audit, que cependant la mention ‘auditée et certifiée par le commissaire aux comptes’ prévue dans l’acte du 13.11.2018, signifiait un audit complet, que ce serait vider la convention de garantie d’un élément essentiel que de considérer qu’un examen limité répond aux stipulations contractuelles et à la commune intention des parties. Le tribunal a donc débouté les appelantes de leur demande de garantie.
Puis il a débouté les appelantes de leurs autres demandes de mobilisation de la garantie d’actif et de passif en relevant que les montants réclamés étaient inférieurs à la franchise d’indemnisation.
Les sociétés DAPH et PHE ont formé appel par déclaration d’appel du 13.07.2022.
Le jugement étant assorti de l’exécution provisoire, le Séquestre a libéré la somme de 2.116.322 euros au profit d’Indenoï, le 11 juillet 2022, étant précisé qu’en vertu de la Convention de Séquestre, 2 millions d’euros restaient sous séquestre jusqu’au 1er avril 2023.
Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 23.05.2023 les sociétés Digital Auto Parts Holding et Parts Holding Europe demandent à la cour de:
DECLARER DAPH et PHE recevables et bien fondées en leur appel,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :
o Débouté DAPH et PHE de leur demande reconventionnelle de condamnation de Indenoï à leur régler la somme de 3,4 millions d’euros au titre de l’écart de situation nette au titre de la garantie d’actif et de passif,
o Débouté DAPH et PHE de leurs autres demandes reconventionnelles formulées au titre de la garantie d’actif et de passif,
o Débouté DAPH et PHE de leur demande au titre de l’article 700 du du code de procédure civile,
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :
o Débouté Indenoï de sa demande d’intérêts moratoires sur les sommes séquestrées;
o Débouté Indenoï de 1’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts relatives aux honoraires de l’expert et des avocats;
o Débouté Indenoï de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
ET STATUANT A NOUVEAU:
RECEVOIR DAPH et PHE dans l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
JUGER que la Réclamation en date du ler août 2019 est recevable et bien fondée et a été effectuée conformément au protocole de conciliation du 13 novembre 2018 ;
JUGER qu’Indenoï est redevable envers DAPH de la somme de 3,4 millions d’euros ;
JUGER que les réclamations adressées par DAPH à Indenoï au titre de contrôle des URSSAF sur la société Oscaro.com sont recevables et bien fondées ;
JUGER qu’Indenoï devra garantir DAPH de son préjudice au titre des réclamations relatives au contrôle des URSSAF sur la société Oscaro.com pour un montant global de 753.992 euros ;
JUGER que les réclamations adressées par DAPH à Indenoï au titre de contrôle des URSSAF sur la société Oscar Holding sont recevables et bien fondées ;
JUGER qu’Indenoï devra garantir DAPH de son préjudice au titre des réclamations relatives au contrôle des URSSAF sur la société Oscar Holding au titre de l’année 2018 pour un montant global de 19.018 euros ;
JUGER que la réclamation adressée par DAPH à Indenoï le 31 mars 2020 au titre des locaux de [Localité 5] est recevable et bien fondée ;
JUGER que la réclamation adressée par DAPH à Indenoï le 23 avril 2020 au titre du projet « Diligo » est recevable et bien fondée ;
JUGER qu’Indenoï, devra garantir DAPH de son préjudice au titre des réclamations relatives au projet « Diligo » pour un montant global de 327.015,80 euros ainsi que toute somme complémentaire que Oscar Holding ou Oscaro.com serait tenue de rembourser à BPI France au titre du projet Diligo ;
Y ajoutant :
JUGER la demande de libération du solde des fonds séquestrés au profit d’Indenoï infondée;
En conséquence,
CONDAMNER Indenoï à verser à DAPH la somme de 3,4 millions d’euros ;
CONDAMNER Indenoï à verser à DAPH la somme de 753.992 euros au titre de contrôle des URSSAF sur la société Oscaro.com;
CONDAMNER Indenoi à verser à DAPH la somme de 19.018 euros au titre de contrôle des URSSAF sur la société Oscar Holding;
CONDAMNER Indenoï ou tout tiers subrogé dans ses droits, à garantir DAPH de son préjudice au titre des locaux de [Localité 5] et notamment de toute somme qui serait mise à sa charge par le bailleur ainsi que tous les frais et accessoires;
CONDAMNER Indenoï à verser à DAPH la somme de 327.015,80 euros ainsi que toute somme complémentaire que Oscar Holding ou Oscaro.com serait tenue de rembourser à BPI France au titre du projet Diligo;
ORDONNER la libération du solde du montant séquestré, soit la somme de 2.000.000 euros, au profit de DAPH;
DEBOUTER Indenoï de sa demande de libération du solde des fonds séquestrés
DEBOUTER Indenoï de toutes ses demandes, fins et prétentions;
DEBOUTER Indenoï de ses demandes au titre de son appel incident;
CONDAMNER Indenoï à payer à DAPH et PHE la somme de 200.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et la procédure d’appel;
CONDAMNER Indenoï aux dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 24.05.2023 la société Indenoï demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 3 juin 2022 en ce qu’il a débouté les sociétés Digital Auto Parts Holding (DAPH) et Parts Holding Europe (PHE) de leur demande reconventionnelle au titre de l’écart de situation nette ;
CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 3 juin 2022 en ce qu’il a débouté les sociétés DAPH et PHE de leurs autres demandes au titre de la garantie de passif ;
CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 3 juin 2022 en ce qu’il a ordonné au Séquestre Juridique de rOrdre des Avocats de Paris de verser la somme de 2.116.322 euros à la société Indenoï ;
INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 3 juin 2022 en ce qu’il a rejeté la demande d’intérêts de retard de la société Indenoï ;
INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerbe de Paris du 3 juin 2022 en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Indenoï ;
INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 3 juin 2022 en ce qu’il a rejeté la demande de la société Indenoï fondée sur les dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
ET, STATUANT A NOUVEAU DES SEULS CHEFS INFIRMES
ORDONNER au Séquestre Juridique de l’Ordre des Avocats de Paris de verser à la société Indenoï , sur présentation d’une copie de l’arrêt, le solde des fonds séquestrés, soit la somme de 2 millions d’euros en principal ainsi que les intérêts ;
DEBOUTER les sociétés DAPH et PHE de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
DIRE ET JUGER que les sociétés DAPH et PHE ont engagé leur responsabilité envers Indenoï à raison de la violation des stipulations du Protocole de conciliation du 13 novembre 2018 et de la mauvaise foi dans I’exécution de celui-ci ;
CONDAMNER solidairement les sociétés DAPH et PHE à payer à Indenoï la somme de 250.479,75 euros correspondant aux intérêts de retard ayant couru sur les sommes libérées tardivement au profit de la société Indenoï ;
CONDAMNER solidairement les sociétés DAPH et PHE à payer à Indenoï la somme de 53.000 euros, à titre de dommages et intérêts correspondant au coût de l’intervention du cabinet Abergel & Associés pour traiter la réclamation comptable infondée ;
CONDAMNER solidairement les sociétés DAPH et PHE à payer à Indenoï la somme de 169.206 euros HT euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux honoraires d’Avocat liés à la réponse aux réclamations infondées et à la procédure médiation conventionnelle ;
CONDAMNER solidairement les sociétés DAPH et PHE à payer à la société Indenoï la somme de 134.214 euros. en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, pour la première instance ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER solidairement les sociétés DAPH et PHE à payer à la société Indenoï la somme de 25.000 euros, à parfaire, en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour rappel ;
les condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le passif
Les sociétés DAPH et PHE exposent que conformément au Protocole, les mêmes équipes comptables et financières, que celles qui avaient établi une situation provisoire de l’endettement financier du groupe au 19.10.2018 ont établi la situation comptable et financière au 13 novembre 2018 postérieurement à la cession, laquelle a donné lieu à :
– une révision par le commissaire aux comptes historique du groupe OSCAR HOLDING, le cabinet DELOITTE,
– et une revue par le cabinet Eight Advisory, conseil historique d’Indenoï choisi conjointement par les deux parties,
que la situation comptable ainsi revue conformément aux dispositions du Protocole de conciliation telles que négociées et conclues entre les parties a fait ressortir une augmentation du passif net de 8,4 millions d’euros au 13 novembre 2018 par rapport au montant dudit passif estimé au 19 octobre 2018.
Elles exposent que contrairement aux critiques d’Indenoï:
(i) un audit (au sens des normes d’exercice professionnel des commissaires aux comptes) était techniquement impossible, vu l’urgence de la situation et demandant une anticipation pour permettre de réaliser des travaux complémentaires et notamment une assistance aux inventaires physiques à la date d’arrêté au 13.11.2018, et par conséquent la revue de la situation comptable et financière au 13 novembre 2018 par le commissaire aux comptes était la seule possible et donnait tout le confort nécessaire aux deux parties sur l’exactitude des postes pris en compte pour l’ajustement de prix,
(ii) la situation comptable et financière au 13 novembre 2018 a été établie en appliquant les méthodes utilisées pour les comptes audités au 31 décembre 2017 ;
(iii) OSCAR HOLDING n’a pas modifié les méthodes comptables conformément au Protocole de Conciliation mais uniquement certaines estimations comptables qui non seulement sont deux notions différentes du plan comptable mais surtout sont sans incidence car expressément exclues par le Protocole de conciliation du calcul du montant de l’indemnité due par Indenoï à DAPH ;
(iv) Eight Advisory a strictement appliqué les principes du Protocole et mis en oeuvre de bonne foi les diligences professionnelles nécessaires à l’exécution de sa mission ;
(v) Indenoï et le cabinet Abergel & Associés ne démontrent ni ne justifient une quelconque violation par DAPH des termes du Protocole.
Elles ajoutent enfin qu’Indenoï n’invoque, ni ne démontre une quelconque fraude de la part d’Oscar Holding, de DAPH et encore moins de la part du cabinet Deloitte commissaire aux comptes et du cabinet Eight Advisory et qu’en conséquence conformément au protocole signé, la situation comptable telle que calculée, vérifiée et revue s’impose à elle.
La société Indenoï expose que l’arrêté comptable prévu dans le protocole n’a pas été réalisé selon les termes clairs et précis du Protocole, qu’en effet :
– Oscar Holding a pris la liberté de changer les méthodes comptables jusqu’alors utilisées, sans même en justifier (prétextant a posteriori n’avoir modifié que les ‘estimations comptables’) ;
– le commissaire aux comptes, Deloitte, a réalisé une mission différente de celle prévue, ses travaux s’étant limités à un simple rapport d’examen limité au lieu de la mission d’audit et de certification prévue au Protocole ;
– Eight Advisory s’est également vu confier une mission bien différente de celle prévue puisque:
o DAPH lui a seulement demandé de «fournir son avis sur l’indemnité due par le Vendeur dans le cadre de la cession du groupe OH » ;
o DAPH n’ayant pas fait établir d’états financiers consolidés au 31 décembre 2018 du Groupe Oscar Holding, Eight Advisory n’a pas réalisé le second volet de sa mission prévue par l’article 12.1 du Protocole : le rapprochement de la situation comptable au 13 novembre 2018 avec les comptes annuels consolidés audités au 31 décembre 2018.
Elle expose que ces exigences contractuelles, définies d’un commun accord entre les parties, étaient pourtant déterminantes de son consentement, dans la mesure où elle ne disposait d’aucun autre moyen de s’assurer de la pertinence et de l’exactitude de la situation comptable servant de base aux Réclamations de DAPH.
Elle expose que DAPH reconnaît s’être affranchie des termes du Protocole en invoquant tantôt un abus de langage dans la rédaction de celui-ci, tantôt une absence d’impact sur le chiffrage de sa Réclamation mais souligne que les termes utilisés dans la rédaction du protocole ont fait l’objet de longues négociations étant précisé que l’accord a été conclu sous l’égide d’un mandataire judiciaire assumant une mission de conciliation et que quant à la négation de tout impact du non-respect des exigences du Protocole sur le chiffrage de variation de Situation Nette, le cabinet d’expertise comptable Abergel & Associés, intervenu à la demande d`Indenoï , établit le contraire.
Sur ce
Il était prévu à l’article 12.1 du Protocole de Conciliation que Pour les besoins de la garantie prévue, ci dessous, OSCAR HOLDING devra établir, dans les neuf (9) mois suivant la Date de Réalisation, une situation comptable consolidée (bilan, compte de résultat et cashflow) de l’état du passif (échu et à échoir) du Groupe OSCAR HOLDING résultant d’engagements souscrits par le Groupe OSCAR HOLDING jusqu’à la Date de Réalisation et de l’actif du Groupe OSCAR HOLDING à la Date de Réalisation auditée et certifée par le commissaire aux comptes. Cette situation devra être établie en appliquant les méthodes et règles comptables en vigueur selon les normes applicables en France et conformément aux normes appliquées pour la clôture des comptes réalisée au 31 décembre 2017. Cette situation sera revue par Eight Advisory et rapprochée des comptes annuels consolidés audités au 31 décembre 2018 (la ‘Situation Comptable à la Date de Réalisation’).
La situation Comptable à la date de réalisation fera foi entre les Parties sauf fraude.
L’article 12.2.1 du Protocole de Conciliation qui suit immédiatement stipule que Indenoï s’engage à verser à DAPH une indemnité correspondant à son entier préjudice, limité et calculé comme indiqué au présent protocole, résultant de l’un des événements suivants:
(a) Toute augmentation du passif ( au sens du plan comptable) du Groupe OSCAR HOLDING ou diminution de l’actif du Groupe OSCAR HOLDING ( au sens du plan comptable) entre la situation comptable à la Date de Réalisation et la situation comptable au 19 octobre 2018 . A ce titre il est précisé qu’une augmentation d’actif pourra compenser une augmentation du passif, et inversement une diminution du passif pourra compenser une diminution d’actif, étant précisé que la compensation ne pourra être effectuée (i) qu’entre des éléments de passif circulant et d’actif circulant et (ii) qu’entre des éléments de trésorerie active et trésorerie ou dette financière passive d’autre part. Il ne sera fait aucune autre compensation et aucune indemnité ne sera due au titre d’une réévaluation (en plus ou moins) de l’actif immobilisé. Enfin la société ne procédera à aucune modification des capitaux propres autres que l’affectation du résultat net de la société. Le calcul de l’ajustement sera effectué selon les modalités figurant en Annexe 12.2.1.
Les parties se sont accordées sur le principe d’une garantie d’actif et de passif et pour vérifier l’existence ou non d’une augmentation du passif ou d’une diminution de l’actif entre le 19.10.2018 et la date de réalisation, le 13.11.2018 elles ont défini un protocole s’agissant d’une part des valeurs à comparer et d’autre part des personnes procédant au calcul des situations comptables et à leur comparaison.
C’est ainsi qu’il a été prévu :
-l’établissement d’une situation comptable consolidée (bilan, compte de résultat et cashflow) de l’état du passif (échu et à échoir) du Groupe OSCAR HOLDING résultant d’engagements souscrits par le Groupe OSCAR HOLDING jusqu’à la Date de Réalisation et de l’actif du Groupe OSCAR HOLDING à la Date de Réalisation , cette situation étant établie par la société dont le capital était cédé c’est à dire Oscar Holding,
-auditée et certifiée par le commissaire aux comptes. Cette situation devra être établie en appliquant les méthodes et règles comptables en vigueur selon les normes applicables en France et conformément aux normes appliquées pour la clôture des comptes réalisée au 31 décembre 2017.
-Cette situation sera revue par Eight Advisory et rapprochée des comptes annuels consolidés audités au 31 décembre 2018 (la ‘Situation Comptable à la Date de Réalisation’).
Sur la détermination de l’indemnité
Par courrier du 1.08.2019, la société DAPH par l’intermédiaire de ses conseils a notifié à la société Indenoï une réclamation d’un montant de 3,4 millions d’euros sur le fondement de l’article 12.2.1 du protocole en exposant que la situation comptable à la date de réalisation fait ressortir une diminution de l’actif net consolidé du Groupe Oscar Holding de 8,4 millions d’euros par rapport à la situation comptable au 19.10.2018.
La demande de la cessionnaire n’est donc pas une augmentation du passif mais une diminution de l’actif net consolidé.
Le détail du calcul figure dans le rapport de Eight Advisory en page 10:
L’indemnité brute de 8,4 millions d’euros découle de:
* Une diminution de 9,6 millions d’euros de l’actif net entre le 19.10.2018 et le 13.11.2018. L’actif net de référence pour le calcul de l’indemnité a été déterminé comme suit et est détaillé dans le résumé ci-dessous:
– le bilan consolidé de Oscar Holding
– hors soldes avec Indenoï et les parties liées
– à l’exclusion des autres éléments du bilan n’ayant pas d’impact sur le calcul de l’indemnité selon les règles en vigueur selon l’article 12.2 et l’annexe 12.2.1 du protocole de conciliation (actifs immobilisés et impôts différés)
– incluant des ajustements au 13.11.2018 principalement liés à la neutralisation des éléments issus de l’acquisition (augmentation de capital, honoraires de conseil …)
* La neutralisation d’1,2 millions de provisions enregistrées au 13.11.2018 dans le litige Mecaclim (0.7 millions d’euros) et la vérification URSSAF (0.6 millions d’euros) qui ont été exclus du calcul de l’indemnité en raison du caractère incertain de leur résultat.
Un tableau est ainsi dressé en page 10 du rapport de Eight Advisory qui indique les valeurs de référence au 19.10.2018 et au 13.11.2018 concernant les données prises en compte pour calculer l’indemnité éventuelle.
Il ressort de ce tableau et du détail du calcul qui y est associé qu’il a été fait application des dispositions du protocole signé.
La cédante qui a disposé des éléments de calcul ayant permis la fixation de l’indemnité, fait valoir des critiques s’agissant du calcul opéré concernant:
– la valorisation des immobilisations incorporelles
– les impôts différés
– le cutoff.
S’agissant de la valorisationdes immobilisations incorporelles et des impôts différés ces deux valeurs ont été écartées du calcul de l’actif net ainsi qu’il est clairement indiqué dans le détail du calcul tel que rappelé.
S’agissant du 3ème point relatif au cutoff, pour arrêter l’actif circulant et les dettes de la société, un arrêté des comptes doit être effectivement être effectué pour écarter des écritures qui ne relèvent pas de la période concernée s’agissant de produits constatés d’avance, ou de charges constatées d’avance.
Cependant aucun élément ne permet de soutenir l’existence d’une absence de cutoff.
Dans une note d’étape en date du 21.02.2020 le cabinet Albergel indique en page 2 que le cut-off des achats directs semble avoir été fait avec un niveau de précision conforme aux règles de l’art dans l’arrêté de situation au 13.11.2018 et ne semble pas avoir été fait avec un niveau de précision conforme aux règles de l’art dans l’arrêté de la situation au 19.10.2018.
La cour souligne que les critiques concernant l’arrêt de la situation au 19.10.2018 s’inscrit dans la situation dégradée de la société qui était alors en cessation des paiements, ce qui forcèment avait des impacts sur l’établissement de la situation comptable de la société en rendant difficile la précision et l’exactitude de celle ci.
Le rapport Albergel , en date du 17.02.2021, évoque en page 8 la possibilité d’une absence de cut off au 13.11.2018 pour expliquer l’irrationnalité qui affecte le calcul du taux de marge brute sur les 26 derniers jours d’activité-négatif alors qu’il a été au cours des 3 dernières années toujours positif-. Cependant cette notion de marge brute relève d’un calcul des soldes intermédiaires de gestion dont l’une des étapes est le calcul de L’EBITDA. Or il n’est pas établi que ceux ci rentrent en compte dans le calcul de l’indemnisation de la diminution de l’actif telle que prévue par le protocole de conciliation du 13.11.2018. Ainsi les principales critiques du rapport Albergel qui concernent le calcul de l’EBITDA, effectivement visé par Eight Advisory dans son rapport comme élément de comparaison confortant le calcul de la diminution de l’actif net, doivent être écartés comme ne s’appliquant pas aux éléments comptables servant de référence en application du protocole pour la détermination d’une éventuelle augmentation du passif ou d’une diminution de l’actif.
Il y a donc lieu de retenir le résultat de 8,4 millions d’euros comme étant la diminution d’actif net entre le 19.10.2018 et le 13.11.2018.
Sur la mission réalisée par le commissaire aux comptes
Les parties ont confié au commissaire aux comptes de la société la vérification que la situation comptable établie par la société était non seulement conforme aux normes comptable applicables en France mais également aux normes jusqu’ici appliqués pour établir les comptes de la société ( conformément aux normes appliquées pour la clôture des comptes réalisée au 31 décembre 2017) .
Le protocole signé le 13.11.2018 stipule que la situation comptable à la date de réalisation devait être certifiée et auditée.
Le commissaire aux comptes n’a ni audité ni certifié la situtation comptable consolidée mais a établi un rapport limité le 26 juillet 2019.
La cédante fait valoir l’article 1103 du code civil et la force obligatoire du contrat, l’interprétation stricte des clauses de garantie d’actif et de passif et le fait qu’en cas de doute les clauses doivent s’analyser en faveur du cédant. Elle soutient qu’une mission d’audit aurait pu être réalisée.
La cessionnaire demande qu’il soit fait application de l’article 1188 du code civil et de la commune intention des parties. Elle soutient qu’une mission d’audit ne pouvait être réalisée.
La cour rappelle que la certification des comptes est une opération qui ne peut concerner que les comptes annuels et qui ne peut s’appliquer à des comptes intermédiaires quelle que soit la façon dont ils sont établis, en application des articles L.823-9 et suivants du code de commerce.
Il s’ensuit que la prescription que la situation comptable au 13.11.2018 soit certifiée était une opération impossible à réaliser, qui démontre une erreur de langage de la part des rédacteurs du protocole de cession.
S’agissant de l’audit des comptes les parties s’opposent sur la possibilité de réalisation d’un tel audit.
La différence entre la réalisation d’un examen limité et d’un audit ressort dans les procédures mises en oeuvre, moins étendues dans le cas d’un examen limité de comptes intermédiaires, que celles requises pour un audit des comptes qui amène la réalisation d’opérations identiques à celles mises en oeuvre pour la certification des comptes. L’examen limité de comptes intermédiaires consiste ainsi, essentiellement, pour le commissaire aux comptes, à s’entretenir avec la direction et à mettre en ‘uvre des procédures analytiques alors que la procédure d’audit associe à l’examen analytique effectué des contrôles sur pièces, des observations physiques (de type inventaire), l’interrogation des partenaires de la société pour confronter les informations, et enfin des sondages et des tests de procédure.
La société Indenoï soutient que la société DAPH aurait pu missionner son commissaire aux comptes pour réaliser un audit et non pas seulement un examen limité et a volontairement modifié la mission confiée à ce dernier.
La lettre de mission établie par le commissaire aux comptes dans le cadre de ses missions d’Oscar Holding, Oscaro.com, Oscaro BE, Oscaro Recambios SL et signée par la société PHE le 24.09.2019 indique au titre des missions exceptionnelles: la revue du bilan d’ouverture: intervention dans le cadre de la constitution du groupe Part Holding Europ: travaux d’Agreed Upon Procédures au 13.11.2018 (bilan d’ouverture) et au 31.12.2018 sur les sociétés oscaro.com, oscar holding et Olcani et indique que l’annexe 1 rappelle les objectifs et démarches d’un audit et d’un examen limité ainsi que les rôles respectifs de la direction et du commissaire aux comptes.
Il ne ressort pas de cette lettre de mission qu’il ait été confié spécifiquement, par la cessionnaire, une mission d’examen limitée, au lieu et place d’une mission d’audit, au commissaire aux comptes de la société et en conséquence ce reproche doit être écarté.
Il apparait au contraire que la décision de réaliser un examen limité relève d’une décision du commissaire aux comptes, faisant application des règles déontologiques dont il relève, dans la mesure où, comme il l’indique dans son mail du 24.03.2022, les travaux (dont il expose le détail) ont conduit à l’émission d’un rapport d’examen limité, ils ne permettent pas l’émission d’un rapport d’audit. Une opinion d’audit aurait nécessité de la part de la société une anticipation dans l’organisation de l’arrêté des comptes afin de nous permettre de réaliser des travaux complémentaires notamment: une assistance aux inventaires physiques à la date d’arrêté au 13.11.2018, des confirmations des tiers, des procédures d’audit plus étendues.
La décision de réaliser un examen limité ne relève donc pas d’une décision de DAPH mais d’une décision du commissaire aux comptes au regard des contraintes temporelles auxquelles il était soumis.
La cour souligne à ce titre:
– d’une part qu’il n’était pas dans l’intérêt de DAPH de donner une mission différente de celle prévue par les parties à la transaction. La clause de garantie ayant été prévue dans son intérêt unique on comprend mal pourquoi elle aurait volontairement mis en oeuvre un processus différent de celui prévu au contrat au risque, réalisé en l’espèce, d’en voir critiquer la conclusion.
– d’autre part que la transaction s’est faite dans l’urgence pour éviter l’ouverture d’un redressement judiciaire, alors que la société était en état de cessation des paiements. Cette urgence est décrite dans le protocole de conciliation aux pages 10 à 13 qui vise expréssement l’entrée au capital de PHE aux termes du term sheet de nature à mettre fin à l’état de cessation des paiements d’Oscaro. Cette urgence n’a pas permis la réalisation d’audits financiers et comptables complets de la part de la cessionnaire ainsi qu’indiqué dans le protocole de cession qui expose: il est précisé que cet audit limité s’est, compte tenu de la situation et des contraintes de calendrier qu’elle induisait, inscrit dans des délais extrêmement brefs et qu’il n’a donc pas été possible pour le groupe PHE de réaliser une revue exhaustive.
La société Indenoï qui reproche à DAPH de ne pas avoir anticipé, ou organisé l’intervention du commissaire aux comptes de façon à permettre un audit des comptes tel que prévu au contrat est particulièrement mal fondée à opposer cet argument dans la mesure où la situation d’urgence qui a prévalu relève de la gestion par elle de l’entité cédée, gestion qui a imposé l’ouverture d’un mandat ad’hoc puis d’une conciliation et dans le cadre de cette conciliation la cession des parts de la société, en urgence, pour éviter l’ouverture d’une procédure collective.
Par ailleurs et contrairement à ce que soutient la société Indenoï l’absence de réalisation au 13.11.2018 de certaines diligences relevant de l’audit des comptes intermédiaires ne pouvait être effectués plus tard (s’agissant de l’inventaire en particulier) et en conséquence le fait que la société DAPH ait bénéficié d’un délai de 9 mois prévu par le protocole de cession pour faire vérifier par le commissaire aux comptes la situation comptable établie par les services de la société cédée n’était pas de nature à permettre la réalisation, a posteriori, de certaines diligences requises par un audit.
En conséquence il ne peut être fait le reproche à la société DAPH de ne pas avoir anticipé l’intervention du commissaire aux comptes pour permettre à celui ci de réaliser l’intégralité des opérations imposées par les normes en vigueur dans le cadre d’un audit et la Cour est d’avis de retenir que la réalisation d’un audit, au regard de l’urgence dans laquelle a été signé le protocole de conciliation, n’était pas possible.
Il était donc impossible de certifier et d’auditer les comptes intermédiaires comme prévu au protocole.
Les parties tirent de cette impossibilité de réalisation des conséquences différentes:
la cessionnaire demande que soit recherchée la commune intention des parties
la cédante soutient qu’il y a lieu de faire application des dispositions contractuelles dans la mesure où celles ci, quand bien même elles ne seraient pas réalisables s’imposent aux parties.
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait.
L’article 1188 du code civil dispose que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes; Lorsque cette intention ne peut être décélée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même siuation.
En l’espèce, les parties ont souhaité assortir le contrat de cession d’une garantie d’actif et de passif.
Celle ci s’expliquait d’autant plus que la société Oscaro.com, comme il a été rappelé, connaissait des difficultés financières importantes qui avaient entrainé l’ouverture d’une procédure de conciliation et que la cession est intervenue sous l’égide de l’administrateur judiciaire désigné, dans des délais très courts n’ayant pas permis la réalisation d’un audit complet, comme il est d’usage, avant la signature du protocole de conciliation pour vérifier la situation financière de la société et fixer le prix de cession.
Pour fiabiliser et sécuriser le processus de calcul les parties ont souhaité faire appel au commissaire aux comptes de la société, tiers indépendant, pour qu’il vérifie que les normes comptables appliquées dans l’établissement de la situation comptable au jour de la réalisation respectent le principe de permanence des méthodes comptables appliqués de façon à que la comparaison entre les situations au 19.10.2018 et au jour de la réalisation s’effectue sur des bases identiques.
Ainsi dans le cadre de la mise en place de la deuxième étape du processus de calcul et de vérification: une situation comptable auditée et certifiée par le commissaire aux comptes. Cette situation devra être établie en appliquant les méthodes et règles comptables en vigueur selon les normes applicables en France et conformément aux normes appliquées pour la clôture des comptes réalisée au 31 décembre 2017, la cour constate:
– que le commissaire aux comptes est intervenu
– qu’il a réalisé une mission pour vérifier l’application des méthodes et des règles comptables en vigueur dans la société
– que la certification et l’audit de la situation comptable étaient impossibles et n’ont donc pas été réalisés et en conclut que les élements essentiels du process correspondant à l’intention des parties, ont été respectés.
Il y a donc lieu de faire application des dispositions de l’article 1188 du code civil face à cette contradiction entre l’intervention du tiers indépendant et l’impossibilité pour lui de réaliser en partie la mission confiée, d’écarter l’obligation inscrite dans le protocole d’une certification et d’un audit des comptes et de retenir les conclusions du commissaire aux comptes dans son rapport d’examen limité en date du 26.07.2019.
Celui ci indique qu’il a réalisé un examen limité des états comptables consolidés de la société Oscar Holding relatifs à la période du 01.01 au 13.11.2018 et que sur la base de son examen limité il n’a pas relevé d’anomalies significatives de nature à remettre en cause la conformité des états comptables consolidés avec la base de préparation décrite dans la note ‘règles générales’ de l’annexe.
Le commissaire aux comptes a donc validé la diminution de l’actif net entre le 19.10.2018 et le 13.11.2018 qui est la base de la réclamation de la société DAPH.
Sur l’intervention de Eight Advisory
Après établissement d’une situation comptable consolidée par la société cédée, revue par le commissaire aux comptes, les parties ont convenu de confier à un cabinet d’audit indépendant, Eight Advisory, une mission de révision de la situation arrêtée: Cette situation sera revue par Eight Advisory et rapprochée des comptes annuels consolidés audités au 31 décembre 2018 (la ‘Situation Comptable à la Date de Réalisation’).
Eight Advisory a réalisé sa mission et a conclu dans un document en date du 12.11.2020 que la lecture détaillée des règles et méthodes comptables appliquées par Oscar Holding pour la préparation de la situation comptable au 13.11.2018 ne fait ressortir aucun changement de méthode ou d’estimation comptable par rapport aux états financiers consolidés audités au 31.12.2017 à l’exception de ce qui concerne la valorisation des immobilisations incorporelles et la reconnaissance des impots différés, ces éléments étant sans incidence sur le calcul de l’indemnité due selon les termes de l’annexe 12.2.1 du protocole.
La mission confiée par le protocole de cession signée par les parties prévoyant une mission de révision, sans définition plus précise de celle ci, la société Indenoï ne peut valablement soutenir qu’une mission différente de celle prévue par les parties a été confiée à la société EY.
Eignt Advisory a donc validé l’augmentation du passif entre la situation comptable au 19.10.2018 et la situation comptable au 13.11.2018.
Eight Advisory n’a pas cependant rapprochée la sitaution comptable établie le 13.11.2018 des comptes annuels consolidés audités au 31.12.2018.
Cependant ce rapprochement est sans intérêt pour la détermination de l’actif net entre le 19.10.2018 et le 13.11.2018. La société Indenoï ne décrit d’ailleurs pas ce qui était attendu d’une tel rapprochement dans la détermination de l’augmentation du passif ou de la diminution de l’actif, et aucune incidence ne peut donc en découler sur le calcul d’une éventuelle diminution de l’actif net.
Sur la critique des travaux réalisés
Il est prévu dans l’acte de cession que la situation Comptable à la date de réalisation fera foi entre les Parties sauf fraude.
Il résulte de cette disposition que les parties n’entendaient pas, à partir de l’établissement de la situation comptable au jour de la réalisation, vérifiée par le commissaire aux comptes puis revue par Eight Advisory, ouvrir une discussion entre elles pour fixer en commun l’augmentation du passif ou la diminution de l’actif mais ont accepté, sauf fraude, que la situation comptable s’impose à elle.
La société Indenoï n’est donc susceptible de remettre en cause la situation comptable qu’en cas de fraude.
La fraude est le fait, pour un contractant, d’agir en utilisant des moyens déloyaux pour voir exécuter en sa faveur le contrat.
Il appartient à celui qui se prévaut de la fraude d’établir l’existence de celle ci.
En l’espèce la société Indenoï ne caractérise aucun fait de fraude de telle sorte que la situation comptable établie par la société et dont on a vu ci dessus qu’elle avait été calculée selon les termes de la convention, avait fait l’objet d’un examen limité par le commissaire aux comptes attestant de la permanence des méthodes comptables, et avait été revue par Eight Advisory s’impose à elle, quand bien même les parties ont accepté, contrairement à ce qui était initialement prévu au protocole, d’ouvrir des discussions entre l’expert désigné par la cédante et Eight Advisory.
Il y a donc lieu de retenir une diminution de l’actif net au 13.11.2018 de 8,4 millions d’euros et faisant application de la franchise de 5 millions d’euros de fixer à 3,4 millions d’euros l’indemnisation due par Indenoï à DAPH.
Sur les autres demandes au titre des autres réclamations
Les appelantes demandent l’application de l’article 12.2.1 du Protocole de Conciliation, aux termes duquel INDENOÎ s’est engagée à indemniser (dans le cadre d’une réduction de prix) DAPH de tout Préjudice résultant d’une augmentation du passif ou d’une diminution de l’actif au titre d’un fait, acte ou évènement dont la cause ou l’origine serait antérieure à la date de réalisation.
Elles exposent que des réclamations ont ainsi été adressées à titre conservatoire en exécution des stipulations de l’article 12.6.1, ce qui explique que certaines réclamations aient été depuis abandonnées.
Elles demandent donc aujourd’hui:
– le montant du redressement concernant Oscaro.com versé à l’Urssaf de 753.992 euros
– le montant du redressement concernant Oscar Holding versé à l’Urssaf pour l’année 2018 pour un montant de 19.018 euros
– au titre de la réclamation pour les locaux de [Localité 5] que leur demande soit déclarée recevable en l’attente de la fixation du préjudice: il s’agit de locaux pris à bail par Oscar Holding, qui les a sous loué à Oscarlab, qui les a mis à disposition de la société Wattalps sans autorisation et en violation du bail et de la convention de sous-location. Ces locaux ont été l’objet d’un incendie le 15.11.2019 dont la société Wattalps serait à l’origine. Le bailleur a indiqué par courrier du 11.03.2020 qu’il entendait demander des dommages et intérêts sans que, depuis,une demande ne soit formulée. Cependants le délai de prescription expire le 15.11.2024.
– au titre du projet Diligo: il s’agit d’avances et subventions reçues de BPI France entre le 1.02.2017 et le 31.03.2018 et pour lesquelles BPI France, estimant qu’elle avait trop versé la somme de 327.015,80 euros, en a demandé le remboursement. La somme a été remboursée. BPI France a ensuite effectué une nouvelle demande sur le chiffre d’affaire réalisé et il n’est pas exclu qu’il y ait une nouvelle demande de remboursement d’une partie de l’avance récupérable pour une somme de 35.284,31 euros.
La société Indenoï conteste les demandes articulées au titre de la garantie d’actif et de passif:
– s’agissant des contrôles Urssaf il s’agit d’une réclamation de tiers relevant de l’article 12.7 qui définit les modalités de la nécessaire coopération entre DAPH et Indenoi. Or elle expose (i) que DAPH n’a pas poursuivi la contestation, (ii) qu’elle ne l’a pas informé de la réception des lettres de mise en demeure de I’URSAFF reçues entre le 12 janvier et le 4 novembre 2021, (iii) et, qu’enfin, elle a procédé aux règlements au profit de l’URSSAF, toujours sans l’en informer.
– s’agissant des locaux à [Localité 5] la réclamation est purement virtuelle
– s’agissant de BPI il n’existe pas de démonstration d’une augmentation du passif ou d’une diminution de l’actif au sens du plan comptable et après compensation éventuelle; il s’agit d’une réclamation de tiers relevant de l’article 12.7 qui définit les modalités de la nécessaire coopération entre DAPH et Indenoï, coopération qui n’a pas eu lieu alors que la société détenait l’ensemble des documents pour répondre aux demandes de BPI et éviter le remboursement des sommes réclamées; la réclamation initiale portait sur un prétendu manque de documentation, qui était pourtant détenue par la société cédée, alors que la demande porte sur une somme remboursée au titre d’un trop-perçu sur les dépenses engagées.
Sur ce
Aux termes de l’article 12.2.1 Indenoï s’engage à verser à DAPH une indenmité correspondant à son entier préjudice résultant d’un des évènements suivants:
Toute augmentation du passif (au sens du plan comptable) du Groupe Oscar Holding ou diminution de l’actif (au sens du plan comptable) du Groupe Oscar Holding (à l’exclusion d’une diminution des impôts différéés) tels qu’ils figurent dans la situation comptable à la date de réalisation au titre d’un fait, acte ou événement dont la cause ou l’origine serait antérieure à la date de réalisation. A ce titre il est précisé qu’une augmentation d’actif pourra compenser une augmentation de passif, et inversement une diminution de passif pourra compenser une diminution d’actif, étant précisé que la compensation ne pourra être effectuée (i) qu’entre des éléments de passif circulant et d’actif circulant et (ii) qu’entre des éléments de trésorerie active et trésorerie ou dette financière passive d’autre part. Il ne sera fait aucune autre compensation et aucune indemnité ne sera due au titre d’une réévaluation (en plus ou moins) de l’actif immobilisé. Enfin la société ne procédera à aucune modification des capitaux propres autres que l’affectation du résultat net de la société. Le calcul de l’ajustement sera effectué selon les modalités figurant en Annexe 12.2.1.
Il est mentionné au point 12.4 intitulé durée de la garantie que les réclamations seront recevables jusqu’au dernier jour du 29ème mois suivant la date de réalisation ) à l’exception des réclamations relatives aux éléments sociaux, fiscaux, et douaniers et celles relatives aux déclarations souscrites aux articles 11.2(a), 11.2(b) et 11.2(d)(ii) pour lesquelles la durée retenue sera la durée légale de prescription plus trois mois.
La recevabilité d’une réclamation s’entend de la date à laquelle DAPH est recevable à la présenter et ceci que le montant de l’indemnité soit connu ou reste encore à déterminer en fonction de procédures, de l’avancement de contrôles fiscaux, sociaux ou d’une quelconque autre administration ou de toute autre cause.
Il est mentionné au point 12.7 que les parties conviennent de discuter de bonne foi la meilleure façon de gérer et négocier les réclamations de tiers. Indenoï pourra participer à ses frais aux négociations, à la défense ainsi qu’à la résolution de la réclamation de tiers, notamment par voie transactionnelle. DAPH s’engage à prendre en compte les commentaires formulés par Indenoï dans la mesure où ces commentaires sont formulés de bonne foi et sur la base d’arguments sérieux et juridiquement fondés. Les parties s’engagent à prendre toutes mesures raisonnables en vue de limiter le préjudice subi par DAPH et/ou les sociétés du groupe Oscar Holding concernées.
Il est expressément convenu entre les parties que DAPH pourra seule transiger, compromettre, parvenir à un accord, renoncer ou procéder à des paiements spontanés et plus généralement prendre toute décision concernant la réclamation de tiers. (…)
S’agissant de l’Urssaf
Il ressort des courriers échangés par les parties:
– courrier DAPH du 25.02.2019 informant Indenoï de la réception le 7.02.2019 d’un avis de contrôle de l’Urssaf et l’invitant à participer à la préparation du contrôle et à y assister en précisant la date de celui ci, le 29.03.2019,
– courrier d’Indenoï en date du 26.06.2019 en réponse, demandant à être informé de l’avancement du contrôle
– courrier de DAPH en date du 28.08.2019 informant Indenoï du montant du redressement envisagé
– courrier de DAPH en date du 7.11.2019 communiquant à Indenoï les lettres d’observation de l’Urssaf
– courrier d’Indenoï en date du 18.11.2019
– courrier de DAPH en date du 22.11.2019 communiquant à Indenoï les lettres de réponse adressées à l’Urssaf er l’informant de la réception d’une nouvelle lettre d’observation de l’Urssaf et la lui communiquant
– courrier d’Indenoï en date du 18.12.2019 contenant ses observations à la lecture des observations de l’Urssaf
– courrier de DAPH en date du 20.12.2019 indiquant avoir intégré pour l’essentiel dans les projets de réponse les éléments de réponse proposés par Indenoï et récapitulant les points soulevés par l’Urssaf en indiquant être en accord avec la position d’Indenoï sur la plupart et indiquant les difficultés rencontrées sur trois points en terme de preuves
– courrier d’Indenoï en date du 24.12.2019 en réponse
– courrier de DAPH en date du 27.12.2019
– courrier d’Indenoï en date du 30.12.2019
– courrier de DAPH en date du 31.12.2019
– courrier de DAPH en date du 28.01.2020
– courrier de DAPH en date du 19.02.2020 communiquant les courriers de réponse de l’Urssaf et indiquant que le montant global du redressement est ramené de 1.171.376 euros à 716.052 euros.
– courrier d’Indenoï en date du 5.03.2020 portant diverses critiques à l’encontre de DAPH (déjà exposés dans certains courriers de décembre 2019) sur la teneur des réponses apportées à l’Urssaf.
Il résulte de cet échange de courriers que les dispositions de l’article 12.7 de la convention ont été respectées:
-une information d’Indenoï a eu lieu,
-les commentaires formulées par celle ci ont été prises en compte,
-l’absence de bonne foi qui est soulevée par Indenoï dans son dernier courrier n’est pas caractérisée, le fait que DAPH a indiqué ne pouvoir retrouver certaines pièces pour répondre à certains redressements ou que des différents subsistent sur les réponses apportées ne caractérisant pas la mauvaise foi de DAPH, alors que par ailleurs il est expressément prévu que la maitrise de la procédure de redressement appartient à DAPH ce qui implique que la décision de ne pas engager une procédure contentieuse et de régler les sommes réclamées au titre du redressement ne puisse lui être reprochée.
En conséquence il convient de retenir la somme versée à l’Urssaf au titre du redressement pour la période antérieure à la cession, s’agissant d’une augmentation du passif au sens de l’article 12.2.1.
S’agissant du redressement Urssaf concernant Oscar Holding
Indenoï ne conteste pas le montant du redressement mais expose qu’il n’est pas démontré par DAPH qu’il existe une augmentation de passif après compensation avec une éventuelle augmentation de l’actif.
Cependant le protocole de cession n’impose pas à la cessionnaire de rapporter la preuve, lorsqu’un passif dont la cause est antérieure à la date de réalisation est réclamé, d’établir, pour réclamer l’indemnité correspondante, que ce passif ne se compense pas, par ailleurs, avec une augmentation d’un actif. En effet le protocole de cession indique qu’il s’agit d’une possibilité (une augmentation d’actif pourra compenser une augmentation de passif) sans cependant mettre à la charge de la cessionnaire la preuve qu’aucune compensation n’a pu avoir lieu.
Sur le fond le montant du redressement n’est pas contesté et il convient donc de condamner la société Indenoï à verser la somme de 19018 euros.
Sur les locaux du [Localité 5]
Force est de constater que la réclamation a été effectuée sans mention d’un quelconque montant de préjudice et que celui ci à ce jour n’est toujours pas chiffré en l’absence de demande du bailleur.
Pour autant il est mentionné dans le protocole que la recevabilité d’une réclamation s’entend de la date à laquelle DAPH est recevable à la présenter et ceci que le montant de l’indemnité soit connu ou reste encore à déterminer en fonction de procédures, de l’avancement de contrôles fiscaux, sociaux ou d’une quelconque autre administration ou de toute autre cause.
Indenoï ne conteste pas que le bailleur dans un courrier qui lui a été adressé par DAPH le 31.03.2020 a indiqué qu’il entendait solliciter des dommages et intérêts dans le cadre de l’incendie de son immeuble. Cette position du bailleur constitue ‘l’autre cause’ visée dans le protocole de cession s’agissant d’une impossibilité de chiffrer la réclamation effectuée dans la mesure où le chiffrage découle directement d’une action qui serait engagée par le bailleur.
Cependant en l’absence de demande chiffrée, puisque DAPH et PHE demandent la condamnation d’Indenoï à garantir DAPH de son préjudice au titre des locaux de [Localité 5] et notamment de toute somme qui serait mise à sa charge par le bailleur ainsi que tous les frais et accesoires, il n’y a pas lieu de condamner d’ores et déjà la société DAPH pour les sommes qui pourraient être réclamées par le bailleur et DAPH est donc déboutée de cette demande.
Sur la demande de la BPI
Par courrier du 23.04.2020 DAPH a formalisé une réclamation à l’encontre d’Indenoï concernant le projet diligo en faisant valoir que la société Oscar Holding était partie à une convention de soutien à des actions de recherche et de développement avec BPIfrance, que l’absence de tout élément disponible au niveau de la société ne permettait pas d’établir un rapport final d’exécution et qu’à défaut d’établissement dudit rapport la société Oscar Holding pourrait être tenue de reverser tout ou partie des sommes perçues.
Indenoï a répondu le 28.05.2020 en indiquant qu’il était curieux que DAPH ait géré pendant 18 mois la convention sans avoir éprouvé la nécessité de consulter le dossier et en exposant que l’ensemble des éléments du projet Diligo figure dans les serveurs auxquels elle n’a plus accès. Elle a conclu à l’irrecevabilité de la réclamation.
Le 3.11.2022 BPI France a réclamé à la société Oscar Holding un indû d’un montant de 327.015,80 euros en exposant que le détail des dépenses totales retenues jusqu’au 31.12.2018 et le recalcul de l’aide ainsi justifiée conduisait à ce calcul d’indû.
Il a été procédé au remboursement de Bpi France par virement du 21.03.2023.
Or ce n’est que le 7.04.2023 que la société DAPH, se fondant sur le courrier du 23.04.2020 adressé par elle à la cédante, a informé la société Indenoï qu’elle avait versé la somme de 327.015,80 euros à Bpi France et lui a demandé remboursement.
Cependant dans son courrier du 23.04.2020 DAPH formulait une réclamation de façon préventive en indiquant ne pas disposer d’élément pour établir un rapport final d’exécution.
La demande de la BPI ne se fonde pas sur l’absence de rapport final d’exécution ou l’absence de réalisation du projet Diligo mais sur le fait que le projet a entrainé des coûts moindres que ceux envisagés pour la société, ce qui a amené le recalcul de la subvention allouée.
Le courrier de réclamation du 23.04.2020 ne peut donc constituer une réclamation recevable pour l’indû réclamé le 22.11.2022.
A cette date le délai prévu pour actionner la garantie de passif – jusqu’au dernier jour du 29ème mois suivant la date de réalisation – était expiré de telle sorte que la demande de DAPH n’est pas recevable.
En outre et comme le souligne à juste titre l’intimé DAPH n’a pas informé Indenoï de l’évolution de la réclamation initiale, ni de la réclamation du 23.04.2022 pour lui permettre d’apporter des éléments conformément aux dispositions de l’article 12.7.
Il convient donc de débouter DAPH de sa demande de remboursement de la somme versée à BPIFrance.
Sur la demande de dommages et intérêtss résultant d’un retard au titre de la non libération partielle du séquestre
L’intimée demande des dommages et intérêts du fait du retard de libération du séquestre.
Les appelantes demandent la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande.
Sur ce
La décision de première instance ayant été infirmée la libération des fonds ne se justifiait pas et il n’existe donc pas rétroactivement de préjudice né du refus de libération des fonds.
Il convient donc de rejeter cette demande.
Sur la demande de libération du solde des fonds
Les parties articulent des demandes croisées de libération des fonds séquestrés.
S’agissant de la demande de l’intimé les appelantes s’y opposent tant que la décision n’est pas devenue insusceptible de recours comme prévu dans le protocole.
L’intimée soutient pour sa part au soutien de sa demande de libération du séquestre que la décision définitive telle que l’énonce la convention de séquestre n’équivaut pas à une décision irrévocable mais comme l’a jugé la Cour de cassation s’entend d’une décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée et se différencie de la décision irrévocable qui ne peut plus être remise en cause par l’exercice d’une voie de recours ordinaire ou extraordinaire, que l’arrêt qui va être rendu sera une décision définitive dont les effets ne pourront pas être suspendus de telle sorte qu’il conviendra d’ordonner au séquestre de verser à Indenoï le solde des fonds séquestrés, soit la somme de 2 millions d’euros.
Sur ce
Il est prévu dans la convention de séquestre que la libération des fonds interviendra:
– soit au profit de DAPH dans les 7 jours ouvrés de la réception d’une instruction signée conjointement par les parties ou d’une instruction signée par DAPH avec copie à Indenoï, accompagné de la copie d’une décision judiciaire exécutoire nonobstant toute de demande de suspension de cette exécution provisoire en appel, ou de la copie d’une transaction signé entre DAPH et Indenoï
-soit au profit d’Indenoï dans les 7 jours ouvrés de la réception d’une instruction signée conjointement par les parties attestant de la résolution de l’ensemble des réclamations en cours soit d’une instruction signée par Indenoï avec copie à DAPH, accompagné de la copie de la décision judiciaire ayant autorité de la chose jugée au principal et insusceptible de recours déboutant DAPH de sa demande d’indemnisation du ou des préjudices au titre des réclamations en cours.
La question de la nécessité de caractériser la décision comme ayant autorité de la chose jugée et d’être insusceptible de recours ne se pose qu’en cas de débouté de la société DAPH de sa demande d’indemnisation au titre des réclamations.
DAPH ayant été accueillie dans ses demandes d’indemnisation (sauf pour la BPI) il y a lieu de statuer sur la levée du séquestre en examinant si la décision rendue remplie les conditions prévues pour faire droit à cette demande.
S’agissant de la levée du séquestre au profit de DAPH la convention de séquestre stipule une décision judiciaire exécutoire.
Il convient donc d’ordonner la levée du séquestre puisqu’en vertu de l’article 504 du code de procédure civile le caractère exécutoire ressort du jugement lorsque celui ci n’est susceptible d’aucune recours suspensif ou qu’il bénéficie de l’exécution provisoire, et que le présent arrêt rendu n’est susceptible d’aucun recours suspensif.
Sur les demandes d’Indenoi
Indenoi demandent le remboursement des factures du cabinet Albergel, le remboursement des honoraires de son ancien conseil entre juillet 2019 et juin 2020 en faisant valoir la responsabilité contractuelle de DAPH.
Sur ce
Indenoï succombant sur la demande principale de DAPH est malfondée à demander paiement des factures de l’expert privé qu’elle s’est adjoint ainsi que des honoraires de son ancien conseil, aucune faute ne pouvant être caractérisée à l’égard de DAPH.
Sur l’article 700 et les dépens
La décision de première instance est infirmée s’agissant de la somme allouée à la société Indenoï au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au regard de la nature de l’affaire et des spécificités du contentieux il n’apparait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense.
Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge de la société Indenoï.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 30.06.2022,
Et statuant à nouveau
Condamne la société Indenoï à payer à la société Digital Auto Part:
– la somme de 3,4 millions d’euros au titre de la diminution de l’actif net entre le 19.10.2018 et le 13.11.2018
– les sommes de 753.992 euros et 19.018 euros au titre de la garantie de passif,
Déboute les sociétés DAPH et PHE de leurs autres demandes de garantie,
Ordonne la libération du solde du montant séquestré, soit la somme de 2.000.000 euros, au profit de DAPH;
Déboute la société Indenoï de l’ensemble de ses demandes
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Indenoï aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier La présidente
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