Déséquilibre significatif : 6 avril 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01163

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Déséquilibre significatif : 6 avril 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01163

6 avril 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/01163

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 06/04/2023

la SELARL MS SIMONNEAU

la SCP HERRAULT, CROS

ARRÊT du : 06 AVRIL 2023

N° : 63 – 23

N° RG 21/01163

N° Portalis DBVN-V-B7F-GLCF

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 19 Mars 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265258775795865

Monsieur [I] [J]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Maryline SIMONNEAU, membre de la SELARL MS SIMONNEAU, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Gwenaël SAINTILAN, membre de la SELARL GWENAEL SAINTILAN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271311968971

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me François-Antoine CROS, membre de la SCP HERRAULT, CROS, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Pascal EYDOUX, membre de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 14 Avril 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 09 FEVRIER 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 06 AVRIL 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous signature privée du 22 mars 2012, la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes (la Caisse d’épargne) a consenti à la SARL Goût des Alpes, représentée par son gérant, M. [H] [J], un prêt d’un montant de 340 000 euros destiné à l’acquisition d’un fonds de commerce, remboursable en 84 mensualités de 4 851,29 euros comprenant les primes d’assurance et les intérêts au taux conventionnel de 4,18 % l’an.

Par actes séparés du même jour, chacun de M. [H] [J] et de M. [I] [J] s’est porté caution solidaire de cet emprunt dans la limite d’une somme de 66 300 euros incluant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les pénalités et intérêts de retard, ce pour une durée de 117 mois.

Par courrier du 22 septembre 2017, adressé sous pli recommandé réceptionné le 23 septembre suivant, la Caisse d’épargne a dénoncé l’autorisation de découvert de 20 000 euros qu’elle avait accordée à la société Goût des Alpes et par courriers du même jour, adressés sous plis recommandés également réceptionnés le 23 septembre 2017, la Caisse d’épargne a mis en demeure la société Goût des Alpes et chacune des cautions de lui régler la somme de 28 219,86 euros au titre des échéances du prêt restées impayées du 5 avril 2017 au 5 septembre 2017.

Après avoir vainement réitéré ses mises en demeure, par courriers adressés sous plis recommandés le 31 janvier 2018, la Caisse d’épargne a provoqué la déchéance du terme de son concours le 13 février 2018 et mis en demeure chacune des cautions, par courriers du même jour adressés sous plis recommandés présentés le 14 février suivant, de lui régler la somme totale de 117 705,67 euros pour solde du prêt en cause.

Par acte du 26 avril 2018, la Caisse d’épargne, qui avait parallèlement fait assigner la société Goût des Alpes et M. [H] [J] devant le tribunal de commerce de Grenoble par actes des 4 et 5 avril précédents, a fait assigner M. [I] [J] en paiement devant le tribunal de grande instance de Tours.

Par ordonnance du 29 novembre 2018, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce du même lieu.

La société Goût des Alpes a été placée en redressement judiciaire le 23 avril 2019 par un jugement du tribunal de commerce de Grenoble.

La Caisse d’épargne a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la débitrice principale le 9 mai 2019 et par jugement du 22 octobre 2019, le tribunal de commerce de Grenoble a converti la procédure de redressement de la société Goût des Alpes en liquidation judiciaire.

Par jugement du 19 mars 2021, le tribunal de commerce de Tours a :

– dit que le cautionnement de M. [I] [J] n’est pas disproportionné,

– débouté M. [I] [J] de sa demande de nullité de son cautionnement,

– débouté M. [I] [J] de sa demande de nullité du taux d’intérêt contractuel,

– condamné la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhônes-Alpes à rembourser à M. [I] [J] la somme de 456,84 euros,

– condamné M. [I] [J] à payer à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes la somme de 17 655,85 euros, assortie des intérêts au taux de 7,18 % à compter du 13 février 2018,

– débouté M. [I] [J] de sa demande de délais de paiement,

– condamné M. [I] [J] à verser à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes la somme de 2 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté M. [I] [J] de sa demande à ce titre,

– dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire du présent jugement,

– condamné M. [I] [J] aux entiers dépens.

M. [I] [J] a relevé appel de cette décision par déclaration du 14 avril 2021 en critiquant tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 novembre 2021, M. [I] [J] demande à la cour, au visa des articles 1104, 1231-1 et suivants du code civil, L.341-1 et suivants du code de la consommation, de :

– dire M. [I] [J] recevable et bien fondé en toutes ses demandes,

En conséquence,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

– réformer le jugement contesté en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné la société Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes au paiement de 456,84 euros à M. [I] [J],

– prononcer la nullité du cautionnement de M. [I] [J], à tout le moins « la qualifiée de non écrite, et donc sa décharge »,

A titre subsidiaire :

– prononcer la nullité du taux d’intérêt contractuel de l’acte de prêt, à tout le moins constater que seul l’intérêt au taux légal est applicable par substitution de l’intérêt légal au taux conventionnel à compter de la date du prêt,

– décharger M. [I] [J] du paiement de la somme de 456,84 euros, pour défaut d’information,

– autoriser M. [I] [J] à se libérer du paiement de la somme de 17 199,01 euros (17 655,85 € – 456,84 €) sur une période de 24 mois,

En tout état de cause,

– rejeter l’ensemble des demandes de la société Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes,

– condamner la société Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes au paiement de la somme de 5 000 euros au titre sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Caisse déEpargne et de prévoyance Rhône-Alpes aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2021, la Caisse d’épargne demande à la cour, au visa des articles 1134 suivants du code civil, 2287-1 du même code et sous réserve de l’application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours du 19 mars 2021 (RG n°2019002308) en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

* condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes à rembourser à M. [I] [J] la somme de 456,84 euros,

Et par voie de réformation, et en tout état de cause,

– juger recevable et bien fondée l’action de la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes,

– débouter M. [I] [J] de l’ensemble de ses fins et prétentions comme étant non fondées,

– dire n’y avoir lieu à statuer sur la demande de déchéance des intérêts et pénalités de retard entre le 5 juin et le 5 septembre 2017, ni à toute autre date, en ce que cette demande est sans incidence sur le quantum des sommes dues par M. [J],

– condamner M. [I] [J] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le même aux entiers dépens comprenant les frais d’exécution de l’arrêt à intervenir,

– donner acte à la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes de ce qu’elle joint aux présentes conclusions le bordereau de communication des pièces qui seront versées aux débats.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 5 janvier 2023, pour l’affaire être plaidée le 9 février suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire que la Caisse d’épargne admet sans équivoque, en page 11 de ses écritures, que le cautionnement de M. [J] a été donné dans la double limite de 15 % de sa créance et d’un montant de 66 300 euros, ce qui ne ressort pas de l’acte de caution, mais du contrat de prêt, par ailleurs garanti par un cautionnement de l’organisme OSEO.

Sur la demande d’annulation du cautionnement tirée de sa disproportion :

Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l’article L. 332-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux cautionnements donnés avant le 1er janvier 2022, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties, la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

Les dispositions de l’article L. 332-1 dont se prévaut M. [J] ne prévoient pas que la garantie disproportionnée aux biens et revenus de la caution est nulle ; ce texte prévoit seulement que le créancier ne peut se prévaloir d’un tel engagement de caution.

Contrairement encore à ce que soutient de manière inexacte M. [J], il n’appartient pas au créancier professionnel de rapporter la preuve que l’engagement n’est pas disproportionné ; c’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque.

Le code de la consommation n’impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s’il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d’anomalies apparentes.

En l’espèce, sur la fiche de renseignements qu’il a signée en la certifiant sincère et exacte le 28 février 2012, M. [J] a indiqué être célibataire, percevoir annuellement un revenu net imposable de 50 000 euros, être propriétaire d’un appartement d’une valeur de 180 000 euros, de plusieurs fonds de commerce, [Adresse 10] et [Adresse 12] à [Localité 15], [Adresse 11] à [Localité 9], [Adresse 13] à [Localité 8], puis encore à [Localité 6] et à [Localité 5]. M. [J] a par ailleurs indiqué n’être engagé par aucun cautionnement antérieur, n’être tenu au paiement d’aucune pension alimentaire, et la rubrique « crédits en cours » n’a pas été renseignée.

Dès lors que M. [J] ne fournit pas le moindre justificatif des crédits qu’il affirme avoir souscrits pour financer l’acquisition de son appartement et de ses fonds de commerce, et ne justifie ni même n’allègue que la Caisse d’épargne ne pouvait ignorer l’existence d’éventuels encours de crédits, M. [J] échoue à démontrer que le cautionnement litigieux était disproportionné à ses biens et revenus à l’époque à laquelle il a été donné.

Etant rappelé que la disproportion de l’engagement n’aurait de toute façon pas été sanctionnée par sa nullité, M. [J] ne peut qu’être débouté de sa demande principale tendant à voir prononcer la nullité de son cautionnement, aussi bien que de sa demande tendant à être déchargé de sa garantie.

Sur la demande subsidiaire d’annulation de la stipulation d’intérêts :

Aux termes de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Le point de départ de la prescription de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel engagée par une caution qui a garanti un concours financier obtenu pour les besoins de l’activité professionnelle du débiteur principal, comme le point de départ de l’exception de nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d’exécution, en raison d’une erreur affectant le taux effectif global, court à compter du jour où la caution a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global.

M. [J], qui fonde sa demande de nullité sur le fait que le prêt que la Caisse d’épargne a consenti à la société Goût des Alpes stipule que les intérêts seront calculés, non sur une année civile de 365 jours, mais sur la base d’une année bancaire fixée à 360 jours, indique lui-même, en page 10 de ses écritures, qu’il ressort d’un encadré du contrat de prêt que les intérêts du prêt sont calculés sur la base d’une année lombarde.

En sa qualité de caution, M. [J] a signé et paraphé toutes les pages du contrat de prêt qu’il produit en pièce 1, notamment la page 2 qui comporte le paragraphe encadré dont il se prévaut pour soutenir que les intérêts du prêt auraient été irrégulièrement calculés sur la base d’une année bancaire de 360 jours.

Si les modalités de calcul des intérêts peuvent être difficilement compréhensibles lorsque, en dehors de toute clause du prêt le stipulant clairement, les intérêts ont, de fait, été calculés sur la base d’une année de 360 jours et que seuls des calculs mathématiques relativement complexes peuvent permettre de le déceler, le prêt indique très clairement, en l’espèce, que le calcul sera opéré sur la base de l’année dite lombarde, en sorte que, dès le jour où il a signé et paraphé ce contrat de prêt en se portant caution des engagements souscrits par la société Goût des Alpes, M. [J] a pu se convaincre que les intérêts étaient stipulés calculés sur la base d’une année lombarde.

Le délai de prescription quinquennale applicable à la demande d’annulation de la clause d’intérêt ayant commencé à courir, dans ces circonstances, le 22 mars 2012, date de signature de l’acte de prêt par M. [J], la demande d’annulation de la stipulation d’intérêts formulée pour la première fois le 30 octobre 2020 est irrecevable comme prescrite.

Sur la demande subsidiaire tendant à voir juger non écrite la stipulation d’intérêts :

M. [J] fait valoir que dans sa recommandation n° 05-02, la commission des clauses abusives aurait recommandé la suppression de la clause qui prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours en ce qu’une telle clause, qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile, et qui ne permet pas d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

Dès lors que la société Goût des Alpes n’est ni un consommateur, ni un non-professionnel au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301, M. [J] ne peut utilement se prévaloir de la recommandation de la commission des clauses abusives n° 05-02 du 14 avril 2005 qui, au demeurant, n’est pas exactement celle qu’il indique, mais qui préconise l’élimination, dans les conventions de compte de dépôt souscrites par des consommateurs ou non professionnels, des clauses ayant pour objet ou pour effet, notamment, de permettre à l’établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d’en apprécier l’incidence financière.

M. [J] ne peut dès lors qu’être débouté de sa demande subsidiaire, nouvelle en cause d’appel, tendant à voir déclarer non écrite, comme abusive, la stipulation d’intérêts.

Sur la demande subsidiaire de substitution du taux de l’intérêt légal à celui de l’intérêt conventionnel :

La cour observe que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande subsidiaire de M. [J] tendant à la substitution du taux de l’intérêt légal à celui de l’intérêt conventionnel et rappelle qu’en application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, il lui appartient, en raison de l’effet dévolutif et dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, de la réparer en statuant sur cette demande sur laquelle les parties se sont contradictoirement expliquées.

Il apparaît toutefois que c’est de manière inopérante encore que M. [J] soutient que si la stipulation d’intérêts n’est pas annulée ou déclarée non écrite, la cour « ne pourra que substituer l’intérêt contractuel par l’intérêt légal », alors que la déchéance du droit aux intérêts est la seule sanction encourue en cas d’inexactitude du taux effectif global résultant d’un calcul des intérêts conventionnels sur une autre base que celle de l’année civile, et que dans une telle hypothèse, la substitution de l’intérêt légal à celui de l’intérêt conventionnel n’est donc pas encourue (v. par ex. Civ. 1, 6 janvier 2021, n° 18-25.865).

Etant observé à titre surabondant que la sanction de la déchéance suppose la démonstration de ce que les intérêts ont effectivement été calculés sur la base d’une année de trois-cent-soixante jours et que ce calcul a généré au détriment de l’emprunteur un surcoût d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 (v. par ex. Civ. 1, 11 mars 2020, n° 19-10.875), M. [J], qui ne justifie ni même n’allègue aucun préjudice, ne peut qu’être débouté de toutes ses demandes tirées de la mention, dans le contrat de prêt, d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année bancaire de 360 jours.

Sur la demande de déchéance des intérêts et pénalités tirée du défaut d’information de la défaillance de la débitrice principale entre le 5 juin et le 5 septembre 2017 :

Aux termes de l’article L. 341-1 du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.

Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, l’article L. 343-5 du même code précise que la caution n’est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Si l’on admet, pour les besoins du raisonnement, que les seules échéances impayées non régularisées au sens de l’article L. 341-1 précité sont, comme le soutient M. [J], les échéances exigibles du 5 juin au 5 septembre 2017 et que, faute de l’avoir informé de la défaillance de la débitrice principale avant le 22 septembre 2017, la Caisse d’épargne doit être déchue du droit aux intérêts et pénalités dans la limite de la somme de 456,84 euros réclamée par M. [J], la créance de la Caisse d’épargne qui, selon décompte non contesté, s’élève à 117 937,21 euros au 23 février 2018, doit être ramenée à 117 480,37 euros.

Dès lors que la Caisse d’épargne admet que le cautionnement de M. [J] est limité, non pas seulement à la somme de 66 300 euros, mais à 15 % du montant de sa créance, elle ne peut soutenir, à l’appui de son appel incident, que la déchéance serait sans incidence sur le quantum de la créance de M. [J] et qu’il n’y aurait pas lieu, en conséquence, de statuer sur ce chef, alors que la demande en paiement qu’elle forme à hauteur de 17 655,85 euros excède la somme de 17 622,05 euros correspondant aux 15 % du montant de sa créance ramenée à 117 480,37 euros après déchéance des intérêts et pénalités.

En conséquence, dès lors que la Caisse d’épargne ne conteste pas le montant des pénalités et intérêts dont elle a été déchue, par infirmation du jugement déféré qui a, d’une part, condamné M. [J] au paiement d’une somme de 17 655,85 euros en principal ; d’autre part condamné la Caisse d’épargne à rembourser à M. [J] la somme de 456,84 euros, M. [J] sera condamné à payer à la Caisse d’épargne une somme ramenée à 17 622,05 euros, et ce avec intérêts au taux conventionnel majoré de 7,18 % à compter du 14 février 2018, date de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l’article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Sur la demande de délais de paiement :

En application de l’article 1244-1, devenu 1343-5, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Si les articles publiés sur la toile et produits par Caisse d’épargne, qui estiment à plusieurs millions d’euros la fortune de M. [J], ne sauraient suffire à établir l’état de fortune de ce dernier, M. [J], qui ne conteste ni avoir rencontré un grand succès en appliquant les méthodes de la restauration rapide au marché du kebab, ni se trouver aujourd’hui à la tête d’un groupe dont dépendent de nombreuses enseignes désormais implantées sur l’ensemble du territoire national, ne peut se contenter d’affirmer, pour obtenir des délais de paiement, que son groupe rencontrerait des difficultés financières, sans apporter le moindre élément de preuve en ce sens et sans fournir, surtout, le moindre justificatif de sa situation financière personnelle.

M. [J] a en outre déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement.

Il n’y a pas lieu, dans ces circonstances, de lui accorder de nouveaux délais.

Sur les demandes accessoires :

M. [J], qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, M. [J] sera condamné à régler à la Caisse d’épargne, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise mais seulement en ce qu’elle a condamné la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes à rembourser à M. [I] [J] la somme de 456,84 euros et condamné M. [I] [J] à payer à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes la somme de 17 655,85 euros, assortie des intérêts au taux de 7,18 % à compter du 13 février 2018,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

CONDAMNE M. [I] [J] à payer à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes la somme de 17 622,05 euros, avec intérêts au taux de 7,18 % l’an à compter du 14 février 2018,

Réparant l’omission de statuer des premiers juges :

REJETTE la demande subsidiaire de M. [I] [J] tendant à la substitution du taux de l’intérêt légal à celui de l’intérêt conventionnel,

CONFIRME la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de M. [I] [J] tendant à voir déclarer non écrite, comme abusive, la stipulation d’intérêts,

CONDAMNE M. [I] [J] à payer à SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [I] [J] formée sur le même fondement,

CONDAMNE M. [I] [J] aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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