Accident du reporter photographe pigiste : la présomption d’accident du travail

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Accident du reporter photographe pigiste : la présomption d’accident du travail

En matière d’accidents des reporters photographes pigistes, il existe une présomption d’imputabilité (d’accident du travail) à l’employeur.  

Tir de flashball Gilets Jaunes

Un pigiste a obtenu la qualification en accident du travail d’une blessure due à un tir de flashball reçu au cours d’un  reportage photo, lors des manifestations des Gilets Jaunes.

A noter que cette présomption joue même lorsque le salarié se trouve en repos hebdomadaire au moment des faits et qu’il a reconnu, dans un projet de plainte, qu’il effectuait une mission pour un autre employeur, l’AFP, lorsqu’il a reçu ce tir de flashball.

Réserves dans la déclaration d’accident

En l’espèce, l’employeur n’a émis aucune réserve dans sa déclaration d’accident qui indiquait que l’assuré a reçu un tir de flashball au cours d’un reportage photo, sans pour autant préciser qu’il était en congé, ni qu’il travaillait, à ce moment-là, pour qui que ce soit d’autre.

Notion d’accident du travail

En application de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Il appartient à celui qui allègue avoir été victime d’un accident du travail, quelle que soit sa bonne foi, d’établir, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances de l’accident et son caractère professionnel, à savoir la survenance d’un fait accidentel soudain au temps et au lieu du travail et l’apparition d’une lésion en relation avec celui-ci.

À défaut de preuve, la victime doit établir l’existence de présomptions graves, précises et concordantes, permettant de relier la lésion au travail.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS   

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

ARRÊT DU 12 MAI 2022

N° RG 20/00784 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOSE

SA [5] ([5])

c/

CPAM DE LA CHARENTE MARITIME

APPELANTE :

SA [5] ([5]) agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me GELLEE substituant Me Laurent SAUTEREL de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CPAM DE LA CHARENTE MARITIME prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2] représentée par Me Pauline ROY substituant Me Rebecca SHORTHOUSE de la SCP LEXIROC

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 mars 2022, en audience publique, devant Madame Elisabeth Vercruysse, vice-présidente placée auprès de la première présidente chargée d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Monsieur Hervé Ballereau, conseiller

Madame Elisabeth Vercruysse, vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

La société [5] (ci-après nommée la société [5]) employait M. [F] [S] en qualité de reporter photographe.

Le 14 janvier 2019, M. [F] [S] a complété une déclaration d’accident du travail établie dans les termes suivants : ‘au cours d’un reportage photo, lors des manifestations des Gilets Jaunes, a reçu un tir de flashball’.

Le certificat médical initial, établi le 13 janvier 2019, mentionnait : ‘fracture rotule D 6 Attelle en extension 45 jours antalgiques’.

Par décision du 15 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime (ci-après nommée la caisse) a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle.

Le 14 mars 2019, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contester cette décision.

Par décision du 5 avril 2019, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté ce recours.

Le 24 mai 2019, la société [5] a saisi le tribunal de grande instance aux fins de contester la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement du 24 janvier 2020, le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux a:

— débouté la société [5] de son recours,

— lui a déclaré opposable la décision de la caisse, en date du 15 janvier 2019 de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, l’accident dont a été victime M. [S] le 12 janvier 2019,

— condamné la société [5] aux dépens.

Par déclaration du 7 février 2020, la société [5] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 5 janvier 2022, la société [5] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

— constate que la caisse ne rapporte pas la preuve de la survenance au temps et lieu de travail de la société [5],

— infirme le jugement déféré et lui déclare inopposable la décision de prise en charge de l’accident du travail de M. [S] en date du 12 janvier 2019,

— condamne la caisse aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 21 février 2022, la caisse sollicite de la cour qu’elle :

— confirme le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux le 24 janvier 2020 en toutes ses dispositions,

— confirme la prise en charge de l’accident du travail dont a été victime M. [F] [S] le 12 janvier 2019,

— déclare cet accident opposable à la société [5],

— déboute la société [5] de l’ensemble de ses demandes.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

Motifs de la décision

En application de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Il appartient à celui qui allègue avoir été victime d’un accident du travail, quelle que soit sa bonne foi, d’établir, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances de l’accident et son caractère professionnel, à savoir la survenance d’un fait accidentel soudain au temps et au lieu du travail et l’apparition d’une lésion en relation avec celui-ci.

À défaut de preuve, la victime doit établir l’existence de présomptions graves, précises et concordantes, permettant de relier la lésion au travail.

En l’espèce, il est établi que M. [F] [S] a été blessé au genou droit le 12 janvier 2019 par un tir de flashball. La société [5] ne conteste pas la matérialité de l’accident, mais uniquement son caractère professionnel, soutenant ainsi que l’assuré était en train de réaliser une pige pour l’agence [3] (ci-après nommée l’AFP).

S’il est constant que M. [F] [S] se trouvait effectivement en repos hebdomadaire au moment des faits et qu’il a reconnu, dans un projet de plainte, qu’il effectuait une mission pour l’AFP lorsqu’il a reçu ce tir de flashball, cela ne signifie par pour autant qu’il n’était pas sous l’autorité de la société [5].

En effet, il convient de relever que la société a complété une déclaration d’accident du travail le 14 janvier 2019 dans laquelle elle se désigne comme étant l’employeur de M. [F] [S] alors même qu’elle avait été mise au courant de la date et de l’heure des faits. La société [5], qui n’a émis aucune réserve y indique que l’assuré a reçu un tir de flashball au cours d’un reportage photo, sans pour autant préciser qu’il était en congé, ni qu’il travaillait, à ce moment-là, pour qui que ce soit d’autre. Elle précise également avoir été prévenue des faits immédiatement.

De plus, la caisse verse aux débats un extrait d’un article publié dans le journal Sud-Ouest indiquant qu’un ‘ des photographes de Sud-Ouest a été blessé par un tir de flashball des forces de l’ordre. Il a filmé la scène ‘. Plus loin, M. [F] [S] est présenté comme un ‘ reporter photographe pour X à [Localité 4] ‘ qui ‘ a couvert samedi la seule manifestation des gilets jaunes en Charente-Maritime ‘, ce à quoi la société s’oppose en faisant valoir qu’elle a simplement acheté les photos réalisées par l’assuré, sans pour autant en fournir la preuve.

En outre, bien qu’une déclaration d’accident du travail a été complétée le 16 janvier 2019 par l’AFP, aucune caisse n’en a été destinataire. Enfin, l’AFP précise dans ce document n’avoir été avertie des faits que le 14 janvier 2019, soit deux jours après la société [5] et elle émet des réserves formulées comme suit : ‘ ce salarié nous a informé qu’il travaillait également pour Sud ‘.

Il résulte de tous ces éléments que la société [5] qui ne rapporte pas la preuve que M. [F] [S] ne travaillait pas pour elle lorsqu’il a été blessé le 12 janvier 2019, ne parvient pas à renverser la présomption d’imputabilité dont se prévaut la caisse.

Par conséquent, le jugement rendu le 24 janvier 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux est confirmé.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement rendu le 24 janvier 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux,

Y ajoutant,

Condamne la société [5] aux dépens de la procédure d’appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


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