La société Universal a été condamnée à payer à la SPEDIDAM plus de 20 000 euros au titre de l’exploitation secondaire (vidéogrammes) non autorisée d’une prestation concert de 20 artistes-interprètes engagés par la société Artmada Productions dans le cadre du festival des « Nuits de Fréjus » (concert « Little Italy » de Roberto Alagna).
La société Universal, licenciée exclusif du vidéogramme, n’avait pas vérifié la réalité de la cession des droits évoquée dans le contrat de licence lequel stipulait pourtant que la copie des contrats de cession de droits des musiciens, du chef d’orchestre et de tout ayant-droit devait lui être remise.
Les artistes-interprètes ont été rémunérés par des cachets versés par la société Artmada Productions en contrepartie de l’exécution de leurs prestations, et ont signé une feuille de présence matérialisant leur accord pour la fixation de leurs prestations et l’exploitation de l’enregistrement du spectacle mais uniquement sous forme de « radiodiffusion audiovisuelle (diffusion télévision)» à titre de première destination, laquelle a eu lieu sur France 3, le 21 août 2013.
La SPEDIDAM a fait valoir avec succès qu’elle n’avait pas autorisé ces utilisations secondaires de l’enregistrement litigieux qui n’ont donné lieu à aucune rémunération pour les artistes-interprètes.
Pour rappel, aux termes de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle «sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image.
Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 212-6 du code de la propriété intellectuelle.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 11 JANVIER 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :20/08973 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCAEG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 19/04324
APPELANTE
SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 414 945 188
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
20/ 22 rue des Fossés Saint-Jacques
[…]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, toque : E0329
INTIMEE
SOCIETE DE PERCEPTION ET DE DISTRIBUTION DES DROITS DES ARTISTES INTERPRETES (SPEDIDAM)
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représentée et assistée de Me AA AB, avocat au barreau de PARIS, toque : E0606
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 3 juillet 2020′;
Vu l’appel interjeté à l’encontre dudit jugement le 9 juillet 2020 par la société Universal Music France (Universal);
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 21 décembre 2020 par la société Universal Music France, appelante’;
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 15 octobre 2020 par la Société de perception et distribution des droits des artistes-interprètes – SPEDIDAM, intimée’;
Vu l’ordonnance de clôture du 8 juin 2021′;
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM) est un organisme de gestion collective qui a pour objet social l’exercice et l’administration dans tous les pays des droits reconnus aux artistes-interprètes.
Les 12 et 13 août 2013, vingt artistes-interprètes faisant partie du « G H AC AD» ont été engagés par la société Artmada Productions dans le cadre du festival des « Nuits de Fréjus » pour participer au concert « Little Italy » de Roberto Alagna.
Les 20 artistes-interprètes, tous adhérents de la SPEDIDAM, sont les suivants :
– Gwen Badoux
– X Y
– Z A
– AE-AF AG
– V-AH AI
– Z B
– C D
– E F
– G H
– I H
– J K
– L M
– N O
– P Q
– Rodolphe Millet
[…]
– Claudio de Queiroz
– R S
– T U
– V W.
Les artistes-interprètes ont été rémunérés par des cachets versés par la société Artmada Productions en contrepartie de l’exécution de leurs prestations, et ont signé une feuille de présence matérialisant leur accord pour la fixation de leurs prestations et l’exploitation de l’enregistrement du spectacle sous forme de « radiodiffusion audiovisuelle (diffusion télévision)» à titre de première destination, laquelle a eu lieu sur France 3, le 21 août 2013.
Au mois de septembre 2014, les artistes-interprètes ont informé la SPEDIDAM de l’exploitation de l’enregistrement du concert « Little Italy » sous la forme d’un phonogramme et d’un vidéogramme du commerce publiés le 21 avril 2014 par la société Universal sous son label Deutsche Grammophon.
Les enregistrements sonores et audiovisuels du concert ont été coproduits par les sociétés Antydote et Boralys. La société Universal a conclu avec la société Antydote un ‘contrat de licence’ aux termes duquel la société Antydote cède à la société Universal à titre exclusif les droits d’exploitation des enregistrements vidéo issus de la captation audiovisuelle du concert du 13 août 2013 à Fréjus.
La SPEDIDAM indique n’avoir pas autorisé ces utilisations secondaires de l’enregistrement litigieux qui n’ont donné lieu à aucune rémunération pour les artistes-interprètes.
Par courrier recommandé du 17 décembre 2014, la SPEDIDAM après avoir rappelé à la société Universal la nécessité d’obtenir une autorisation écrite pour toute utilisation secondaire de prestations d’artistes-interprètes en application de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, lui a demandé de régulariser la situation. Le même jour la SPEDIDAM a émis une facture d’un montant de 23 592,47 euros TTC à l’encontre de la société Boralys.
Par courrier du 23 décembre 2014, la société Universal a répondu qu’elle n’avait « que la qualité de licencié exclusif des droits d’exploitation de cet enregistrement, et ce en vertu d’un contrat de licence conclu avec la société Antydote », à laquelle il incombait selon elle la responsabilité d’obtenir les autorisations nécessaires.
Les sociétés Antydote et Boralys ayant été placées en liquidation judiciaire au mois d’octobre 2014, la SPEDIDAM a régulièrement déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Boralys, laquelle a été admise à titre privilégié pour la somme de 23 592,47 euros par ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre du 15 octobre 2015. La SPEDIDAM n’a cependant pu être désintéressée qu’à concurrence de 2 370,66 euros, laissant ainsi subsister une créance de 21 221,81 euros selon certificat d’irrecouvrabilité délivré le 7 avril 2017.
C’est dans ce contexte que par acte du 5 avril 2019, la SPEDIDAM a assigné la société Universal devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris, pour obtenir réparation de l’atteinte portée selon elle aux droits exclusifs des artistes-interprètes.
Par jugement dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a’:
Dit que la SPEDIDAM est recevable en ses demandes’;
Dit qu’en exploitant l’enregistrement du concert «’Little Italy’» sous la forme d’un phonogramme et d’un vidéogramme du commerce publiés le 21 avril 2014 sous le label «’Deutsche Grammophon’», la société Universal Music France a porté atteinte aux droits voisins des vingt artistes-interprètes composant le «’G H AC AD’»’;
Condamné la société Universal Music France à payer à la SPEDIDAM la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes portées aux droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes’;
Rejeté le surplus des demandes indemnitaires de la SPEDIDAM’;
Condamné la société Universal Music France à verser à la SPEDIDAM la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamné la société Universal Music France aux dépens, dont distraction au profit de Maître AA AB’;
Ordonné l’exécution provisoire.
Sur l’atteinte aux droits voisins des artistes-interprètes
La société Universal Music France fait valoir qu’il résulte de la facture que la SPEDIDAM a adressée à la société Boralys le 17 décembre 2014 laquelle mentionne ‘utilisations secondaires de l’enregistrement du spectacle ‘Little Italy’ de Roberto Alagna réalisé le 13 août 2013 aux Arènes de Fréjus sous forme de vidéogrammes et de phonogrammes du commerce’ , qu’un contrat de cession des droits y afférents s’est formé entre elles, de sorte que la SPEDIDAM a expressément autorisé la société Boralys à commercialiser les enregistrements en cause. Elle en conclut que l’exigence d’une autorisation écrite requise par l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi parfaitement satisfaite.
Elle ajoute que la société Antydote en qualité de coproducteur avec la société Boralys des enregistrements en cause a donc pu valablement les lui concéder en vue de leur exploitation sous forme de phonogramme et de vidéogramme du commerce ; qu’il importe peu que le contrat qu’elle a conclu avec la société Boralys soit antérieur à la facture de la SPEDIDAM du 17 décembre 2014 puisque cette situation a été régularisée par la cession résultant de ladite facture; qu’il n’importe pas davantage que la SPEDIDAM a facturé la société Boralys alors que le cocontractant de la société Universal est la société Antydote, ces deux sociétés coproductrices se représentant mutuellement tant à l’égard de la SPEDIDAM que de la société Universal ; qu’il est indifférent qu’elle ne se soit pas fait remettre les contrats conclus avec les musiciens comme le prévoit le contrat du 15 novembre 2013.
La SPEDIDAM fait observer que les vingt artistes-interprètes ayant participé au spectacle «Roberto Alagna / Little Italy » des 12 et 13 août 2013 ont autorisé l’enregistrement de leurs prestations et leur exploitation sous la seule forme de diffusion télévisuelle, ainsi qu’il ressort de la feuille de présence qu’ils ont signée à cette occasion ; que les artistes-interprètes n’ont pas ultérieurement autorisé par écrit la réutilisation de leur interprétation sous forme de phonogramme et de vidéogramme du commerce ; que le fait que les sociétés Antydote et Boralys soient mentionnées sur le support du DVD en qualité de coproducteurs audiovisuels n’enlève rien au fait que le phonogramme et le vidéogramme litigieux ont été commercialisés par la société Universal sous son label Deutsche Grammophon ; que le contrat de licence avec la société Antydote invoqué par la société Universal ne permet pas de la faire échapper à sa responsabilité, dès lors que la SPEDIDAM est tiers à ce contrat qui lui est donc inopposable ; que les autorisations d’utilisations secondaires délivrées par la SPEDIDAM ne sont pas des contrats de cession ou de concession de droits, mais des autorisations délivrées au nom et pour le compte des artistes-interprètes dont elle exerce les prérogatives ; qu’elles doivent être de forme écrite et de caractère exprès et ne sauraient être acquises du seul fait des circonstances ; que la seule édition d’une facture par l’organisme de gestion collective représentant les artistes-interprètes n’équivaut pas à la délivrance d’une autorisation expresse d’exploitation ; encore moins si elle n’est pas réglée par son destinataire, comme c’est le cas en l’espèce.
Au surplus, elle fait valoir que ladite rétrocession est intervenue antérieurement à la délivrance de l’autorisation par la SPEDIDAM, les contrats de cession et de licence produits par la société Universal Music France étant datés du 15 novembre 2013 et conclus avec la société Antydote à laquelle en tout état de cause la SPEDIDAM n’a adressé aucune facture.
Aux termes de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle «sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image. Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 212-6 du présent code ».
En l’espèce, il n’est pas discuté que si les sociétés Antydote et Boralys sont mentionnées sur le support du DVD litigieux en qualité de coproducteurs audiovisuels, le phonogramme et le vidéogramme incriminés ont été commercialisés en 2014 par la société Universal sous son label ‘Deutsche Grammophon’.
Il est également constant que les vingt artistes-interprètes composant le « G H AC AD » ayant participé aux spectacles « Roberto Alagna / Little Italy » des 12 et 13 août 2013 ont seulement autorisé l’enregistrement de leurs prestations et leur exploitation sous la forme d’une diffusion télévisuelle.
La société Universal ne peut se prévaloir de la seule édition par la SPEDIDAM d’une facture restée impayée à l’encontre de la société Boralys et de sa déclaration de créances au passif de ladite société de coproduction, qui ne valent pas autorisation expresse d’exploitation des enregistrements litigieux au bénéfice de la société Universal, pour prétendre n’avoir commis aucune atteinte aux droits des artistes interprètes, et ce d’autant que la société Universal a conclu une licence avec la société Antydote et non avec la société Boralys qui ne peut dès lors lui avoir concédé aucun droit, étant au surplus observé, comme l’a justement relevé le tribunal, que la société Universal n’a pas vérifié la réalité de la cession des droits évoquée dans le contrat de licence lequel stipulait pourtant que la copie des contrats de cession de droits des musiciens, du chef d’orchestre et de tout ayant-droit devait lui être remise.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a dit qu’en exploitant l’enregistrement du concert ‘Little Italy’ sous la forme d’un phonogramme et d’un vidéogramme du commerce publiés en avril 2014 sous le label ‘Deutsche Grammophon’ la société Universal Music France a porté atteinte aux droits voisins des 20 artistes-interprètes composant le ‘G H AC AD’.
Sur les demandes indemnitaires
La société Universal Music France soutient à titre subsidiaire que la SPEDIDAM ne saurait se voir allouer que le solde de sa créance envers la société Boralys, c’est-à-dire la somme de 21 221,81 euros. Elle prétend qu’elle n’avait pas à demander l’autorisation des musiciens concernés puisqu’aux termes du contrat du 15 novembre 2013, les coproducteurs des enregistrements en cause devaient s’en charger, et qu’il n’y a pas lieu dès lors de faire application des dispositions de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle permettant d’allouer une somme forfaitaire supérieure au montant des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
Elle estime en outre qu’il ne saurait y avoir d’atteinte à l’intérêt collectif des artistes-interprètes, dès lors que les droits des musiciens concernés n’ont pas été ignorés, mais ont simplement fait l’objet d’un impayé partiel en raison d’une procédure collective. En tout état de cause, à supposer qu’il existe, elle considère que le préjudice collectif ne saurait en l’espèce excéder l’euro symbolique.
La SPEDIDAM expose que le montant total de la redevance due à la SPEDIDAM pour les exploitations réalisées s’élève à la somme de 21 447,70 € HT soit 23 592,47 € TTC, qu’elle est parvenue à récupérer la somme de 2 370,66 € au passif de la liquidation judiciaire de la société Boralys de sorte qu’elle s’est vue privée d’un montant de redevance de 21 221,81 € TTC, et que compte tenu du caractère indemnitaire de la somme réclamée par elle en réparation du préjudice individuel subi par les artistes-interprètes concernés en application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, le tribunal a justement fixé à 25 000 € le montant des dommages-intérêts alloués à ce titre.
Elle soutient en outre qu’elle a pour objet la défense des intérêts individuels des artistes-interprètes et de l’intérêt collectif de la profession afin que soient respectés les droits reconnus aux artistes-interprètes ; qu’il est dommageable pour le respect des droits voisins des artistes-interprètes qu’un professionnel averti de l’industrie phonographique comme la société Universal Music France s’affranchisse consciemment des règles d’ordre public instituées par les articles L. 212-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ; que l’intérêt collectif de la profession d’artiste-interprète est nécessairement atteint par la décision d’un producteur de procéder à l’exploitation de la prestation enregistrée de 20 artistes-interprètes sans acquitter les droits correspondants et ce d’autant que la société Universal Music France a persisté en refusant toute régularisation amiable du dossier.
Ainsi qu’il vient d’être jugé, la société Universal a porté atteinte aux droits voisins des 20 artistes-interprètes composant le ‘G H AC AD’ en exploitant l’enregistrement du concert ‘Little Italy’ sous la forme d’un phonogramme et d’un vidéogramme du commerce publiés en avril 2014 sous le label ‘Deutsche Grammophon’, de sorte que l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, prévue pour la fixation des dommages-intérêts en réparation d’un telle atteinte, est bien applicable en l’espèce.
La cour rappelle qu’en application de l’alinéa 2 de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a été porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
En l’espèce, c’est par de justes motifs en fait et en droit adoptés par la cour que le tribunal, après avoir relevé que le montant total non discuté de la redevance due à la SPEDIDAM pour les exploitations secondaires litigieuses s’élève à la somme de 23.592,47 euros et que la SPEDIDAM est parvenue à récupérer la somme de 2.370,66 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Boralys, a retenu que les atteintes portées aux droits des artistes-interprètes justifient qu’il soit fait droit à la demande d’octroi d’une indemnité forfaitaire d’un montant de 25.000 euros. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé de ce chef.
S’agissant de la demande de réparation du préjudice collectif subi par la profession des artistes-interprètes, la cour constate que la société Universal Music France, qui est un professionnel averti et notoire de l’industrie phonographique, n’a pas vérifié la réalité de la cession des droits des artistes-interprètes et a procédé à l’exploitation des enregistrements litigieux concernant 20 artistes-interprètes sans s’acquitter des droits correspondants ni régulariser la situation nonobstant le courrier de la SPEDIDAM du 17 décembre 2014.
Cette violation délibérée et persistante des droits des artistes-interprètes a causé un préjudice moral à la profession des artistes-interprètes. Il convient dès lors de faire droit à la demande de condamnation de la société Universal à la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession des artistes-interprètes. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté le surplus de demande indemnitaire de la SPEDIDAM,
L’infirmant sur ce point et statuant à nouveau,
Condamne la société Universal Music France à payer à la SPEDIDAM la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession des artistes-interprètes,
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
Condamne la société Universal Music France aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile, et vu l’article 700 du même code, la condamne à payer à ce titre à la SPEDIDAM une somme de 5 000 euros.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE