Filmer une réunion privée : le droit à l’image exclu

·

·

Filmer une réunion privée : le droit à l’image exclu

Suite à la diffusion d’une vidéo sur Youtube, le dirigeant d’une société (bailleur social) a invoqué sans succès une atteinte à son droit à l’image et au respect de la vie privée protégé par l’article 9 du code civil.

Refus de se faire filmer non réitéré

La vidéo diffusée sous le titre ‘Qui est M.X  » a été filmée à son insu, alors qu’il avait expressément manifesté son désaccord, lors d’une réunion de concertation locative non ouverte au public, à laquelle le représentant d’une association ne pouvait assister faute de remplir les conditions requises.

S’il n’est pas sérieusement contestable que le dirigeant, bien qu’étant situé en arrière-plan, est personnellement visé par cette courte vidéo ainsi que cela résulte du titre même de la publication, et s’il est constant qu’elle a été tournée dans le cadre d’une réunion du conseil de concertation locative dont l’accès était limité aux seuls membres du conseil autorisés à siéger, il n’est toutefois pas établi que le dirigeant avait manifesté de manière réitérée son refus d’être filmé, avant la fin de l’enregistrement où il demande l’arrêt de la prise de vue.

Contexte du débat d’intérêt général

Au surplus, cette vidéo qui tend à démontrer que l’accès à la réunion aurait été refusé de manière prétendument illégitime au représentant de l’association, doit être replacée dans le contexte de relations tendues, voire conflictuelles, entretenues depuis plusieurs années entre l’association et les bailleurs sociaux, ainsi que cela ressort d’articles de presse, concernant en particulier la représentativité de l’association, laquelle avait notamment obtenu en mai 2019 l’annulation de l’élection des représentants de locataires appelés à siéger au conseil d’administration d’un bailleur social, de sorte que l’atteinte portée au droit à l’image du dirigeant par la diffusion de cette courte vidéo doit être appréciée au regard du principe de la liberté d’information, appréciation relevant du juge du fond, le juge des référés ne pouvant sanctionner qu’un abus manifeste non caractérisé en l’espèce.

Démonstration d’un trouble manifestement illicite

En l’absence de démonstration d’un trouble manifestement illicite, la décision entreprise devra donc être confirmée en ce qu’elle a rejeté l’ensemble des demandes formulées par le dirigeant, nonobstant le motif inopérant de l’existence d’une contestation sérieuse.

________________________________________________________________________________________________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 03 août 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 20/02919 – N° Portalis DBVW-V-B7E-HNBM

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé du 25 septembre 2020 rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE de STRASBOURG

APPELANT et demandeur :

Monsieur G Z

demeurant […]

[…]

représenté par Maître BOUDET, avocat à la cour

INTIMÉS :

– demandeurs :

1 – Monsieur X-M D

demeurant […]

[…]

assigné à personne le 05 novembre 2020

n’ayant pas constitué avocat

2 – Monsieur X-N A

demeurant […]

[…]

assigné à personne le 10 décembre 2020

n’ayant pas constitué avocat

– défendeurs :

3 – Monsieur I B

en qualité de Président et de directeur de publication de la page

Facebook de l’Association des Locataires Indépendants de

[…]

demeurant 2 rue du Haut-Koenigsbourg

[…]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale n° 2020/005255 du 22/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

4 – Monsieur K Y

en qualité de secrétaire de l’Association des Locataires

Indépendants de […]

demeurant […]

[…]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale n° 2020/005254 du 12/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

5 – L’ASSOCIATION DES LOCATAIRES INDEPENDANTS

DE STRASBOURG (ALIS)

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentés par Maître WIESEL, avocat à la cour

plaidant : Maître Renaud SCHMITT, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 avril 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Françoise HARRIVELLE, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT Réputé contradictoire

— prononcé publiquement après prorogation du 10 juin 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Par actes délivrés le 19 mai 2020, MM. G Z, X-N A et X-M D ont fait assigner M. K Y, en sa qualité de président de l’Association des Locataires Indépendants de […], devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg afin d’obtenir, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, le retrait, de plusieurs publications, vidéos et photographies sur la page Facebook de l’association et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la date de l’ordonnance à intervenir et par infraction constatée, et qu’il soit fait défense, également sous astreinte, à M. Y et à l’association ALIS de réitérer toute imputation diffamatoire ou injurieuse à leur égard.

Par acte délivré le 2 juillet 2020, MM. G Z, X-N A et X-M D ont fait assigner, aux mêmes fins, Monsieur I B en sa qualité de président de l’Association des Locataires indépendants de Strasbourg devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Par ordonnance du 25 septembre 2020, le juge des référés, après jonction des procédures, a déclaré irrecevables les demandes dirigées contre M. K Y, dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus, condamné in solidum MM. Z, A et D à payer à MM. Y et B la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour rejeter l’exception de nullité des assignations, au regard de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, le juge des référés a considéré que les demandeurs avaient régulièrement élu domicile dans la ville de la juridiction et précisément listés, pour chacun d’eux, les propos incriminés qualifiés, selon le cas, de diffamatoires ou d’injurieux, et ceux qu’ils estimaient porter atteinte à leur vie privée, de sorte qu’il n’existait aucune ambiguïté quant aux propos incriminés, à leur nature et leur qualification juridique. Le juge des référés a par contre considéré que seul M. B, président de l’association Alis et directeur de publication de

la page Facebook de l’association, avait qualité à défendre de sorte que la demande dirigée contre M. Y, secrétaire de cette association était irrecevable.

Après avoir rappelé que l’association Alis était une association militante de défense des locataires et qu’à l’occasion de l’exercice de son objet social elle avait vocation à interagir avec différents bailleurs sociaux et leurs dirigeants, notamment M. Z, directeur général de la société Alsace Habitat (anciennement Sibar), le juge des référés a considéré que :

— les articles, vidéos et photographies litigieux, postés sur la page Facebook de l’association, visaient à critiquer la gestion du parc locatif par les bailleurs sociaux et en particulier leur attitude au sein des instances de concertation, d’en informer les locataires, les futurs locataires et aussi plus généralement, le public en ce compris les électeurs et contribuables, qui financent ces organismes par les impôts versés, et étaient, comme leur mode d’expression, susceptibles de relever d’un sujet d’intérêt général,

— les propos portaient soit sur des faits bien trop vagues et imprécis pour être qualifiés de déclarations de fait au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, soit traduisaient un simple ressenti et une appréciation négative du travail des demandeurs et des relations que ces derniers

entretiennent avec les associations de locataires et devaient être qualifiés de ‘jugements de valeur’ au sens de la jurisprudence de cette Cour, nécessitant pour qu’ils soient considérés comme portant atteinte à la liberté d’opinion qu’il soit démontré qu’ils ne reposent pas sur une base factuelle suffisante,

— en l’espèce, les propos litigieux ont été rapportés par une association de locataires en relation avec les bailleurs sociaux et leurs dirigeants depuis sa création qui pour formuler son opinion négative s’est notamment appuyée sur le témoignage de plusieurs locataires et sur des éléments objectifs,

— les défendeurs établissaient en outre avoir été illégalement exclus de la salle de dépouillement lors des dernières élections de locataires au conseil d’administration d’un bailleur social en violation manifeste des règles électorales élémentaires et démontraient également l’existence de rapports publics négatifs relatifs aux méthodes de management pratiqués par certains bailleurs sociaux, de sorte que les critiques, fussent-elles injustes ou non vérifiées, reposaient sur une base factuelle suffisante au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme,

— les propos et les publications incriminés, pour désagréables qu’ils puissent être, étaient relativement mesurés au regard des standards de la liberté d’expression dans une société démocratique et ne pouvaient être qualifiés, avec l’évidence que requiert les limites du pouvoir du juge des référés, de diffamatoires ou injurieux,

— la courte vidéo critiquée par M. Z n’était accompagnée d’aucun commentaire ou montage qui constitueraient une atteinte à son droit à l’image ou au respect de sa vie privée.

Le juge des référés a déduit du tout que l’injonction de retirer de telles publications et l’allocation d’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice moral ou économique qui pourraient en résulter caractériseraient une ingérence manifestement disproportionnée à la liberté d’expression des défendeurs, contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, de sorte que les demandes se heurtaient à une contestation sérieuse.

*

M. Z a interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2020, intimant toutes les parties.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 janvier 2021, il demande à la cour d’infirmer la décision en ce qu’elle a rejeté ses demandes, et statuant à nouveau de :

— débouter les défendeurs et intimés de leur exception de nullité,

— constater l’existence d’un trouble manifestement illicite, dire que les propos qu’il cite sont suivant le cas, diffamatoires ou injurieux,

— dire que la diffusion publique de la vidéo intitulée ‘Qui est G Z  » est attentatoire à son droit au respect à l’image et à la vie privée,

— ordonner le retrait de la page Facebook de l’association ALIS de différents articles et de la vidéo, sous astreinte,

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, sous astreinte, en photo de couverture de la page Facebook de l’association Alis,

— faire interdiction à M. C, en sa qualité de président de l’association ALIS et de directeur de la publication de réitérer ses propos, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée,

— le condamner in solidum avec l’association ALIS au paiement d’une provision de 2 000 euros à valoir sur son préjudice et d’une indemnité de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— déclarer l’arrêt à intervenir commun à MM. D et A.

Il approuve les motifs de la décision pour rejeter l’exception de nullité de l’assignation.

Il soutient que le juge des référés est compétent pour prendre des mesures de nature à prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite et que des diffamations ou injures envers un particulier sont susceptibles de constituer un tel trouble, de sorte que le juge des référés peut prescrire les mesures nécessaires afin de faire cesser ce trouble.

Il fait valoir que dans la recherche d’un nécessaire équilibre entre la protection des droits de la personnalité et le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression, il appartient à la juridiction des référés de prendre en considération les prérogatives particulières conférées notamment à l’auteur de propos diffamatoires par les dispositions d’ordre public de la loi du 29 juillet 1881 ; il doit ainsi s’assurer, pour apprécier si le trouble causé revêt ou non un caractère manifestement illicite, de l’existence et de l’apparente pertinence des éléments de conviction susceptibles d’être invoqués.

Il considère que l’article intitulé « parc locatif d’opus 67 dirigé durant des années par G Z » est injurieux en ce qu’il salit publiquement son image eu usant d’expressions méprisantes, et outrageantes ; que l’article publié, le 2 mars 2020, à la suite de la diffusion d’une vidéo sur la page Facebook de l’association ALIS, intitulée : « Qui est G Z  » contient des propos injurieux, attentatoires à sa réputation professionnelle, sa considération et son honneur ; qu’une autre vidéo publiée le 4 mars 2020 intitulée ‘la représentativité démocratique mise à mal’ comporte des propos injurieux le concernant.

Il soutient que l’allégation selon laquelle, au sein d’ Opus 67, ‘nombre de salariés dénoncent une gestion de terreur’ ainsi que l’affirmation suivante : « ils font du business sur la misère sociale, ils favorisent leurs amis pour des postes », qui le visent notamment, sont diffamatoires.

Il invoque enfin une violation de son droit à l’image et à la vie privée par la diffusion de la vidéo intitulée : ‘Qui est G Z  » dans le cadre de laquelle il a été filmé contre son gré, lors d’une réunion de concertation locative qui n’était pas ouverte au public et estime qu’il est parfaitement individualisé et visé dans cette vidéo contrairement à ce qu’a retenu le premier juge.

L’appelant reproche au juge des référés d’avoir fait une application erronée des principes dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme.

Il fait valoir qu’en matière de diffamation, lorsque l’auteur des propos soutient qu’il était de bonne foi, il appartient aux juges, qui examinent à cette fin si celui-ci s’exprimait dans un but légitime, était dénué d’animosité personnelle, s’est appuyé sur une enquête sérieuse et a conservé prudence et mesure dans l’expression, de rechercher d’abord, selon les principes dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, afin, s’il constate que ces deux conditions sont réunies, d’apprécier moins strictement les quatre critères, s’agissant notamment de l’absence d’animosité personnelle et de la prudence dans l’expression.

Or les propos incriminés ne relèvent pas d’un débat d’intérêt général et ne s’inscrivent pas dans un débat public mais dans le cadre de la concertation locative à laquelle participe l’association ALIS qui doit respecter la charte de bonne conduite, intégrée au Plan de Concertation Locative dont elle est la signataire.

Il relève que des jugements de valeur qui, à la différence des déclarations de fait, ne peuvent être prouvés, doivent être considérés comme excessifs en l’absence de base factuelle suffisante, et que le juge ne pouvait, à cet égard, se référer à une offre de preuve qui n’a pas été régulièrement signifiée et reposait sur un article postérieur aux propos incriminés.

Enfin, contrairement à l’appréciation du premier juge les propos ne sont pas relativement mesurés mais revêtent, même en référé, un caractère évident d’injure ou de diffamation.

*

Par conclusions du 18 février 2021, MM. Y et B et l’association ALIS demandent à la cour de rejeter l’appel, confirmer l’ordonnance entreprise, subsidiairement constater, au besoin, prononcer la nullité des assignations, dire n’y avoir lieu à référé, et en tout état de cause, débouter M. Z et le condamner au paiement d’une indemnité de procédure de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

Pour conclure, subsidiairement, à la nullité des assignations, ils invoquent une double domiciliation de M. Z chez l’huissier de justice et chez son conseil en méconnaissance des dispositions d’ordre public de l’article 53, alinéas 2 et 3de la loi du 29 juillet 1881.

Ils soutiennent ensuite que M. Z agit en qualité de directeur général de Sibar et non à titre personnel, de sorte que le premier juge ne pouvait se fonder sur les articles 32, alinéa 1 et 33, alinéa 2 qui visent des injures et diffamations envers des particuliers.

Les intimés rappellent que la liberté d’expression est un principe constitutionnellement garanti impliquant le droit à l’expression libre de son opinion, plus particulièrement dans le domaine politique ou syndical et plus généralement, sous l’influence du droit européen, lorsque les propos s’inscrivent dans le cadre d’un « débat d’intérêt général », entendu au sens large.

Pour être sanctionnée en référé la diffamation n’est pas seulement caractérisée par l’existence d’une imputation mais suppose que l’auteur de la publication ne puisse manifestement pas se prévaloir d’une quelconque cause de justification dans le cadre d’un débat de fond, ce qui suppose de vérifier l’existence d’éléments permettant d’alimenter, devant les juges du fond, un débat sérieux sur une éventuelle exception de vérité ou sur la bonne foi de l’auteur des propos du fait de l’existence d’une base factuelle suffisante.

Ils considèrent en l’espèce, que le juge des référés a fait une exacte appréciation des dispositions applicables.

Ils estiment ainsi que les propos tenus dans l’article intitulé ‘ parc locatif opus 67″ n’ont pas de caractère injurieux, car ils sont imprécis et généraux et n’excèdent pas les limites admissibles de la critique et de la liberté d’expression dans une société démocratique.

S’agissant de l’article sur la représentativité démocratique qui vise les trois demandeurs, il appartient à M. Z d’articuler chaque fait ou propos et, pour chacun d’entre eux, de préciser ce qu’il entend voir juger au titre de l’injure, ce d’autant plus qu’il n’est nommément visé que de façon marginale, à une seule et unique reprise, en des termes particulièrement vagues et imprécis. Au surplus, il ne peut être fait abstraction du contexte qui fait suite à des incidents survenus dans le cadre de l’élection des représentants des locataires au conseil de surveillance de la société anonyme de coordination regroupant trois bailleurs sociaux, à savoir un défaut de publicité du dépouillement et des irrégularités du décompte des voix qui ont entraîné l’annulation de l’élection, alors que de surcroît la représentante de l’association ALIS, qui avait obtenu 46,35 % des voix, avait été écartée du conseil de surveillance. Dans ce contexte, ces propos tenus ‘à chaud’ n’ont pas dépassé les limites d’un débat démocratique.

De même, ils réfutent les prétendus propos diffamatoires qui ne résultent que de l’interprétation que leur donne M. Z, alors que le climat social dégradé au sein d’Opus 67 est de notoriété publique et relayé dans la presse locale. Ils soutiennent que leur offre de preuve est régulière pour avoir été signifiée par M. Y, qui était alors le seul défendeur, et dans les délais qui étaient prorogés en raison de la crise sanitaire, et qu’ils justifient non seulement d’une base factuelle suffisante mais aussi de la véracité des propos.

Ils soutiennent que dans la citation de la phrase : ‘ils font du business sur la misère sociale, ils favorisent leurs amis pour des postes inexistants…’ les termes ‘peut-être’ ont été omis, et que ces propos ne peuvent être à la fois qualifiés d’injures et de diffamation. Au surplus, il s’agit de propos tenus en des termes généraux et imprécis, ne se rapportant à l’évidence pas à un fait précis et ne pouvant dès lors relever de la diffamation.

Enfin sur l’atteinte au droit à l’image, ils approuvent les motifs du premier juge qui a justement relevé que M. Z n’est pas directement et exclusivement filmé, cette vidéo n’étant au surplus assortie d’aucun commentaire.

Ils considèrent donc que l’existence d’un trouble manifestement illicite n’est pas caractérisée et en tout état de cause, que les mesures demandées constitueraient une ingérence manifestement disproportionnée à la liberté d’expression.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

L’affaire a été fixée d’office à bref délai à l’audience de plaidoiries du 15 avril 2021.

MOTIFS

MM. D et A, à qui la déclaration d’appel et les conclusions d’appel ont été régulièrement signifiées par exploits des 5 novembre 2020 et 10 décembre 2020 délivrés à personne, n’ont pas constitué avocat. Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire.

À titre liminaire, il sera constaté que l’ordonnance querellée n’est pas critiquée en ce qu’elle a considéré que seul M. B, président de l’association Alis et directeur de publication de la page Facebook de l’association, avait qualité à défendre et que la demande dirigée contre M. Y, secrétaire de cette association, était irrecevable.

Ainsi que l’a exactement rappelé le premier juge, l’article 835 du code de procédure civile confère au juge des référés le pouvoir, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Constitue un trouble manifestement illicite toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Pour constater l’existence d’un tel trouble, il appartient au juge de vérifier à la fois l’existence d’un acte ne relevant pas de l’exercice d’un droit légitime de son auteur et celle d’une atteinte dommageable aux droits ou intérêts légitimes du demandeur.

La liberté d’expression est garantie par le premier alinéa de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Si la liberté est le principe, la Cour européenne des droits de l’homme admet toutefois que son exercice puisse être limité ‘ par la loi , au sens de la Convention, toute ‘ ingérence dans la liberté d’expression, supposant néanmoins, en application de l’alinéa 2 de cet article, que soit opéré un contrôle de proportionnalité.

M. Z invoque au soutien de ses prétentions, l’article 32, alinéa 1er de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 qui réprime la diffamation commise envers des particuliers, ainsi que l’article 33, alinéa 1er de cette loi qui réprime l’injure commise envers les citoyens chargés d’un service public, l’article 29 de la loi définissant la diffamation comme ‘ toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’ et l’injure comme ‘toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’.

Pour pouvoir ordonner, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile précité, le retrait de publications contenant des propos qualifiés de diffamatoires ou d’injurieux en vertu de ces textes, le juge des référés doit vérifier si les propos incriminés peuvent, de tout évidence, revêtir une des qualifications prévues par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et si leur auteur n’est pas susceptible de se prévaloir, dans un débat au fond, d’une cause de justification légalement admise.

À cet égard, la Cour de cassation considère traditionnellement que la bonne foi est un fait

justificatif de la diffamation. Celle-ci est constituée dès lors que sont réunis quatre éléments : la légitimité du but poursuivi, une absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression ainsi que le sérieux de l’enquête.

Ces critères interprétés à l’aune de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme supposent de rechercher en premier lieu si les propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et en second lieu, s’agissant en l’espèce de jugements de valeur au sens la jurisprudence de cette Cour, ce qui n’est pas discuté, s’ils reposent sur une base factuelle suffisante.

Ainsi que l’a exactement retenu le premier juge, la notion de débat d’intérêt général est entendue par la Cour européenne des droits de l’homme dans un sens large. Doivent notamment être pris en considération la personne visée par les propos en cause et la nature des informations.

À cet égard, ainsi que le relèvent les intimés, les propos incriminés visent M. Z, non pas à titre personnel, mais en sa qualité de dirigeant d’une société ayant une activité de bailleur social, exerçant à ce titre une fonction à caractère

publique. En outre, les articles et vidéos litigieux diffusés par l’association Alis, qui a pour objet la défense des droits et intérêts des locataires sur toutes les questions concernant l’habitat, l’urbanisme… et de manière générale l’amélioration du cadre de vie des habitants, visent à critiquer la gestion de leur parc locatif par les bailleurs sociaux et à dénoncer l’attitude de leur dirigeants dans le cadre des instances de concertation, et ont par conséquent trait aux conditions de vie et au bien-être des locataires ou futurs locataires et plus généralement à la vie de la collectivité. C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que les articles et vidéos incriminés relevaient d’un débat d’intérêt général.

I- sur les propos injurieux

M. Z considère que sont injurieux au sens de l’article 33, alinéa 1er (et non pas alinéa 2), de la loi du 29 juillet 1881 les propos suivants :

1) Dans un article intitulé « parc locatif d’opus 67 dirigé durant des années par G Z » publié le 26 février 2020 sur la page Facebook de l’association ALIS : « Voilà la réalité en image de l’état de nos quartiers. Immeubles gérés par OPUS 67, ce bailleur social a été durant des années tenu par G Z décoré de l’insigne de chevalier de l’ordre national du Mérite. ALIS-UNLI va lui décerner la médaille du déshonneur et de l’incompétence. »

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, ces propos qui tendent à mettre en cause la compétence de M. Z, en sa qualité de directeur d’Opus 67, dans la gestion du parc locatif de ce bailleur social peuvent être dissociés du reste de l’article qui vise à dénoncer ses méthodes de direction dans ses relations avec le personnel de la société, pour lequel l’appelant retient la qualification de diffamation.

L’appréciation du caractère outrageant de ces propos, fussent-ils déplaisants et non justifiés, doit toutefois se faire au regard du contexte dans lequel ils sont intervenus qui est celui de la dénonciation de l’insalubrité de certains immeubles du parc locatif dont se plaignaient des locataires, de sorte qu’il n’est pas établi, avec l’évidence requise en référé, qu’ils excéderaient les limites admissibles de la liberté d’expression dans une société démocratique et ne peuvent donc être retenus comme constitutifs d’un trouble manifestement illicite.

2) Dans un article publié sur la page Facebook de l’association ALIS le 2 mars 2020 intitulé :

« Qui est G Z ‘ » les termes et propos suivants : « Refuser la concertation et le dialogue voilà les principes de G. » « Fin stratège, G, a nommé O P un salarié de la Sibar et ancien élu départemental au pôle de la direction publique extérieur, certainement pour être son caudataire auprès des élus », « L’Alsace c’est d’abord des valeurs humaines et sociales. Rien à voir avec l’attitude indigne de cet ancien étudiant de Science Po ». ‘ On peut être le compagnon d’une avocate au Luxembourg sans pour autant porter atteinte aux principes de bienséance et du respect humain.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, ces propos particulièrement généraux et imprécis, qui relèvent pour l’essentiel d’une appréciation, certes négative, portée sur l’attitude de M. Z, ne revêtent pas non plus avec évidence, nonobstant le fait désobligeant de désigner ce dernier par son seul prénom, un caractère manifestement outrageant, susceptible d’excéder les limites de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat d’intérêt général.

3) Les propos tenus dans le cadre d’une vidéo publiée le 4 mars 2020 intitulée ‘la représentativité démocratique mise à mal’ comportant notamment les termes et expressions suivantes : obscurs personnages ; honte pour Strasbourg ; ces gens-là sont dangereux pour la démocratie, pour la république, pour notre pays ; vous êtes un danger pour notre ville, un danger pour la cohésion sociale, vous êtes des charlatans du social ; fourbes et sournois ; ils méprisent les locataires (…).

M. Z considère que l’ensemble de ces propos est constitutif d’injures à son encontre et que l’intention de l’auteur de la vidéo est sans équivoque à cet égard.

Il convient toutefois de constater qu’aucun de ces qualificatifs ou expressions n’est associé à M. Z, à la différence de MM. D et A qui sont expressément visés à plusieurs reprises.

Il n’est en effet fait référence à l’appelant que dans les toutes dernières minutes de la vidéo en ces termes : ‘ le logement social c’est un service public il y a des financements publics de l’Etat, prêts de la collectivité, ça n’appartient pas à M. D, ça n’appartient pas à Jacob vous êtes ici pour faire votre travail , ‘ et encore moins à G Z et sur interpellation : ‘ exactement c’est pareil, G, E c’est pareil .

Contrairement à ce que soutient l’appelant, il ne peut être déduit, avec certitude, de cette dernière réponse que l’ensemble des propos précédemment relatés le visait également, alors qu’il n’est à aucun moment explicitement désigné, à la différence de MM. D et A, de sorte que la diffusion de cette vidéo ne peut être considérée comme étant constitutive d’un trouble manifestement illicite.

– sur les propos diffamatoires

1) M. Z fait référence en premier lieu à l’article précité « parc locatif d’Opus 67 dirigé durant des années par G Z » qui indique : « Il vient dernièrement de devenir Directeur de la Sibar en attendant la fusion entre ces deux bailleurs qui deviendront ‘ALSACE HABITAT. Nombreux sont les salariés qui dénoncent une gestion de terreur.

ALIS-UNLI sera présente pour rappeler la dimension sociale et humaine que doit revêtir le logement social. »

Les intimés qui soutiennent que ces propos constituent, avec ceux précédemment évoqués mettant en cause la compétence de M. Z, un ensemble indivisible ne peuvent, sans se contredire, soutenir que l’appelant ne serait pas visé personnellement, seule la gestion d’Opus

67 étant critiquée, alors au surplus que la référence faite à une ‘gestion de terreur’ suit immédiatement l’information relative à la désignation de M. Z en qualité de directeur de la société Sibar.

Les intimés opposent en premier lieu, à bon droit, le fait que ces propos ne visant pas M. Z à titre personnel mais en ses qualités de dirigeant respectivement d’Opus 67 et de la société Sibar, les faits ne pourraient relever de la qualification de diffamation envers un particulier.

M. B invoque ensuite sa bonne foi, soutenant que ces propos sont seulement le reflet du climat social fortement dégradé existant au sein d’Opus 67 dont la presse locale s’est faite l’écho.

Il se réfère notamment aux pièces produites à l’appui de l’offre de preuve signifiée par M. F le 18 juin 2020, dont M. Z conteste la recevabilité aux motifs qu’elle a été effectuée plus de dix jours après la délivrance de l’assignation, alors que M. F n’était plus le représentant légal de l’association Alis.

L’appelant ne peut toutefois se prévaloir du fait que M. F n’était plus le président de l’association Alis au 18 juin 2020, alors qu’à cette date il avait seul était assigné en tant que représentant de l’association.

S’agissant de la tardiveté de l’offre de preuve, les intimés invoquent à juste titre les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période qui, si elle exclut de son champ d’application les règles de droit pénal et de procédure pénale, n’exclut pas expressément les délais prévus par la loi du 29 juillet 1881, qui s’appliquent tant en matière civile que pénale, le paragraphe III de l’article 1 de cette ordonnance disposant en outre que ‘les dispositions du présent titre sont applicables aux mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garanti, sous réserve qu’elles n’entraînent pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020’, et l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, modifiée, ne visant que les seuls délais de recours prévus par la loi du 29 juillet 1881.

Au surplus, et en tout état de cause, il sera rappelé que l’offre de preuve prévue par l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ne tend qu’à permettre au défendeur à une action en diffamation de prouver la véracité des faits incriminés, et que celui-ci conserve toujours la possibilité de démontrer sa bonne foi en établissant que ses propos reposent sur une base factuelle suffisante. Il n’y a dès lors pas lieu d’écarter les pièces produites dans le cadre de cette offre de preuve.

Les pièces en cause constituées par un extrait d’un rapport d’études portant diagnostic d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux du 17 octobre 2019 évoquant les relations conflictuelles entre les salariés d’Opus 67 et la direction dont le management était qualifié de brutal et d’un article paru dans le numéro de février -mars 2020 du journal l’Hebdi, certes postérieurement à la diffusion de l’article incriminé, mais faisant référence à ce rapport ainsi qu’à des faits antérieurs, notamment au fait qu’en septembre 2019 les syndicats avaient interrogé le nouveau directeur sur la présence au sein d’Opus 67 de M. Z ‘redouté pour ses méthodes de gestion musclées’ alors qu’il avait quitté ses fonctions, sont susceptibles de permettre à l’intimé d’invoquer sérieusement, devant le juge du fond, l’existence d’une base factuelle suffisante et donc d’arguer de sa bonne foi.

Enfin, en l’état du contexte polémique et de tension sociale dans lesquels s’inscrivent, ces propos, il n’est pas démontré, qu’ils excédent manifestement les limites admissibles de la

liberté d’expression dans une société démocratique.

2) L’appelant évoque en second lieu la vidéo intitulée ‘la représentativité démocratique mise à mal’ qui contiendrait les propos suivants le visant notamment : « ils font du business sur la misère sociale, ils favorisent leurs amis pour des postes ».

Ainsi que le relèvent les intimés la retranscription de ce passage est erronée, les propos tenus étant en réalité : « ces gens là qui viennent d’arriver et qui font du business sur la misère sociale, qui donnent peut-être des contrats à leurs amis, qui favorisent peut-être leurs amis pour des postes, qui salarient d’autres. »

La cour constate que non seulement ces propos ne visent pas expressément M. Z, mais qu’au surplus ils sont assortis à deux reprises de la locution ‘peut-être’ qui conduit à en atténuer la portée et qu’ils ne peuvent être considérés comme revêtant un caractère diffamatoire.

– atteinte au droit à l’image et à la vie privée

M. Z invoque une atteinte à son droit à l’image et au respect de la vie privée protégé par l’article 9 du code civil et fait valoir que la vidéo diffusée sous le titre ‘Qui est G Z  » a été filmée à son insu, alors qu’il avait expressément manifesté son désaccord, lors d’une réunion de concertation locative non ouverte au public, à laquelle le représentant de l’association Alis ne pouvait assister faute de remplir les conditions requises. Il considère que cette vidéo, suivie d’un article publié le 2 mars 2020 le désignant nommément, est destinée à le viser.

S’il n’est pas sérieusement contestable que l’appelant, bien qu’étant situé en arrière-plan, est personnellement visé par cette courte vidéo ainsi que cela résulte du titre même de la publication, et s’il est constant qu’elle a été tournée dans le cadre d’une réunion du conseil de concertation locative dont l’accès était limité

aux seuls membres du conseil autorisés à siéger, il n’est toutefois pas établi que M. Z avait manifesté de manière réitérée son refus d’être filmé, avant la fin de l’enregistrement où il demande l’arrêt de la prise de vue.

Au surplus, cette vidéo qui tend à démontrer que l’accès à la réunion aurait été refusé de manière prétendument illégitime au représentant de l’association Alis, doit être replacée dans le contexte de relations tendues, voire conflictuelles, entretenues depuis plusieurs années entre l’association Alis et les bailleurs sociaux, ainsi que cela ressort d’articles de presse, concernant en particulier la représentativité de l’association, laquelle avait notamment obtenu en mai 2019 l’annulation de l’élection des représentants de locataires appelés à siéger au conseil d’administration d’un bailleur social, de sorte que l’atteinte portée au droit à l’image de M. Z par la diffusion de cette courte vidéo doit être appréciée au regard du principe de la liberté d’information, appréciation relevant du juge du fond, le juge des référés ne pouvant sanctionner qu’un abus manifeste non caractérisé en l’espèce.

En l’absence de démonstration d’un trouble manifestement illicite, la décision entreprise devra donc être confirmée en ce qu’elle a rejeté l’ensemble des demandes formulées par M. Z, nonobstant le motif inopérant de l’existence d’une contestation sérieuse.

L’ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Les dépens d’appel seront supportés par M. Z dont l’appel est rejeté. En considération

des circonstances de la cause, il n’est toutefois pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire Strasbourg en date du 25 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉCLARE le présent arrêt commun à MM. X-M D et X-N A ;

REJETTE les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. G Z à supporter les dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE DE CHAMBRE


Chat Icon