Une créatrice de costumes a été déboutée de son action en contrefaçon contre le Théâtre national populaire de Gennevilliers. Cette dernière n’a pas démontré que les costumes créés par elle pour le spectacle Roméo et Juliette étaient originaux, ceux-ci n’ont pas été éligibles à la protection par le droit d’auteur.
Preuve de l’originalité
En l’occurrence, si de nombreux éléments (articles de presse, catalogues…) établissent que la créatrice était reconnue dans le monde de la mode notamment, et s’il est manifeste qu’elle a été sollicitée par le metteur en scène en raison de son savoir-faire, de son talent et de sa notoriété, cela ne suffisait pas à démontrer l’originalité des costumes créés à la demande de la Compagnie en 1996.
Droits d’auteur sur des costumes
En vertu de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L’article L.112-1 du même code protège par le droit d’auteur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.
Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une oeuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.
La notion d’antériorité
La notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : 18/20106 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6J6Q
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 3e section – RG n° 16/18661
APPELANTE
Madame B X
Née le […] à […]
De nationalité française
Artiste plasticienne et designer
[…]
[…]
Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
Assistée de Me Franck BENALLOUL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES
H E, Centre Chorégraphique National
COMPAGNIE E
Association Loi 1901
Immatriculée sous le […]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
Assistée de Me Bruno ANATRELLA de l’AARPI BAGS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1404
EPIC THEATRE NATIONAL DE A
Immatriculée sous le […]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représenté et assisté de Me Jérôme GIUSTI de la SELEURL 11.100.34.ter, avocat au barreau de PARIS, toque : R268
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
• Contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme B X, connue sous le nom de C X, expose qu’elle est une artiste, créatrice de mode, styliste et plasticienne reconnue internationalement depuis les années 1990, pour avoir élaboré plusieurs collections de prêt à porter et de haute couture.
Elle expose que ses créations appartiennent à des fonds de musées spécialisés et sont portées par des artistes.
Mme X indique avoir collaboré avec la Compagnie du H E (ci-après, le H E), association loi 1901, dont l’objet est la création et la présentation de spectacles chorégraphiques en France et à l’étranger, en vue de la conception et de la réalisation de costumes et de croquis de costumes pour le spectacle Roméo et Juliette créé par M. D E, chorégraphe et directeur du Spectacle.
Dans ce cadre, Mme X indique avoir réalisé en 1996, en vertu d’un contrat de ‘prestation de services’, moyennant le paiement d’une rémunération de 60 000 francs, des costumes originaux pour le personnage de Y, ainsi que des costumes de bal de courtisanes, pour ce spectacle qui avait été créé dans une première version en 1990, avec des costumes alors dessinés par F G.
Elle précise avoir été de nouveau sollicitée par le H E en 2015, toujours pour le spectacle Roméo et Juliette qui devait faire l’objet d’une tournée à partir de décembre 2015, et avoir alors réalisé 15 croquis pour une série de costumes de personnages ‘homeless’, le H E ayant toutefois, sans aucune explication, rompu tout contact avec elle suite à la livraison de ces croquis.
Mme X indique avoir constaté, à la fin de l’année 2016, que les costumes qu’elle avait créés en 1996 étaient encore exploités pour le spectacle Roméo et Juliette par le Théâtre notamment à l’occasion de représentations au Palais de A, au cours de la saison 2016/2017, mais également pour une pièce abrégée dénommée Une soirée de Duos, sans qu’elle y ait consenti et sans qu’aucune rémunération lui ait été versée.
Le Théâtre de Gennevilliers (ci-après, le Théâtre de A), institution initialement fondée en 1920 pour la promotion du théâtre populaire, s’est vu reconnaître le statut de théâtre national en 1975. Il a ainsi rejoint la liste des six institutions théâtrales françaises bénéficiant de ce statut et dont la mission principale est de mettre en valeur le spectacle vivant, en présentant au public le plus large choix possible d’oeuvres du répertoire classique et contemporain, français et étranger. Depuis 2008, il a spécifiquement pour mission la promotion de la danse contemporaine et indique programmer, dans ce cadre, chaque saison, une trentaine de spectacles de danse, qui sont produits par les plus grandes compagnies françaises et étrangères.
Mme X a adressé au H E et au Théâtre de Gennevilliers une mise en demeure le 29 novembre 2016, réitérée le 1er décembre 2016, et, par actes des 21 et 22 décembre 2016, les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur.
Par un jugement rendu le 29 juin 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
— dit que Mme X est titulaire de droits d’auteur sur les costumes de Y et sur les robes lame, steller, dos nu carapace et sur le manteau long anatomique utilisés par le H E dans le cadre des représentations du spectacle Roméo et Juliette, données au Théâtre de Gennevilliers au cours de la saison 2016/ 2017, jusqu’au 24 décembre 2016,
— débouté Mme X de ses prétentions aux titre de la contrefaçon des droits d’auteur,
— débouté Mme X de ses prétentions relatives à l’exécution des croquis,
— dit sans objet la demande de garantie formée par le Théâtre de Gennevilliers à l’encontre du H E,
— condamné Mme X aux dépens, dont distraction au profit de Me Bruno ANATRELLA et Me Jérémie GIUSTI, avocats, et au paiement, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :
— au H E : de la somme de 3 000 euros,
— au Théâtre de Gennevilliers : de la somme de 2 000 euros,
— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 14 août 2018, Mme X a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions numérotées 3 transmises le 23 mars 2021, Mme X demande à la cour :
— de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a :
— débouté B X de ses prétentions aux titre de la contrefaçon des droits d’auteur,
— débouté B X de ses prétentions relatives à l’exécution des croquis,
— dit sans objet la demande de garantie formée par le Théâtre de Gennevilliers, à l’encontre de la compagnie H E,
— condamné B X aux dépens,
— condamné B X à payer à l’association H E la somme de 3.000 euros et au Théâtre de Gennevilliers celle de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— statuant à nouveau,
— juger que l’association H E et le Théâtre A, en reproduisant et en représentant dans le H Roméo et Juliette des costumes créés par Mme X sans son autorisation, se sont rendus coupables d’actes de contrefaçon de droits d’auteur au préjudice de la créatrice et ce, au sens des articles L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
— de condamner in solidum l’association H E et le Théâtre A à payer à Mme B X, la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte à son droit moral d’auteur,
— de condamner in solidum l’association H E et le Théâtre A à payer à Mme B X, la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte à son droit patrimonial d’auteur,
— d’ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux, périodiques ou autres sites Internet au choix de Mme X aux frais solidaires des défendeurs, et ce à concurrence de 4.500 euros hors taxes par insertion,
— d’ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site www.theatre-A.fr, en dehors tout encart publicitaire et sans mention ajoutée de quelque nature qu’elle soit, dans un encadré de 465 x 120 pixels, le texte produit devant être d’une taille suffisante pour être lisible à l’affichage dans son intégralité sans qu’il ne soit procédé à des manipulations et pour recouvrir intégralement la surface développée à cet effet, ce pendant un mois à compter de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée,
— d’ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site
www.E.org, en dehors tout encart publicitaire et sans mention ajoutée de quelque nature qu’elle soit, dans un encadré de 465 x 120 pixels, le texte produit devant être d’une taille suffisante pour être lisible à l’affichage dans son intégralité sans qu’il ne soit procédé à des manipulations et pour recouvrir intégralement la surface développée à cet effet, ce pendant un mois à compter de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée,
— d’ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée, à l’association H E et au Théâtre de Gennevilliers de fournir, dans les 15 jours de la signification de la décision à intervenir, une demande de rappel en fournissant une copie de la décision à intervenir, auprès de co-contractants, éditeurs ou distributeur de tous produit physique ou numérique comportant des représentations, communication au public et reproductions faites des costumes litigieux,
— de condamner l’association H E à payer à Mme B X la somme de 19 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la fourniture non rémunérée de 15 dessins,
— de condamner l’association H E à payer à Mme B X, la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l’atteinte à son droit moral d’auteure résultant de la perte des costumes réalisés pour les besoins du H E selon contrat du 30 mai 1996,
— de condamner solidairement l’association H E et le Théâtre de Gennevilliers à payer à Mme X la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions numérotées 4 transmises le 30 mars 2021, le H E demande à la cour :
— à titre principal :
— de constater l’absence d’acte de contrefaçon pour défaut d’originalité,
— de constater le caractère infondé des demandes sollicitées au titre de la réalisation des croquis,
— de déclarer Mme B X mal fondée en ses demandes,
— en conséquence,
— d’infirmer le jugement en ce qu’il a :
— considéré que ‘le costume de Iuliette, les robes lame, steller et dos nu carapace, ainsi que le long manteau anatomique, constituent des oeuvres originales, et comme telles éligibles à la protection des droits d’auteur’,
— dit que ‘Mme B I est titulaire de droits d’auteur, sur les costumes de Y et sur les robes lame, steller, dos nu carapace et sur le manteau long anatomique, utilisés par la compagnie H E, dans le cadre des représentations du spectacle Roméo et Juliette, données au Théâtre de Gennevilliers, au cours de la saison 2016/2017, jusqu’au 24 décembre 2016″,
— statuant à nouveau,
— de juger que Mme B X ne rapporte pas la preuve de la matérialité des costumes, objets du present litige,
— de juger que la nouvelle demande de Mme B X à hauteur de 50.000 euros de ‘dommages et intérêts du fait de [la pretendue] atteinte à son droit moral résultant de la perte des costumes’ est irrecevable et, en tout état de cause, infondée,
— de juger que le costume de Y, les robes lame, steller et dos nu carapace, ainsi que le long manteau anatomique ne portent pas l’empreinte de la personnalité de Mme B X,
— de juger que Mme B X n’est pas titulaire de droits d’auteur sur les costumes de Y et sur les robes lame, steller, dos nu carapace et sur le manteau long anatomique,
— en conséquence, de débouter Mme B X de l’ensemble de ses demandes,
— de confirmer le jugement en ce qu’il a :
— débouté ‘B X de ses prétentions au titre de la contrefacon des droits d’auteur’,
— débouté ‘B X de ses prétentions relatives à l’exécution des croquis’,
— déclaré ‘sans objet la demande de garantie formée par le Théâtre de Gennevilliers, à l’encontre de la compagnie H E’,
— condamné Mme B X ‘à payer à l’association H E la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’,
— condamné Mme B X ‘à payer au Théâtre de Gennevilliers la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procedure civile’,
— à titre subsidiaire :
— de constater l’absence d’atteinte aux prétendus droits de Mme X,
— de déclarer Mme X mal fondée en ses demandes,
— en consequence,
— de confirmer le jugement en ce qu’il a :
— débouté ‘B X de ses prétentions au titre de la contrefaçon des droits d’auteur’,
— débouté ‘B X de ses prétentions relatives à l’exécution des croquis’,
— déclaré ‘sans objet la demande de garantie formée par le Théâtre de Gennevilliers, à l’encontre de la compagnie H E’,
— condamné Mme X ‘à payer à l’association H E la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’,
— condamné Mme X ‘à payer au Théâtre de Gennevilliers la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’,
— à titre subsidiaire :
— de constater l’absence de préjudice,
— de déclarer Mme B X mal fondée en ses demandes,
— en conséquence,
— de confirmer le jugement en ce qu’il a :
— débouté ‘B X de ses prétentions au titre de la contrefaçon des droits d’auteur’,
— débouté ‘B X de ses prétentions relatives à l’exécution des croquis’,
— déclaré ‘ sans objet la demande de garantie formée par le Théâtre de Gennevilliers, à l’encontre de la Compagnie H E’,
— condamné Mme B X ‘à payer à l’Association H E la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’,
— condamné Mme X ‘à payer au Théâtre de Gennevilliers la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’,
— à titre infiniment subsidiaire :
— de constater la garantie de La Compagnie E au bénéfice du Théâtre de Gennevilliers,
— en tout état de cause :
— de condamner Mme B X à verser à la Compagnie du H E la somme de 8.000 euros sur 1e fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— de condamner Mme B X aux entiers dépens, sur le fondement de Particle 699 du code de procédure civile, dont recouvrement, pour ceux de première instance au profit de Me Bruno ANATRELLA, avocat au barreau de Paris et pour ceux d’appel au profit de Me BURET dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 13 janvier 2020, le Théâtre de Gennevilliers demande à la cour :
— de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de ses prétentions au titre de la contrefaçon des droits d’auteur et en ce qu’il l’a condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,
— d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit Mme X titulaire de droits d’auteur sur les costumes de Y et les robes lame, steller, dos nu carapace et sur le manteau long anatomique, reconnaissant ainsi leur originalité,
— de juger que Mme X ne rapporte pas la preuve de la matérialité des costumes dont elle prétend être l’auteur,
— de juger que Mme X ne démontre pas l’originalité des vingt-quatre costumes litigieux,
— en conséquence,
— de juger que le Théâtre de Gennevilliers n’a commis aucun acte de contrefaçon,
— de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,
— de mettre hors de cause le Théâtre de Gennevilliers pour l’ensemble des demandes formées par Mme X relatives aux croquis réalisés en 2015,
— à titre subsidiaire :
— de juger que Mme X a valablement autorisé l’utilisation des vingt-quatre costumes au cours de la saison 2016/2017,
— en conséquence,
— de juger que le Théâtre de Gennevilliers n’a commis aucun acte de contrefaçon,
— de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,
— à titre très subsidiaire :
— de juger que Mme X en intentant une action en contrefaçon contre le H E et le Théâtre de Gennevilliers a commis un abus du droit d’agir,
— en conséquence,
— de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,
— à titre plus subsidiaire :
— de juger que Mme X ne justifie pas de l’existence et de l’étendue des préjudices patrimoniaux et moraux qu’elle prétend avoir subis,
— en conséquence, de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,
— à titre infiniment subsidiaire :
— de juger que le Théâtre de Gennevilliers ne pourra être condamné qu’au seul titre des représentations ayant lieu du 15 au 24 décembre 2016, à l’exclusion de toutes autres exploitations réalisées ailleurs que dans son établissement,
— de condamner le H E à garantir le Théâtre de Gennevilliers pour toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui,
— en tout état de cause :
— de condamner Mme X à verser au Théâtre de Gennevilliers la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel, dont distraction au profit de Me Jérôme Giusti, avocat au Barreau de Paris.
L’ordonnance de clôture est du 11 mai 2021.
MOTIFS DE L’ARRÊT
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur les demandes en contrefaçon de droits d’auteur de Mme X au titre des costumes créés en 1996
Mme X demande la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu l’originalité du costume de Y, des robes lame, steller, dos nu carapace et du manteau long anatomique. Elle fait valoir que les costumes qu’elle revendique résultent de la libre expression de sa créativité, qu’elle est reconnue par ailleurs pour ses qualités de plasticienne et de designer et ses choix originaux et avant-gardistes, ce pour quoi le H E l’a sollicitée en 1996 alors que sa notoriété était très importante. Elle indique que son nom a toujours été mentionné au même titre que celui d’F G dans les documents de présentation du H et que la presse a salué les costumes créés pour le H Roméo et Juliette. Elle définit ainsi qu’il suit la combinaison des caractéristiques de ses costumes :
‘ le costume de Y (composé de trois pièces) :
‘Une veste chemise « plume », légère comme un souffle, coloris blanc naturel/ivoire, très extensible du fait de sa composition en mousseline de soie stretch, dont le patronage a été réalisé par Madame X sans couture d’épaule et de côté pour conférer une impression éthérée et voluptueuse. Le boutonnage est situé sur le devant, au milieu. La veste a une ouverture façon « fente » sous les aisselles, afin de conférer un caractère aérien. Le pied de col est assez haut et souple, avec un col bien dessiné finissant en pointe. Les manches sont longues, pourvues d’une couture façon « pince » aux coudes. Le bas des manches se termine par une fente, dégageant ainsi la main de l’intérieur, côté pouce. Le dos est petit, découpé, dessiné en pointe avec une couture sur la colonne vertébrale qui se prolonge en fente ouverte au niveau des reins sur une vingtaine de centimètre pour favoriser le sentiment de vêtement aérien.
Le corset « feuille », couleur blanche naturel/ivoire, est confectionné en crêpe satin de soie stretch, doublé de coton blanc. C’est un corset souple sans « baleines » mais avec effet de surpiqûres ‘baleine’ qui dessine le corset en trois parties articulées sur le buste. La coupe et découpe est échancrée, comme celle d’une feuille, finissant en pointe au-dessus du nombril. Les côtés sont parés de passants en satin stretch et aboutissent au laçage croisé du dos.
Le boxer-short-jupette « botanique », d’un blanc naturel/ivoire, est également en satin de soie stretch, mais non doublé pour être au plus près du charnel. Coupé sans couture de côté, il apparaît comme une seconde peau laissant au corps sa rondeur, son volume et une présence épurée. Seule la fourche (l’entre jambe) est zone d’assemblage, avec une ligne haut de cuisse, légèrement évasée. La taille est basse, froncée sur élastique façon lingerie.’
‘ les costumes de courtisanes constitués de quatre modèles :
‘Chacun des modèles est décliné en deux versions chromatiques en velours de coton Marine, gris, gris foncé, marron ou taupe.
Les teintes recherchées par l’auteure dans le cadre du spectacle et du tableau « du bal », sont proches de la « rouille », de vieux cuir, bruns et fauves et obtenues à partir d’une utilisation de teinture, de pigments et de décoloration sur les velours, soit sur la totalité du modèle, soit pour des empiècements, soit pour des manches ou soit pour donner un effet graphique supplémentaire à la silhouette. De la sorte, la créatrice a imaginé un univers chromatique automnal propre à témoigner de l’opulence des personnages représentés (…)
1/ Robe « Lame », longue, en velours de coton avec des parties ou empiècements teints. La teinture est une pratique artisanale, aux techniques complexes, donnant lieu à des coloris uniques, réalisés à partir de pigments, aspect patiné, organique. L’encolure est plongeante, le buste court, la ligne d’assemblage avec le bas de robe se situe sous la poitrine. L’auteure cherche de la sorte à élancer le corps. Milieu devant, une couture dans la continuité du décolleté et aucune couture de côtés afin de générer un sentiment de rondeur et de fluidité. Le dos reprend l’idée de coupe en « V », aiguisé, déjà présente sur la chemise des « Juliettes ». Les découpes en pointes sont symptomatiques de tous les modèles de la famille Capulet et Courtisanes créés par C X. La robe comporte une fermeture milieu dos sur la colonne vertébrale par un zip invisible. Deux fentes profondes, côté droite et gauche, laissent apparaître la chair des jambes. Les manches sont froncées sur le haut de l’épaule, avec une excroissance en forme de lame aux coudes.
Des fentes en demi-lune lacèrent la jonction du buste au bras.
2/ Long manteau « anatomique », en velours de coton avec des parties ou empiècements teints, mettant en valeur les lignes de construction du modèle. La teinture donne lieu à des coloris uniques, réalisés à la main, à partir de pigments, aspect patiné, organique. Col haut, particulièrement au niveau de la nuque donnant un port de tête noble. La ligne de col plonge à partir des oreilles vers l’avant, dégageant le visage et s’achevant dans un décolleté plongeant. Ligne de fermeture du manteau milieu devant invisible. […], enveloppent, soulignent, devant et derrière, la poitrine et les omoplates. Niveau taille, une coupe pointue en forme d’étoile ou de croix stylisée imaginaire, circule et enlace les cotés droit et gauche ainsi que le dos. Les manches sont droites, avec pour spécificité l’articulation du coude mise en valeur dans le creux par des plis d’aisance et à son extrémité exagérée subtilement par une découpe en pointe.
3/ Robe longue « steller », en velours de coton avec des parties ou empiècements teints, mettant en avant la valeur les lignes de construction du modèle. La teinture donne lieu à des coloris uniques, réalisés à la main, à partir de pigments, aspect patiné, organique. Le col est haut, légèrement évasé en corolle, cernant le visage avec poésie. La robe se ferme de façon invisible milieu devant. La taille est haute laissant apparaître un joli petit buste. Le corps de la robe est long, il subtilement vers le bas. Là encore, le dos est petit avec une découpe en V afin d’élancer le corps. Les manches ¾, s’arrêtant aux coudes par une ligne de coupe plongeante vers l’arrière du bras, protégeant l’os et dessinent graphiquement le contraste avec la peau. Des fentes en demi-lune lacèrent la jonction du buste au bras.
4/ Robe dos nu « carapace », en velours de coton totalement teint ou avec des parties ou empiècements teints. La robe se ferme sur la nuque. Devant, le décolleté est profond. La ligne de milieu devant, donne lieu au départ de plusieurs découpes circulaires plongeant vers l’arrière du corps, sans couture de côtés, laissant son volume au corps, rappelant une carapace souple, ondulante, se terminant en traine. De dos, la chair est mise à nu, l’échancrure profonde, en forme de « V » s’achevant sur les reins. Un zip invisible se loge dans le prolongement du « V ». Devant, le bas de robe est
linéaire et plonge sur l’arrière pour finir en traîne et en pointe’
.
Le H E oppose que les costumes litigieux ne sont pas communiqués aux débats, soit en original, soit par des reproductions de bonne qualité, que les éléments fournis par Mme X (croquis non datés, photographies de mauvaise qualité…) ne permettent pas à la cour d’apprécier l’originalité revendiquée, que la description à laquelle se livre Mme X de ses costumes, marquée notamment par le champ lexical de la nature, ne correspond nullement à l’esprit urbain et rude du contexte des régimes totalitaires de pays de l’est dans lequel D E a situé son adaptation de Roméo et Juliette, et que contrairement à ce que le tribunal a retenu, bien que les costumes aient été ‘rafraîchis’ en 1996, l’esprit du H créé par D E est resté inchangé, que Mme X a travaillé sous la direction artistique du chorégraphe qui lui a seulement demandé d’épurer et de simplifier le costume de Y et de remplacer les robes des courtisanes par des robes longues, ce qui n’a pu lui donner une liberté lui permettant d’exprimer des choix artistiques, d’autant qu’elle a manifestement travaillé à partir des costumes réalisés précédemment par F G en se contentant de retirer certains éléments (collants et accessoires).
Le Théâtre de Gennevilliers fait valoir de son côté que Mme X ne démontre pas avoir créé une oeuvre originale, les pièces fournies n’étant pas propres à permettre à la cour ou aux défendeurs d’apprécier si la condition d’originalité est remplie, que Mme X se contente de décrire les costumes sans caractériser ce qui les rendrait originaux, que les costumes revendiqués paraissent banals par rapport à l’état de l’art dans le domaine de la mode, que les costumes ne relèvent pas de l’univers habituel de Mme X et ont été réalisés sur la base d’éléments préexistants issus du travail d’F G en 1990 et sous la direction artistique d’D E.
Ceci étant exposé, en vertu de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L’article L.112-1 du même code protège par le droit d’auteur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.
Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une oeuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.
Il doit être rappelé que la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Les costumes sur lesquels Mme X revendique la protection du droit d’auteur, réalisés en 1996 pour le H Roméo et Juliette, n’étant pas produits aux débats, l’appelante fournit notamment :
— un ouvrage X Creatures illustré de photographies de vêtements, des articles de presse relatifs aux créations de Mme X dans le domaine du prêt-à-porter ou de la haute couture, des pièces relatives à la participation de Mme X à des manifestations concernant la mode ou la beauté, un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en 2012 l’opposant à la société BARBARA BUI et qui a reconnu l’originalité et la contrefaçon de deux vestes créées par Mme X, des extraits de catalogues, des photographies de défilés montrant des vêtements créés par Mme X (ses pièces 1à 1zb, 43), éléments, dont certains sont antérieurs à sa collaboration avec le H E en 1996, censés montrer l’univers créatif dont elle s’est inspirée pour la réalisation des costumes litigieux,
— trois dessins non datés du manteau anatomique, des robes Steller et Lame (2h, 2i, 2j),
— divers patrons et croquis de costumes (corset, manteaux, chemises, short, robes) (31 à 37),
— un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 2 novembre 2016 établi sur le site internet du Palais de A montrant des photographies extraites de représentations du H Roméo et Juliette avec les costumes de Mme X,
— des photographies de danseurs, certains revêtus de costumes revendiqués par Mme X, lors de représentations du H Roméo et Juliette, extraites du site Youtube, des programme 2016/2017 et ‘flyer’du théâtre de A, du catalogue Pavillon noir saison 2007/2008, de l’ouvrage de P-H BIZON E D, de dossiers de presse du H Roméo et Juliette.
Les croquis, patrons de couture, plans de coupe, non datés, qui ne constituent que des éléments préparatoires à la création des costumes, et les photographies, qui sont pour la plupart de petite taille ou de mauvaise qualité ou trop sombres, ne permettent pas à la cour de vérifier si les costumes réalisés par Mme X pour le H Roméo et Juliette correspondent aux descriptions qui en sont faites dans le cadre du présent litige ni de constater l’originalité des costumes dans leurs caractéristiques telles que revendiquées. Le seul costume clairement reconnaissable parmi les pièces fournies par Mme X est le costume de Y tel qu’il apparaît sur des photographies du constat d’huissier précité (pages 18, 19 et 26), sur une danseuse vue de face et de profil qui porte un court débardeur à bretelles (ou bustier) blanc, qualifié de ‘corset’ par Mme X, un short blanc et une ample chemise également blanche, vêtements dont les détails ne sont cependant pas visibles et qui n’apparaissent pas, tels qu’ils sont ainsi exposés, originaux, mais reprenant des codes connus de la lingerie ou de l’habillement :
Si de nombreux éléments (articles de presse, catalogues…) établissent que Mme X a été une créatrice reconnue dans le monde de la mode notamment, et s’il est manifeste qu’elle a été sollicitée par le H E en raison de son savoir-faire, de son talent et de sa notoriété, cela ne suffit pas à démontrer l’originalité des costumes créés à la demande de la Compagnie E en 1996 et sur lesquels Mme X fonde ses demandes en contrefaçon. La cour doit se livrer en l’espèce à une appréciation de l’originalité des costumes d’autant plus attentive qu’il est constant que ces costumes ont été réalisés par Mme X après ceux créés par F G en 1990 pour le même H Roméo et Juliette et qu’aux termes du contrat de prestation de services en date du 24 mai 1996, la réalisation des costumes par Mme X devait s’effectuer ‘en accord avec D E sur le choix des modèles’, ce qui limitait nécessairement la liberté de la costumière. Le fait que Mme X a été choisie pour fournir une ‘vision du monde plus féminine, plus charnelle en communion avec la nature’, comme elle l’affirme, ne suffit pas à conférer aux costumes réalisés l’empreinte de sa personnalité, étant au demeurant relevé qu’il ne ressort pas des pièces produites que ‘la nature’ corresponde à l’esprit du H repris en 1996 par le H E, lequel le conteste formellement.
Les articles de presse commentant les costumes réalisés par Mme X pour le H de 1996 ne peuvent non plus valoir démonstration de l’originalité alléguée. Si le nom de C X est citée comme créatrice des costumes du H de 1996, son nom est le plus souvent mentionné à côté de celui d’F G, créateur des costumes du H de 1990 (comme sur les programmes et invitations émanant du théâtre de A) et il est le plus souvent fait mention des créations initiales d’F G et de la reprise ou de l’actualisation des costumes par C X (cf. texte de l’exposition ‘D E – Costumes de danse » qui indique que le chorégraphe a demandé à F G de réaliser décors et costumes et qu’en 1996, le H a été ré-inscrit au répertoire de la compagnie ‘avec une reprise des costumes par C X’ ; extrait de l’ouvrage de P-H BIZON E D précité dans lequel il est indiqué que « Les costumes sont entièrement revus et actualisés dans leurs formes et leurs matériaux. Y ne porte plus de prothèses mammaires mais un corset très finement découpé avec un jeu de lacets au dos, un shorty blanc et une chemise en voile de soie blanche’).
Enfin, Mme X ne peut utilement se prévaloir d’un document daté du 11 juin 1996 dans lequel le H s’engage à son égard à ne jamais reproduire les costumes sans son accord ou à les démonter afin de récupérer les patronages pour d’autres Roméo et Juliette ou de nouvelles productions et reconnaît ‘les éléments énoncés ci-dessus comme la propriété de la créatrice’, ce document n’étant signé que de la seule Mme X.
Mme X ne démontrant pas que les costumes créés par elle pour le H Roméo et Juliette sont originaux, ceux-ci ne sont pas éligibles à la protection par le droit d’auteur et elle doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes en contrefaçon.
Le tribunal est en conséquence infirmé sur ce point.
Sur la demande de Mme X en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteure résultant de la perte des costumes
Mme X fait valoir que c’est de mauvaise foi que les intimés lui reprochent de ne pas produire d’originaux des costumes concernés alors qu’ils ont tous été remis au H E et que ce dernier révèle désormais, après sommation, ne plus les détenir sans expliquer de quelle façon et à quel moment il en a été dépossédé. Elle argue qu’en vertu de l’article L.111-3 du code de la propriété intellectuelle, le détenteur matériel d’une oeuvre protégée au titre du droit d’auteur est astreint à une obligation de conservation à laquelle le H a manqué, portant ainsi atteinte à son droit moral d’auteure. Elle sollicite en conséquence la somme de 50 000 ‘ à titre de réparation de cette atteinte résultant de la perte des costumes.
Le H E oppose que la demande, nouvelle en appel, est irrecevable et qu’elle est en tout état de cause mal fondée dès lors que Mme X ne peut bénéficier de la protection par le droit d’auteur pour les costumes, faute d’originalité, et que lesdits costumes sont par essence des ‘supports-fongibles’ dont la perte ne peut entraîner un préjudice pour Mme X qui ne justifie ni de son principe ni de son quantum.
Selon l’article 564 code de procédure civile, les parties ne peuvent, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
La demande de Mme X fait suite à la révélation par le H E, au cours de la procédure d’appel et après une requête aux fins de production de pièces, qu’il n’est plus en possession des costumes. La demande peut donc être considérée comme née de la survenance d’un fait nouveau. Elle est donc recevable.
Cependant, Mme X ne pouvant se prévaloir de droits d’auteur sur les costumes, faute d’avoir démontré leur originalité, ne peut voir prospérer sa demande fondée sur l’atteinte qui aurait été portée à son droit moral d’auteure.
La demande doit donc être rejetée.
Sur la demande en paiement de Mme X au titre des croquis transmis en 2015
Sur la demande de mise hors de cause du Théâtre de Gennevilliers
Force est de constater que la demande en paiement de Mme X n’est dirigée qu’à l’encontre de l’association H E, de sorte que la demande de mise hors de cause du Théâtre de Gennevilliers est sans objet.
Sur le bien fondé de la demande
Mme X demande une indemnisation pour les 15 croquis de costumes de personnages ‘homeless’ fournis au H E en 2015 et pour lesquels, ce dernier ayant rompu toute relation sans explication, elle n’a jamais été rémunérée. Elle réclame ainsi 9 000 ‘ (600 ‘ x 15) pour les croquis réalisés et 10 000 ‘ destinés à compenser le préjudice moral résultant du silence vexatoire du H. Elle fait valoir qu’elle a répondu à la commande du H en réalisant la prestation attendue et que cette prestation appelait nécessairement une rémunération quand bien même ses dessins n’ont pas été utilisés par le H.
Le H E demande la confirmation du jugement.
C’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal a débouté Mme X de sa demande, relevant notamment l’absence de tout contrat préalable déterminant la rémunération de la prestation, de toute preuve des usages professionnels en la matière et de toute réclamation de Mme X avant l’assignation.
Il sera ajouté que Mme X produit un courriel du 15 septembre 2015 qui lui a été adressé par le H E faisant état d’un projet consistant à ‘Rafraîchir les costumes des homeless de Roméo et Juliette et les harmoniser avec les autres costumes’. La prestation envisagée portait donc sur le rafraîchissement de costumes et les croquis réalisés par Mme X apparaissent donc comme des travaux préparatoires pour lesquels, dans les circonstances rappelées par les premiers juges, Mme X n’est pas fondée à réclamer une rémunération dès lors qu’il est acquis que ces croquis n’ont pas été retenus par le H qui a renoncé au projet.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de garantie du Théâtre de A par le H E
En l’absence de toute condamnation prononcée à l’égard du Théâtre de A, la demande de garantie du H est sans objet.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Mme X, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Eu égard aux circonstances de l’espèce, l’équité ne commande pas de faire droit à la demande du H E au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La somme qui doit être mise à la charge de Mme X au titre des frais non compris dans les dépens exposés par le Théâtre de A peut être équitablement fixée à 3 000 ‘, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement si ce n’est en ce qu’il a dit que Mme X est titulaire de droits d’auteur sur les costumes de Y et sur les robes lame, steller, dos nu carapace et sur le manteau long anatomique utilisés par le H E dans le cadre des représentations du spectacle Roméo et Juliette, données au Théâtre de Gennevilliers au cours de la saison 2016/ 2017, jusqu’au 24 décembre 2016,
Statuant à nouveau,
Dit que Mme X ne démontre pas l’originalité des costumes de Y, des robes ‘lame’, ‘Steller’, ‘dos nu carapace’ et sur le manteau long ‘anatomique’ réalisés pour le H E pour le spectacle Roméo et Juliette et ne peut donc prétendre à la protection par le droit d’auteur pour ces costumes,
Y ajoutant,
Dit que la demande de Mme X en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteure résultant de la perte des costumes est recevable mais mal fondée et l’en déboute,
Dit que la demande de mise hors de cause du Théâtre de Gennevilliers au titre de la demande de Mme X en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteure résultant de la perte des costumes est sans objet,
Condamne Mme X aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me BURET et de Me GIUSTI, avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Déboute le H E de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme X à payer au Théâtre de A la somme de 3 000 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE