L’Essentiel : Dans l’affaire opposant la SAS Soumkine à MUJI, le tribunal a rejeté les accusations de contrefaçon concernant le modèle de cahiers Zero-waste notebook. La SAS Soumkine, en liquidation judiciaire, prétendait que MUJI avait copié son modèle non enregistré et violé ses droits d’auteur. Cependant, le tribunal a conclu que les cahiers Soumkine ne présentaient pas d’originalité suffisante pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur. De plus, les différences entre les modèles contestés et ceux de MUJI ont été jugées significatives, écartant ainsi toute accusation de contrefaçon ou de concurrence déloyale.
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Si des modèles de notebooks ne sont pas protégés par les droits d’auteur pensez à la protection des modèles non déposés.
S’il n’est pas courant que la couverture d’un cahier soit exactement identique aux pages de celui-ci, l’apparence de ces pages est largement normalisée. Ici, les couvertures des cahiers dont la protection est revendiquée sont unies, couvertes de lignes horizontales ou de petits carreaux, autant de repères traditionnellement utilisés en papeterie pour guider le scripteur et reproduits sur les pages intérieures, de sorte que la représentation de tels motifs sur la couverture d’un cahier ne saurait révéler un effort créatif concrétisé par une apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité de son auteur mais tout au plus une idée de présentation. Les cahiers désignés comme Zero-waste notebook ne constituent donc pas des œuvres originales protégées par le droit d’auteur. En application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, “L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous”, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, sous réserve que l’œuvre soit originale, c’est-à-dire porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité de l’œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur. Elle peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements, mais également de la combinaison originale d’éléments connus. La notion d’œuvre au sens du droit d’auteur est une notion autonome du droit de l’Union et la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que “la protection des dessins et modèles vise à protéger des objets qui, tout en étant nouveaux et individualisés, présentent un caractère utilitaire et ont vocation à être produits massivement. En outre, cette protection est destinée à s’appliquer pendant une durée limitée mais suffisante pour permettre de rentabiliser les investissements nécessaires à la création et à la production de ces objets, sans pour autant entraver excessivement la concurrence. Pour sa part, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est très significativement supérieure, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’œuvres” (CJUE, 12 septembre 2019, C-683/17, Cofemel). Nos Conseils: 1. Il est essentiel de prouver l’originalité d’une œuvre pour revendiquer la protection par le droit d’auteur. Assurez-vous que l’œuvre porte l’empreinte de votre personnalité et ne se limite pas à des éléments traditionnels ou communs. 2. Lors de la demande de protection d’un modèle communautaire non enregistré, veillez à identifier clairement le modèle en question et à démontrer sa nouveauté et son caractère individuel par rapport aux modèles existants sur le marché. 3. Pour établir une contrefaçon de modèle, il est nécessaire de prouver qu’il y a eu une copie du modèle protégé. Effectuez une comparaison détaillée entre les modèles en question pour démontrer toute similitude significative. Résumé de l’affaireL’affaire oppose la SAS Soumkine à la SAS Ryohin Keikaku France et sa maison-mère, la société Muji Europe holdings limited, devant le tribunal judiciaire de Paris. La SAS Soumkine accuse les défenderesses de contrefaçon d’un modèle communautaire non enregistré de cahiers nommés Zero-waste notebook, ainsi que de violation de ses droits d’auteur sur ces mêmes cahiers. Elle réclame également réparation pour concurrence déloyale et parasitisme. La SAS Soumkine a été placée en liquidation judiciaire, et M. [O] [W] [J], ancien président de la société, est intervenu à l’instance pour reprendre les demandes fondées sur le droit d’auteur. Les parties ont des arguments divergents concernant la nouveauté du modèle communautaire, la créativité des cahiers Soumkine, le risque de confusion pour les clients, et l’existence d’une entente sur les prix de vente. Les défenderesses contestent les accusations de contrefaçon et de concurrence déloyale, et soulignent que les demandes indemnitaires sont disproportionnées par rapport aux faits reprochés.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 5 juillet 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/06165 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS ■ 3ème chambre N° RG 21/06165 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT S.A.S. SOUMKINE S.E.L.A.R.L. FIDES es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS SOUMKINE – partie intervenante Monsieur [O] [W] [J] – partie intervenante représentés par Maître Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0242 DÉFENDERESSES S.A.S. RYOHIN KEIKAKU FRANCE Société MUJI EUROPE HOLDINGS LIMITED représentés par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 Copies délivrées le : Décision du 05 Juillet 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l’audience du 03 Mai 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DU LITIGE
Procédure Après les avoir mises en demeure, le 29 décembre 2020, de cesser de vendre ses carnets à lignes semi-blanchis format A6, ou tous carnets ressemblants, comme portant atteinte à ses droits, par actes des 4 mai et le 9 août 2021, la SAS Soumkine a fait assigner la SAS Ryohin Keikaku France et sa maison-mère, la société de droit anglais Muji Europe holdings limited, devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon d’un modèle communautaire non enregistré de cahiers nommés Zero-waste notebook, en vente depuis le 8 septembre 2017 et de ses droits d’auteur sur ces mêmes cahiers, et en réparation de la concurrence déloyale et du parasitisme résultant des mêmes faits. Dans ses deuxièmes et dernières conclusions signifiées le 26 juin 2023, la société Muji Europe holdings limited demande au tribunal de débouter intégralement les demandeurs et de condamner la SELARL Fides, ès qualités, et M. [O] [J] in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Desrousseaux, et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. S’agissant du modèle communautaire, les demandeurs font valoir qu’ils ont divulgué pour la première fois le 8 septembre 2017, lors d’un salon professionnel à [Localité 11] (93), des cahiers dont la couverture est parfaitement identique aux pages intérieures et sur lesquelles il est possible d’écrire également, à rebours des exigences fonctionnelles habituelles, leur conférant une double distinctivité visuelle (couverture non rigide et sur laquelle il est possible d’écrire), ce qui était entièrement nouveau (l’antériorité Cambridge store étant un bloc-note de format A3). La vente des carnets Muji entre le 8 septembre 2017 et le 8 septembre 2020 dans 34 points de vente européens à un prix 10 fois inférieur a affecté leur commercialisation. Ils opposent aux moyens adverses que les preuves d’une création des carnets Muji en mai 2017 portent non pas sur un cahier mais sur un bloc-note et que les carnets Soumkine ont été annoncés à la foire internationale du design de [Localité 10] du 6 au 8 septembre 2017 que les défenderesses n’ont pu ignorer. Elles soulignent aussi que les demandes indemnitaires sont sans rapport avec les faits reprochés, la société Soumkine ayant réalisé un total de ventes de 7.190,07 euros dans le monde et ne les commercialisant plus. MOTIVATION
I . Sur la demande principale de M. [J] en contrefaçon de droit d’auteur En application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, “L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous”, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, sous réserve que l’œuvre soit originale, c’est-à-dire porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité de l’œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur. Elle peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements, mais également de la combinaison originale d’éléments connus. La notion d’œuvre au sens du droit d’auteur est une notion autonome du droit de l’Union et la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que “la protection des dessins et modèles vise à protéger des objets qui, tout en étant nouveaux et individualisés, présentent un caractère utilitaire et ont vocation à être produits massivement. En outre, cette protection est destinée à s’appliquer pendant une durée limitée mais suffisante pour permettre de rentabiliser les investissements nécessaires à la création et à la production de ces objets, sans pour autant entraver excessivement la concurrence. Pour sa part, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est très significativement supérieure, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’œuvres” (CJUE, 12 septembre 2019, C-683/17, Cofemel). M. [J] revendique la protection par le droit d’auteur sur ses cahiers en faisant valoir, à titre de caractéristique ouvrant droit à la protection par le droit d’auteur, uniquement le fait que les première et dernière page du cahier sont semblables aux pages intérieures. S’il n’est pas courant que la couverture d’un cahier soit exactement identique aux pages de celui-ci, l’apparence de ces pages est largement normalisée. Ici, les couvertures des cahiers de M. [J] sont unies, couvertes de lignes horizontales ou de petits carreaux, autant de repères traditionnellement utilisés en papeterie pour guider le scripteur et reproduits sur les pages intérieures, de sorte que la représentation de tels motifs sur la couverture d’un cahier ne saurait révéler un effort créatif concrétisé par une apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité de son auteur mais tout au plus une idée de présentation. Les cahiers désignés comme Zero-waste notebook de M. [J] ne constituent donc pas des œuvres originales protégées par le droit d’auteur et il y a lieu en conséquence de rejeter l’ensemble des demandes de M. [J] sur ce fondement. A titre liminaire, par ordonnance du 10 mars 2023, le juge de la mise en état a jugé la société Soumkine irrecevable à agir seule depuis l’ouverture de sa procédure collective en application de l’article L. 641-9, alinéa I, du code de commerce, constatant que la SELARL Fides, intervenue à l’instance à titre accessoire par conclusions du 7 juillet 2022, n’avait formé aucune demande. Le règlement n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires définit ceux-ci comme “l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation”. 2 . Sur la validité du modèle En application des articles 4 et 6 du règlement précité, la protection d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré est assurée s’il est nouveau – c’est-à-dire qu’aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public antérieurement – et présente un caractère individuel – c’est-à-dire que l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public antérieurement. Aucune de ces antériorités n’est destructrice de nouveauté pour les modèles Zero-waste notebook dont la validité est retenue. 3 . Sur la contrefaçon du modèle L’article 11 du règlement précité dispose que “Un dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1 est protégé en qualité de dessin ou modèle communautaire non enregistré pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle le dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté” et l’article 19 que :“1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. Comme le soulignent les défenderesses, les demandeurs ne procèdent à aucune comparaison entre les modèles dont ils revendiquent la protection et ceux qu’ils jugent contrefaisants. Il s’évince de leur première mise en demeure, de leurs écritures et de leur dossier de pièces qu’ils visent les modèles de carnets à papier ligné semi-blanchi ou non blanchi de marque Muji. III . Sur la concurrence déloyale Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. La coïncidence entre les gammes respectives de la société Soumkine et la société Ryohin Keikaku France se limite à ce modèle en deux coloris et deux tailles, alors que la société Soumkine avait créé une gamme de cahiers en quatre couleurs, deux formats et quatre versions (à lignes, à points, à carreaux et unis) de . L’article 420-1 du code de commerce prévoit que “Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à : (…) 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse;” La société Soumkine et M. [J], qui succombent, sont condamnés aux dépens et l’équité justifie de les condamner à payer à la société Ryohin Keikaku France et la société Muji Europe holdings limited, qui ont fait défense commune, la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS
Le tribunal, Rejette les demandes de M. [O] [J] fondées sur le droit d’auteur ; Rejette les demandes de la société Soumkine, représentée par la Selarl Fides ès qualité de liquidateur, fondées sur la contrefaçon de modèle communautaire non enregistré, la concurrence déloyale, le parasitisme et les ententes ; Condamne M. [O] [J] et la société Soumkinein solidum aux dépens, qui pourront être directement recouvrés par Me Desrousseaux ; Condamne M. [O] [J] et la société Soumkine, représentée par la Selarl Fides ès qualité de liquidateur, in solidum à payer à la société Ryohin Keikaku France et la société Muji Europe holdings limited la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024 Le GreffierLa Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre la SAS Soumkine et la SAS Ryohin Keikaku France ?L’affaire oppose la SAS Soumkine à la SAS Ryohin Keikaku France et à sa maison-mère, Mu |
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