Évaluation de la vulnérabilité et conditions de rétention administrative : enjeux juridiques et médicaux.

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Évaluation de la vulnérabilité et conditions de rétention administrative : enjeux juridiques et médicaux.

L’Essentiel : M. [O] [T], de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative le 30 décembre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français. Malgré l’absence de recours contre l’arrêté, un magistrat a prolongé sa rétention de 26 jours. M. [O] [T] a contesté cette décision, invoquant son état de vulnérabilité et l’insuffisance de soins médicaux en rétention. Toutefois, le juge a estimé que l’autorité préfectorale avait respecté la législation en tenant compte de sa santé. La cour a confirmé la prolongation de la rétention, considérant qu’aucune erreur d’appréciation n’avait été commise.

Contexte de l’affaire

M. [O] [T] alias [M], de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative par le préfet du Nord le 30 décembre 2024, suite à une mesure d’obligation de quitter le territoire français. Cette mesure avait été prononcée le 13 août 2024.

Recours et prolongation de la rétention

Aucun recours n’a été déposé contre l’arrêté de placement en rétention. Le 2 janvier 2025, un magistrat a autorisé la prolongation de la rétention pour 26 jours, tout en rejetant la demande d’annulation de l’arrêté. M. [O] [T] a ensuite fait appel le 3 janvier 2025, demandant la main-levée de sa rétention.

Arguments de l’appelant

Dans son appel, M. [O] [T] conteste l’arrêté de placement en invoquant une erreur d’appréciation concernant son état de vulnérabilité et l’incompatibilité de la rétention avec son état de santé. Il affirme ne pas recevoir l’intégralité de son traitement médical en rétention.

Recevabilité de l’appel

L’appel de M. [O] [T] a été jugé recevable, ayant été interjeté dans les formes et délais légaux.

Évaluation de la vulnérabilité

Le juge a examiné si l’arrêté de placement en rétention avait pris en compte l’état de vulnérabilité de M. [O] [T]. Selon la législation, l’autorité préfectorale doit considérer les problèmes de santé et de vulnérabilité de l’individu. Bien que des problèmes de santé aient été mentionnés, l’arrêté a précisé que M. [O] [T] pourrait recevoir des soins appropriés en rétention.

Compatibilité de la rétention avec l’état de santé

Le placement en rétention doit respecter le principe de proportionnalité. M. [O] [T] a déclaré souffrir d’épilepsie, mais n’a pas prouvé que cette condition nécessitait des soins urgents et vitaux qui ne pouvaient être fournis en rétention. Il a également eu accès à des soins médicaux dans le centre de rétention.

Décision finale

La cour a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, considérant que l’autorité préfectorale n’avait pas commis d’erreur d’appréciation. L’appel a été déclaré recevable et l’ordonnance initiale a été confirmée.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel du requérant

L’appel de M. [O] [T] alias [M] a été déclaré recevable car interjeté dans les formes et délais légaux.

Selon l’article 612 du Code de procédure civile, « l’appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision ».

Cet article précise également que « la déclaration d’appel doit indiquer les noms et prénoms des parties, ainsi que l’objet de l’appel ».

Dans le cas présent, M. [O] [T] alias [M] a respecté ces exigences, ce qui justifie la recevabilité de son appel.

Sur l’arrêté de placement en rétention administrative

Le juge judiciaire doit s’assurer que l’arrêté de placement en rétention est conforme aux exigences de l’article L 741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cet article stipule que « le placement en rétention administrative est possible lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’éloignement et que cette mesure est fondée sur un titre d’éloignement valable ».

Il est également précisé que l’arrêté doit être suffisamment motivé en fait et en droit.

Dans cette affaire, l’arrêté mentionne les problèmes de santé de M. [O] [T] alias [M], mais indique qu’il pourra recevoir des soins appropriés en rétention, respectant ainsi l’obligation de motivation.

Sur l’évaluation de la vulnérabilité au moment du placement en rétention administrative

L’article L 741-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que « la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et de tout handicap de l’étranger ».

Il est précisé que « le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention ».

L’absence de mention d’un état de vulnérabilité dans l’arrêté ne peut être compensée par la possibilité pour l’étranger de demander une évaluation médicale, comme le prévoit l’article R 751-8 du même code.

Ainsi, l’autorité préfectorale n’est pas tenue de motiver sa décision sur l’ensemble de la situation de l’étranger, mais seulement sur les éléments de vulnérabilité déjà connus.

Sur la compatibilité de la rétention avec son état de santé

Le principe de proportionnalité est essentiel dans l’évaluation de la compatibilité de la rétention avec l’état de santé de l’étranger.

L’article L 741-4 précise que « le placement en rétention administrative ne doit pas être incompatible avec l’état de santé de l’étranger, sauf si les soins nécessaires sont urgents et vitaux ».

Dans le cas de M. [O] [T] alias [M], bien qu’il souffre d’épilepsie, il n’a pas justifié que sa pathologie nécessitait des soins urgents et vitaux qui ne pouvaient être fournis en rétention.

De plus, il a eu accès à des soins au centre de rétention, ce qui renforce la légitimité de la décision de placement.

Sur la motivation de l’acte administratif

L’obligation de motivation de l’acte administratif est un principe fondamental du droit administratif.

L’article 455 du Code de procédure civile stipule que « les jugements doivent être motivés, à peine de nullité ».

Dans le cas présent, l’arrêté préfectoral a mentionné les problèmes de santé de M. [O] [T] alias [M] et a précisé qu’il pourrait rencontrer un médecin en rétention.

Ainsi, la motivation de l’acte administratif a été respectée, et l’autorité préfectorale a pu ordonner le placement en rétention sans commettre d’erreur d’appréciation.

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 25/00015 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MI

N° de Minute : 25/24

Ordonnance du samedi 04 janvier 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [O] [T] ALIAS [M]

né le 09 Mai 2000 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Orlane REGODIAT, avocate au barreau de DOUAI, avocate commise d’office et de M. [P] [W] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour

INTIMÉ

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Céline SYSKA, conseillère à la cour d’appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Christian BERQUET, Greffier

DÉBATS : à l’audience publique du samedi 04 janvier 2025 à 14 h 00

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le samedi 04 janvier 2025 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire de LILLE en date du 02 janvier 2025 à 15h51 notifiée à à M. [O] [T] ALIAS [M] prolongeant sa rétention administrative ;

Vu l’appel interjeté par M. [O] [T] ALIAS [M] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 03 janvier 2025 à 12h41 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [T] alias [M], né le 9 mai 2000 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne, a fait l’objet d’un arrêté de placement en rétention administrative ordonné par le préfet du Nord le 30 décembre 2024, notifié à 16h10 au titre d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour prononcée le 13 août 2024 et notifiée le même jour à 10h20.

Aucun recours en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative n’a été déposé au visa de l’article L 741-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

‘ Vu l’article 455 du code de procédure civile,

‘ Vu l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Lille en date du 2 janvier 2025 notifiée à 15h51 autorisant la première prolongation du placement en rétention administrative de M. [O] [T] alias [M] pour une durée de 26 jours et rejetant la requête en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative,

‘ Vu la déclaration d’appel du 3 janvier 2025 à 12h41 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.

Au titre des moyens soutenus en appel s’agissant uniquement de la contestation de l’arrêté de placement en rétention, l’étranger soulève :

l’erreur d’appréciation sur son état de vulnérabilité,

l’incompatibilité de la rétention avec son état de santé.

Il indique simplement au titre de son appel qu’il ne bénéficie pas de l’intégralité de son traitement en rétention.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la recevabilité de l’appel du requérant :

L’appel de M. [O] [T] alias [M] ayant été interjeté dans les formes et les délais légaux sera déclaré recevable.

II – Sur l’arrêté de placement en rétention administrative :

Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s’assurer que l’arrêté administratif de placement en rétention est adopté par une personne habilitée à cet effet, est fondé sur une base légale (titre d’éloignement valable) et se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l’article L 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur l’évaluation de la vulnérabilité au moment du placement en rétention administrative

Il ressort de l’article L 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que: «’la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et de tout handicap de l’étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention».

L’absence de mention dans l’arrêté de placement en rétention administrative d’une prise en compte d’un éventuel état de vulnérabilité de l’étranger ne peut être palliée par le fait que ce dernier a la possibilité de solliciter une évaluation médicale par les agents de l’OFII au visa de l’article R 751-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cass civ 1ère 15 décembre 2021 N° 20-17283

Il se déduit de ce texte que l’existence d’un état de vulnérabilité n’est pas intrinsèquement de nature à exclure un placement en rétention administrative dés lors que la mesure est compatible avec la prise en charge de la vulnérabilité de l’étranger.

L’évaluation de vulnérabilité au moment du placement en rétention administrative est nécessairement succincte et principalement déclarative, les fonctionnaires de la police de l’air et des frontières n’ayant pas la possibilité de procéder à une évaluation approfondie de la situation personnelle et médicale de la personne en séjour irrégulier.

L’autorité préfectorale, qui n’est pas tenue de motiver sa décision sur l’ensemble de la situation de l’étranger, ne peut donc motiver sa décision à cet égard qu’en fonction des éléments de vulnérabilité déjà connus d’elle ou qui lui ont été présentés par l’étranger.

L’alinéa 2 de l’article ci-dessus énonce des situations qui sont, de plein droit, constitutives d’un état de vulnérabilité et pour lesquelles l’autorité préfectorale est tenue, lorsqu’elle en a eu connaissance, de motiver en quoi le placement en rétention administrative n’est pas incompatible avec l’état spécifique de vulnérabilité prévu par l’alinéa 2 de l’article L 741-4 précité.

En l’espèce, l’arrêté préfectoral de placement en rétention relève les problèmes de santé de M. [O] [T] alias [M], qui a notamment fait état de son épilepsie, mais indique que ce dernier pourra rencontrer un médecin et recevoir les soins appropriés en rétention.

L’obligation de motivation de l’acte administratif est donc respectée et M. [O] [T] alias [M] ne justifie pas ne pas être en mesure de recevoir en rétention le traitement médical qui lui était prescrit en garde-à-vue (Dépakine).

Le préfet disposait en outre au moment de la décision du certificat médical réalisé par le docteur [V] le 29 décembre 2024 et déclarant l’état de santé de M. [O] [T] alias [M] compatible avec le régime de la garde-à-vue.

M. [O] [T] alias [M] affirme qu’il ne bénéficie pas de l’intégralité de son traitement médical en rétention, sans en justifier.

De manière surabondante, il convient de relever que l’intéressé a été interpellé dans le cadre d’une procédure pour infraction à la législation sur les stupéfiants et se déclare consommateur d’ecstasy (deux cachets par jour) et de cocaïne (2 à 3 grammes par semaine), ce qui n’apparaît pas compatible avec la pathologie dont il souffre.

En conséquence l’autorité préfectorale a pu ordonner le placement en rétention administrative sans commettre d’erreur d’appréciation.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur la compatibilité de la rétention avec son état de santé

Le placement en rétention administrative est soumis au principe de proportionnalité apprécié par le juge, notamment lorsque la privation de liberté qu’il entraîne est en opposition avec l’exercice d’un autre droit légitime revendiqué par l’étranger.

Ainsi, sauf à disposer d’un titre de séjour spécifiquement destiné à permettre à un étranger de recevoir des soins en France, la personne en situation irrégulière sur le territoire national et faisant l’objet d’un placement en rétention administrative, ne peut invoquer que son état de santé est incompatible avec un placement en rétention administrative que lorsque les soins qu’elle souhaite se voir dispenser en France sont urgents et vitaux pour la préservation de sa santé et ne peuvent être dispensés dans le cadre du service médical du centre de rétention administrative.

En l’espèce, M. [O] [T] alias [M] indique qu’il présente une pathologie, l’épilepsie, incompatible avec la rétention, pathologie qui n’est pas contestée au regard des éléments médicaux versés au dossier.

Or, il ne justifie pas que la pathologie dont il souffre nécessite des soins urgents et vitaux pour la préservation de son état de santé.

De plus, il a eu accès à des soins au centre de rétention administrative.

Dès lors, ce moyen sera rejeté.

Pour le surplus, la cour considère que c’est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l’article 955 du code de procédure civile, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention en l’attente du laissez-passer consulaire sollicité le 31 décembre 2024 et du vol sollicité le 31 décembre 2024 à 9h04.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS l’appel recevable ;

CONFIRMONS l’ordonnance entreprise.

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat.

Christian BERQUET, Greffier

Céline SYSKA, conseillère

N° RG 25/00015 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MI

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE 25/ DU 04 Janvier 2025 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le samedi 04 janvier 2025 :

– M. [O] [T] ALIAS [M]

– l’interprète

– l’avocat de M. [O] [T] ALIAS [M]

– l’avocat de M. LE PREFET DU NORD

– décision notifiée à M. [O] [T] ALIAS [M] le samedi 04 janvier 2025

– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Orlane REGODIAT le samedi 04 janvier 2025

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général :

– copie au juge du tribunal judiciaire de LILLE

Le greffier, le samedi 04 janvier 2025

N° RG 25/00015 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MI


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