L’Essentiel : En raison du décès de Mme [T] [B], ses héritiers, les consorts [B], ont tenté de récupérer l’appartement loué par M. [O] [F], qui continuait à payer le loyer à la défunte. Malgré des commandements de payer et un congé pour vente, M. [O] [F] a persisté dans ses paiements. Les consorts [B] ont finalement assigné M. [O] [F] et son tuteur, l’APJA 75, en justice. Le tribunal a annulé les actes pour nullité, confirmant la poursuite du bail jusqu’en 2026 et rejetant les demandes d’expulsion, condamnant les consorts [B] aux dépens.
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Contexte de l’affairePar acte du 29 septembre 2002, Mme [T] [B] a loué un appartement à M. [O] [F] pour un loyer de 785,80 € charges comprises. À la suite du décès de Mme [T] [B] le 28 septembre 2022, ses héritiers, les consorts [B], ont tenté de contacter M. [O] [F] pour visiter l’appartement en vue de sa vente, mais sans succès. Malgré une notification de décès, M. [O] [F] a continué à payer le loyer à Mme [T] [B] plutôt qu’à l’étude notariale. Commandements et relancesLe 19 décembre 2022, des commandements de payer pour défaut d’assurance et de loyers ont été délivrés à M. [O] [F] sans résultat. En février 2023, il a émis un chèque pour le loyer de ce mois-là. Les consorts [B] ont ensuite délivré un commandement de congé pour vente à M. [O] [F] le 14 mars 2023, mais celui-ci a continué à adresser ses paiements à l’étude notariale. Actions des consorts [B]Le 16 août 2023, les consorts [B] ont mis en demeure M. [O] [F] de quitter les lieux et de régler ses arriérés de loyers. En décembre 2023, ils ont assigné M. [O] [F] devant le tribunal pour valider le congé, constater la résiliation du bail, et demander son expulsion, ainsi que diverses indemnités. Intervention du tuteurM. [O] [F] ayant été placé sous tutelle en mai 2022, les consorts [B] ont assigné son tuteur, l’APJA 75, en juillet 2024. Les consorts [B] ont soutenu que M. [O] [F] avait fait obstacle aux visites et n’avait pas respecté ses obligations de paiement. Réponses des défendeursM. [O] [F] et l’APJA 75 ont contesté la validité des commandements et du congé, arguant que ces actes avaient été signifiés sans l’intervention de son tuteur, ce qui les rendait nuls. Ils ont également souligné que le bail s’était renouvelé pour trois ans et ont demandé des dommages-intérêts pour préjudice de jouissance et moral. Décision du tribunalLe tribunal a accueilli l’exception de nullité soulevée par M. [O] [F] et l’APJA 75, annulant le congé pour vente ainsi que les commandements pour défaut d’assurance et de paiement. Il a constaté que le bail se poursuivait jusqu’au 29 septembre 2026. Les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation ont été rejetées, et les consorts [B] ont été condamnés aux dépens et à verser une somme au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique du désistement d’appel selon le Code de procédure civile ?Le désistement d’appel est encadré par l’article 401 du Code de procédure civile, qui stipule que : « Le désistement d’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente. » Dans le cas présent, le syndicat des copropriétaires a décidé de se désister de son appel sans que l’intimée, Mme [M] épouse [E], n’ait formé d’appel incident ou de demande incidente. Ainsi, le désistement est valide et n’exige pas d’acceptation, ce qui entraîne le dessaisissement de la Cour de ce litige. Quelles sont les conséquences du désistement d’appel sur les dépens ?Les articles 399 et 405 du Code de procédure civile régissent les dépens en cas de désistement d’appel. L’article 399 précise que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens. » L’article 405 ajoute que : « Les dépens comprennent les frais de justice exposés par la partie qui a gagné le procès. » Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires, ayant décidé de se désister de son appel, est considéré comme la partie succombante. Par conséquent, il est condamné aux dépens d’appel, ce qui signifie qu’il devra rembourser les frais engagés par l’intimée, Mme [M] épouse [E], pour la procédure d’appel. Comment se déroule la notification de la décision selon le Code de procédure civile ?La notification de la décision est régie par l’article 450 du Code de procédure civile, qui stipule que : « La décision est notifiée aux parties par le greffe, par voie électronique ou par tout autre moyen. » Dans le jugement rendu, il est mentionné que la décision a été prononcée publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour. Les parties ont été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de cet article, ce qui garantit que toutes les parties ont été informées de la décision et de ses implications. Ainsi, la procédure de notification a été respectée, assurant la transparence et le droit à l’information des parties concernées. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Mathilde ARLES
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Lola DUBOIS
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/00503 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3X3L
N° MINUTE :
7 JCP
JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025
DEMANDEURS
Madame [E] [B], demeurant [Adresse 7]
Madame [I] [B], demeurant [Adresse 4]
Monsieur [R] [B], demeurant [Adresse 2]
Madame [V] [B], demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Lola DUBOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0567
DÉFENDEURS
Association APJA 75, dont le siège social est sis [Adresse 3]
Monsieur [O] [F], demeurant [Adresse 5]
représentés par Me Mathilde ARLES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Brice REVENEY, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Aline CAZEAUX, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 octobre 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Brice REVENEY, Juge assisté de Aline CAZEAUX, Greffier
Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/00503 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3X3L
Par acte du 29 septembre 2002, Mme [T] [B] a donné à bail à M. [O] [F] un appartement sis [Adresse 5], pour un loyer actuel de 785, 80 € charges comprises.
Mme [T] [B] est décédée le 28 septembre 2022, laissant pour héritiers Mme [E] [B], Mme [I] [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] (ci-après les consorts [B]).
Les consorts [B] se sont manifesté vainement par deux courriers du 19 octobre et du 3 novembre auprès de M. [O] [F] afin de visiter l’appartement pour en faire une estimation aux fins de le vendre.
Bien qu’avisé du décès par lettre du notaire en date du 7 octobre 2022, M. [O] [F] a continué à libeller ses chèques de loyer à l’ordre de Mme [T] [B] et non à l’ordre de l’étude notariale.
Le 19 décembre 2022, un commandement de payer pour défaut d’assurance et un commandement de payer les loyers ont été délivrés vainement à M. [O] [F].
Le 3 février 2022, M. [O] [F] a dressé un chèque au notaire pour le seul mois de février 2022 et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Le 10 janvier 2023, un courrier lui a été adressé pour lui remettre le nouveau badge d’accès à l’immeuble.
Par acte extrajudiciaire du 14 mars 2023, les consorts [B] ont délivré à M. [F] un commandement de congé pour vente à effet du 29 septembre 2023, valant offre de vente restée sans suite.
M. [F], relancé par le notaire par lettre du 12 juin 2023 qui lui apprenait que la succession avait été clôturée, a adressé son chèque de loyer à l’étude notariale et non aux consorts [B].
Le 7 août 2023, M. [F] a payé une partie des arriérés.
Par courrier du 16 août 2023, les consorts [B] ont délivré à M. [F] une mise en demeure de quitter les lieux et payer son arriéré de loyers, ce à quoi M. [F] s’est rendu.
Par acte de commissaire de justice du 14 décembre 2023, les consorts [B] ont assigné M. [O] [F] devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Paris au visa de l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 aux fins, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
– voir valider le congé en cause du 23 mars 2023,
– voir constater la résiliation du bail à effet du 29 septembre 2023,
– voir ordonner la libération des lieux et à défaut l’expulsion sans délai dès la signification de la décision et sous astreinte de 500 € par jour de retard, de M. [O] [F], désormais sans droit ni titre, ainsi que de tous occupants de leur chef avec assistance au besoin de la force publique et d’un serrurier,
– voir ordonner l’absence de sursis aux mesures d’expulsion pendant la trêve hivernale,
– voir ordonner le transport et la séquestration des meubles se trouvant dans les lieux dans tout garde meuble ou autre local de son choix aux frais, risques et péril du défendeur,
– fixer et voir condamner le défendeur au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 29 septembre 2023 égale au double du loyer normalement exigible en cas d’occupation régulière des locaux jusqu’à libération effective des lieux, soit 1571, 60 € mensuels, indexés comme le serait le loyer,
– voir condamner le défendeur au paiement d’une indemnité de 10.000 € pour résistance abusive
– voir condamner le défendeur au paiement d’une indemnité de 3000 € de frais irrépétibles, outre les entiers dépens,
– voir appliquer les intérêts au taux légal sur l’ensemble des sommes imparties,
M. [F] ayant été placé sous tutelle par jugement du 27 mai 2022 pour une durée de 60 mois, les consorts [B] ont assigné en intervention forcée son tuteur l’APJA 75 par acte extrajudiciaire en date du 18 juillet 2024.
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Dans leurs conclusions en réponse n° 1, les consorts [B] ont repris leurs demandes.
Ils affirment que M. [F] a fait obstacles aux visites du bien loué malgré la dizaine de courriers qu’ils lui ont adressé pour lui rappeler ses obligations, y compris le paiement de ses loyers.
Ils rappellent que M. [F] est déchu de tout titre, n’ayant pas opté pour l’achat du bien dans le délai de deux mois , et à ce titre redevable d’une indemnité d’occupation égale au double du loyer actuel.
Les consorts [B] estiment que M. [F] a eu à leur égard un comportement nuisible en continuant à adresser ses paiements, d’ailleurs partiels, à leur mère décédée et en lui souhaitant des vœux de nouvelle année.
Ils font état d’une perte de chance de vendre le bien à cause de ce maintien dans les lieux qui brime leur projet de transaction.
Ils opposent aux commandement et congé pour vente envoyés à une personne vulnérable donc en incapacité juridique, le fait que la loi n’y stipule pas invalidité ainsi que le comportement de leur locataire qui agissait et répondait aux courriers de son chef sans que l’indivision puisse se douter qu’il était sous tutelle, et pointent l’immobilisme de l’APJ 75 à cet égard, qui aurait dû s’emparer du dossier dès 2022 et prendre attache avec le notaire.
Les consorts [B] rappellent que le bailleur est libre de déterminer le prix qu’il souhaite dès lors qu’il n’est pas excessivement élevé et décourageant, rendant le congé pour vendre frauduleux, ce qu’il appartient au locataire de prouver. Les consorts [B] à cet égard, indiquant que la mise à prix du bien litigieux était dans la fourchette du marché.
Ils indiquent avoir tout mis en œuvre pour vendre le bien dès octobre 2022, mais sans pouvoir mener des visites ni diligenter des diagnostics du fait de l’obstruction de M. [F].
Ils rejettent le délai subsidiaire d’un an, le locataire étant infirmé du projet de vente depuis deux ans, la régularité des paiements une fois repris démontrant que M. [F] dispose des moyens de se reloger.
Ils estiment que l’obstruction de leur locataire à toute visite rend malvenus les défendeurs à invoquer l’état dégradé du logement sans qu’aucune doléance ne leur ait jamais été adressée en phase précontentieuse.
Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/00503 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3X3L
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Dans leurs conclusions n° 2, M. [O] [F] et l’APJ 75 demandent,
In limine litis,
– déclarer nuls le commandement pour défaut d’assurance du 19/12/2022, le commandement de payer du 19/12/2022 et le congé pour vendre du 10 mars 2023,
Au fond :
– dire que le bail s’est renouvelé pour une durée de trois ans,
– débouter les consorts [B] de leurs demandes,
Subsidiairement :
– accorder un délai d’un an à M. [F] pour quitter les lieux,
– écarter l’exécution provisoire de la décuision,
En tout état de cause,
-Condamner in solidum les consorts [B] à payer les sommes de 3000 € pour préjudice de jouissance et 2000 € pour préjudice moral,
-Condamner in solidum les consorts [B] à payer les sommes de 2400 € de frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
Les défendeurs rappellent que le défaut de capacité de recevoir un acte extrajudiciaire est une irrégularité de fond affectant les trois actes précités relevant de la gestion de son patrimoine, lesquels ont été effectués postérieurement au jugement de tutelle du 27 mai 2022. Ils rappellent que toute signification à une personne en tutelle doit l’être à son tuteur sous peine de nullité.
Ils rappellent le comportement incohérent de M. [F] après le décès de Mme [B] en septembre 2022, qui aurait du conduire l’indivision à s’assurer de l’absence de mesure de protection à son égard afin de délivrer au mieux de sa protection les différents actes, en ce compris le congé pour vendre, dont l’APJA 75 n’a pas connu.
Les défendeurs soulèvent également le caractère frauduleux du congé, le prix de vente signifié de 314 000 € étant supérieur au montant de l’évaluation notariée du 31 mars 2023 (280.000 €) et les prix comparables cités n’étant que des offres et non des prix acquis. Ils citent deux exemples au [Adresse 6], vendus très en deçà de l’offre figurant au congé, qui ne visait donc qu’à dissuader M. [F].
Ils doutent également de la réalité du motif pour vente en l’absence de mandat et de preuves de diligences à cet effet, tandis que les demande d’accès au logement en visaient qu’à estimer le bien et non à le faire visiter.
Le congé n’ayant pas été valablement délivré, ils en déduisent une reconduction du bail jusqu’au 29 septembre 2026 et concluent au rejet des demandes incompatibles, notamment la réduction du délai de trêve hivernale alors que M. [F] n’était pas entré par voie de fait et la fixation d’une indemnité d’occupation non prévue par le bail.
Ils se prévalent de la vulnérabilité de M. [F] pour rejeter l’accusation de comportement fautif et pour prétendre à titre subsidiaire à un maintien dans les lieux pendant un an, les échéances locatives étant réglées et M. [F] ne pouvant être relogé dans des conditions normales. Pour cette même raison, ils estiment l’exécution provisoire incompatible avec la nature de l’affaire.
Ils font valoir en revanche un état dégradé du logement contraire à l’obligation de délivrer un logement décent, d’entretenir les locaux et d’y faire les réparations nécessaires au maintien en l’état, ce impliquant un préjudice de jouissance, tandis que l’acharnement procédural contre M. [F] justifie l’indemnisation d’un préjudice moral.
A l’audience du 21 octobre 2024, les parties se sont référés à leurs écritures.
I.Sur la demande d’irrecevabilité in limine litis
Aux termes de l’article 73 du code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
Le défaut de capacité d’ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.
Aux termes de l’article 649 du même code, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
Aux termes de l’article 119 du même code, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.
Aux termes des articles 473 et 474 du code civil , sous réserve des cas où la loi ou l’usage autorise la personne en tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile.
La personne en tutelle est représentée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine dans les conditions et selon les modalités prévues au titre XII.
Aux termes de l’article 497 du code civil, la personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.
Lors de la conclusion d’un acte écrit, l’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée.
A peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l’est également au curateur.
En l’espèce, M. [O] [F], locataire de Mme [T] [B], a été placé sous curatelle renforcée par jugement du 27 mai 2022 pour une durée de 5 ans et l’ APJA 75 nommé en qualité de curateur.
Mme [T] [B] est décédée le 28 septembre 2022, laissant pour successibles les consorts [B].
Ces derniers ont adressé un commandement de payer pour défaut d’assurance et un commandement de payer les loyers ont été délivrés à M. [F] le 19 décembre 2022.
Les consorts [B] ont également délivré à M. [F] un commandement de congé pour vente par acte extrajudiciaire du 10 mars 2023.
L’ensemble de ces actes extrajudiciaire a donc été accompli après la date de placement sous curatelle renforcée de M. [F] sans que l’ APJA 75 en ait été avisée.
Il va de soi que ni l’indivision [B] ni le notaire ne pouvait deviner que les « errances » rapportées de M. [F] pendant cette période relevaient d’une situation de vulnérabilité psychologique.
Il appartenait largement plus à l’APJA 75, qui avait nécessairement connaissance de la situation locative de M. [F] et accès au courrier relatif à ses intérêts patrimoniaux, de faire connaitre sa nouvelle situation juridique auprès de son bailleur, voire de s’inquiéter auprès de son curatélaire des différents courriers notariaux qu’il recevait, ce dépendant également du climat de confiance instauré avec la personne sous curatelle.
Toutefois, le fait que l’ APJA 75 ne soit pas intervenue au cours des multiples échanges entre M. [F] et le notaire des consorts [B] ou entre M. [F] ou eux-mêmes, s’il pourrait être questionnable sur un plan de responsabilité civile, est sans effet sur la protection légale qui s’attache en tout état de cause à l’incapacité des actes de la vie civile, de la gestion du patrimoine et d’ester en justice de la personne placée sous curatelle, tout comme l’est l’ignorance de son créancier, qu’elle soit excusable ou non.
Il s’agit d’une situation juridique opposable à quiconque, sans qu’elle est besoin d’être notifiée pour déployer ses pleins effets, s’agissant d’une décision de justice qui plus est faisant l’objet d’une publicité par mention en marge de l’acte de naissance.
Si l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, s’agissant du congé pour vendre ne stipule que limitativement des causes de nullité du congé, ces causes n’en sont pas pour autant exclusives de causes plus générales tenant à la validité de l’acte extrajudiciaire dont ce congé revêt la forme lorsqu’il est signifié par acte d’un commissaire de justice.
Or, l’article 497 du code civil stipule qu’à peine de nullité, toute signification faite à la personne protégée l’est également au curateur. Cette nullité d’un acte de procédure extrajudiciaire, selon la combinaison des articles 649 et 119 peut être relevée sans avoir à justifier d’un grief que si elle est fondée sur l’inobservation de règles de fond.
Tel est le cas en matière de capacité d’après le contenu de l’article 117 du code de procédure civile. De l’énumération de cet article, il ressort donc que l’irrégularité dite de fond concerne un problème de représentation d’une partie à l’acte de procédure : soit que la partie à l’ acte de procédure n’avait pas le droit de l’accomplir seul et aurait dû être représenté pour que l’ acte soit valable, soit que la partie qui a accompli l’ acte en tant que représentant n’avait pas ou n’avait plus le droit de le faire valablement.
Or, selon l’article 497 précité, M. [F] n’avait pas la capacité d’accomplir seul sa part de l’acte extrajudiciaire, à savoir, et pour n’évoquer que ce seul acte, se voir signifier un congé pour vendre avec offre de vente – achat qui, s’il était accompli, constituerait effectivement un acte de disposition qui exigerait l’assistance de son curateur, étant entendu que, s’agissant d’un acte de procédure entaché d’une irrégularité de fond, il importe peu que M. [F] n’ait subi aucun grief pour n’avoir à aucun moment souhaité acquérir le logement
Le congé pour vente du du 10 mars 2023 doit donc être annulé.
Selon l’article 497 précité, il en sera de même des commandements pour défaut d’assurance du 19/12/2022 et commandement de payer du 19/12/2022.
Par voie de conséquence, il faut considérer que le congé n’ayant pas été valablement délivré, le bail en date du 29 septembre 2002 a été reconduit à sa dernière échéance du 29 septembre 2024 pour une durée de trois ans jusqu’au 29 septembre 2026.
M. [F] ne pouvant dès lors être considéré comme occupant sans droit ni titre depuis le 29 septembre 2024, les demandes liées à son expulsion, à l’indemnité d’occupation et à la résistance abusive seront toutes rejetées.
II. Sur les demandes reconventionnelles
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance:
Aux termes de l’article 6 alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;
Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
Aux termes de l’article 1231-1 et suivants du code civil Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En l’espèce, il convient de constater que les deux photos, qui plus est de base qualité, fournies par les défendeurs n’apportent en rien la preuve de la vétusté dont ils allèguent et des manquements à l’article 6 susvisé. Il n’est donc démontré aucune faute contractuelle à l’orogine d’un quelconque préjudice de jouissance.
La demande sera donc rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :
En application de l’article 1240 du Code civil, l’exercice d’une action en justice constitue un droit et dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts en cas de malice, mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol.
En l’espèce, bien qu’il ait été fait droit à ses demandes, les consorts [B] ne rapportent pas la preuve que M. [F], en dépit de sa qualité de majeur protégé, aurait subi un préjudice de n’avoir pas été en mesure d’être valablement représenté face à la multiplication des actes de procédure.
Ainsi, il a été indiqué ci-dessus que le congé irrégulier n’a engendré aucun grief pour M. [F], qui n’avait à aucun moment manifesté le souhait d’acquérir le logement.
Enfin, s’agissant du commandement pour défaut d’assurance du 19/12/2022 et du commandement de payer du 19/12/2022, il n’a pas été nié que ces commandements répondaient à un manquement de M. [F] à ses obligations, notamment lorsqu’il adressait à la défunte bailleresse des chèques libellés à son nom alors que le notaire de l’indivision, puis les consorts [B] auraient du en être destinataires.
La demande d’indemnisation sera donc rejetée.
III. Sur les demandes accessoires
Sur les dépens :
Il y a lieu de condamner solidairement les consorts [B] aux entiers dépens.
Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile :
Il y a lieu de condamner in solidum les consorts [B] à payer aux défendeurs une somme au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, qui, compte tenu des circonstances et de l’équité, sera fixée à 2000 €.
Le tribunal de proximité, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au Greffe :
RECOIT l’exception de nullité soulevée in limine litis par M. [O] [F] et l’APJA 75,
ANNULE le congé pour vendre en date du 14 mars 2023 signifié par Mme [E] [B], Mme [I] [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] à M. [O] [F] sur la base de l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, pour irrégularité de fond,
CONSTATE, du fait de l’annulation de de ce congé, que le bail portant sur les lieux loués situés au [Adresse 5] s’est poursuivi le 30 septembre 2024 pour une durée de trois ans,
ANNULE le commandement pour défaut d’assurance du 19 décembre 2022 signifié par Mme [E] [B], Mme [I] [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] à M. [O] [F], pour irrégularité de fond,
ANNULE le commandement de payer du 19 décembre 2022 signifié par Mme [E] [B], Mme [I] [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] à M. [O] [F], pour irrégularité de fond,
DEBOUTE Mme [E] [B], Mme [I] [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] du surplus de leurs prétentions,
REJETTE les demandes reconventionnelles de M. [O] [F] et de l’APJA 75,
CONDAMNE Mme [E] [B], Mme [I] [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] aux entiers dépens,
CONDAMNE Mme [E] [B], Mme [I] [B], M. [R] [B] et Mme [V] [B] à payer à M. [O] [F] et de l’APJA 75 la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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