Violences au travail et conséquences sur le contrat de travail : enjeux de la résiliation et du licenciement.

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Violences au travail et conséquences sur le contrat de travail : enjeux de la résiliation et du licenciement.

L’Essentiel : Le responsable d’équipe a été engagé par la société en tant que salarié à temps plein depuis le 7 juin 2018. Le 24 septembre 2020, le directeur général de la société a agressé le responsable d’équipe, entraînant une reconnaissance d’accident du travail. Le tribunal correctionnel a déclaré le directeur coupable de violences. Suite à la liquidation judiciaire de la société, le responsable d’équipe a été licencié pour motif économique. Il a contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé celui-ci abusif. Le responsable d’équipe a interjeté appel, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Embauche et Contexte de l’Affaire

M. [F] [M] a été engagé par la Sasu CRH en tant que responsable d’équipe à temps complet à partir du 7 juin 2018, sous un contrat de travail à durée indéterminée. La convention collective applicable est celle des ouvriers du bâtiment, et la société emploie moins de 11 salariés.

Incident de Violence

Le 24 septembre 2020, M. [K], directeur général de la société, a porté deux coups de poing à M. [F]. Cet incident a été reconnu comme un accident du travail par la CPAM, qui a pris une décision en ce sens le 4 janvier 2021.

Procédures Judiciaires

Le 17 septembre 2021, le tribunal correctionnel de Montauban a déclaré M. [K] coupable de violences ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours sur M. [F]. Par la suite, le 9 novembre 2021, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société CRH et a désigné un liquidateur judiciaire.

Licenciement de M. [F]

Le même jour que la liquidation, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable pour un licenciement pour motif économique, et il a été licencié le 23 novembre 2021. Ce jour-là, il a également saisi le tribunal judiciaire de Montauban pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur dans l’accident du travail.

Action aux Prud’hommes

Le 23 novembre 2022, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, arguant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 12 mai 2023, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement de M. [F] était abusif et dénué de cause réelle et sérieuse. Il a fixé sa rémunération mensuelle de référence et a condamné la société CRH à verser des indemnités à M. [F], tout en déboutant plusieurs de ses demandes.

Appel de M. [F]

M. [F] a interjeté appel le 1er juin 2023, demandant la réforme du jugement sur plusieurs points, notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement pour motif économique.

Arguments de l’Unédic CGEA

L’Unédic CGEA a demandé à la cour de confirmer le jugement en ce qui concerne le déboutement de M. [F] sur certaines demandes, tout en soutenant que le licenciement était justifié et que la résiliation judiciaire ne devait pas être accordée.

Décision de la Cour

La cour a déclaré irrecevable l’appel incident de l’AGS et a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant le paiement d’un acompte. Elle a fixé la créance de M. [F] au passif de la liquidation judiciaire pour le montant de l’acompte non perçu, tout en confirmant les autres dispositions du jugement. Les dépens d’appel seront pris en frais de la liquidation judiciaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques de la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas de manquements graves de l’employeur ?

La résiliation judiciaire du contrat de travail est un mode de rupture qui peut être prononcé par le juge lorsque l’employeur commet des manquements graves à ses obligations, rendant impossible la poursuite de l’exécution du contrat.

Selon l’article L. 1231-1 du Code du travail, « le contrat de travail peut être rompu par l’une ou l’autre des parties, sous réserve du respect des dispositions légales et conventionnelles applicables ».

La résiliation judiciaire produit ses effets au jour où la juridiction statue, sauf si la rupture est intervenue pour un autre motif dans le cours de l’instance.

Il est donc essentiel que le contrat de travail ne soit pas déjà rompu au moment où la juridiction est saisie. Dans le cas présent, la cour a constaté que le contrat était déjà rompu avant la saisine, rendant impossible le prononcé d’une résiliation judiciaire.

Le licenciement pour motif économique est-il valide en période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ?

L’article L. 1226-9 du Code du travail stipule qu’il existe une prohibition de licencier un salarié pendant une période de suspension de son contrat de travail pour cause d’accident du travail.

Cependant, cet article prévoit des exceptions, notamment en cas de faute grave de l’employé ou d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

Dans cette affaire, le licenciement a été prononcé en raison de la liquidation judiciaire de la société, entraînant une cessation totale d’activité. La lettre de licenciement mentionnait cette liquidation, ce qui justifiait la rupture du contrat, même en période de suspension pour accident du travail.

Ainsi, la cour a jugé que la nullité du licenciement n’était pas encourue, confirmant la validité du licenciement pour motif économique.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de paiement des salaires et des acomptes ?

L’employeur a l’obligation de verser les salaires dus à ses employés, conformément à l’article L. 3242-1 du Code du travail, qui précise que « le salaire est dû au salarié en contrepartie du travail effectué ».

Dans le cas présent, le salarié a demandé le paiement d’un acompte de 1 298,70 euros, qui figurait sur son bulletin de paie de septembre 2020. L’employeur devait prouver qu’il avait effectué ce paiement, mais aucun élément n’a été produit à cet effet.

La cour a donc infirmé le jugement du conseil de prud’hommes et a fixé la créance de l’employé au passif de la liquidation judiciaire pour ce montant, confirmant ainsi l’obligation de l’employeur de respecter ses engagements salariaux.

Comment se prononce la cour sur les demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif ?

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes en ce qui concerne le licenciement abusif, en se basant sur l’article L. 1235-1 du Code du travail, qui prévoit que « le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit à des dommages et intérêts ».

Dans cette affaire, le conseil de prud’hommes avait déjà reconnu que le licenciement était abusif et dénué de cause réelle et sérieuse, condamnant l’employeur à verser des dommages et intérêts au salarié.

La cour a donc maintenu cette décision, considérant que le salarié avait droit à une indemnisation pour le préjudice subi en raison de la rupture abusive de son contrat de travail.

Quelles sont les implications de la liquidation judiciaire sur les créances salariales ?

Lorsqu’une société est en liquidation judiciaire, les créances salariales sont considérées comme des créances privilégiées, conformément à l’article L. 622-18 du Code de commerce.

Cela signifie que les salaires dus aux employés doivent être réglés en priorité par rapport aux autres créanciers. Dans cette affaire, la cour a ordonné au liquidateur judiciaire d’établir un bordereau de créances salariales conforme au jugement, afin de garantir le paiement des sommes dues au salarié.

Ainsi, les créances salariales sont protégées et doivent être prises en compte dans le cadre de la liquidation judiciaire, assurant ainsi que les droits des employés sont respectés.

31/01/2025

ARRÊT N°25/36

N° RG 23/01976

N° Portalis DBVI-V-B7H-PPMK

CB/ND

Décision déférée du 12 Mai 2023

Conseil de Prud’hommes

Formation paritaire de MONTAUBAN

(F 22/00193)

MME SANSON

SECTION INDUSTRIE

[M] [F]

C/

ASSOCIATION CGEA DE [Localité 6]

S.E.L.A.R.L. BENOIT ET ASSOCIES

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [M] [F]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean CAMBRIEL de la SCP CAMBRIEL GERBAUD-COUTURE ZOUANIA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMEES

ASSOCIATION CGEA DE [Localité 6] UNEDIC

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-françois LAFFONT, avocat au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.R.L. BENOIT ET ASSOCIES, prise en la personne de Maître [Z] [S], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société CRH

[Adresse 1]

[Localité 4]

Assignée par acte remis à personne habilitée le 05/07/2023

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [M] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 7 juin 2018 en qualité de responsable d’équipe par la Sasu CRH.

La convention collective applicable est celle des ouvriers du bâtiment. La société emploie moins de 11 salariés.

Le 24 septembre 2020, M. [K], directeur général de la société a asséné deux coups de poing à M. [F].

La CPAM a reconnu la déclaration d’accident du travail par une décision en date du 4 janvier 2021.

Le 17 septembre 2021, le tribunal correctionnel de Montauban a déclaré M. [K] coupable des faits de violence ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours sur la personne de M. [F].

Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société CRH et désigné la Selarl Benoît prise en la personne de maître [S] en qualité de liquidateur judiciaire. Le même jour, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique.

Le 23 novembre 2021, M. [F] a été licencié pour motif économique. Ce même jour, ce dernier a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban d’une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de l’accident du travail.

Le 23 novembre 2022, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, produisant ainsi les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir la fixation au passif de sa créance salariale.

Par jugement en date du 12 mai 2023, le conseil de prud’hommes de Montauban a :

Dit que le licenciement de M. [F] est abusif et est dénué d’une cause réelle et sérieuse ;

Débouté M. [F] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail

Fixé la rémunération mensuelle de référence à la somme de 2 502,08 euros bruts ;

Fixé la créance salariale de M. [F] au passif de la société CRH aux sommes suivantes :

Déboute M. [F] de sa demande de 15 012,48 euros au titre de 6 mois de salaires pour licenciement nul ;

Condamne la société CRH à verser à M. [F] la somme de 10 008,32 euros au titre de 4 mois de salaire pour licenciement abusif ;

Déboute M. [F] de sa demande de 2 526,39 euros au titre de complément d’indemnité de licenciement ;

Déboute M. [F] de sa demande de 1 298,70 euros au titre de l’acompte déduit du salaire du mois de septembre 2020 ;

Condamne la société CRH à verser à M. [F] la somme de 128,31 euros brut de rappel de salaire outre 12,83 euros brut de congés payés y afférents, 14,00 euros brut d’indemnité de repas et 17,00 euros brut d’indemnité de trajet au titre de la journée du 24 septembre 2020 ;

Déboute M. [F] de sa demande de 11 723,38 euros au titre des heures travaillés du 1er mars au 31 juillet 2020 ;

Déboute M. [F] de sa demande de 1 663,40 euros au titre des paniers non perçus ;

Condamne la société CRH à verser 1 650 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné la restitution des différents effets personnels à M. [F], notamment un trousseau de clés et un téléphone portable de marque Samsung Galaxy J2 noir ;

Condamné aux entiers dépens chaque partie ;

Déclaré le jugement commun et opposable à la société CRH, à la SELARL Benoit et associés, prise en la personne de Me [S], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CRH, et au CGEA AGS de [Localité 6] ;

Enjoint à la SELARL Benoit et associés, prise en la personne de Me [S], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CRH, d’établir un bordereau de créances salariales conforme au jugement et de le transmettre au CGEA AGS de [Localité 6] pour règlement.

M. [F] a interjeté appel de ce jugement le 1er juin 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués de la décision et intimant la société Benoît ès qualités ainsi que l’AGS.

Dans ses dernières écritures en date du 21 novembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [F] demande à la cour de :

Sur l’appel principal de M. [F] :

Réformer le jugement du 12 mai 2023 rendu par le conseil de prud’hommes de Montauban en ce qu’il a :

– débouté M. [F] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

– débouté M. [F] de sa demande de 15 012,48 euros bruts, au titre de 6 mois de salaires pour licenciement nul,

– débouté M. [F] de sa demande de 2 526,39 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement par application de l’article L.1226-14 du code du travail,

– débouté M. [F] de sa demande de 1 298,70 euros bruts au titre de l’acompte déduit de salaire du mois de septembre 2020 ;

– débouté M. [F] de sa demande de 11 723,38 euros bruts au titre des heures normales et des heures supplémentaires travaillées et non rémunérées du 01/03/2020 au 31/07/2020,

– débouté M. [F] de sa demande de 1 663,40 euros bruts au titre des paniers non perçus.

– condamné aux dépens chaque partie.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société CRH à la date du 24/9/2020, date de l’accident du travail.

Prononcer la nullité du licenciement pour motif économique du salarié en accident du travail

Dire et juger que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul ou, à titre subsidiaire, d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Fixer la créance salariale de M. [F] au passif de la société CRH aux sommes suivantes :

– 15 012,48 euros bruts, somme équivalente à 6 mois de salaires bruts pour licenciement nul,

– 2 526,39 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement par application de l’article L.1226-14 du code du travail,

– 1 298,70 euros bruts au titre de l’acompte déduit de salaire du mois de septembre 2020,

– 11 723,38 euros bruts au titre des heures normales et des heures supplémentaires travaillées et non rémunérées du 01/03/2020 au 31/07/2020,

– 1 663,40 euros bruts au titre des paniers non perçus.

– dire et juger que les dépens de première instance seront à la charge de la société CRH et seront admis en frais de justice privilégiés.

Confirmer le jugement du 12 mai 2023 rendu par le conseil de prud’hommes de Montauban en ce qu’il a :

– fixé le salaire mensuel moyen de référence à 2 502,08 euros bruts,

– subsidiairement, dit que le licenciement de M. [F] est abusif et est dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société CRH à verser à M. [F] la somme de 10 008,32 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

– condamné la société CRH à verser à M. [F] la somme de 128,31 euros bruts, outre 12,83 euros bruts de congés payés afférents, 14 euros bruts d’indemnité de repas et 17 euros bruts d’indemnité de trajet, au titre de la journée du 24//9/2020.

– condamné la société CRH au paiement d’une indemnité de 1 650 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

– ordonné à Me [S] d’établir le bordereau des créances salariales en vue d’obtenir une prise en charge par le CGEA AGS.

– ordonné à Me [S] la remise de ses effets personnels, notamment le téléphone de marque Samsung Galaxy J2 noir et du trousseau de clés appartenant à M. [F].

En tout état de cause,

Fixer la créance de M. [F] au titre des frais irrépétibles d’appel (article 700 code de procédure civile) à la somme de 3 000 euros, somme qui sera admise au passif en frais de justice privilégiés.

Déclarer le jugement commun et opposable à la société CRH, à la SELARL Benoit & associés prise en la personne de Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CRH et au CGEA AGS de [Localité 6].

Enjoindre à la SELARL Benoit & associés prise en la personne de Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CRH, d’établir un bordereau de créances salariales conformes au jugement et de le transmettre au CGEA AGS de [Localité 6] pour règlement.

Dire et juger que les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la société CRH et seront admis en frais de justice privilégiés.

Déclarer le jugement commun et opposable à la société CRH, à la SELARL Benoit & associés prise en la personne de Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CRH et au CGEA AGS de [Localité 6].

Enjoindre à la SELARL Benoit & associes prise en la personne de Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CRH, d’établir un bordereau de créances salariales conformes au jugement et de le transmettre au CGEA AGS de [Localité 6] pour règlement.

Débouter la société CRH, la SELARL Benoit & associes prise en la personne de Me [S] et le CGEA AGS de [Localité 6] de leurs demandes et contestations.

Sur l’appel incident du CGEA AGS :

Déclarer irrecevables les conclusions d’intimée et l’appel incident du CGEA AGS faute de signification de ses conclusions notifiées le 21/9/2023 aux autres parties qui n’ont pas constitué avocat (SELARL Benoît et associés et société CRH).

Débouter l’UNEDIC-CGEA AGS de l’intégralité de ses demandes et contestations.

Il soutient que les coups portés par l’employeur justifient la résiliation judiciaire du contrat au jour des faits avec les effets d’un licenciement nul compte tenu de l’accident du travail. Il invoque la nullité du licenciement pour motif économique à raison de sa situation d’arrêt pour accident du travail. Il invoque des rappels de salaires pour la période d’exécution et l’absence de restitution de ses effets personnels. Il estime que les conclusions et l’appel incident de l’AGS sont irrecevables pour ne pas avoir été signifiés à la société CHR et à son liquidateur.

Dans ses dernières écritures en date du 21 septembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, l’Unédic CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :

Prendre acte que

– l’AGS demande à la cour de noter son intervention,

– que s’agissant de l’intervention forcée de l’AGS, l’action ne peut avoir d’autre objet que l’inscription des créances salariales et que cette action ne peut que rendre le jugement commun à l’AGS sans condamnation directe à son encontre.

– que l’arrêt à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans les limites des conditions légales d’intervention de celle-ci en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

Plaise à la cour :

Confirmer le jugement dont appel

– en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes au titre du licenciement « nul », des dommages et intérêts réclamés de ce chef, de l’indemnité spéciale et des heures supplémentaires non justifiées.

Subsidiairement

– juger que l’AGS ne garantira pas les indemnités de rupture dues au salarié si la résiliation du contrat est prononcée.

Et sur appel incident :

– faire droit à l’appel incident de l’AGS et réformer le jugement déféré en déboutant M. [F] de sa demande au titre du licenciement « sans cause réelle et sérieuse »

Statuant à nouveau débouter par conséquent M. [F] de sa demande de dommages et intérêts du chef de la rupture de son contrat de travail

– statuer ce que de droit sur les autres demandes en appel

En tout état de cause

– mettre l’AGS hors de cause en ce qui concerne la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Elle rappelle la nature de sa garantie et soutient qu’elle ne peut être due en cas de résiliation judiciaire. Elle considère que le licenciement est justifié. Elle estime que le salarié est défaillant à rapporter la preuve d’heures supplémentaires et s’en rapporte pour le surplus des rappels de salaire sollicités.

La société Benoît ès qualités n’a pas constitué avocat. La signification de la déclaration d’appel et des premières conclusions du salarié a été faite par l’appelant le 5 juillet 2023.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 12 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel incident,

L’appelant soulève à la fois l’irrecevabilité des écritures et de l’appel incident de l’AGS. Les conclusions ont bien été remises au greffe et à l’appelant dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, étant observé que le conseiller de la mise en état n’a pas été saisi. En ce qu’elles répondaient à l’appel principal, elles demeurent donc recevables.

En revanche, et sans qu’il y ait lieu de faire référence à une question d’indivisibilité, il est constant que le jugement a fait droit à certaines des prétentions du salarié (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaire et indemnités de repas et trajet pour la journée du 24 septembre 2020). Ce chef du dispositif concernait en premier lieu la société CRH désormais représentée par son liquidateur. Or, l’AGS qui entend relever appel incident ne justifie pas avoir fait signifier ses écritures au mandataire liquidateur. Dès lors, sans qu’il y ait lieu de déclarer irrecevables les écritures, l’appel incident est effectivement irrecevable.

Sur la rupture,

La résiliation judiciaire du contrat est un mode de rupture qui, sur saisine du salarié, conduit à prononcer cette résiliation en cas de manquements graves de l’employeur à ses obligations ne permettant pas la poursuite de l’exécution du contrat. Lorsqu’elle est prononcée, elle produit ses effets au jour où la juridiction statue à moins que dans le cours de l’instance la rupture soit intervenue pour un autre motif. Dans ce cas, elle produit ses effets au jour de la rupture.

Ce mécanisme suppose en conséquence que le contrat de travail ne soit pas déjà rompu au jour où la juridiction est saisie. Le prononcé d’une résiliation alors que le contrat, comme en l’espèce, était rompu avant la saisine du conseil est impossible.

Sans présenter cette prétention comme un subsidiaire, M. [F] sollicite également la nullité de la mesure de licenciement en faisant valoir qu’elle est intervenue pendant une période de suspension du contrat pour cause d’accident du travail et au mépris des dispositions de l’article L. 1226-9 du code du travail.

Toutefois, la cour ne peut que rappeler que s’il existe une prohibition du licenciement en période de suspension du contrat de travail pour accident du travail l’article L. 1226-9 du code du travail prévoit également des exceptions à ce principe soit en cas de faute grave, circonstance inopérante en l’espèce, soit en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

En l’espèce, le licenciement a été prononcé suite à la liquidation judiciaire de la société sans poursuite d’activité. Or, la lettre de licenciement établie par le mandataire judiciaire rappelait cette procédure de liquidation judiciaire, laquelle emportait cessation totale de toute activité, fermeture de l’entreprise et suppression de tous les postes. Elle rappelait également qu’aucun reclassement interne n’était possible, étant observé qu’il n’est pas soutenu que la société appartenait à un groupe. Elle rappelait enfin que la cessation d’activité ne permettait pas de maintenir le contrat.

Dans de telles conditions, la nullité du licenciement n’est pas encourue. Il n’est pas davantage dû l’indemnité spéciale de licenciement puisque la rupture n’était pas la conséquence d’une inaptitude médicalement constatée. Il y a lieu à confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ces demandes.

Au regard de l’irrecevabilité prononcée ci-dessus, la cour n’est pas saisie de la discussion portant sur un licenciement abusif.

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat,

La question des sommes allouées au titre de la journée du 24 septembre 2020 n’entre pas dans la saisine de la cour.

Par infirmation du jugement, M. [F] demande la fixation de sa créance à la somme de 1 298,70 euros au titre d’un acompte figurant sur le bulletin de paie de septembre 2020 et non perçu. Il est exact que le bulletin de paie de septembre 2020 mentionne un acompte de 1 300 euros. S’agissant d’une obligation dont l’employeur prétendait s’être ainsi libéré, c’est sur lui que reposait la charge de la preuve. Or, aucun élément n’est produit permettant de caractériser un paiement. Par infirmation du jugement la somme de 1 298,70 euros demandée est donc due et sera fixée au passif pour ce montant.

M. [F] sollicite la somme de 11 723,38 euros à titre de rappels de salaire outre celle de 1 663,40 euros pour les primes de panier au titre de journées travaillées alors qu’il était en activité partielle à temps complet. Il se place sur le terrain de la fraude et invoque un préjudice qui en aurait découlé pour lui.

Cependant, il formule sa demande en termes de rappels de salaires et accessoires alors qu’il ne pourrait présenter qu’une demande indemnitaire, de nature différente, et en justifiant d’un préjudice. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’AGS sous les limites et plafonds de sa garantie.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [F] les frais non compris dans les dépens par lui exposés en cause d’appel.

Les dépens seront pris en frais de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare irrecevable l’appel incident de l’AGS,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Montauban du 12 mai 2023 en ce qu’il a rejeté la demande de paiement de l’acompte,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Fixe la créance de M. [F] au passif de la liquidation judiciaire de la société CRH représentée par son liquidateur à la somme de 1 298,70 euros bruts au titre de l’acompte de septembre 2020,

Déclare l’arrêt opposable à l’AGS sous les limites et plafonds de sa garantie,

Dans les limites de l’appel principal, confirme le jugement en toutes ses autres dispositions non contraires,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront pris en frais de la liquidation judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. TACHON C. BRISSET

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