L’Essentiel : Monsieur [X] [V], employé de la SAS [6], a demandé la reconnaissance d’une maladie professionnelle liée à un burn-out. La CPAM a transmis la demande à un CRRMP, qui a donné un avis favorable. Cependant, la SAS [6] a contesté cette décision, entraînant un recours devant le tribunal. Un second CRRMP a été désigné, confirmant le lien entre la maladie et l’activité professionnelle. Lors de l’audience, la SAS a demandé une expertise sur le taux d’incapacité, arguant que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire. Le tribunal a finalement annulé la décision de prise en charge.
|
Contexte de la demandeMonsieur [X] [V], employé de la société par actions simplifiée [6], a déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 25 janvier 2022, concernant un état dépressif majeur lié à un burn-out, attesté par un certificat médical daté du 24 janvier 2022. Décision de la CPAMLe 24 mai 2022, la CPAM d’Eure-et-Loir a informé la SAS [6] qu’elle transmettrait la demande à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), car la maladie ne remplissait pas les conditions pour une prise en charge directe. La société a été invitée à consulter le dossier jusqu’au 23 juin 2022 et à formuler des observations jusqu’au 4 juillet 2022. Avis du CRRMPAprès un avis favorable du CRRMP de la région Centre-Val de Loire, la CPAM a notifié le 26 août 2022 à la SAS [6] la prise en charge de la maladie de Monsieur [X] [V] au titre de la législation professionnelle. Recours de la SAS [6]Le 21 octobre 2022, la SAS [6] a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable et a demandé un avis sur le taux d’incapacité retenu. Par la suite, le 24 février 2023, la société a formé un recours contentieux devant le tribunal judiciaire de Marseille contre la décision implicite de rejet de la commission. Désignation d’un second CRRMPLe 14 mars 2023, le tribunal a ordonné la désignation d’un second CRRMP, celui de la région Normandie, pour examiner si l’affection de Monsieur [X] [V] était directement causée par son travail et si elle devait être prise en charge au titre des maladies professionnelles. Conclusion du second CRRMPLe 21 mai 2024, le CRRMP de la région Normandie a conclu à l’existence d’un lien direct entre la maladie de Monsieur [X] [V] et son activité professionnelle. Arguments de la SAS [6]Lors de l’audience du 12 novembre 2024, la SAS [6] a demandé au tribunal de désigner un expert pour évaluer le taux d’incapacité de son salarié et a soutenu que la CPAM n’avait pas respecté ses obligations procédurales, notamment en ce qui concerne le respect du principe du contradictoire. Position de la CPAMLa CPAM d’Eure-et-Loir a demandé le rejet des recours de la SAS [6] et a soutenu que la reconnaissance de la maladie professionnelle était justifiée par deux avis concordants établissant un lien de causalité entre la pathologie et l’activité professionnelle de Monsieur [X] [V]. Décision du tribunalLe tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire, entraînant l’inopposabilité de la décision de prise en charge à la SAS [6]. Il a également décidé de ne pas ordonner d’instruction supplémentaire et a condamné la CPAM aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la méconnaissance du principe du contradictoireLa question de la méconnaissance du principe du contradictoire se pose dans le cadre de l’instruction des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles. Selon l’article R.461-9 du code de la sécurité sociale, la caisse d’assurance maladie doit respecter un certain formalisme lors de l’instruction des dossiers. Cet article stipule que : « I.- La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L.461-1. Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L.461-5… » Il est également précisé que la caisse doit mettre le dossier à disposition de l’employeur pendant un délai de 40 jours francs, permettant ainsi à ce dernier de consulter le dossier et de formuler des observations. Dans le cas présent, la SAS [6] a reçu le courrier de la CPAM le 27 mai 2022, ce qui lui a laissé seulement 27 jours francs pour compléter le dossier, au lieu des 30 jours prévus. La CPAM n’a pas contesté ce point, et il est établi que l’employeur n’a pas pu bénéficier de la totalité du délai réglementaire. Ainsi, le tribunal a conclu que le principe du contradictoire n’a pas été respecté, rendant la décision de prise en charge inopposable à la SAS [6]. Sur l’absence de preuve d’un taux d’incapacité prévisible de 25%Une autre question soulevée par la SAS [6] concerne l’absence de preuve d’un taux d’incapacité permanente partielle prévisible d’au moins 25%, condition nécessaire pour la prise en charge d’une maladie professionnelle hors tableau. L’article L.461-1 du code de la sécurité sociale précise que : « Les maladies professionnelles sont celles qui figurent dans un tableau établi par décret. Toutefois, les maladies qui ne figurent pas dans ce tableau peuvent également être reconnues comme professionnelles si elles remplissent certaines conditions. » Pour qu’une maladie soit reconnue comme professionnelle hors tableau, il est nécessaire de prouver un lien direct entre la maladie et le travail habituel de la victime, ainsi qu’un taux d’incapacité d’au moins 25%. Dans cette affaire, bien que le CRRMP ait reconnu le lien entre la maladie de Monsieur [X] [V] et son activité professionnelle, la SAS [6] a contesté le respect de cette condition de taux d’incapacité. Cependant, le tribunal a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner ce moyen, étant donné que la décision était déjà inopposable en raison du non-respect du principe du contradictoire. Sur les dépensEnfin, la question des dépens est également soulevée dans cette affaire. Selon l’article 696 du code de procédure civile : « Les dépens de l’instance sont mis à la charge de la partie qui succombe. » Dans ce cas, la CPAM d’Eure-et-Loir a été condamnée aux dépens, car elle a succombé dans ses demandes. Le tribunal a donc statué en conséquence, en mettant à la charge de la CPAM les frais de la procédure, conformément aux dispositions légales en vigueur. Ainsi, le jugement a été rendu en faveur de la SAS [6], confirmant l’importance du respect des procédures et des droits des parties dans le cadre des décisions de prise en charge des maladies professionnelles. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
JUGEMENT N°25/00055 du 14 Janvier 2025
Numéro de recours: N° RG 23/00587 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3ELI
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM D’EURE-ET-LOIR
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Mme [Z] [B] (Autre) munie d’un pouvoir spécial
DÉBATS : À l’audience publique du 12 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : PASCAL Florent, Vice-Président
Assesseurs : DEODATI Corinne
CASANOVA Laurent
L’agent du greffe lors des débats : RAKOTONIRINA Léonce,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Janvier 2025
NATURE DU JUGEMENT
Contradictoire et en premier ressort
Monsieur [X] [V], salarié de la société par actions simplifiée [6] (ci-après la SAS [6]), a sollicité selon déclaration du 25 janvier 2022, la prise en charge au titre d’une maladie professionnelle de son affection médicalement constatée » état dépressif majeur avec état d’épuisement physique et mental secondaire surcharge émotionnelle au travail (BURN OUT) » par certificat médical initial établi le 24 janvier 2022.
Par courrier en date du 24 mai 2022, la caisse primaire d’assurance maladie (ci-après la CPAM) d’Eure-et-Loir a informé la SAS [6] de sa décision de transmettre la demande de maladie professionnelle de Monsieur [X] [V] à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) au motif que la maladie ne remplissait pas les conditions lui permettant de la prendre en charge directement, et informant la société qu’elle pouvait consulter et compléter le dossier jusqu’au 23 juin 2022 et formuler des observations jusqu’au 04 juillet 2022 sans joindre de nouvelles pièces.
Suite à l’avis favorable du CRRMP de la région Centre-Val de Loire, la CPAM d’Eure-et-Loir a notifié par courrier du 26 août 2022 à la SAS [6] sa décision de prendre en charge la maladie déclarée par Monsieur [X] [V] au titre de la législation professionnelle.
Par courrier daté du 21 octobre 2022, la SAS [6] a saisi la commission de recours amiable d’une contestation à l’encontre de cette décision et par courrier du même jour a sollicité un avis de la commission médicale de recours amiable quant au taux d’incapacité prévisible d’au moins 25% retenu par la caisse.
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 24 février 2023, la SAS [6] a formé un recours contentieux devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par ordonnance présidentielle du 14 mars 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a ordonné la désignation d’un second CRRMP, le CRRMP de la région Normandie, avec mission de :
– dire si l’affection présentée par Monsieur [V] [X] a été essentiellement et directement causée par son travail habituel ;
– dire si cette affection doit être prise en charge sur la base de la législation relative aux maladies professionnelles, hors tableau.
Aux termes de son avis rendu le 21 mai 2024, le CRRMP de la région Normandie a retenu l’existence d’un » lien direct et essentiel entre la maladie caractérisée soumise à instruction et le travail habituel de la victime « .
Après une phase de mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience de plaidoirie du 12 novembre 2024.
Par voie de conclusions soutenues oralement par son conseil, la SAS [6] demande au tribunal, à titre incident, de commettre tout consultant ou expert qu’il plaira à la juridiction avec pour mission d’examiner sur pièces les éléments du dossier médical justifiant que Monsieur [X] [V] présentait un taux d’incapacité permanente prévisible d’au moins 25% fondant la décision de prise en charge de sa maladie professionnelle du 24 janvier 2022, d’en apprécier le bien-fondé et de se prononcer sur les éléments concourants à l’évaluation de ce taux.
Au fond, la SAS [6] demande au tribunal de :
– Déclarer que la Caisse primaire d’assurance maladie n’a pas respecté ses obligations procédurales et le principe du contradictoire dans le cadre de l’instruction du dossier de Monsieur [V] ;
– Déclarer que la Caisse primaire d’assurance maladie n’a pas rapporté la preuve du respect de toutes les conditions de fond exigées pour prendre en charge une maladie dite » hors tableau » et plus particulièrement l’exigence de justifier d’un taux d’incapacité permanente partielle prévisible d’au moins 25% ;
– Déclarer, par conséquent, que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie du 24 janvier 2022 déclarée par Monsieur [V], inopposable à la société [6], ainsi que toutes les conséquences financières afférentes à cette prise en charge.
Au soutien de ses prétentions, la SAS [6] expose que la CPAM d’Eure-et-Loir n’a pas respecté son obligation légale de mettre à sa disposition le dossier d’instruction pendant un délai de 40 jours francs et qu’elle ne justifie pas que son salarié présente un taux d’incapacité permanente partielle prévisible d’au moins 25%.
La CPAM d’Eure-et-Loir, représentée par une inspectrice juridique, demande pour sa part au tribunal de :
– Rejeter le recours et les demandes formulés par la société [6] ;
– Confirmer la notification de prise en charge du 26 août 2022, au titre de la législation professionnelle, de la maladie de Monsieur [V] ;
– Confirmer l’opposabilité de la notification de prise en charge du 26 aout 2022 à l’égard de de la société [6].
La CPAM d’Eure-et-Loir fait valoir en défense que la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie de Monsieur [V] se justifie en l’espèce compte tenu de l’existence de deux avis concordants, précis et motivés, concluant à l’existence d’un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée par Monsieur [V] et son activité professionnelle.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l’audience pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 14 janvier 2025.
Sur la méconnaissance du principe du contradictoire
Aux termes de l’article R.461-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 1er décembre 2019 :
» I.- La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L.461-1.
Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L.461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.
La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent.
II.- La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.
La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.
III.-A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R.441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »
L’article R.461-10 du code de la sécurité sociale, en vigueur depuis le 1er décembre 2019, dispose par ailleurs que » lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
La caisse met le dossier mentionné à l’article R.441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu’ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l’employeur.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’échéance de ces différentes phases lorsqu’elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
À l’issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.
La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis. « .
La Cour de cassation juge de façon constante que pour l’application de l’ancien article R.441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, le délai de dix jours francs qu’il prévoit court à compter de la réception par les destinataires de l’information communiquée par l’organisme (voir notamment Cassation, 2ème chambre civile, 12 mai 2021, n°20-15.102).
Il résulte de l’article R.461-10 du code de la sécurité sociale susvisé que la caisse dispose d’un délai de 120 jours à compter de la saisine du CRRMP pour prendre sa décision, et qu’au cours de ce délai, le dossier doit être mis à disposition de l’employeur pendant 40 jours francs.
S’il prévoit également que la caisse doit informer l’employeur des dates d’échéance des différentes phases, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, il ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours.
Par analogie, il y a lieu de considérer que le délai de 40 jours prévu par l’article R.461-10 susvisé court à compter de la réception par le destinataire de l’information communiquée par l’organisme.
En effet, afin de garantir l’effectivité de ce délai de 40 jours francs, il ne peut valablement commencer à courir qu’à compter de l’information qui en est donnée à l’employeur.
Dès lors, son point de départ doit être fixé au lendemain (le délai étant stipulé franc) de la date de réception par l’employeur du courrier de notification.
Enfin, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que le non-respect par la caisse du principe du contradictoire à l’égard de l’employeur lors de la procédure d’instruction d’une maladie professionnelle est sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge de ladite maladie à l’employeur.
Au présent cas d’espèce, par courrier en date du 24 mai 2022, la CPAM d’Eure-et-Loir a informé la SAS [6] que le dossier de maladie professionnelle de son salarié était transmis au CRRMP de la région Centre-Val de Loire et que celle-ci pouvait consulter et compléter le dossier jusqu’au 23 juin 2022 et formuler des observations jusqu’au 04 juillet 2022 sans joindre de nouvelles pièces.
L’employeur indique avoir reçu ce courrier le 27 mai 2022 seulement et n’avoir en conséquence bénéficié que de 27 jours francs au lieu de 30 pour compléter le dossier. Il est à noter que la caisse ne contredit pas l’employeur sur ce point et ne verse pas aux débats l’avis de réception correspondant au numéro de courrier indiqué sur l’envoi alors que la charge de la preuve lui incombe.
Compte tenu du délai normal d’acheminement par voie postale, il est permis d’admettre que ce courrier est effectivement parvenu à l’employeur a minima 48 heures après son envoi, de telle sorte que l’employeur n’a pas pu bénéficier de la totalité du délai réglementaire de 30 jours pour consulter et compléter le dossier.
Il résulte par ailleurs de l’avis du CRRMP de la région Centre-Val de Loire que celui-ci a réceptionné le dossier complet le 04 juillet 2022, alors que l’employeur devait bénéficier de la possibilité d’enrichir le dossier de ses observations jusqu’au 04 juillet 2022 inclus. Aussi la caisse n’a-t-elle pas non plus respecté le délai réglementaire de 10 jours destiné à permettre à l’employeur de formuler ses observations.
Le principe du contradictoire n’ayant pas été respecté, la décision de prise en charge du 26 aout 2022 sera déclarée inopposable à la SAS [6], sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le moyen soulevé afférent à l’absence de preuve d’un taux d’incapacité prévisible de 25%.
Sur les dépens
Les dépens de la présente instance seront mis à la charge de la CPAM d’Eure-et-Loir qui succombe, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DIT que la CPAM d’Eure-et-Loir n’a pas respecté le principe du contradictoire dans le cadre de l’instruction du dossier de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [X] [V] le 25 janvier 2022 ;
DÉCLARE en conséquence inopposable à la SAS [6] la décision notifiée le 26 aout 2022 par la CPAM d’Eure-et-Loir portant prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’affection » syndrome dépressif – Burn out » déclarée par Monsieur [X] [V] le 25 janvier 2022 ainsi que toutes les conséquences, financières afférentes à cette prise en charge ;
DIT n’y avoir pas lieu d’ordonner une mesure d’instruction ;
DÉBOUTE la CPAM d’Eure-et-Loir de ses demandes et prétentions ;
CONDAMNE la CPAM d’Eure-et-Loir aux dépens de l’instance.
Conformément aux dispositions de l’article 538 du code de procédure civile, tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
L’AGENT DU GREFFE LE PRÉSIDENT
Notifié le :
Laisser un commentaire