L’Essentiel : Monsieur [C] [V] a été embauché le 15 septembre 2019 par la société [3] et a subi un accident du travail le 23 septembre. Un certificat médical a été établi le 24 septembre, indiquant des douleurs pelviennes et un arrêt de travail jusqu’au 29 septembre. La CPAM a pris en charge l’accident, mais la société [3] a contesté cette décision. Le tribunal, lors de l’audience du 23 octobre 2024, a jugé que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire, déclarant inopposable la décision de prise en charge et condamnant la CPAM aux dépens.
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Embauche et Accident de TravailMonsieur [C] [V] a été embauché le 15 septembre 2019 par la société [3] en tant qu’ouvrier non qualifié, et a été mis à disposition de la société [4]. Un accident du travail a été déclaré le 26 septembre 2019, concernant un incident survenu le 23 septembre 2019, où l’opérateur a reçu un intercalaire en bois sur le bas du ventre. Certificat Médical et Prise en ChargeLe certificat médical initial, établi le 24 septembre 2019, mentionne des douleurs pelviennes dues à un traumatisme et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 29 septembre 2019. La CPAM de l’Yonne a notifié le 30 décembre 2019 la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. Contestation de la Prise en ChargeLe 3 mars 2020, la société [3] a contesté la décision de prise en charge en saisissant la commission de recours amiable de la CPAM de l’Yonne. Cette commission a rejeté le recours le 16 juillet 2020. Par la suite, la société [3] a porté le litige devant le tribunal judiciaire de Lyon le 22 juillet 2020. Arguments de la Société [3]Lors de l’audience du 23 octobre 2024, la société [3] a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de prise en charge, arguant d’un manquement de la CPAM au principe du contradictoire, en ne lui transmettant pas de questionnaire employeur. La CPAM n’était pas présente à l’audience, mais a envoyé ses conclusions par courrier. Motifs de la DécisionSelon l’article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale, la CPAM doit respecter le principe du contradictoire en enquêtant auprès de l’employeur et de la victime. La société [3] avait émis des réserves sur le caractère professionnel de l’accident, mais la CPAM n’a pas justifié l’envoi d’un questionnaire à l’employeur ni recueilli d’informations nécessaires. Jugement du TribunalLe tribunal a déclaré inopposable à la société [3] la décision de prise en charge de l’accident du 23 septembre 2019. La CPAM de l’Yonne a été condamnée aux dépens de l’instance. Le jugement a été mis à disposition au greffe du tribunal le 22 janvier 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de la CPAM en matière de respect du contradictoire lors de l’instruction d’un accident du travail ?La CPAM a des obligations précises en matière de respect du contradictoire, notamment en vertu de l’article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès. » Ainsi, la CPAM doit s’assurer d’informer l’employeur et la victime des éléments d’instruction, en leur permettant de fournir des informations pertinentes. Il est donc impératif que la CPAM respecte ce principe, car tout manquement à cette obligation peut entraîner l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Dans le cas présent, la CPAM n’a pas justifié avoir envoyé un questionnaire à l’employeur, ce qui constitue une violation du principe du contradictoire. Quels sont les effets de l’absence de respect du principe du contradictoire sur la décision de prise en charge d’un accident du travail ?L’absence de respect du principe du contradictoire a des conséquences directes sur la validité de la décision de prise en charge d’un accident du travail. En effet, selon la jurisprudence, si la CPAM ne respecte pas ses obligations d’information et de consultation, la décision de prise en charge peut être déclarée inopposable à l’employeur. Dans le jugement rendu, il est clairement établi que : « Il en résulte que la CPAM de l’Yonne ne justifie pas avoir associé d’une quelconque manière la société [3] à l’instruction préalablement à la clôture de celle-ci, violant ainsi le principe du contradictoire qu’il lui appartient de respecter. » Cela signifie que la décision de prise en charge, prise sans avoir consulté l’employeur, est considérée comme nulle et non avenue. Ainsi, le tribunal a déclaré inopposable la décision de la CPAM, ce qui souligne l’importance du respect des procédures d’instruction dans le cadre des accidents du travail. Quels recours sont possibles pour un employeur en cas de contestation d’une décision de prise en charge d’un accident du travail ?Lorsqu’un employeur conteste une décision de prise en charge d’un accident du travail, plusieurs recours sont possibles. Selon l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, l’employeur peut saisir la commission de recours amiable de la CPAM. Cet article précise que : « L’employeur peut contester la décision de la caisse primaire d’assurance maladie relative à la prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. » Dans le cas présent, la société [3] a effectivement saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours. Si l’employeur n’est pas satisfait de la décision de la commission, il peut ensuite saisir le tribunal judiciaire, comme cela a été fait dans cette affaire. Le tribunal a alors la possibilité de réexaminer la légalité de la décision de la CPAM, en vérifiant notamment le respect des droits de l’employeur au cours de l’instruction. Comment la CPAM doit-elle prouver l’envoi d’un questionnaire à l’employeur dans le cadre d’une instruction d’accident du travail ?La CPAM a l’obligation de prouver qu’elle a respecté les procédures d’instruction, y compris l’envoi d’un questionnaire à l’employeur. Selon l’article R. 142-10-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, il est stipulé que : « La caisse doit justifier de l’envoi des documents nécessaires à l’instruction du dossier. » Dans cette affaire, la CPAM de l’Yonne a reconnu ne pas être en mesure de prouver l’envoi d’un questionnaire à l’employeur avant l’expiration du délai initial de trente jours. Cette absence de preuve a été déterminante dans la décision du tribunal, qui a constaté que la CPAM n’avait pas respecté ses obligations. Ainsi, la charge de la preuve incombe à la CPAM, et son incapacité à démontrer l’envoi du questionnaire a conduit à l’inopposabilité de la décision de prise en charge. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
22 Janvier 2025
Jérôme WITKOWSKI, président
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Doriane SWIERC, greffiere
tenus en audience publique le 23 Octobre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 22 Janvier 2025 par le même magistrat
Société [3] C/ CPAM DE L’YONNE
N° RG 20/01424 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VCAT
DEMANDERESSE
Société [3],
Siège social : [Adresse 2]
représentée par la SCP DUVAL AVOCAT & CONSEIL, avocats au barreau de DIJON,
DÉFENDERESSE
CPAM DE L’YONNE,
Siège social : [Adresse 1]
Non comparante, moyens exposés par écrit (art R 142-10-4 du code de la sécurité sociale).
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
Société [3]
CPAM DE L’YONNE
la SCP DUVAL AVOCAT & CONSEIL, (DIJON)
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
Société [3]
la SCP DUVAL AVOCAT & CONSEIL, (DIJON)
Une copie certifiée conforme au dossier
Monsieur [C] [V] a été embauché le 15 septembre 2019 par la société [3] en qualité d’ouvrier non qualifié et mis à la disposition de la société [4] (entreprise utilisatrice).
Le 26 septembre 2019, la société [3] a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Yonne un accident du travail survenu le 23 septembre 2019 à 23h45 et décrit de la manière suivante : « En prélevant une pièce dans un contenant, l’opérateur aurait reçu un intercalaire bois sur le bas de son ventre ».
Le certificat médical initial établi le 24 septembre 2019 fait état des lésions suivantes : « douleurs pelvienne suite à un trauma » et prescrit un premier arrêt de travail jusqu’au 29 septembre 2019.
Le 30 décembre 2019, la CPAM de l’Yonne a notifié à la société [3] la prise en charge de l’accident du 23 septembre 2019 au titre de la législation professionnelle.
Le 3 mars 2020, la société [3] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de l’Yonne afin de contester l’opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de l’accident litigieux au titre de la législation professionnelle.
Le 16 juillet 2020, la commission de recours amiable de la CPAM de l’Yonne a rejeté le recours de l’employeur.
La société [3] a saisi du litige le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon par requête du 22 juillet 2020, réceptionnée par le greffe le 27 juillet 2020.
Aux termes de sa requête introductive d’instance soutenue oralement lors de l’audience du 23 octobre 2024, la société [3] demande au tribunal de déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident du 23 septembre 2019.
Au soutien de sa demande, la société [3] invoque un manquement de la caisse primaire au principe du contradictoire au cours de la procédure d’instruction, en ce qu’elle ne lui a pas transmis de questionnaire employeur. Elle précise que la transmission d’un tel questionnaire à la seule entreprise utilisatrice ne permet pas de considérer que la caisse a correctement rempli les obligations mises à sa charge par les dispositions de l’article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale.
Bien que régulièrement convoquée par le greffe, la CPAM de l’Yonne n’était pas présente, ni représentée lors de l’audience du 23 octobre 2024.
Elle a cependant fait parvenir au tribunal ses conclusions par courrier réceptionné le 17 octobre 2024, lesquelles ont été transmises contradictoirement conformément à l’article R. 142-10-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
Le jugement sera donc contradictoire à son égard.
Aux termes de ses conclusions, la CPAM de l’Yonne indique s’en rapporte à justice, précisant ne pas être en mesure de prouver l’envoi d’un questionnaire à l’employeur avant l’expiration du délai initial de trente jours.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’article R. 441-11 III. du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit qu’« en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès. »
Au cours de l’instruction et à peine d’inopposabilité de la prise en charge, il appartient à la caisse primaire d’assurance maladie de respecter le principe du contradictoire en enquêtant auprès de l’employeur et de la victime selon les modalités qu’il lui appartient de fixer et qui peuvent néanmoins être distinctes.
En l’espèce, il n’est pas contesté que, par courrier du 26 septembre 2019, la société [3] a émis des réserves sur le caractère professionnel de l’accident survenu à monsieur [C] [V] le 23 septembre 2019.
Il est également établi que par courrier du 4 novembre 2019, réceptionné par l’employeur le 7 décembre 2019, la CPAM de l’Yonne a informé la société [3] qu’elle ouvrait un délai complémentaire d’instruction.
Cependant, la CPAM de l’Yonne ne justifie pas avoir adressé à l’employeur un questionnaire portant sur les circonstances de l’accident, ni même avoir recueilli auprès de celui-ci, selon d’autres modalités, les éléments d’information qu’il aurait éventuellement pu souhaiter lui transmettre.
Il en résulte que la CPAM de l’Yonne ne justifie pas avoir associé d’une quelconque manière la société [3] à l’instruction préalablement à la clôture de celle-ci, violant ainsi le principe du contradictoire qu’il lui appartient de respecter.
La décision de prise en charge au titre de la législation des risques professionnels de l’accident du travail du 23 septembre 2019 sera donc déclarée inopposable à la société [3].
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DECLARE inopposable à la société [3] la décision du 30 décembre 2019 par laquelle la CPAM de l’Yonne a pris en charge au titre de la législation professionnelle l’accident survenu à monsieur [C] [V] le 23 septembre 2019 ;
CONDAMNE la CPAM de l’Yonne aux dépens de l’instance ;
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 22 janvier 2025 et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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