Violation du droit à l’image ou dénigrement : les enseignements de l’affaire BFM TV

Notez ce point juridique

La juridiction est toujours libre de requalifier en action pour diffamation publique une action, en apparence, fondée sur une violation du droit à l’image ou de la vie privée. A ce titre, le formalisme de la loi du 29 juillet 1881 est particulièrement contraignant (entre autres sur le volet de la prescription abrégée), il est donc tentant de s’appuyer sur le droit commun de la responsabilité.

Les abus de la liberté d’expression

Les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne pouvant être réparés sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile, il appartient au juge saisi d’une action fondée sur l’article 1240 du code civil, de restituer aux faits allégués leur exacte qualification au regard du droit de la presse, sans s’arrêter à la dénomination retenue par le requérant, par application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile.

Atteinte au droit à l’image ou à la vie privée


Il en va de même si l’action est engagée sur les dispositions de l’article 9 du code civil qui protègent contre toute atteinte à la vie privée.


Seule l’existence de faits distincts justifie que les dispositions de la loi sur la liberté de la presse n’excluent pas l’application des dispositions du code civil.

Que vise l’assignation ?

Pour chaque espèce, il convient de déterminer si l’assignation vise uniquement des propos et actes constitutifs d’atteinte à la vie privée et/ou au droit à l’image ou si elle a tend à voir réparer, en réalité, un dommage causé par une atteinte à la réputation telle que protégée au titre de la sanction de la diffamation publique envers particulier prévue par les dispositions des articles 29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881.

Affaire BFM TV

L’action ici intentée par [T] [M] tend à obtenir une certaine somme provisionnelle à titre de dommages et intérêts et une mesure de suppression de contenu en ligne, en réparation du préjudice à lui causé par la chaîne d’information continue BFM TV ayant “diffusé le 5 février 2024 à 7h48, sans les avoir préalablement vérifiées, de fausses informations sur ses prétendues vacances à [Localité 4], assorties de commentaires délibérément dépréciatifs destinés à porter un coup supplémentaire à son image et à sa réputation, participant ainsi activement au lynchage dont il est l’objet depuis de longs mois”.

Il déplore, à travers la diffusion dudit reportage, un “pitch” consistant à le desservir en insistant sur le caractère provoquant, voire même choquant du comportement qui lui est prêté, consistant à profiter de fastueuses vacances à [Localité 4] en le mettant en parallèle avec les accusations actuellement portées contre lui, notamment pour viols et agressions sexuelles.


Il insiste sur le fait que l’information ainsi dévoilée était fausse, la vidéo Tiktok diffusée sur la chaîne de télévision à l’occasion de ce reportage datant en réalité de février 2022.

Le demandeur regrette, dans son assignation, qu’une fois “la fausse information relayée par tous les supports médiatiques”, chacun d’eux soit venu “y apporter un commentaire préjudiciable à [sa] réputation”.

Après avoir énoncé les occasions auxquelles il estime que la chaîne de télévision a, par le passé, d’ores et déjà manqué d’impartialité à son égard, il avance subir un préjudice considérable, évoquant un “acharnement médiatique qui vise à détruire un homme, à le condamner avant qu’il ait été jugé, de la part d’une chaîne qui, allant jusqu’à recourir à de fausses informations, s’emploie à faire disparaître l’artiste de génie, le poète qui chante [F], l’érudit de la grande librairie de Busnel, l’homme épris de spiritualité pour lui substituer le prédateur et violeur qu’il n’a jamais été, le porc qu’il n’est pas davantage, sa grossièreté incomprise aujourd’hui en faisant l’émule d’un Rabelais ou d’un Apollinaire”.


Le trouble manifestement illicite qu’il invoque est “constitué par l’atteinte à la vie privée et à la réputation, et à l’image par voie de presse” en raison de la présentation d’informations fausses.


L’acte introductif d’instance fait ainsi référence à de nombreuses reprises à l’atteinte à la réputation du demandeur, au moyen de la diffusion de la séquence litigieuse.

Une action en dénigrement

L’analyse de l’acte introductif d’instance, ainsi détaillé, permet de considérer que, sous couvert d’invoquer une atteinte au respect dû à sa vie privée et son droit à l’image, le demandeur critique en réalité les attaques dont il ferait l’objet, sur la base de la vidéo diffusée en février 2022 sur le réseau social Tiktok, décontextualisée de sorte que son comportement serait présenté comme choquant aux yeux du public en le désignant comme indifférent aux graves accusations dont il fait l’objet, ce afin de participer à l’acharnement médiatique contre sa personne.

Les détails tenant au lieu qu’il a choisi pour ses vacances, ses loisirs à cette occasion et aux images alors captées, sur lesquels reposent les allégations dénoncées, ne sont pas divisibles de l’atteinte ainsi déplorée par le demandeur.

Il s’agit ici d’une action tendant à voir reconnaître la faute commise par les défendereurs du fait de la diffusion d’images et de propos divulgant de fausses informations sur les loisirs du demandeur, venant le cas échéant accréditer les critiques émises sur sa personnalité.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il doit être considéré que l’action introduite devant le présent tribunal par [T] [M] relève des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et précisément de l’article 29 alinéa 1er qui vise la diffamation publique.

Il convient ainsi de requalifier son action en ce sens et de considérer qu’elle encourt la nullité dans la mesure où elle ne répond pas aux critères posés par les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, notamment quant aux exigences de visa des textes et de notification préalable au ministère public.

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