Vie privée de Salah Abdeslam : affaire du JDD

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Vie privée de Salah Abdeslam : affaire du JDD

L’Essentiel : Salah Abdeslam, mis en examen pour les attentats de Paris en 2015, est placé sous « vidéoprotection » à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Lors d’une visite, le député Thierry Solère, accompagné de journalistes du Journal du dimanche, a révélé des détails sur la vie quotidienne d’Abdeslam en prison. Ce dernier a alors poursuivi le JDD, arguant que l’article portait atteinte à sa vie privée. Cependant, la cour a jugé que l’intérêt général justifiait la publication, considérant que les conditions de détention d’Abdeslam étaient un sujet d’actualité judiciaire légitime.

Vidéoprotection des cellules de détention

Il est de notoriété que Salah Abdeslam a été mis en examen et écroué à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis à la suite des attentats perpétrés à Paris le 13 novembre 2015. Le prévenu est également placé sous « vidéoprotection » en vertu d’une décision prise par le ministre de la justice (l’arrêté du 9 juin 2016 a créé un traitement de données à caractère personnel relatif à la vidéoprotection des cellules de détention).

Le député Thierry Solère s’est rendu à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, accompagné de deux journalistes du Journal du dimanche (JDD), dans le cadre des dispositions de l’article 719 du code de procédure pénale. Par la suite, le journal a publié un article intitulé « Prière, cuisine, télé-réalité … la vie de Salah Abdeslam en prison » relatant ladite visite du député.

Vie privée de Salah Abdeslam

Estimant l’article attentatoire à sa vie privée, Salah Abdeslam a poursuivi le JDD et le député.  Il exposait que le député Solère avait pénétré dans la salle de « vidéoprotection » alors que cet accès est strictement limité aux personnes exhaustivement énumérées par l’article 5 de l’arrêté du 9 juin 2016, et avait dévoilé publiquement des détails concernant son intimité et sa vie strictement personnelle (séances de prière, brossage de dents ….).

Les conditions de détention étant un sujet d’intérêt général, l’atteinte à la vie privée de Salah Abdeslam n’a pas été retenue. S’agissant en particulier de Fleury-Mérogis, il s’agit du plus grand établissement pénitentiaire français. En outre, la visite des conditions de détention de Salah Abdeslam s’inscrivait dans le contexte d’actualité judiciaire, ce dernier ayant été placé sous vidéoprotection par décision du garde des Sceaux du 17 juin 2016. Les propos en cause  étaient donc justifiés par l’information légitime du public sur un sujet d’intérêt général et sur un évènement d’actualité judiciaire.

Visite des prisons par les députés

L’article 719 du code de procédure pénale tel que modifié par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 autorise les députés et les sénateurs à visiter à tout moment les établissements pénitentiaires, en étant accompagnés par un ou plusieurs journalistes à l’exception des locaux de garde à vue. Le chef d’établissement pénitentiaire ne peut s’opposer à l’entrée des journalistes accompagnant les parlementaires que pour des impératifs liés à la sécurité, au bon ordre, à l’intérêt du public ou à la protection des victimes, des personnes détenues et du personnel au sein de l’établissement.

Vie privée et droit à l’information

Pour rappel, les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 9 du code civil, garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée.  L’article 10 de la Convention garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.  La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public, d’une part, aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle et, d’autre part, aux informations volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.  Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Pourquoi Salah Abdeslam a-t-il été placé sous vidéoprotection ?

Salah Abdeslam a été placé sous vidéoprotection en raison de sa mise en examen et de son écrouement à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, suite aux attentats de Paris du 13 novembre 2015.

Cette décision a été prise par le ministre de la justice, et un arrêté du 9 juin 2016 a établi un traitement de données à caractère personnel relatif à la vidéoprotection des cellules de détention.

Cette mesure vise à garantir la sécurité des détenus, en particulier ceux impliqués dans des affaires sensibles ou à fort retentissement médiatique.

Quel a été l’objet de la plainte de Salah Abdeslam contre le JDD et le député Thierry Solère ?

Salah Abdeslam a poursuivi le Journal du dimanche (JDD) et le député Thierry Solère, estimant que l’article publié était attentatoire à sa vie privée.

Il a affirmé que le député avait accédé à la salle de « vidéoprotection », un accès strictement limité aux personnes désignées par l’arrêté du 9 juin 2016.

Abdeslam a également dénoncé la divulgation publique de détails concernant sa vie personnelle, tels que ses séances de prière et des aspects de son hygiène quotidienne.

Comment la justice a-t-elle justifié la publication de l’article sur Salah Abdeslam ?

La justice a considéré que l’atteinte à la vie privée de Salah Abdeslam n’était pas retenue, en raison de l’intérêt général des conditions de détention.

Étant donné que Fleury-Mérogis est le plus grand établissement pénitentiaire français, la visite du député s’inscrivait dans un contexte d’actualité judiciaire.

Les propos tenus dans l’article étaient donc justifiés par la nécessité d’informer le public sur un sujet d’intérêt général, en lien avec un événement judiciaire majeur.

Quelles sont les dispositions légales concernant la visite des prisons par les députés ?

L’article 719 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, autorise les députés et sénateurs à visiter les établissements pénitentiaires à tout moment.

Ils peuvent être accompagnés de journalistes, sauf dans les locaux de garde à vue.

Le chef d’établissement ne peut s’opposer à l’entrée des journalistes que pour des raisons de sécurité, d’ordre public ou de protection des personnes.

Comment se concilient la vie privée et le droit à l’information ?

Les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 9 du code civil garantissent le respect de la vie privée, même pour les personnes publiques.

Cependant, l’article 10 de la Convention protège le droit à l’information des médias, à condition de respecter le droit des tiers.

Cette combinaison limite le droit à l’information aux éléments de la vie officielle des personnes publiques et aux informations d’intérêt général, permettant ainsi à chacun de s’opposer à la divulgation d’informations privées.


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