L’Essentiel : La SARL Plessis Promotion a vendu un bien immobilier à Monsieur [H] et Madame [F] pour 650.000 €, avec une réception des travaux le 2 juillet 2019. Après la livraison, les acquéreurs ont constaté des vices et ont demandé une expertise judiciaire, obtenue par ordonnance du 9 mars 2021. En novembre 2023, ils ont assigné la SARL et la SA Allianz IARD pour obtenir des réparations. La SARL a soulevé une fin de non-recevoir pour prescription, mais le juge a déclaré l’action recevable, rejetant également la demande de mise hors de cause de la SA Allianz. L’affaire est renvoyée au 3 février 2025.
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Contexte de la vente immobilièreLa SARL Plessis Promotion a vendu, en l’état futur d’achèvement, un bien immobilier à Monsieur [Z] [H] et Madame [V] [F] pour un montant de 650.000 €. La vente a été formalisée par un acte reçu le 25 octobre 2019, et les garanties obligatoires ont été souscrites auprès de la SA Allianz IARD. La réception des travaux a été effectuée avec réserves le 2 juillet 2019, et la livraison a eu lieu le 25 octobre 2019. Constatation des vices et demande d’expertiseAprès la livraison, Monsieur [H] et Madame [F] ont constaté des vices, malfaçons et non-conformités dans l’ouvrage. En réponse, ils ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Tours le 1er juillet 2020 pour demander une expertise judiciaire. Le juge a accédé à leur demande par ordonnance du 9 mars 2021, désignant un expert dont le rapport a été déposé le 10 janvier 2023. Assignation en justiceLe 2 et le 30 novembre 2023, Monsieur [H] et Madame [F] ont assigné la SARL Plessis Promotion et la SA Allianz IARD devant le tribunal judiciaire de Tours, demandant des réparations pour les travaux de reprise, leur préjudice de jouissance, ainsi que des frais de justice. Arguments de la SARL Plessis PromotionLa SARL Plessis Promotion a soulevé une fin de non-recevoir, arguant que les demandes des acquéreurs étaient prescrites. Elle a fait valoir que le délai de forclusion d’un an pour dénoncer les vices avait commencé à courir le 25 novembre 2019 et s’était terminé le 25 novembre 2020. Elle a également demandé la condamnation des demandeurs à lui verser 1.500 € pour les frais de justice. Position de la SA Allianz IARDLa SA Allianz IARD a demandé au juge de prendre acte de sa position concernant la demande d’irrecevabilité soulevée par la SARL Plessis Promotion. Elle a également demandé à être mise hors de cause si les demandes contre la SARL Plessis Promotion étaient déclarées irrecevables, tout en contestant les demandes des acquéreurs à son encontre pour défaut de déclaration de sinistre. Réponse des demandeursMonsieur [H] et Madame [F] ont contesté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Plessis Promotion et ont demandé des condamnations à l’encontre des deux défendeurs. Ils ont précisé qu’ils ne recherchaient pas la mise en œuvre de la garantie dommages-ouvrage, mais celle de la garantie décennale, ce qui rendait la demande d’irrecevabilité de la SA Allianz sans objet. Décisions du juge de la mise en étatLe juge a rejeté la fin de non-recevoir pour prescription soulevée par la SARL Plessis Promotion, déclarant l’action de Monsieur [H] et Madame [F] recevable. La demande de mise hors de cause de la SA Allianz IARD a également été rejetée, tout comme l’irrecevabilité des demandes des acquéreurs à son encontre. Les dépens de l’incident ont été mis à la charge de la SARL Plessis Promotion, et le sort des frais irrépétibles a été laissé à l’appréciation du juge du fond. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état virtuelle prévue pour le 3 février 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la prescription de l’action de Monsieur [H] et Madame [F]L’article 122 du code de procédure civile dispose : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » Le juge de la mise en état est compétent pour connaître des fins de non-recevoir tirées de la prescription. L’article 2224 du code civil précise : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » En l’espèce, la SARL Plessis Promotion a conclu un contrat de vente en l’état futur d’achèvement avec Monsieur [H] et Madame [F]. Elle est donc tenue par la garantie spécifique de l’article 1642-1 du code civil concernant les vices de construction ou les défauts de conformité apparents. L’article 1642-1 du code civil stipule : « Le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents. Il n’y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s’oblige à réparer. » L’article 1648 alinéa 2 du code civil indique : « Dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. » Ainsi, l’action en garantie prévue par l’article 1642-1 doit être introduite dans l’année suivant la réception des travaux ou l’expiration d’un mois après la prise de possession. La réception des travaux a eu lieu le 2 juillet 2019 et la livraison le 25 octobre 2019. Le délai de forclusion a donc commencé à courir le 25 novembre 2019, pour se terminer le 25 novembre 2020. L’article 2241 du code civil précise : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. » L’assignation en référé-expertise du 1er juillet 2020 a interrompu le délai de prescription, qui a recommencé à courir le 9 mars 2021, date de l’ordonnance désignant l’expert. Ce délai a pris fin le 9 mars 2022. Cependant, le délai de forclusion de l’article 1648 alinéa 2 n’est pas applicable à l’action visant à obtenir l’exécution de l’engagement du vendeur de réparer les désordres réservés. En conséquence, l’action de Monsieur [H] et Madame [F] n’était pas prescrite au 30 novembre 2023, date de l’assignation. Il convient donc de déclarer l’action de Monsieur [H] et Madame [F] recevable comme non prescrite. Sur la demande de mise hors de cause de la SA Allianz IARDEn l’espèce, l’action des demandeurs n’étant ni forclose, ni prescrite, il n’y a pas lieu de mettre hors de cause la SA Allianz IARD à ce stade de la procédure. Il convient donc de rejeter la demande de mise hors de cause de la SA Allianz IARD. Sur l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [H] et Madame [F] à l’encontre de la SA Allianz IARD es qualité d’assureur dommages-ouvrageLa SA Allianz IARD soulève l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [H] et Madame [F] à son encontre au motif qu’ils n’ont pas réalisé de déclaration de sinistre. Cependant, les demandeurs ne recherchent pas la mise en œuvre de la garantie dommages-ouvrage, mais celle de la garantie décennale, en se fondant sur l’article 1792 du code civil. Dès lors, il convient de constater que leurs demandes au fond à l’encontre de l’assureur sont recevables. Sur les autres demandesLes dépens de l’incident seront à la charge de la SARL Plessis Promotion qui succombe au principal. Le sort des frais irrépétibles sera apprécié par le juge du fond. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile, Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SARL Plessis Promotion, Déclare recevable comme non prescrite l’action intentée par Monsieur [Z] [H] et Madame [V] [F], Rejette la demande de mise hors de cause de la SA Allianz IARD, Rejette la demande d’irrecevabilité pour défaut de déclaration de sinistre formée par la SA Allianz IARD, Dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance au fond, Laisse le sort des frais irrépétibles à l’appréciation du juge du fond. Rejette le surplus des demandes, Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état virtuelle du 03 février 2025 et dit que Me Laloum devra signifier ses conclusions avant cette date. |
MISE EN ÉTAT
PREMIERE CHAMBRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE RENDUE LE 21 NOVEMBRE 2024
Numéro de rôle : N° RG 23/05237 – N° Portalis DBYF-W-B7H-I7J3
DEMANDEURS :
Monsieur [Z] [H]
né le 30 Mai 1966 à [Localité 8]
de nationalité française, demeurant [Adresse 5]
représenté par Maître Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocats au barreau d’ORLEANS,
Madame [V] [F]
née le 15 Février 1973 à [Localité 6]
de nationalité française, demeurant [Adresse 5]
représentée par Maître Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocats au barreau d’ORLEANS,
ET :
DÉFENDERESSES :
S.A.R.L. PLESSIS PROMOTION
R.C.S. de Tours n° 481941334, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocats au barreau de BLOIS,
S.A. ALLIANZ IARD
RCS de Paris n° 542 110 291, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maître Anne-sophie LERNER de la SARL ARCOLE, avocats au barreau de TOURS,
ORDONNANCE RENDUE PAR :
JUGE DE LA MISE EN ÉTAT : V. ROUSSEAU
GREFFIER : C. FLAMAND
DÉBATS :
A l’audience du 10 Octobre 2024, le Juge de la mise en état a fait savoir aux parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2024.
Selon acte reçu par Maître [D] le 25 octobre 2019, la SARL Plessis Promotion a vendu à Monsieur [Z] [H] et Madame [V] [F], en l’état futur d’achèvement, un bien immobilier, constitué principalement d’une maison à usage d’habitation, sur un terrain cadastré section BX n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], situé [Adresse 5] à [Localité 7], pour un prix de 650.000 €. Les garanties obligatoires ont été souscrites auprès de la SA Allianz IARD.
Les procès-verbaux de réception des travaux ont été dressés avec réserves le 2 juillet 2019. La livraison a eu lieu le 25 octobre 2019.
Monsieur [H] et Madame [F] ont constaté l’existence de vices, malfaçons et non- conformités affectant l’ouvrage.
Par acte d’huissier du 1er juillet 2020, Monsieur [H] et Madame [F] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Tours d’une demande d’expertise judiciaire.
Suivant ordonnance de référé du 9 mars 2021, le juge des référés a fait droit à cette demande et désigné Monsieur [R] pour sa réalisation. L’expert a déposé son rapport le 10 janvier 2023.
Par actes d’huissier des 2 et 30 novembre 2023, Monsieur [Z] [H] et Madame [V] [F] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Tours la SARL Plessis Promotion et la SA Allianz IARD, aux fins de les voir condamner in solidum à leur verser diverses sommes au titre des travaux de reprise, de leur préjudice de jouissance et des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 12 août 2024, la SARL Plessis Promotion demande au juge de la mise en état, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile et des articles 1642-1, 1648, 2220, 2232, 2239 et 2241 du code civil, de :
– Déclarer irrecevables car prescrits, Monsieur [H] et Madame [F] en leurs demandes formées à l’encontre de la société Plessis Promotion ;
– Condamner Monsieur [H] et Madame [F] à payer à la société Plessis Promotion la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La SARL Plessis Promotion fait valoir que l’action des demandeurs serait forclose au motif qu’ils bénéficiaient d’un délai d’un an à compter de la date la plus tardive entre celle de réception de l’ouvrage ou celle du mois qui suit la livraison pour dénoncer un vice de construction ou défaut de conformité apparent en application des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil prescrivant la garantie spécifique pesant sur le vendeur d’immeuble à construire. Dès lors, le délai de prescription aurait commencé à courir le 25 novembre 2019 pour prendre fin le 25 novembre 2020, soit un an et un mois après la livraison. Ce délai aurait été interrompu par l’assignation en référé du 1er juillet 2020 pour recommencer à courir le 9 mars 2021, soit à compter de l’ordonnance de référé désignant l’expert judiciaire. Elle argue que l’effet suspensif de l’expertise prévu à l’article 2239 du code civil ne saurait s’appliquer à un délai de forclusion, de sorte que les demandeurs avaient jusqu’au 9 mars 2022 pour agir alors qu’ils n’ont assigné les défendeurs que par actes des 2 et 30 novembre 2023.
Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 8 octobre 2024, la SA Allianz IARD demande au juge de la mise en état, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, des articles 1642-1, 1648, 2220, 2232, 2239 et 2241 du code civil, et des articles L242-1 et A243-1 du code des assurances, de :
– Donner acte à la concluante de ce qu’elle s’en rapporte à Justice s’agissant de la demande d’irrecevabilité soulevée par la société Plessis Promotion.
Dans l’hypothèse du prononcé de l’irrecevabilité de Madame [F] et de Monsieur [H] à l’égard de la société Plessis Promotion,
– Mettre purement et simplement hors de cause la société Allianz IARD es qualité d’assureur CNR (Constructeur Non Réalisateur) de la société Plessis Promotion.
– Débouter Madame [F] et Monsieur [H] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société Allianz IARD.
– Constater que Madame [F] et Monsieur [H] n’ont pas réalisés de déclaration de sinistre auprès de la société Allianz IARD es qualité d’assureur dommage-ouvrage.
En conséquence,
– Juger que Madame [F] et Monsieur [H] sont irrecevables au titre de leurs demandes formulées pour les désordres sus-visés dirigées contre la société Allianz IARD ès qualité d’assureur dommages-ouvrage pour défaut de déclaration préalable.
– Condamner in solidum Madame [F] et Monsieur [H] au payement d’une somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.
La SA Allianz IARD s’en rapporte à justice s’agissant de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par la SARL Plessis Promotion. Elle demande au juge de la mise en état, dans le cas où celui-ci ferait droit à la demande d’irrecevabilité pour cause de forclusion, de la mettre hors de cause es qualité d’assureur Constructeur Non Réalisateur de la SARL Plessis Promotion. La SA Allianz IARD soulève enfin l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [H] et de Madame [F] à son encontre, es qualité d’assureur dommages-ouvrage, au motif qu’ils n’ont pas réalisé de déclaration de sinistre auprès de cette dernière.
Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 9 octobre 2024, Monsieur [H] et Madame [F] demandent au juge de la mise en état de :
– Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Plessis Promotion ;
– La condamner à verser à Monsieur [H] et Madame [F] la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du C.P.C. ;
– Rejeter les demandes de la société Allianz ;
– La condamner à verser à Monsieur [H] et Madame [F] la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du C.P.C. ;
– La condamner aux dépens de l’incident dont distraction au profit de la SCP Guillauma Pesme & Jenvrin.
Les demandeurs précisent qu’ils ne recherchent pas la mise en œuvre de la garantie dommages-ouvrage de la SA Allianz IARD mais celle de la garantie décennale, de sorte que la demande d’irrecevabilité pour défaut de déclaration préalable serait sans objet. Ils exposent que la SARL Plessis Promotion s’était engagée à reprendre les désordres réservés non levés, de sorte qu’elle ne saurait invoquer la forclusion.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, et ce, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer à leurs conclusions respectives régulièrement signifiées par RPVA.
L’affaire a été évoquée à l’audience d’incident de mise en état du 10 octobre 2024 puis placée en délibéré par mise à disposition au greffe au 21 novembre 2024.
Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile : « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir. […] ».
I/ Sur la prescription de l’action de Monsieur [H] et Madame [F]
L’article 122 du code de procédure civile dispose : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Le juge de la mise en état est compétent pour connaître des fins de non-recevoir tirée de la prescription.
L’article 2224 du code civil dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
L’article 1642-1 du code civil dispose : « Le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.
Il n’y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s’oblige à réparer. »
En l’espèce, la SARL Plessis Promotion a conclu un contrat de vente en l’état futur d’achèvement avec Monsieur [H] et Madame [F], de sorte qu’elle est tenue par la garantie spécifique de l’article 1642-1 du code civil s’agissant des vices de construction ou des défauts de conformité apparents allégués par les demandeurs.
L’article 1648 alinéa 2 du code civil dispose : « Dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. »
Il est de droit que l’action en garantie prévue par l’article 1642-1 du code civil en cas de vices de construction ou de défauts de conformité apparents doit, en application de l’article 1648 alinéa 2 du même code, être introduite dans l’année qui suit la date du plus tardif des deux événements suivants : la réception des travaux, avec ou sans réserves, ou l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur.
En l’espèce, la réception des travaux avec réserves a eu lieu le 2 juillet 2019 et le bien a été livré le 25 octobre 2019. Le délai de forclusion a donc commencé à courir le 25 novembre 2019, soit un mois après la prise de possession du bien par les acquéreurs, pour prendre fin le 25 novembre 2020.
L’article 2241 du code civil dispose : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. »
Il est de droit que l’assignation en référé-expertise du vendeur en état futur d’achèvement visant les désordres invoqués, dans le délai d’un an du procès-verbal de réception des parties communes, interrompt la prescription jusqu’au prononcé de l’ordonnance, et fait courir un nouveau délai de forclusion de même durée.
En l’espèce, les demandeurs ont assigné la SARL Plessis Promotion en référé-expertise le 1er juillet 2020, de sorte que cette demande en justice a interrompu le délai de prescription. Ce dernier n’a recommencé à courir qu’au prononcé de l’ordonnance désignant un expert, soit le 9 mars 2021, pour prendre fin le 9 mars 2022, alors que les demandeurs ont agi à l’encontre de la SARL Plessis Promotion suivant assignation du 30 novembre 2023.
Cependant, il est de droit que le délai de forclusion de l’article 1648 alinéa 2 du code civil n’est pas applicable à l’action qui a pour objet d’obtenir l’exécution de l’engagement pris par le vendeur d’immeuble à construire de réparer les désordres apparents qui ont fait l’objet de réserves à la réception. (arrêt Cass. Civ. 3ème, 1er février 2024, n° 22-23.716)
En l’espèce, se plaignant notamment de l’absence de levée des réserves, les demandeurs ont assigné, après expertise, la SARL Plessis Promotion, aux fins d’indemnisation le 30 novembre 2023.
La SARL Plessis Promotion s’était engagée, suivant courriel envoyé le 16 juin 2020 (pièce 19 des demandeurs au fond) à reprendre la pente du garage afin qu’elle soit de 5% au lieu de 15%. Elle a d’ailleurs précisé : « Cette intervention peut être réalisée dès que vous le souhaitez (…). Si vous ne souhaitez pas cette intervention de notre part nous vous avons à plusieurs reprises proposé de vous verser la somme de cette prestation s’élevant à 4.000 euros par chèque et vous laisser libre de choix pour la reprise de l’ensemble de ces prestations et la levée de cette réserve. »
En outre, s’agissant du désordre concernant le bac receveur de douche, la SARL Plessis Promotion a affirmé avoir fait « le nécessaire par recommandé pour missionner l’entreprise de plomberie de reprendre celui-ci », de sorte qu’elle s’est également engagée à reprendre ce désordre.
Dès lors que la SARL Plessis Promotion a souscrit l’engagement ferme de reprendre la pente du garage ainsi que le bac receveur de douche, le délai de forclusion de l’article 1648 alinéa 2 ne saurait s’appliquer à l’action de Monsieur [H] et Madame [F] qui vise à obtenir l’exécution de ces engagements.
Il convient donc d’appliquer le délai quinquennal de droit commun de l’article 2224 du code civil, qui a commencé à courir à compter du jour où les acquéreurs ont eu connaissance de l’inexécution par la SARL Plessis Promotion de ses engagements. Ce jour ne peut être que postérieur au 16 juin 2020, date d’envoi de la SARL Plessis Promotion contenant ses engagements, de sorte que l’action des demandeurs n’était pas prescrite au 30 novembre 2023, date de l’assignation délivrée à l’encontre de la société défenderesse.
Il y a donc lieu de déclarer l’action de Monsieur [H] et Madame [F] recevable comme non prescrite.
II/ Sur la demande de mise hors de cause de la SA Allianz IARD
En l’espèce, l’action des demandeurs n’étant ni forclose, ni prescrite, il n’y a pas lieu de mettre hors de cause la SA Allianz IARD à ce stade de la procédure.
Il convient donc de rejeter la demande de mise hors de cause de la SA Allianz IARD.
III/ Sur l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [H] et Madame [F] à l’encontre de la SA Allianz IARD es qualité d’assureur dommages-ouvrage
La SA Allianz IARD soulève l’irrecevabilité des demandes de Monsieur [H] et Madame [F] à son encontre es qualité d’assureur dommages-ouvrage au motif qu’ils n’ont pas réalisé de déclaration de sinistre auprès d’elle.
En l’espèce, il y a lieu de constater que les demandeurs ne recherchent pas la mise en œuvre de la garantie dommages-ouvrage de la SA Allianz IARD mais la mise en œuvre de la garantie décennale et visent les dispositions de l’article 1792 du code civil aux termes de leur assignation.
Dès lors, il convient de constater que leurs demandes au fond à l’encontre de l’assureur sont recevables.
IV/ Sur les autres demandes
Les dépens de l’incident seront à la charge de la SARL Plessis Promotion qui succombe au principal.
Le sort des frais irrépétibles sera apprécié par le juge du fond.
Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SARL Plessis Promotion,
Déclare recevable comme non prescrite l’action intentée par Monsieur [Z] [H] et Madame [V] [F],
Rejette la demande de mise hors de cause de la SA Allianz IARD,
Rejette la demande d’irrecevabilité pour défaut de déclaration de sinistre formée par la SA Allianz IARD es qualité d’assureur dommages-ouvrage,
Dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance au fond,
Laisse le sort des frais irrépétibles à l’appréciation du juge du fond.
Rejette le surplus des demandes,
Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état virtuelle du 03 février 2025 et dit que Me Laloum devra signifier ses conclusions avant cette date.
Ainsi fait et ordonné au Palais de Justice de Tours les jour, mois et an que dessus.
Le Greffier
C. FLAMAND
Le Juge de la mise en état
V. ROUSSEAU
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