Vices cachés et expertise judiciaire : vers une clarification des responsabilités dans la vente d’un véhicule.

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Vices cachés et expertise judiciaire : vers une clarification des responsabilités dans la vente d’un véhicule.

L’Essentiel : Le 12 octobre 2021, Madame [Y] [I] a acquis une AUDI Q2 d’occasion pour 26 000 euros. Dès novembre, des dysfonctionnements sont apparus, notamment des infiltrations d’eau. Après des réparations coûteuses, une expertise amiable a été demandée, concluant à la responsabilité de Monsieur [S], le vendeur. Ce dernier a contesté les conclusions, entraînant une mise en demeure pour le paiement des réparations. Le 23 mars 2023, Madame [I] a assigné Monsieur [S] en justice pour obtenir une indemnisation pour vices cachés. Le tribunal a ordonné une expertise judiciaire pour évaluer les désordres et a suspendu sa décision jusqu’à son rapport.

Acquisition du véhicule

Le 12 octobre 2021, Madame [Y] [I] a acheté un véhicule d’occasion, une AUDI Q2, à Monsieur [D] [S] pour un montant de 26 000 euros, via la SAS TRASAKAUTO. Un bon de commande a été signé, et Madame [I] a effectué un premier versement de 2 087 euros, incluant une garantie de 12 mois, ainsi qu’un second virement de 26 000 euros à Monsieur [S].

Dysfonctionnements constatés

Dès novembre 2021, des problèmes sont apparus, notamment un décollement de l’aileron de l’antenne et des infiltrations d’eau dans l’habitacle après des pluies. Madame [I] a constaté des taches d’humidité et des odeurs désagréables, ce qui l’a amenée à confier le véhicule à la SAS PREMIUM METROPOLE pour des réparations, pour un coût de 1 398,34 euros.

Expertise amiable

Face à la persistance des problèmes, Madame [I] a sollicité une expertise amiable par la SARL ADN EXPERTISES, qui a eu lieu le 7 avril 2022. Un procès-verbal a été établi, et l’expert a demandé à Monsieur [S] de prendre en charge les réparations nécessaires. Cependant, ce dernier a contesté les conclusions de l’expert.

Procédures judiciaires

Le 18 juillet 2022, l’expert a réclamé à Monsieur [S] le paiement de 7 893 euros pour les réparations. En réponse, le conseil de Madame [I] a mis en demeure Monsieur [S] de régler 8 099,12 euros. Monsieur [S] a refusé, arguant qu’il n’était pas au courant des problèmes au moment de la vente et a suggéré de se tourner vers la SAS PREMIUM METROPOLE.

Assignation en justice

Le 23 mars 2023, Madame [Y] [I] a assigné Monsieur [D] [S] devant le tribunal judiciaire d’Évry pour obtenir une indemnisation sur la base de la garantie des vices cachés. Elle a demandé des sommes pour les réparations, le trouble de jouissance, ainsi que des frais d’expertise et de diagnostic.

Arguments des parties

Madame [I] soutient que les vices étaient cachés et qu’ils sont apparus peu après l’achat, tandis que Monsieur [S] conteste l’existence de vices cachés, affirmant que la voiture avait été entretenue correctement et que les problèmes pourraient être dus à des interventions postérieures à la vente. Il a également souligné que Madame [I] avait signalé une auréole sur le ciel de pavillon lors de l’achat.

Décision du tribunal

Le tribunal a décidé d’ordonner une expertise judiciaire pour déterminer l’origine et la nature des désordres du véhicule, ainsi que leur caractère caché. Il a sursis à statuer sur les demandes des parties jusqu’à la réalisation de cette expertise, tout en réservant les dépens. L’expert désigné devra rendre son rapport dans un délai de quatre mois.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application de la garantie des vices cachés selon le Code civil ?

La garantie des vices cachés est régie par les articles 1641 à 1644 du Code civil.

L’article 1641 stipule que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Cet article établit donc que pour qu’un vice soit considéré comme caché, il doit rendre le bien impropre à son usage ou diminuer son usage de manière significative.

L’article 1642 précise que :

« Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même. »

Cela signifie que si l’acheteur a pu constater le vice avant l’achat, il ne pourra pas se prévaloir de la garantie.

L’article 1643 ajoute que :

« Le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, le vendeur professionnel étant présumé connaître les vices de la chose vendue. »

Ainsi, même si le vendeur n’était pas au courant des vices, il est responsable s’il s’agit d’un professionnel.

Enfin, l’article 1644 donne à l’acheteur le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Ces articles établissent donc un cadre juridique clair pour la mise en œuvre de la garantie des vices cachés, en tenant compte de la connaissance du vendeur et de la nature des défauts.

Comment se prouve l’existence d’un vice caché dans le cadre d’une vente ?

La preuve de l’existence d’un vice caché repose sur plusieurs éléments, notamment la constatation du vice, son caractère caché et son antériorité à la vente.

L’article 1353 du Code civil stipule que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. »

Cela signifie que c’est à l’acheteur de prouver l’existence du vice caché.

Dans le cadre d’une expertise, comme celle réalisée par la SARL ADN EXPERTISES dans cette affaire, le rapport d’expertise peut servir de preuve.

Cependant, l’article 16 du Code de procédure civile impose que le juge respecte le principe de la contradiction, ce qui signifie que les parties doivent pouvoir discuter des éléments de preuve présentés.

Il est également important de noter que, selon l’article 1643, le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, ce qui facilite la preuve pour l’acheteur.

En résumé, l’acheteur doit prouver l’existence du vice, son caractère caché et son antériorité à la vente, tout en s’appuyant sur des éléments de preuve tels que des rapports d’expertise, tout en respectant le principe de la contradiction.

Quelles sont les conséquences juridiques d’un vice caché sur la vente d’un véhicule ?

Les conséquences juridiques d’un vice caché sont principalement régies par les articles 1644 et 1645 du Code civil.

L’article 1644 précise que :

« Dans le cas des articles précédents, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »

Cela signifie que l’acheteur peut choisir de retourner le véhicule et d’obtenir un remboursement intégral ou de conserver le véhicule tout en demandant une réduction du prix.

L’article 1645 ajoute que :

« Le vendeur est tenu des vices cachés, même s’il ne les connaissait pas. »

Cela renforce la responsabilité du vendeur, qui ne peut pas se décharger de sa responsabilité en arguant qu’il n’était pas au courant des défauts.

En cas de litige, l’acheteur peut également demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi, notamment en raison de l’impossibilité d’utiliser le véhicule dans des conditions normales.

Ainsi, les conséquences juridiques d’un vice caché peuvent inclure la restitution du prix, une réduction du prix, et potentiellement des dommages-intérêts, ce qui souligne l’importance de la garantie des vices cachés dans le cadre des transactions de vente.

Quel est le rôle de l’expertise dans le cadre d’un litige relatif à un vice caché ?

L’expertise joue un rôle crucial dans le cadre d’un litige relatif à un vice caché, car elle permet d’établir des faits techniques et d’éclairer le tribunal sur la nature des désordres.

L’article 143 du Code de procédure civile stipule que :

« Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

Cela signifie que le juge peut ordonner une expertise pour obtenir des éléments de preuve nécessaires à la résolution du litige.

L’expert a pour mission de constater l’état du bien, d’évaluer les désordres et de déterminer leur origine, leur caractère caché, ainsi que leur impact sur l’usage du bien.

L’article 16 du Code de procédure civile impose également que le principe de la contradiction soit respecté, ce qui signifie que toutes les parties doivent avoir la possibilité de discuter des conclusions de l’expert.

En somme, l’expertise permet de fournir des éléments techniques et factuels qui sont essentiels pour déterminer l’existence d’un vice caché, son origine, et les responsabilités des parties, facilitant ainsi la prise de décision par le tribunal.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

3ème Chambre

MINUTE N°

DU : 13 Janvier 2025

AFFAIRE N° RG 23/01929 – N° Portalis DB3Q-W-B7H-PEOW

NAC : 50D

CCCRFE et CCC délivrées le :________
à :
Me Jean-Christophe HYEST,
Me Violaine PAPI

Jugement Rendu le 13 Janvier 2025

ENTRE :

Madame [Y] [I], née le 09 Septembre 1977 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 4] – [Localité 6]

représentée par Maître Violaine PAPI, avocat au barreau d’ESSONNE postulant, Maître Stéphanie DUMETZ, avocat au barreau de Lille, plaidant

DEMANDERESSE

ET :

Monsieur [D] [S],
demeurant [Adresse 3] – [Localité 10]

représenté par Maître Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS plaidant

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Béatrice MARTIN DE MEREUIL, Juge,siégeant à Juge Rapporteur avec l’accord des avocats ;

Magistrats ayant délibéré :
Président : Sandrine LABROT, Vice-Présidente,
Assesseur : Clément MAZOYER, Vice-président,
Assesseur : Béatrice MARTIN DE MEREUIL, Juge,

Assistés de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière lors des débats à l’audience du 14 Octobre 2024 et lors de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 07 Mai 2024 ayant fixé l’audience de plaidoiries au 14 Octobre 2024 date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 13 Janvier 2025.

JUGEMENT : Rendu par mise à disposition au greffe,
Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 octobre 2021, Madame [Y] [I] a acquis auprès de Monsieur [D] [S] un véhicule d’occasion de marque AUDI modèle Q2 immatriculé [Immatriculation 11], numéro de série WAUZZZGA4JA097146, au prix de 26 000 euros, par l’intermédiaire de la SAS TRASAKAUTO.

Un bon de commande a été signé avec ladite société et Madame [I] a effectué un premier versement auprès du garage d’un montant de 2.087 € comprenant une garantie de 12 mois VO réseau pour un montant de 897 € et un second virement auprès de Monsieur [S] pour la somme de 26.000 €.

À partir du mois de novembre 2021, Madame [Y] [I] a constaté un dysfonctionnement du véhicule qui s’est manifesté dans un premier temps par un décollement et un défaut de l’aileron de l’antenne. À l’issue de phénomènes de pluie, Madame [I] a ensuite constaté une présence importante d’eau au niveau du plancher de l’habitacle, l’apparition de taches d’humidité et des mauvaises odeurs.

Madame [I] a confié le véhicule à la SAS PREMIUM METROPOLE pour réparations, et s’est acquittée de la somme de 1 398,34 euros.

Constatant la persistance de dysfonctionnements, Madame [Y] [I] s’est rapprochée de la SARL ADN EXPERTISES pour l’organisation d’une mesure d’expertise amiable du véhicule.

Les opérations d’expertise ont eu lieu 7 avril 2022, en présence notamment du conjoint de Madame [I], et d’un représentant de l’assureur du vendeur.

Un procès-verbal d’expertise contradictoire a été dressé par l’expert et signé par les parties présentes le même jour.

Par courrier du 13 juin 2022, l’expert amiable a demandé à Monsieur [S] de prendre en charge le coût des interventions nécessaires à la réparation du véhicule de Madame [Y] [I].

Monsieur [D] [S], par courrier du 23 juin 2022, a contesté et réfuté les demandes de l’expert amiable.

Le 18 juillet 2022, l’expert amiable a de nouveau sollicité Monsieur [D] [S] afin qu’il règle à Madame [Y] [I] la somme de 7893 € TTC au titre des réparations de son véhicule.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 octobre 2022, le conseil de Madame [Y] [I], a mis en demeure Monsieur [D] [S] de régler la somme de 8099,12 euros.

Monsieur [S] s’est opposé à cette demande, faisant valoir qu’au jour de la vente il n’avait pas connaissance des désordres invoqués, et qu’il convenait de s’adresser à la SAS PREMIUM METROPOLE en sa qualité de réparateur et de son obligation de résultat.

C’est dans ces circonstances que, par acte d’huissier du 23 mars 2023, Madame [Y] [I] a fait assigner Monsieur [D] [S] devant le tribunal judiciaire d’Évry aux fins d’indemnisation de ses préjudices, sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par dernières conclusions en réponse notifiées par voie électronique 19 avril 2024, Madame [Y] [I] sollicite du tribunal de :

Condamner Monsieur [S] à verser à Madame [I] la somme de 6.719 € au titre des frais de remise en état du véhicule avec intérêt au taux légal à compter du 19 octobre 2002 ;

Condamner Monsieur [S] à verser à Madame [I] les sommes suivantes avec intérêt au taux légal à compter du 19 octobre 2022 :

1.398 € 34 au titre de la facture de la société PRENIUM METROPOLE ;
624 € au titre des frais de diagnostic ;
550 € au titre des frais d’expertise ;

Condamner Monsieur [S] à verser à Madame [I] la somme de 7.436 € au titre du trouble de jouissance de la date de la survenance du sinistre arrêtés au 31 octobre 2023 ;

Condamner Monsieur [S] à verser à Madame [I] la somme de 13 € par jour à compter du 1er novembre 2023 et jusqu’à sa complète indemnisation ;

Débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner Monsieur [S] à verser à Madame [I] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC ;

Condamner Monsieur [S] aux entiers frais et dépens.

À titre subsidiaire ;

Ordonner une expertise judiciaire ;

Dire que l’expert convoquera le cas échéant la société PREMIUM METROPOLE

À soutien de sa demande principale, Madame [Y] [I] indique que Monsieur [D] [S], gérant de deux sociétés (CARROSSERIE DE LA GARE et RETSOR’CARS), doit être considéré comme un contractant professionnel, actif dans le secteur de la réparation automobile.

Elle explique en outre que les désordres concernant le véhicule, qui le rendent inutilisable par temps de pluie, ont le caractère de vices cachés, qu’ils sont apparus dans les six mois suivant la prise de possession de la voiture, et que Monsieur [S] ne pouvait pas les ignorer compte tenu de leur teneur, mais aussi de son expertise professionnelle.

Elle affirme que la SAS PREMIUM MÉTROPOLE n’est pas intervenue sur le problème relevé par l’expert amiable, à savoir des infiltrations provenant du toit ouvrant. Elle souligne que l’expert a relevé que des réparations avaient été effectuées dans le véhicule sans respect des règles de l’art, ce qui avait causé les infiltrations.

En réponse aux allégations du défendeur, Madame [I] explique n’avoir eu connaissance des vices de la voiture qu’après sa livraison et que la seule présence d’auréoles au jour de la vente ne suffisait pas à caractériser l’ampleur des désordres et leur portée sur l’usage de la chose.

À titre subsidiaire, Madame [I] demande la condamnation de Monsieur [S], en sa qualité de professionnel, au remboursement du coût des réparations pour défaut de conformité.

La demanderesse précise au soutien de sa demande formée au titre du préjudice de jouissance qu’elle ne peut utiliser son véhicule que par temps sec.

Enfin Madame [I], à titre subsidiaire, demande la mise en place d’une expertise judiciaire.

Par ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 avril 2024, Monsieur [D] [S] sollicite du tribunal de :

Débouter Madame [Y] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Madame [Y] [I] à payer à Monsieur [D] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

La condamner aux entiers dépens.

Monsieur [S], sur le fondement des articles 1353 et 1641 du code civil, indique que Madame [Y] [I] n’apporte pas la preuve de la préexistence du vice à la vente, et notamment qu’elle ne prouve pas le moment de la survenance des infiltrations dans l’habitacle.

Monsieur [S] conteste aussi l’existence même de tout vice caché. Il explique, d’une part, que la voiture a été entretenue par le réseau AUDI, qui ne conserve pas trace d’un tel défaut, et, d’autre part, que l’intervention de la SAS PREMIUM MÉTROPOLE sur le véhicule peut être à l’origine des infiltrations. À cet effet, le défendeur explique qu’il y a une trace d’intervention avec du mastic de silicone près de l’antenne pavillon. Celle-ci, par son caractère grossier, n’a pu être effectuée qu’après la vente. Le défendeur précise qu’il n’aurait jamais vendu une voiture dans un tel état, d’autant plus qu’il dispose d’une assurance « flotte » qui peut prendre en charge ce genre de désordres.

À titre subsidiaire, Monsieur [S] demande le débouté des prétentions adverses, sur le fondement de l’article 1642 du code civil, en indiquant que les vices étaient connus de la demanderesse, puisqu’elle avait signalé sur le bon de commande la présence d’une auréole sur le ciel de pavillon niveau fenêtre arrière. Il conclut que la demanderesse a acheté le véhicule en toute connaissance de l’existence d’un désordre, qui n’avait donc pas le caractère de vice-caché.

Monsieur [S] demande aussi le rejet des prétentions de la demanderesse concernant les sommes demandées au titre du trouble de jouissance et autres frais qui selon lui ne présentent pas de lien avec le préjudice allégué.

S’agissant de la demande d’expertise, Monsieur [S], au visa de l’article 146, alinéa 2, du Code de procédure civile, en demande le rejet. Il soutient que cette demande vise uniquement à combler les lacunes dans l’administration de la preuve par Madame [I].

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2024

MOTIFS

Sur l’existence de vices cachés

En vertu de l’article 1641 du code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Selon l’article 1642 du code civil, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

En application de l’article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, le vendeur professionnel étant présumé connaître les vices de la chose vendue.

Conformément à l’article 1644 du code civil, dans le cas des articles précédents, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Tout rapport amiable peut valoir à titre de preuve, dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties.

Hormis le cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci.

En application des dispositions des articles 143 et 144 du Code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. Ces mesures peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

Ainsi, le tribunal dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’ordonner une mesure d’expertise, la mesure d’instruction n’ayant d’intérêt que si la juridiction saisie ne dispose pas des éléments nécessaires et suffisants pour forger sa conviction.

Les juges du fond apprécient souverainement les mesures d’instruction sollicitées.

En l’espèce, le véhicule de Madame [Y] [I] présente des séquelles de réparation entrainant des infiltrations d’eau importantes.

Aux termes de son procès-verbal l’expert amiable a constaté l’existence de désordres suivants :

RAS au niveau STAN juste un sinistre avant de 900 euros sur ANEA PARTAGE,
Ciel de pavillon déposé qui laisse apparaitre des traces d’écoulement sur la face extérieure et des traces d’antériorité sur partie arrière gauche intérieure,
Trace de martelage sur la traverse centrale et pavillon ainsi que l’insonorisant arrière,
Présence d’un joint de silicone au niveau de la traverse centrale et arrière,
Traverse centrale déformée,
Suite à un écoulement d’eau par le technicien sur l’ensemble du verre de toit ouvrant, nous observons une fuite dite importante au niveau des angles arrière du toit ouvrant,
Pour information pare-brise remplacé : date 12/19 (6 points),
Le toit ouvrant à son ouverture et fermeture, coulisse sans difficulté,
On observe un résidu d’écoulement d’eau sur le plancher arrière.

Cependant, l’expert amiable n’émet aucune hypothèse, ni sur les modalités et circonstances de survenance de ces désordres, ni sur leur caractère caché, ne formulant aucune déduction sur les responsabilités des parties à la cause. Son intervention se limite donc à la constatation des désordres du véhicule, à la retranscription des observations des parties et à observer que Monsieur [S] est gérant de deux sociétés de carrosserie.

Néanmoins, il expose dans son courrier adressé à Monsieur [D] [S] que l’eau est apparue dans l’habitacle avant l’intervention du concessionnaire local, dès le 28 octobre 2022, et qu’en dépit de l’intervention de ce dernier, le désordre a subsisté.

Ainsi, s’il est constant que les vices sont apparus peu de temps après la vente, les éléments versés aux débats ne permettent pas d’éclairer suffisamment le tribunal sur leur origine et leurs causes.

Or, la demanderesse fonde de manière principale ses demandes sur le compte rendu d’expertise de la SARL ADN EXPERTISES.

En l’état des pièces fournies, le tribunal n’est donc pas en mesure de s’exprimer sur l’existence des vices invoqués, leur antériorité à la vente et leur caractère caché.

Dès lors, le tribunal s’estimant insuffisamment informé, il convient d’ordonner une mesure d’expertise judiciaire au contradictoire de l’ensemble des parties, dans les termes du dispositif ci-après, aux frais avancés du demandeur à la mesure d’expertise.

Il convient en outre de surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes y compris celles relevant des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de réserver les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition du greffe :

Avant dire droit sur les demandes,

ORDONNE une expertise du véhicule de marque AUDI modèle Q2 immatriculé [Immatriculation 11], numéro de série WAUZZZGA4JA097146

confiée à Monsieur [R] [X]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Tél : [XXXXXXXX01] Port. : [XXXXXXXX02]
Email : [Courriel 12]

Avec pour mission, parties présentes ou dûment convoquées :

1°) d’entendre les parties, leurs conseils présents ou appelés,
2°) de se faire remettre tous documents utiles,
3°) de reconstituer l’historique du véhicule marque AUDI modèle Q2 immatriculé [Immatriculation 11], numéro de série WAUZZZGA4JA097146, depuis sa première mise en circulation,
4°) de décrire l’état du véhicule ;
5°)
* décrire les dysfonctionnements et désordres allégués par Madame [Y] [I], dans l’assignation et les pièces telles que visées dans le bordereau de communication de pièces annexé à l’assignation ;
* donner son avis sur leur réalité, sur la date de leur apparition, sur leur origine, sur leurs causes et sur leur importance, en donnant toutes les explications techniques utiles sur les moyens d’investigations employés,
* recueillir tous renseignements d’ordre technique ou factuel permettant d’apprécier si les désordres constatés rendent le véhicule impropre à l’usage auquel il est destiné ou diminuent cet usage de façon sensible,
* dans l’affirmative :
– préciser si ces désordres existaient à la date de la vente et s’ils étaient ou non décelables lors d’une visite attentive d’un profane,
– recueillir tous renseignements d’ordre technique ou factuel permettant d’apprécier si le vendeur avait ou non conscience de ces défauts avant la vente,
– préciser tout élément technique et de fait permettant à la juridiction éventuellement saisie de connaître la date à laquelle les demandeurs ont eu connaissance des désordres décrits,
* le cas échéant donner son avis sur les solutions appropriées pour remédier aux désordres, telles que proposées par les parties, chiffrer le coût des travaux nécessaires aux réparations des dysfonctionnements et fournir toute information ou tout avis permettant d’apprécier les préjudices matériels et immatériels susceptibles d’avoir été subis par le requérant, notamment pendant les périodes d’immobilisation du véhicule,
* fournir plus généralement tous éléments techniques et de fait nécessaires pour déterminer les responsabilités éventuellement encourues et évaluer, s’il y a lieu, tous les préjudices subis.
6°) de donner tous éléments techniques et de faits de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités encourues ;
7°) de fournir tous éléments concernant les préjudices éventuellement subis ;
8°) plus généralement, de faire toutes constatations, observations et analyses utiles à l’information du Tribunal quant au présent litige et à lui permettre de faire les comptes entre les parties ;
9°) de communiquer ses conclusions aux parties dans un pré-rapport, leur impartir un délai pour présenter leurs observations et y répondre point par point dans.un rapport définitif.
– fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;
– donner son avis sur les comptes entre les parties ;

DIT qu’en cas d’urgence reconnue par l’expert, la partie la plus diligente pourra nous en référer pour être autorisée à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, lequel dans ce cas déposera un pré-rapport précisant la nature et l’importance des travaux ;

FAIT injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu’elles adresseront à l’expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

DIT que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original sous format papier et en copie sous la forme d’un fichier PDF enregistré sur un CD ROM support numérique au greffe du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire d’EVRY, [Adresse 8], [Localité 9], dans le délai de 4 mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d’un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties) ;

DIT que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu’à l’issue de cette première réunion il adressera un compte rendu aux parties et au juge chargé du contrôle :

– En faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
– En les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent ;
– En fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;
– En les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

Dans le but de limiter les frais d’expertise, INVITE les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l’expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l’outil OPALEXE ;

DIT que, sauf accord contraire des parties, l’expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l’ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction ;

DIT que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelons qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;

DÉSIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

DIT que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

FIXE à la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par la demanderesse entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 8], [Localité 9], dans le délai de six semaines à compter de la notification du présent jugement par le greffe aux parties, sans autre avis ;

DIT que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

DIT qu’en déposant son rapport, l’expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération ;

SURSEOIT à statuer sur l’ensemble des demandes formées par les parties ;

RENVOIE l’affaire à l’audience 4 mars 2025 à 9 heures 30 du juge de la mise en état pour vérifier que la consignation de la provision à valoir sur les honoraires de l’expert a bien été effectuée ; après versement de la consignation et sauf opposition des parties, l’affaire fera l’objet d’un retrait du rôle dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise ;

DIT que l’affaire sera remise au rôle à l’initiative de la partie la plus diligente ;

RÉSERVE les dépens ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi fait et rendu le TREIZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ, par Sandrine LABROT, Vice-Présidente, assistée de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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