Vice caché et réticence dolosive : enjeux de la vente immobilière en copropriété.

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Vice caché et réticence dolosive : enjeux de la vente immobilière en copropriété.

L’Essentiel : Le 4 décembre 2002, M. [Y] [P] a vendu l’usufruit à Mme [H] [X] et la nue-propriété à la SCI GRACIEUSE pour 426 860 euros. Suite à des dégâts des eaux, une expertise judiciaire a été ordonnée le 15 novembre 2019, révélant des problèmes de canalisation. En mai 2021, Mme [A] et la SCI ont assigné M. [P] pour vice caché, demandant 213 745 euros. Le 23 février 2023, le juge a déclaré recevables leurs actions, mais le tribunal a finalement débouté les demandeurs, les condamnant aux dépens et à verser 4 000 euros à M. [P].

Vente de l’Usufruit et de la Nue-Propriété

Par acte authentique du 4 décembre 2002, M. [Y] [P] a vendu l’usufruit à Mme [H] [X] et la nue-propriété à la SCI GRACIEUSE de deux lots de copropriété, moyennant un prix de 426 860 euros. Mme [A] et son fils ont occupé les lieux, mais ont subi des dégâts des eaux provenant du 6ème étage.

Expertise Judiciaire

Le 15 novembre 2019, le juge des référés a désigné un expert pour déterminer l’origine des désordres. L’expert a remis son rapport le 8 décembre 2020, révélant des problèmes de canalisation non conforme. En mai 2021, Mme [A] et la SCI GRACIEUSE ont assigné M. [P] en justice, invoquant la garantie des vices cachés et demandant une indemnisation de 213 745 euros.

Décisions du Juge de la Mise en État

Le 23 février 2023, le juge a rejeté certaines demandes de M. [P] tout en déclarant recevables les actions en garantie des vices cachés et en dommages et intérêts de Mme [A] et la SCI GRACIEUSE. L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 12 juin 2023.

Arguments des Parties

Dans leurs conclusions, Mme [A] et la SCI GRACIEUSE ont soutenu que le lot était entaché d’un vice caché et ont demandé des réparations. M. [P] a contesté ces allégations, affirmant avoir agi de bonne foi et que la canalisation ne constituait pas un vice caché.

Analyse du Vice Caché

Le tribunal a examiné si les conditions du vice caché étaient remplies. Mme [A] et la SCI GRACIEUSE ont affirmé que la canalisation était non conforme et cachée, tandis que M. [P] a soutenu qu’elle avait été installée légalement et ne causait pas de nuisances. Le tribunal a conclu que la canalisation ne rendait pas le bien impropre à son usage.

Réticence Dolosive

Mme [A] et la SCI GRACIEUSE ont accusé M. [P] de réticence dolosive, affirmant qu’il avait connaissance de la canalisation et n’en avait pas informé les acquéreurs. M. [P] a répliqué qu’il avait agi de bonne foi et que la canalisation ne posait pas de problèmes. Le tribunal a jugé que l’information sur la canalisation n’était pas déterminante pour le consentement des acquéreurs.

Procédure Abusive

M. [P] a demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive, mais le tribunal a débouté cette demande, n’ayant pas trouvé de preuve de mauvaise foi de la part de Mme [A] et de la SCI GRACIEUSE.

Décision Finale

Le tribunal a débouté Mme [A] et la SCI GRACIEUSE de toutes leurs demandes, les condamnant aux dépens et à verser 4 000 euros à M. [P] au titre des frais irrépétibles. La décision a été déclarée exécutoire de droit par provision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la garantie des vices cachés selon le Code civil ?

La garantie des vices cachés est régie par les articles 1641 et suivants du Code civil. Selon l’article 1641, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Pour qu’un vice soit considéré comme caché, trois conditions doivent être remplies :

1. Existence d’un vice : Il doit y avoir un défaut dans le bien vendu.

2. Gravité du vice : Ce défaut doit être suffisamment grave pour rendre le bien impropre à son usage.

3. Caractère caché : Le vice ne doit pas être visible lors de la vente, ce qui signifie qu’il ne doit pas être détectable par un examen normal du bien.

Ces conditions doivent être cumulativement prouvées par l’acheteur pour bénéficier de la garantie.

Comment se définit la réticence dolosive dans le cadre d’une vente immobilière ?

La réticence dolosive est définie par les articles 1130, 1131 et 1137 du Code civil. Selon l’article 1130, « le dol est un vice du consentement, cause de nullité relative du contrat, lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. »

L’article 1137 précise que constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Pour établir la réticence dolosive, il faut prouver que :

1. Dissimulation d’une information : Le vendeur a caché une information essentielle concernant le bien.

2. Caractère déterminant : Cette information aurait influencé la décision de l’acheteur d’acquérir le bien.

3. Intention de tromper : Le vendeur savait que cette information était cruciale pour l’acheteur.

Si ces éléments sont prouvés, l’acheteur peut demander l’annulation de la vente ou des dommages-intérêts.

Quelles sont les conséquences d’une procédure abusive selon le Code de procédure civile ?

La procédure abusive est abordée dans le cadre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui stipule que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Pour qu’une procédure soit considérée comme abusive, il faut démontrer que :

1. Malice ou mauvaise foi : L’une des parties a agi avec une intention malveillante ou a fait preuve de mauvaise foi.

2. Erreur grossière : L’action en justice est fondée sur une erreur manifeste qui équivaut à un dol.

Si ces conditions sont remplies, la partie qui a engagé la procédure abusive peut être condamnée à verser des dommages-intérêts à l’autre partie pour couvrir les frais engagés dans le cadre de la procédure.

Comment le tribunal évalue-t-il la gravité d’un vice caché dans une vente immobilière ?

Le tribunal évalue la gravité d’un vice caché en se basant sur l’impact de ce vice sur l’usage du bien. Selon la jurisprudence, un vice est considéré comme grave s’il rend le bien impropre à sa destination ou s’il diminue de manière significative l’usage que l’acheteur peut en faire.

Dans le cas présent, le tribunal a constaté que les demanderesses n’ont pas prouvé l’existence d’un dommage, en l’absence de fuite ou d’odeur nauséabonde provenant de la canalisation litigieuse.

Ainsi, même si la canalisation était non conforme, cela ne suffisait pas à établir que le bien était impropre à son usage, conformément à l’article 1641 du Code civil.

Le tribunal a donc rejeté les demandes de Mme [A] et de la SCI GRACIEUSE, considérant que la canalisation, bien que non conforme, ne constituait pas un vice rendant le bien impropre à son usage.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes:

2ème chambre 2ème section

N° RG 21/07345
N° Portalis 352J-W-B7F-CUQPZ

N° MINUTE :

Assignation du :
21 Mai 2021

JUGEMENT
rendu le 16 Janvier 2025
DEMANDERESSES

Madame [H] [L] [X] divorcée [A]
[Adresse 1]
[Localité 4]

S.C.I. GRACIEUSE
[Adresse 1]
[Localité 4]

toutes deux représentées par Maître Sophie MARQUES de la SCP DROUOT AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #W0006

DÉFENDEUR

Monsieur [Y] [U] [F] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Nathalie FAULIOT HAUCHARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0802

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mdaame Claire BERGER, 1ère Vice-présidente adjointe
Madame Caroline ROSIO, Vice-Présidente
Madame Sarah KLINOWSKI, Juge

assistées de Madame Sophie PILATI, Greffière

DEBATS

A l’audience collégiale du 14 Novembre 2024, présidée par Claire BERGER et tenue publiquement, rapport a été fait par Caroline ROSIO, en application de l’article 804 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2025.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 4 décembre 2002, M. [Y] [P] a vendu l’usufruit à Mme [H] [X] divorcée [A] (ci-après désignée Mme [A]) et la nue-propriété à la SCI GRACIEUSE des lots de copropriété n°111 et 128 de l’immeuble sis [Adresse 1]t à [Localité 6] correspondant à un appartement situé au 5ème étage et à une cave, moyennant un prix de 426 860 euros.

Mme [A] et son fils, qui ont occupé les lieux, ont subi plusieurs dégâts des eaux provenant du 6ème étage.

Par ordonnance du 15 novembre 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a désigné M. [E] [T] en qualité d’expert avec pour mission notamment de déterminer l’origine des désordres. Cette expertise a été rendue commune à M. [P] par ordonnance du 4 mars 2020.

L’expert a déposé son rapport le 8 décembre 2020.

Par exploit d’huissier en date du 21 mai 2021, Mme [A] et la SCI GRACIEUSE, soutenant que les opérations d’expertise et en particulier le démontage de la cuisine ont fait apparaître l’existence d’une canalisation non conforme d’eaux usées et d’eaux vannes descendant depuis les chambres du 6ème étage dans la cuisine de leur appartement, ont fait assigner M. [P], devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins essentielles qu’il soit condamné sur le fondement de la garantie des vices cachés, et subsidiairement pour réticence dolosive, à leur verser une somme de 213.745 euros au titre de la réduction du prix, outre des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

Par ordonnance du 23 février 2023, le juge de la mise en état a rejeté les demandes de communication de pièces formées par M. [P], rejeté la demande de sursis à statuer, déclaré recevable l’action en garantie des vices cachés exercée par Mme [A] et la SCI GRACIEUSE, déclaré recevable la demande de dommages et intérêts formée à titre subsidiaire par Mme [A] et la SCI GRACIEUSE, rejeté la demande tendant à ordonner la réalisation d’un constat d’huissier par M. [P] et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 12 juin 2023.

Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 26 décembre 2023, Mme [A] et la SCI GRACIEUSE sollicitent du tribunal, au visa des articles 1641 et suivants, 1130, 1137, 1178 et 1240 du code civil, de :
« A titre principal :
Dire que le lot n°111 de l’immeuble situé [Adresse 1]) dont Mme [A] et la SCI GRACIEUSE sont propriétaires est entaché d’un vice caché, Condamner en conséquence M. [P] à verser à Mme [A] et à la SCI GRACIEUSE la somme totale de 213.745 euros, en réparation du préjudice subi ; Désigner, s’il s’estimait insuffisamment informé, tout expert qui lui plaira aux fins de fixation du montant de la réduction de prix ; Condamner M. [P] à verser à Mme [A] la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral, A titre subsidiaire :
Dire que M. [P] a fait preuve d’une réticence dolosive ; Condamner en conséquence M. [P] à verser à Mme [A] et à la SCI GRACIEUSE la somme totale de 213.745 euros, en réparation du préjudice subi ; Désigner, s’il s’estimait insuffisamment informé, tout expert qui lui plaira aux fins de fixation du montant de la réduction de prix ; Condamner M. [P] à verser à Mme [A] la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral, Dans tous les cas :
Débouter M. [P] de toutes ses demandes ; Condamner M. [P] à verser à Mme [A] et la SCI GRACIEUSE la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ; Ordonner l’exécution provisoire. »
Par conclusions en défense n°7 notifiées par voie électronique le 29 décembre 2023, M. [P] a requis du tribunal de céans, au visa des articles 1641 et suivants, 637, 1648 et 2224 du code civil, des articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 700 du code de
de procédure civile de:

–  » Débouter purement et simplement Madame [A] et la SCI Gracieuse de toutes leurs demandes
– les condamner à payer à M. [P] les sommes suivantes :
o 45.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
o 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– les condamner aux entiers dépens.
Subsidiairement, désigner un expert judiciaire afin qu’il soit procédé :
o au constat que le vice invoqué par les demanderesses est réparé et dire que l’expert aura pour mission de déterminer, en sollicitant la production des factures justificatives, le coût pour les demanderesses qui a pu résulter des travaux de remise en état,
o à un examen de la situation précédente et de l’accessibilité de la canalisation avant démontage de la cuisine, sur la base des photos des divers constats de commissaires de justice et d’experts.
– Surseoir à statuer sur le préjudice dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert.
À titre très subsidiaire dans l’hypothèse d’une condamnation à l’encontre de M. [P], écarter le principe de l’exécution provisoire de droit.  »

L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 janvier 2024 et l’audience de plaidoiries fixée au 14 novembre suivant.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera au préalable rappelé que les demandes des parties tendant à voir «dire que» ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne feront en conséquence pas l’objet d’une mention au dispositif.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties précitées pour un exposé exhaustif des demandes des parties et moyens à leur soutien, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Sur le vice caché
Mme [A] et la SCI GRACIEUSE soutiennent que les trois conditions cumulatives du vice caché sont remplies, soit l’existence d’un vice, sa gravité et son caractère caché :
Sur l’existence d’un vice, elles soutiennent que non seulement les eaux usées et eaux vannes en provenance du 6ème étage ont été raccordées, sans que les demanderesses en soient informées à la canalisation d’eaux usées située dans la cuisine de l’appartement du 5ème étage qu’elles ont acquis de M. [P], mais encore que le mauvais raccordement d’évacuation de ces eaux en provenance du 6ème étage entre en contradiction avec le règlement sanitaire du département de [Localité 5].Sur la gravité du vice : elles soutiennent que, conformément à la jurisprudence de la cour d’appel de Paris du 3 septembre 2008, la gravité du vice est établie. Elles exposent que dans un arrêt du 3 septembre 2008, la cour d’appel de Paris, qui devait se prononcer sur une demande en résolution de la vente fondée sur l’article 1641 du Code civil à la suite de la découverte par un acquéreur que l’écoulement des eaux usées de l’appartement était raccordé à l’écoulement des eaux pluviales de l’immeuble et qui avait fait procéder à une expertise dont il était ressorti un branchement des évacuations contraire au règlement sanitaire de la Ville de [Localité 5], a jugé que « une telle installation, formellement prohibée, sans dérogation possible par le règlement sanitaire départemental, rend l’appartement impropre à sa destination ». En outre, ce « branchement sauvage » empêchait tout entretien de la canalisation.Sur son caractère caché : elles soutiennent que l’existence de la canalisation n’était pas visible à l’œil nu et qu’il a fallu la dépose de la cuisine pour découvrir ce vice et que son caractère caché ressort du rapport final d’expertise qui observe que : « cette canalisation n’était ni visible ni accessible avant les démontages opérés en janvier 2020, ce qui est contraire aux prescriptions de l’article 44-1 du règlement sanitaire de la ville de [Localité 5] ».
Elles font valoir que M. [P] avait connaissance de la canalisation, ayant été auparavant propriétaire de l’appartement du 5ème étage et des studios situés au 6ème étage et que M. [P] ne saurait valablement arguer de sa bonne foi alors même qu’il a lui-même envisagé de supprimer la canalisation génératrice de nuisances qu’il a déplorées auprès du syndic ainsi qu’il résulte de son courrier du 17 mars 1997 (pièce 23) et qu’ayant lui-même subi des désagréments du fait de la canalisation, il aurait dû de plus fort en tenir informés ses acquéreurs.

M. [P] oppose que la non-conformité éventuelle avec le règlement de la ville de [Localité 5] ne peut s’analyser en un vice caché dès lors que :
– la canalisation litigieuse a été mise en place il y a plus de trente ans, en 1992, par un ancien propriétaire, avec l’accord :
– de la copropriété donné en assemblée générale (pièce n°2),
– de l’architecte de l’immeuble qui a estimé que son installation n’est pas contraire au règlement sanitaire de la Ville de [Localité 5] en raison d’un droit acquis, dans la mesure où elle utilise un branchement existant (pièce n°3),
– des bénéficiaires des 3 lots distincts du 6ème étage appartenant à l’époque à des copropriétaires différents et du propriétaire du 5ème étage.
– avant d’acheter le bien situé au 5ème étage en 1995, M. [P] s’est enquis par courrier adressé au vendeur, à l’agence immobilière et au notaire de l’existence d’une servitude relative à cette canalisation et l’agence immobilière l’a rassuré en lui affirmant que :
– « l’installation de la colonne d’évacuation dont vous faites état a été effectuée en accord et sous le contrôle de l’architecte de l’immeuble,
– les descentes et alimentations d’eau sont considérées comme des parties communes et ne peuvent être modifiées qu’après accord de la copropriété,
– les travaux de rénovation des 2 chambres situées au-dessus de l’appartement ont été autorisées par une assemblée générale des copropriétaires ».
– cette canalisation est une partie commune et ne constitue pas une servitude devant être mentionnée dans l’acte de vente de sorte que le notaire informé de la situation a mentionné dans l’acte de cession qu’il n’existait aucune servitude
– M. [P] est expert-comptable et non professionnel de l’immobilier et ne pouvait déterminer de lui-même si le passage de cette canalisation constituait une servitude ou une partie commune et il n’avait pas à remettre en cause l’écrit de l’architecte de l’immeuble mentionnant que l’installation est conforme,
– à l’époque de la vente du lot à Mme [A] et la SCI GRACIEUSE, en 2002, il n’existait aucun diagnostic sanitaire, certificat d’assainissement collectif ou individuel attestant du bon raccordement aux différents types de colonnes d’évacuation,
– l’immeuble est ancien et cette non-conformité s’applique à tout l’immeuble,
– dans les immeubles anciens, construits sans prévoir de vidanges séparées d’eau vanne, eau ménagère et eau fluviale, il était accepté par les autorités sanitaires de l’époque que les descentes eaux vannes soient mise en œuvre en façade et rien n’oblige à ce jour de créer trois vidanges verticales dans ces logements,
– la non-conformité éventuelle avec le règlement de la ville de [Localité 5] ne peut s’analyser en un vice caché susceptible d’empêcher les acquéreurs de jouir normalement du bien ou de réduire l’usage auquel est destiné l’appartement dès lors que cette situation a été présentée comme normale et conforme à M. [P].

Sur ce:

Il ressort de l’article 1103 du code civil que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Aux termes des articles 1641 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si le vice allégué était caché des acquéreuses au moment de la vente, il y a lieu d’observer qu’en tout état de cause ces dernières ne démontrent pas que la présence de la canalisation litigieuse, et son actuelle non-conformité, constitue un vice rendant le bien impropre à son usage, lequel doit s’apprécier au moment de la vente du bien litigieux.

D’une part, Mme [A] et la SCI GRACIEUSE ne démontrent pas l’existence d’un dommage, en l’absence de fuite ou d’odeur nauséabonde provenant de cette canalisation, laquelle n’est donc pas, en tant que telle, de nature à rendre le bien impropre à son usage ou à en diminuer l’usage de manière à justifier que les acquéreuses ne l’auraient pas acquis, ou seulement à moindre prix si elles l’avaient connu.

D’autre part, sur le caractère impropre allégué comme résultant de la non-conformité de la canalisation, M. [P] produit un courrier qu’il a adressé au vendeur le 4 mars 1995, avant d’acquérir le bien litigieux, en copie au notaire rédacteur de l’acte de vente et à l’agence immobilière, dans lequel il attirait son attention sur le fait qu’« il existe un passage d’eaux usées (bruyant et récent) depuis l’étage supérieur qui traverse la salle de bain et la cuisine, il existe donc une servitude. Les travaux que j’ai prévus ne pourront s’accommoder de celle-ci L’appartement du dessus devra donc revoir son installation (Aucune convention écrite ne m’a été présentée), la servitude ne fait donc pas l’objet d’une convention. »

En réponse, l’agence immobilière lui précisait que :
« – l’installation de la colonne d’évacuation, dont vous faites état, a été effectuée en accord et sous le contrôle de l’architecte de l’immeuble
– Les descentes et alimentations d’eau sont considérées comme des parties communes et ne peuvent être modifiées qu’après accord de la copropriété
– les travaux de rénovation des deux chambres situées au-dessus de l’appartement ont été autorisées par une assemblée générale des copropriétaires. »

En outre, M. [P] produit également un courrier de l’architecte de l’immeuble, M. [G] [O], en date du 10 octobre 1994 qui observe, concernant la canalisation litigieuse que « cette disposition, qui utilise un branchement existant sans intervention sur la descente en place, évite le risque d’une obligation de mise en conformité avec le règlement d’hygiène actuel de la Ville et permet à la copropriété de bénéficier de cet « avantage acquis ».

Il résulte de l’ensemble de ces documents qu’au moment de la vente, en 2002, compte tenu de ce que la canalisation litigieuse avait été autorisée par la copropriété, que l’architecte de celle-ci estimait que son branchement était admis par la ville de [Localité 5], cette canalisation qui au demeurant n’entraîne pas de nuisance directe pour le lot acheté, ne rendait pas le bien impropre à son usage au sens de l’article 1641 du code civil précité.

Par conséquent les demandes formées par Mme [A] et la SCI GRACIEUSE, tant au titre de l’action estimatoire de la garantie des vices cachées qu’à titre indemnitaire, seront rejetées.

2. Sur la réticence dolosive

Madame [A] et la SCI GRACIEUSE soutiennent que Monsieur [P] avait connaissance de l’existence de la canalisation et qu’il a lui-même écrit au conseil des demanderesses qu’il a appris, lors de l’acquisition qu’il a faite de l’appartement du 5ème étage, l’existence d’une canalisation en provenance du 6ème étage raccordée à la cuisine de l’étage du dessous et il a écrit au syndic le 17 mars 1997 qu’il envisageait de couper la canalisation en cause afin de mettre un terme aux fuites et aux odeurs nauséabondes qui existaient donc déjà à l’époque.
Elles font valoir que si lors de la vente de l’appartement Madame [A] a bénéficié d’un droit de préférence des lots n° 120, 121 et 122 composant les studios situés au 6ème étage et au-dessus de l’appartement du 5ème, Monsieur [P] n’a pas porté à sa connaissance l’existence d’une canalisation d’eaux usées au 6ème étage raccordée à la cuisine de son appartement du 5ème étage, l’agence en charge de la vente l’ayant alors seulement informée de la cession à venir des lots et de leur superficie et qu’ainsi Monsieur [P] a fait preuve d’une réticence dolosive et les a placées dans une situation illégale et dangereuse.

M. [P] oppose que, pour toutes les raisons ci-dessus énoncées, il a suffisamment justifié de sa bonne foi, qu’il n’avait pas de raison de penser que la présence de la canalisation litigieuse constituait une information déterminante et qu’il avait requis toutes les assurances requises que cette canalisation était parfaitement régulière et ne pouvait pas poser de problèmes, qu’en outre les nuisances essentiellement de nature olfactive en raison d’une remontée des eaux usées dans la baignoire avaient été réglées par la pose d’un clapet anti-retour.

Sur ce :

Aux termes des articles 1130, 1131 et 1137 du code civil, le dol est un vice du consentement, cause de nullité relative du contrat, lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Son caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

L’article 1178 du même code prévoit qu’indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité contractuelle.

En l’espèce, l’information par M. [P] du passage d’une canalisation, qu’il considérait comme constitutive d’une partie commune, dans le lot acquis par Mme [A] et la SCI GRACIEUSE n’est pas déterminante de leur consentement dès lors que cette canalisation ne concernait pas les évacuations des eaux de leur lot mais ceux des logements situés à l’étage supérieur et que les demanderesses n’allèguent aucune conséquence dommageable de l’existence de cette évacuation qui passe par leur lot. Ainsi, elles n’ont à déplorer aucune nuisance sonore ou olfactive et les nombreux dégâts des eaux intervenus par la suite ne proviennent pas de cette canalisation qui n’était pas défectueuse

Enfin, elles ne démontrent pas que le droit de préférence sur les lots du 6ème étage, qui auraient pu être impactés par l’existence d’un branchement non conforme, était déterminant de leur consentement à la vente de leur lot du 5ème étage et qu’elles ont acheté leur lot précisément parce qu’elles voulaient à terme acquérir les lots du 6ème étage.

Au surplus, il n’est pas établi que cette canalisation constituait une partie privative et devait donc figurer dans l’acte de vente.

Ainsi les demanderesses ne démontrent pas que, sans cette information, elles n’auraient pas contracté.

Les demandes indemnitaires formées par Mme [A] et la SCI GRACIEUSE seront rejetées.

3. Sur la procédure abusive

L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, M. [P] sera débouté de sa demande à ce titre, à défaut pour lui de rapporter la preuve d’une quelconque faute ou légèreté blâmable de la part de Mme [A], qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits.

4. Sur les demandes accessoires

Mme [A] et la SCI GRACIEUSE, qui succombent dans la présente instance, seront in solidum condamnés aux dépens et à verser à M. [P] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire par mise à disposition au greffe et en premier ressort :

DÉBOUTE Mme [H] [L] [X] ex-épouse [A] et la SCI GRACIEUSE de leur demande de condamnation de M. [Y] [U] [F] [P] à lui verser la somme totale de 213.745 euros en réparation du préjudice subi sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

DÉBOUTE Mme [H] [L] [X] ex-épouse [A] et la SCI GRACIEUSE de leur demande de condamnation de M. [Y] [U] [F] [P] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

DÉBOUTE Mme [H] [L] [X] ex-épouse [A] et la SCI GRACIEUSE de leur demande de condamnation de M. [Y] [U] [F] [P] à lui verser la somme totale de 213 745 euros en réparation du préjudice subi sur le fondement du dol ;

DÉBOUTE Mme [H] [L] [X] ex-épouse [A] et la SCI GRACIEUSE de leur demande de condamnation de M. [Y] [U] [F] [P] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral sur le fondement du dol ;

DÉBOUTE M. [Y] [U] [F] [P] de sa demande de condamnation de Mme [H] [L] [X] ex-épouse [A] à lui verser la somme totale de 45.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE in solidum Mme [H] [L] [X] ex-épouse [A] et la SCI GRACIEUSE aux dépens ;

CONDAMNE in solidum Mme [H] [L] [X] ex-épouse [A] et la SCI GRACIEUSE à verser à M. [Y] [U] [F] [P] une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 16 Janvier 2025

La Greffière La Présidente
Sophie PILATI Claire BERGER


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