Ventes en ligne des distributeurs agréés : affaire Stihl

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Ventes en ligne des distributeurs agréés : affaire Stihl

7 millions d’euros contre Stihl

L’interdiction contractuelle absolue de revente en ligne, opposée par un fabricant, à ses revendeurs agréés était déjà contraire à l’article 101§1 TFUE mais imposer des restrictions disproportionnées à la vente en ligne (par une clause dédiée) est également illégal. Ces restrictions s’apprécient in concreto. Ainsi la clause imposant aux revendeurs en ligne, une remise en main propre des produits du fabricant peut donner lieu à sanction. L’Autorité de la concurrence a sanctionné à hauteur de 7 millions d’euros le fabricant Stihl pour avoir restreint ses distributeurs agréés de vendre en ligne ses produits de motoculture (cette sanction a fait l’objet d’un recours devant la CA de Paris).

Entre 2006 et 2017, le fabricant avait, de faco, restreint les ventes en ligne de certains produits comme les tronçonneuses, débroussailleuses, élagueuses ou sécateurs à batterie sur les sites Internet de ses distributeurs. Le principe du recours à la distribution sélective pour ce type de produits de même que l’interdiction de les vendre sur des plateformes Internet tierces était légaux mais l’interdiction absolue non. Cette solution s’inscrit directement dans le cadre de la  jurisprudence Coty (CJUE, 6 décembre 2017) sur les critères proportionnés applicables aux restrictions à la vente en ligne de produits en distribution sélective (Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, CJUE, 13 octobre 2011, C‑439/09).

Mise en place d’un réseau de distribution agréée validée

L’Autorité n’a pas remis en cause le recours à la distribution sélective pour des produits qui, comme ceux vendus par Stihl, tels que les tronçonneuses, débroussailleuses, élagueuses, sécateurs à batterie, justifient la mise en place de services d’assistance et de conseil afin d’en préserver la qualité et d’en assurer le bon usage. Compte tenu de la nature des produits vendus par Stihl la mise en place d’un réseau de revendeurs agréés était légitime. En effet, il est toujours possible pour un fabricant de réserver la vente de ses produits à un réseau de revendeurs spécialisés pour des exigences légitimes telles que la vente de produits de haute qualité ou technicité.

La nécessité de contrôler le respect de ces obligations et de préserver son image de marque peut, par ailleurs, justifier l’interdiction de la vente en ligne des produits concernés sur des plateformes tierces mise en place par Stihl. Mais les modalités de vente en ligne définies par Stihl restreignent de façon disproportionnée la concurrence

Pour rappel, aux termes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

S’agissant des accords qui constituent un système de distribution sélective, de tels accords influencent nécessairement la concurrence dans le marché intérieur. Toutefois, l’organisation d’un réseau de distribution sélective ne relève pas de l’interdiction de l’article 101, pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire. Les propriétés d’un produit peuvent nécessiter, pour en préserver la qualité par exemple et/ou en assurer le bon usage, la mise en place d’un tel réseau.

Si l’interdiction absolue de vente en ligne imposée aux revendeurs agréés est sanctionnée, il n’en va pas de même de la clause prohibant la vente en ligne des produits par l’intermédiaire de plateformes tierces qui opèrent de façon visible à l’égard des consommateurs (clause valide). En effet, eu égard à l’absence de relation contractuelle entre le fournisseur et les plateformes tierces lui permettant d’exiger de ces plateformes le respect des conditions de qu’il a imposées à ses distributeurs agréés, rien n’est plus efficace que l’interdiction faite aux  distributeurs de recourir à des plateformes tierces.

Restrictions disproportionnées à la vente en ligne

En exigeant une remise en main propre de ce type de produits par le distributeur à l’acheteur et donc en imposant soit un retrait en magasin, soit une livraison en personne au domicile de l’acheteur, Stihl a de facto interdit la vente de ses produits à partir des sites Internet de ses distributeurs.  Or, cette remise en main propre n’est imposée par aucune réglementation nationale ou européenne portant sur la commercialisation des produits en cause. Aucun contact direct entre le distributeur et l’acheteur ou aucune démonstration ne sont exigés. Seule la remise d’une notice d’utilisation dans la langue de l’acheteur avec la mention de certaines informations spécifiques pour les produits dangereux est obligatoire. En imposant cette remise en main propre, Stihl a retiré tout intérêt à la vente en ligne pour les distributeurs et consommateurs, qui n’ont ainsi pas pu pleinement faire jouer la concurrence entre les distributeurs et bénéficier de prix plus intéressants (jusqu’à 10 % moins cher).

Outre la sanction financière substantielle de 7 millions d’euros, l’Autorité a enjoint à Stihl de modifier ses contrats de distribution sélective afin de stipuler, en termes clairs, que les distributeurs agréés ont la possibilité de procéder à la vente en ligne de tous les produits Stihl et Viking, sans exiger une remise en main propre auprès de l’acheteur. Affaire à suivre …

Questions / Réponses juridiques

Quelle est la sanction imposée à Stihl par l’Autorité de la concurrence ?

L’Autorité de la concurrence a sanctionné Stihl à hauteur de 7 millions d’euros pour avoir restreint la vente en ligne de ses produits de motoculture par ses distributeurs agréés.

Cette sanction découle d’une interdiction contractuelle absolue de revente en ligne, qui est contraire à l’article 101§1 TFUE.

En effet, cette interdiction a été jugée illégale car elle imposait des restrictions disproportionnées à la vente en ligne, notamment par une clause qui exigeait une remise en main propre des produits.

Cette décision a été contestée devant la Cour d’Appel de Paris, ce qui souligne l’importance de la question de la vente en ligne dans le cadre de la distribution sélective.

Quelles restrictions Stihl a-t-il imposées à ses revendeurs en ligne ?

Entre 2006 et 2017, Stihl a imposé des restrictions significatives à la vente en ligne de certains de ses produits, tels que les tronçonneuses, débroussailleuses, élagueuses et sécateurs à batterie.

Ces restrictions incluaient l’interdiction de vendre ces produits sur des plateformes Internet tierces, ce qui était légal dans le cadre de la distribution sélective.

Cependant, l’interdiction absolue de vente en ligne était jugée illégale.

La jurisprudence Coty, ainsi que d’autres décisions de la CJUE, ont établi des critères proportionnés pour les restrictions à la vente en ligne, ce qui a été pris en compte dans l’évaluation des pratiques de Stihl.

Pourquoi la mise en place d’un réseau de distribution agréée est-elle considérée comme légitime ?

L’Autorité de la concurrence a validé la mise en place d’un réseau de distribution agréée pour Stihl, car les produits concernés nécessitent des services d’assistance et de conseil pour préserver leur qualité et assurer leur bon usage.

Les tronçonneuses et autres outils de motoculture sont des produits techniques qui justifient un encadrement spécifique pour garantir leur utilisation correcte.

Il est donc légitime pour un fabricant de restreindre la vente de ses produits à des revendeurs spécialisés, afin de maintenir des standards de qualité.

Cependant, cette légitimité ne doit pas se traduire par des restrictions disproportionnées à la concurrence, ce qui a été le cas avec l’interdiction de vente en ligne.

Quelles sont les implications de l’article 101, paragraphe 1, TFUE sur les pratiques commerciales ?

L’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit tous les accords entre entreprises qui pourraient affecter le commerce entre États membres et qui ont pour effet d’empêcher ou de restreindre la concurrence.

Cela inclut les décisions d’associations d’entreprises et les pratiques concertées.

Dans le cadre de la distribution sélective, bien que ces accords puissent influencer la concurrence, ils ne sont pas interdits tant qu’ils respectent des critères objectifs et non discriminatoires.

Les fabricants peuvent donc établir des réseaux de distribution sélective, mais doivent veiller à ne pas imposer des restrictions qui faussent le marché.

Comment Stihl a-t-il restreint la vente en ligne de ses produits ?

Stihl a restreint la vente en ligne en exigeant que ses distributeurs effectuent une remise en main propre des produits, ce qui a de facto interdit la vente en ligne.

Cette exigence n’était pas fondée sur une réglementation nationale ou européenne, et n’était pas justifiée par la nécessité d’un contact direct entre le distributeur et l’acheteur.

En conséquence, les distributeurs n’ont pas pu tirer parti des avantages de la vente en ligne, ce qui a limité la concurrence et les options pour les consommateurs.

Cette situation a conduit à une sanction de 7 millions d’euros et à une injonction de modifier les contrats de distribution pour permettre la vente en ligne sans remise en main propre.


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