Non-conformité de la vente immobilière et responsabilité du vendeur

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Non-conformité de la vente immobilière et responsabilité du vendeur

L’Essentiel : Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] ont acquis une maison à [Localité 5] en juillet 2020 pour 617 000 euros. Rapidement, des problèmes d’évacuation des eaux usées et d’infiltrations dans la cave sont apparus. Après plusieurs interventions, une expertise judiciaire a confirmé ces défauts. Les époux [L] ont alors assigné les vendeurs, Monsieur [K] et Madame [Z], en référé, demandant une indemnisation de 44 570,01 euros. Le tribunal a reconnu que les problèmes préexistaient à la vente, condamnant les vendeurs à verser 21 170,01 euros pour les non-conformités et 4 000 euros pour le préjudice de jouissance.

Contexte de l’affaire

Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] ont acquis une maison d’habitation à [Localité 5] pour un montant de 617 000 euros, suite à un acte notarié de vente en juillet 2020. Peu après leur emménagement, ils ont rencontré des problèmes d’évacuation des eaux usées et d’infiltrations d’eau dans la cave.

Interventions et constatations

Pour résoudre les problèmes d’évacuation, les époux [L] ont fait appel à un artisan en septembre 2020, suivi d’un constat par un commissaire de justice. Une inspection par caméra des canalisations a révélé des anomalies, et les vendeurs, Monsieur [K] et Madame [Z], ont été sollicités pour une solution amiable, mais ont décliné toute responsabilité.

Procédures judiciaires

Face à l’absence de solution amiable, Monsieur et Madame [L] ont assigné les vendeurs en référé pour obtenir une expertise judiciaire, qui a été ordonnée en mai 2021. L’expert a rendu son rapport en mars 2023, confirmant les problèmes d’assainissement et d’infiltration.

Demandes des demandeurs

Les époux [L] ont demandé au tribunal de constater la non-conformité de la vente et de condamner les vendeurs à les indemniser pour les préjudices matériels et de jouissance, ainsi que pour les frais annexes. Ils ont chiffré leurs demandes à un total de 44 570,01 euros.

Réponse des défendeurs

Monsieur [K] et Madame [Z] ont contesté les demandes des époux [L], demandant leur débouté et réclamant des dommages-intérêts pour action abusive. Ils ont soutenu que les problèmes d’évacuation n’étaient pas de leur responsabilité.

Décisions du tribunal

Le tribunal a constaté que les problèmes d’évacuation des eaux usées préexistaient à la vente et a condamné les vendeurs à indemniser les époux [L] pour les préjudices matériels et de jouissance. Les demandes reconventionnelles des défendeurs ont été rejetées, et ils ont été condamnés aux dépens.

Indemnisation accordée

Monsieur [K] et Madame [Z] ont été condamnés à verser 21 170,01 euros pour les non-conformités affectant l’évacuation des eaux usées, ainsi que 4 000 euros pour le préjudice de jouissance. De plus, ils doivent payer 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’obligation de délivrance conforme du vendeur selon le Code civil ?

L’article 1603 du Code civil stipule que « le vendeur est tenu de délivrer la chose vendue ». Cette obligation de délivrance conforme implique que le vendeur doit remettre à l’acquéreur un bien qui répond aux caractéristiques convenues dans le contrat de vente.

L’article 1615 précise que « l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ». Ainsi, le vendeur doit s’assurer que le bien est en bon état et apte à l’usage prévu.

En cas de non-conformité, l’article 1217 du Code civil permet à l’acquéreur de :

– Refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– Poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– Obtenir une réduction du prix ;
– Provoquer la résolution du contrat ;
– Demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Ces sanctions peuvent être cumulées, et des dommages et intérêts peuvent également être réclamés.

Quelles sont les conséquences de la garantie des vices cachés selon le Code civil ?

L’article 1641 du Code civil énonce que « le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés ». Cela signifie que si un vice caché rend la chose vendue impropre à l’usage auquel elle est destinée, ou diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou l’aurait acquise à un prix moindre, le vendeur est responsable.

L’article 1643 précise que si le vendeur ignorait les vices, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix et au remboursement des frais occasionnés par la vente. En revanche, l’article 1645 stipule que si le vendeur connaissait les vices, il est tenu de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

Il est important de noter que même si le vendeur est de bonne foi, il est tenu à la garantie des vices cachés, surtout s’il s’agit d’un vendeur professionnel, qui est présumé connaître les défauts du bien.

Comment se manifeste la responsabilité du vendeur en cas de non-conformité ?

La responsabilité du vendeur en cas de non-conformité se manifeste par l’obligation de réparer le préjudice causé à l’acheteur. Selon l’article 1217 du Code civil, l’acheteur peut demander réparation des conséquences de l’inexécution de l’obligation de délivrance conforme.

Dans le cas présent, les époux [L] ont constaté des problèmes d’évacuation des eaux usées, ce qui constitue une non-conformité par rapport à ce qui était stipulé dans l’acte de vente. L’expert judiciaire a confirmé que les canalisations étaient en mauvais état, ce qui a conduit à une impossibilité d’utilisation normale de l’immeuble.

Ainsi, les époux [L] peuvent demander des dommages et intérêts pour le préjudice matériel et le préjudice de jouissance, conformément aux articles 1603 et 1217 du Code civil.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais engagés pour la procédure qui ne peuvent pas être récupérés.

Dans cette affaire, les époux [L] ont demandé une indemnité de 9 000 € sur le fondement de cet article. Le tribunal a décidé de leur accorder une somme de 3 500 €, tenant compte des circonstances de l’affaire et des frais engagés.

Cette disposition vise à garantir un accès à la justice en permettant à la partie gagnante de récupérer une partie des frais engagés pour faire valoir ses droits, même si ces frais ne sont pas directement liés à des sommes d’argent dues dans le cadre du litige.

N° RG 23/00228 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XLDC

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 14 JANVIER 2025
50D

N° RG 23/00228
N° Portalis DBX6-W-B7G-XLDC

Minute n°2025/

AFFAIRE :

[F] [L]
[H] [C] épouse [L]
C/
[D] [X] [K]
[R] [Z]

Grosse Délivrée
le :
à
SELARL CABINET D’AVOCAT RAFFAILLAC
SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL

1 copie M. [W] [N], expert judiciaire

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BOULNOIS, Vice-Président, statuant en Juge Unique,

Lors des débats et du prononcé :

Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier

DÉBATS :

à l’audience publique du 12 Novembre 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Monsieur [F] [L]
né le 27 Janvier 1973 à [Localité 4] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Me Amélie CAILLOL de la SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame [H] [C] épouse [L]
née le 26 Février 1973 à [Localité 4] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Amélie CAILLOL de la SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDEURS

Monsieur [D] [X] [K]
né le 17 Octobre 1943 à [Localité 7] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Me Christophe RAFFAILLAC de la SELARL CABINET D’AVOCAT RAFFAILLAC, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame [R] [Z]
née le 28 Mars 1955 à [Localité 6] (DORDOGNE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Christophe RAFFAILLAC de la SELARL CABINET D’AVOCAT RAFFAILLAC, avocat au barreau de BORDEAUX

Après un premier acte notarié de vente conditionnelle en date du 13 février 2020, suivant acte notarié en date du 17 juillet 2020, Monsieur [X] [K] et Madame [R] [Z] ont vendu à Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] épouse [L], une maison d’habitation sise [Adresse 3] à [Localité 5], pour un prix de 617 000 euros.

Se plaignant d’un dysfonctionnement des évacuations des WC, Monsieur et Madame [L] ont fait intervenir un artisan pour déboucher les canalisations le 03 septembre 2020 et ont fait procéder à un constat de commissaire de justice le 15 septembre 2020. Ils ont écrit le 06 octobre 2020 à Monsieur [K] et Madame [Z] pour leur demander une solution amiable au litige.

Monsieur et Madame [L] ont ensuite fait procéder à une inspection visuelle par caméra des canalisations le 16 octobre 2020 en présence d’un commissaire de justice qui a dressé un procès-verbal de constat en date du même jour, outre de Monsieur [K], inspection qui a donné lieu à un rapport en date du 23 octobre 2020.

Par courrier du 20 octobre 2020, Monsieur [K] et Madame [Z] ont répondu à Monsieur et Madame [L] et ont décliné toute responsabilité.

N° RG 23/00228 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XLDC

Faute de solution amiable et se plaignant également d’arrivées d’eau dans la cave et de traces d’humidité sur les murs du salon, Monsieur et Madame [L] ont fait assigner Monsieur [K] et Madame [Z] en référé aux fins de voir ordonnée une expertise judiciaire et par ordonnance de référé en date du 17 mai 2021, il a été fait droit à leur demande et, Madame [U] [A], ensuite remplacée par Monsieur [W] [N], a été désigné en qualité d’expert judiciaire. L’expert a rendu son rapport le 20 mars 2023.

Par acte en date du 30 décembre 2022, Monsieur et Madame [L] ont fait assigner au fond Monsieur [K] et Madame [Z] devant le Tribunal judiciaire aux fins de les voir condamnés à les indemniser d’un préjudice.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2024, Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] épouse [L], demandent au Tribunal de :
Vu les articles 1603 et suivants du code civil, Vu l’article 1641 du code civil,
Sur les dommages relatifs à l’évacuation des eaux usées :
A titre principal, CONSTATER que les consorts [K]/[Z] ont manqué à leur obligation de délivrance conforme
CONDAMNER les consorts [K]/[Z] à indemniser les époux [L] et ainsi à leur verser les sommes suivantes :
– 21 170.01 € avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction au titre du préjudice matériel
– 14 400 € avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure, au titre du préjudice de jouissance
A titre subsidiaire, CONSTATER que les consorts [K]/[Z] sont tenus à la garantie des vices cachés.
CONDAMNER les consorts [K]/[Z] à indemniser les époux [L] et ainsi à leur verser les sommes suivantes :
– 21 170.01 € avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction au titre du préjudice matériel
– 14 400 € avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure, au titre du préjudice de jouissance
Sur les dommages liés aux infiltrations dans le salon :
CONSTATER que les consorts [K]/[Z] sont tenus à la garantie des vices cachés.
CONDAMNER les consorts [K]/[Z] à indemniser les époux [L] et ainsi à leur verser les sommes suivantes :
– 6 147.90 € avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction au titre du préjudice matériel
– 4 000 € avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure, au titre du préjudice de jouissance
Sur les frais annexes, CONDAMNER les consorts [K]/[Z] à verser aux époux [L] une somme de 9 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LES CONDAMNER aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et de constat d’huissier.
REJETER les prétentions indemnitaires des consorts [K] [Z].

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Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 02 mai 2024, Monsieur [X] [K] et Madame [R] [Z] demandent au Tribunal de :
En vertu des dispositions de l’article 1240 du Code civil ;
– DÉBOUTER Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– LES CONDAMNER compte tenu de leur action abusive, solidairement ou l’un à défaut de l’autre à verser la somme de 10.000,00 € (DIX MILLE EUROS) à Monsieur [D] [K] et Madame [R] [Z] à titre de dommages-intérêts ;
– LES CONDAMNER solidairement ou l’un à défaut de l’autre à verser la somme de 8.000,00 € (HUIT MILLE EUROS) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens

L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 octobre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur les évacuations des eaux usées :

Il résulte des articles 1603 et suivants du code civil qu’il existe une obligation pour le vendeur de délivrer une chose conforme. L’article 1615 prévoit notamment que l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

La délivrance suppose que l’acquéreur se voit remettre une chose répondant aux caractéristiques convenues avec le vendeur, quant aux éléments qui la composent et aux qualités qu’elle doit présenter.

En application de l’article 1217 code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement, peut :
refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
obtenir une réduction du prix ;
provoquer la résolution du contrat ;
demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

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En l’espèce, l’acte de vente du 17 juillet 2020 mentionne sous le paragraphe « assainissement » : « le vendeur déclare que l’immeuble est raccordé à un réseau d’assainissement collectif des eaux usées domestiques conformément aux dispositions de l’article L 1331-1 du code de la santé publique » (…). Un contrôle réalisé par le diagnostiqueur en date du 3 décembre 2019, annexé, atteste du raccordement aux réseaux publics des eaux usées. Il en résulte que les parties d’installations visualisées sont conformés au règlement d’assainissement. Le vendeur informe l’acquéreur, qu’à sa connaissance, les ouvrages permettant d’amener les eaux usées domestiques de l’immeuble à la partie publique ne présentent pas d’anomalie ni aucune difficulté particulière d’utilisation ».

L’expert judiciaire a indiqué qu’il a fait tirer les chasses d’eau des 2 WC de l’immeuble lors de la première réunion d’expertise le 18 octobre 2021 (un WC étant situé au rez-de-chaussée et l’autre à l’étage) et qu’il a alors constaté que l’eau s’évacuait difficilement. Lors de la seconde réunion d’expertise le 22 juin 2002, il a fait procéder à une inspection caméra des réseaux EP et EU qui a montré de nombreuses anomalies. Il a précisé que deux canalisations venaient se rejeter dans le tabouret de branchement, l’une véhiculant des eaux usées et pluviales et l’autre uniquement des eaux usées, que la canalisation EP/EU présentait un trou sur sa partie supérieure à 8,30 mètres du tabouret et une fissure importante à 13,10 du tabouret tout en précisant que cette fissure n’était pas « responsable des colmatages », et que la canalisation « EU était effondrée à proximité de la maison ». Il n’a pas fait de contrôle concernant le colmatage entre l’étage et le rez-de-chaussée, en précisant que les problèmes semblaient avoir disparus à ce niveau, et qu’il pensait que ce colmatage était lié au problème de l’évacuation générale ou à un bourrage de papier toilette. Il a ajouté que ces canalisations devaient être déposées et reposées, en séparant les eaux pluviales des eaux usées. S’agissant des causes, l’expert judiciaire a indiqué qu’aucun élément ne permettait de définir les causes de l’écrasement constaté par le passage caméra qui « peut être dû à un affaissement lié aux conditions climatiques, une surcharge, un défaut de pose… ». Il a conclu que les problèmes d’assainissement provenaient vraisemblablement d’un défaut de pose (canalisation mal remblayée) cumulée à une surcharge momentanée qui a détérioré la canalisation et qu’il ne pouvait définir à quel moment les écrasements s’étaient produits. Il a ajouté que les problèmes d’assainissement empêchaient une utilisation normale de l’immeuble et « il est évident que si les acheteurs en avaient eu connaissance, ils auraient demandé une diminution du prix d’achat au moment de la réparation (ce qui laisse penser que les consorts [K]/[Z] ne connaissaient pas le problème) » et a reprécisé dans la réponse à un dire « concernant le problème des eaux usées, ils proviennent d’un effondrement de la canalisation à proximité du mur de la maison. Il nous paraît peu probable que ce problème date d’avant la vente puisqu’il est évident que si les consorts [K]/[Z] en avaient eu connaissance (sic), sachant que ce point leur aurait été reproché immédiatement, ils n’auraient pas pris le risque d’en cacher l’existence ».

Il ressort du rapport d’intervention du 27 juin 2022 de la société Atlantique Services Hygiène, qui a procédé à l’inspection télévisée du réseau d’assainissement, annexé à l’expertise, que la canalisation des eaux usées présentait un effondrement « à l’aplomb du wc » (du rez-de-chaussée).

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Dans son procès-verbal de constat du 15 septembre 2020, le commissaire de justice a constaté que concernant aussi bien les WC du rez-de-chaussée que ceux de l’étage, lorsqu’il actionnait la chasse d’eau, le niveau de l’eau remontait assez rapidement pour se positionner au-dessus du niveau normal et qu’ensuite le niveau redescendait lentement. Il a également constaté que la canalisation partant des WC de l’étage qui se trouvait dans le grenier présentait une « sorte de trappe technique de forme circulaire », « fixée par une colle appliquée grossièrement ».

Le rapport d’inspection visuelle par caméra des canalisations du 23 octobre 2020 de la société Allodébouchage a mis en évidence plusieurs anomalies consistant en la présence de cassures provoquant une perte des déchets et eaux usées dans le sol et permettant une infiltration de déchets provenant du sol dans le réseau d’assainissement et en la présence de débris bloquant la canalisation et créant un bouchon provoquant un défaut d’évacuation de déchets et pouvant gêner un passage caméras. Dans son procès-verbal de constat du 16 octobre 2020, le commissaire de justice qui a assisté aux opérations a noté la présence de points de cassures sur les canalisations et le mauvais état de celles-ci.

En outre, les demandeurs versent aux débats la facture de l’intervention de Monsieur [I], artisan, en date du 03 septembre 2020, pour une « intervention sur canalisation d’évacuation bouchées » qui mentionne à titre de « rapport » : « au vu des difficultés du débouchage, il semblerait y avoir soit : un effondrement ou casse des canalisations, soit une mauvaise altimétrie créant ainsi un siphon sur la longueur de canalisation » et ajoute « à noter : au vu d’une espèce de trappe de visite dans l’évacuation des toilettes de l’étage laisse à penser que le problème ne date « d’aujourd’hui », qu’il n’existe pas non plus d’évent (libre ou à clapet) qui permettrait un échappement de l’air des canalisations ; qu’une partie des eaux pluviales (caniveaux) se déverse dans les eaux usées et donc vers le tout à l’égout ».

Monsieur [K] et Madame [Z] se prévalent d’un devis de la société AZ PLOMBERIE SERVICES en date en date du 26 mai 2015 relatif à une intervention concernant un WC bouché pour affirmer que depuis, ils n’avaient pas connu ce type d’inconvénients et n’avaient pas eu à y remédier. Monsieur et Madame [L] soutiennent au contraire que l’existence de ce devis prouve que les dysfonctionnements étaient préexistants à la vente. L’ancienneté du devis et la seule intervention pour des WC bouchés, obstruction dont l’origine n’est pas connue alors que le devis mentionne seulement « prévoir passage caméra afin de localiser obstacle hydrocurage sur réseaux si nécessaires » ne permet pas d’établir le mauvais état des canalisations à cette date.

Si l’expert judiciaire affirme qu’une diminution de prix aurait été demandée par les acquéreurs qui en auraient eu connaissance « ce qui laisse penser que les consorts [K]/[Z] ne connaissaient pas le problème » ou « qu’il est peu probable que ce problème date d’avant la vente puisqu’il est évident que si les consorts [K]/[Z] en avaient eu connaissance, sachant que ce point leur aurait été reproché immédiatement, ils n’auraient pas pris le risque d’en cacher l’existence », le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expert et celui-ci ne doit pas porter d’appréciation d’ordre juridique en application des articles 246 et 238 du code de procédure civile. D’autre part, la connaissance ou non de l’existence des désordres affectant les canalisations par Monsieur [K] et Madame [Z] est indifférente s’agissant d’une responsabilité recherchée sur le fondement de la délivrance conforme et ne peut être invoquée qu’à l’appui d’une démonstration ou non du caractère préexistant de la non-conformité à la vente.
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Ainsi, alors que l’expert judiciaire a constaté que l’eau s’évacuait difficilement des chasses d’eau des WC dès la première réunion d’expertise le 18 octobre 2021, que l’inspection visuelle caméra des réseaux EP et EU réalisée le 22 juin 2022 (page 8 de son rapport) présentait de nombreuses anomalies allant jusqu’à un effondrement et que ces canalisations devaient être déposées et reposées, en séparant les eaux pluviales des eaux usées, il ressort de la facture de Monsieur [I] du 03 septembre 2020, des deux procès-verbaux de commissaire de justice susvisés et de l’inspection de la société Allodébouchage du 16 octobre 2020 que si l’effondrement constaté par l’expert judiciaire ne s’était pas encore produit, le mauvais état des canalisations et ses difficultés d’utilisation ont été constatés dès le 03 septembre 2020 à tout le moins.

Il n’est pas contesté et indiqué par les défendeurs que Monsieur et Madame [L] ont pris possession des lieux dès l’acte de vente, le 17 juillet 2020.

Si Monsieur [K] et Madame [Z] soutiennent que l’utilisation du bien par les acquéreurs peut être à l’origine du mauvais état des canalisations, d’une part l’occupation de la maison par une famille de quatre personnes apparaît comme une occupation correspondant aux capacités de celle-ci, et, d’autre part, aucun élément ne vient étayer leur hypothèse selon laquelle ce serait l’utilisation de produits non adaptés qui auraient détérioré les canalisations et ce, dès le 03 septembre 2020.

Il en résulte que le mauvais état et le mauvais fonctionnement du réseau d’assainissement des eaux usées préexistait à la vente.

Ainsi, l’immeuble vendu n’était pas conforme pas à sa description dans l’acte de vente selon lequel « les ouvrages permettant d’amener les eaux usées domestiques de l’immeuble à la partie publique ne présentant pas d’anomalie ni aucune difficulté particulière d’utilisation », et Monsieur [K] et Madame [Z] seront tenus à réparation du préjudice en résultant, peu importe la connaissance qu’ils en auraient eu ou non.

L’expert judiciaire a évalué à un coût de 21 170,01 euros le remplacement des canalisations d’assainissement, qu’il a estimé nécessaire, sur la base d’un devis du 25 août 2022 de l’entreprise COREN et aucun élément ne vient remettre en cause le montant de cette évaluation. En conséquence, Monsieur [K] et Madame [Z] seront condamnés à payer à Monsieur et Madame [L] cette somme en réparation de la non-conformité des réseaux, somme qui sera indexée sur l’indice BT 01 du coût de la construction depuis le 25 août 2022, date du devis, et jusqu’au présent jugement.

Les demandeurs sollicitent en outre de se voir indemnisés d’une somme de 14 400 euros au titre d’un préjudice de jouissance. Ils font valoir que s’ils n’ont pas été contraints de déménager, ils ont subi un préjudice de jouissance qui résulte notamment des conclusions de l’expert judiciaire et que compte tenu de l’état des réseaux, Monsieur [L] est contraint de procéder lui-même deux fois par mois à un nettoyage des canalisations et qu’à défaut, les WC seraient inutilisables tandis qu’ils n’utilisent plus les WC de l’étage depuis leur emménagement.

L’expert judiciaire a relevé s’agissant des préjudices que les « problèmes » liés à l’assainissement étaient « réels » mais que « les évacuations se font toujours puisque les époux [L] ont pu continuer à vivre dans cette maison. Le préjudice peut se mesurer aux frais de débouchage que cette situation a engendrés ».

Dès le 15 septembre 2020, Monsieur [L] avait déclaré au commissaire de justice qui l’avait indiqué à son procès-verbal qu’il n’utilisait plus les WC de l’étage de peur que de l’eau ne déborde.

Si des frais tels que le mentionne l’expert judiciaire ne peuvent consister en un préjudice de jouissance, il en résulte néanmoins que l’usage d’un seul toilette sur deux au sein de l’habitation et la nécessité de subir au quotidien des restrictions dans l’évacuation des eaux usées ont causé un préjudice de jouissance depuis l’achat de l’immeuble en juillet 2020, qui sera réparé par l’octroi d’une somme de 4 000 euros eu égard à son ampleur, à sa durée et à sa nature.

En conséquence, Monsieur [K] et Madame [Z] seront condamnés à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, somme consistant en des dommages et intérêts non liés au retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent, qui portera intérêt à compter du jugement, en application de l’article 1231-7 du code civil.

Sur les infiltrations dans le salon :

En application de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés antérieurs à la vente et qui rendent la chose impropre à l’usage auquel elle est destinée ou bien, qui en diminuent tellement l’usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou bien à un prix moindre.

L’article 1643 du code civil prévoit que si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente et l’article 1645, que, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.
Le vendeur est tenu à garantie même s’il ignorait, en toute bonne foi, les défauts de la chose. Le vendeur professionnel est assimilé à un vendeur de mauvaise foi, car il est censé connaître les vices.

L’acte de vente, par lequel Monsieur [K] et Madame [Z] ont vendu l’immeuble objet du litige, est assorti d’une clause exclusive de garantie des vices cachés, conforme à l’article 1643 du code civil, de telle sorte qu’en présence de cette clause dont la validité n’est pas contestée, il appartient aux demandeurs de démontrer que les vendeurs connaissaient l’existence des vices qu’ils invoquent, s’ils ne sont pas des professionnels de l’immobilier.

L’expert judiciaire a indiqué avoir constaté le désordre allégué lors de la première réunion d’expertise le 18 octobre 2021 et que des traces d’infiltrations étaient visibles en pied de mur dans le salon au niveau de la baie vitrée, ce qui ressort également des photographies produites. Il a ajouté que lors de l’acquisition, ces infiltrations n’étaient pas visibles et ne pouvaient pas être décelées par un acquéreur profane et qu’elles étaient « connues des vendeurs puisqu’ils avaient fait faire un devis pour y remédier, mais ces travaux n’ont pas été réalisés en totalité ». Il a précisé qu’un traitement de l’étanchéité des murs avait été réalisé mais que le cuvelage de la jardinière (qui se trouve à l’extérieur au niveau du pied du mur présentant les infiltrations) n’avait pas été effectué. Il a conclu que les infiltrations provenaient de la jardinière qui n’avait pas été étanchée.

Monsieur [K] et Madame [Z] versent aux débats une facture en date du 20 avril 2018 de la société MURPROTEC relative à la pose d’une barrière d’étanchéité à cette même date pour un montant de 2 089,50 euros, le procès-verbal de réception définitive des travaux en date également du même jour et un certificat de garantie trentenaire du « traitement anti-remontées capillaires » qui bénéficie également aux futurs propriétaires de l’immeuble en cas de vente. En annexe au rapport d’expertise figure le devis de la société MURPROTEC qui avait été réalisé pour Monsieur [L] pour la « reconstruction de la barrière d’étanchéité ». Le devis indique que « le bâtiment expertisé présente des défauts structurels d’étanchéité à l’humidité grimpante, que les traces d’humidité et de salpêtre relevées lors du diagnostic sur et en pied de mur indiquent une attaque sévère de la maçonnerie à partir des fondations et des zones en contact avec la terre, que la configuration des locaux expertisés impose de reconstituer d’urgence une bande d’arase afin de stopper la progression de l’humidité ascensionnelle au-dessus de la ligne d’injection. Le devis ajoute que « la mise en place d’une barrière horizontale en coeur de mur, parfaitement étanche aux remontées capillaires de l’humidité et des polluants des sols (…) garantira l’arrêt de la destruction du mur (matériaux et liants) ». Le devis, d’un montant de 1 788 euros, est effectué pour le traitement de l’humidité grimpante et mentionne « l’installation de la barrière horizontale » outre le coût des prestations liées à l’approvisionnement, au nettoyage du chantier et au recyclage des matériaux. Est également annexé au rapport d’expertise judiciaire un bon de commande en date du 28 mars 2018 qui concerne : « ouvrages de petite maçonnerie, catégories de murs enterrés » pour un coût de 693,56 euros, bon de commande qui est barré et qui porte la mention « annuler », outre un schéma sur lequel apparaissent les murs qui feront l’objet du traitement et une croix au niveau de la baie vitrée et de la jardinière accompagnée de la mention « cuvelage : 2,16 m² non fait, ne pas faire ». Un rapport technique de la société MURPROTECT également annexé au rapport d’expertise mentionne concernant l’état des lieux et les précisions sur le traitement : « traitement côté façade ouest, principalement par l’extérieur, réalisation d’une barrière étanche par injection sous pression à environ 11 cm du sol (…) A noter en hiver condensation sur le bow window. En cas d’infiltrations par la jardinière, il faudrait étancher celle-ci par l’extérieur ».

Au cours de l’expertise, Monsieur [K] et Madame [Z] ont indiqué que c’était le chef de chantier de la société MURPROTECT qui avait estimé qu’il n’était pas nécessaire de réaliser la protection de la jardinière tandis que le représentant de la société présent à une réunion d’expertise avait indiqué que c’était eux qui avaient annulé le bon de commande.

L’acte de vente du de l’immeuble mentionne la réalisation de la barrière d’étanchéité par la société MURPROTECT et l’annexion de la facture et du procès-verbal de réception des travaux.

Il résulte des constatations de l’expert que, malgré le traitement intervenu, le vice, grave tel que cela ressort du devis de la société MURPROTEC en ce qu’il affecte l’étanchéité de la maison et relève de défauts structurels, était caché au moment de la vente, et est réapparu ensuite. Il s’agit ainsi d’un vice caché antérieur qui diminue tellement l’usage de la maison que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou bien à un prix moindre s’il l’avait connu.

Néanmoins, alors que Monsieur [K] et Madame [Z] avaient fait procéder à des travaux de reprise par un professionnel tenu à une obligation de résultat consistant en la réparation de ce vice, travaux qui n’ont donné lieu à aucune réserve et à une garantie, aucun élément ne démontre que le fait que la prestation de « cuvelage » ou « protection de la jardinière » n’a pas été réalisée, implique de leur part une connaissance de ce que les travaux ne remédieraient pas entièrement au vice qui aurait alors été connu d’eux au moment de la vente, alors qu’aucun élément n’établit non plus que le vice serait réapparu entre la fin des travaux et la vente et qu’ils l’ont caché alors.

En conséquence, ils peuvent se prévaloir de la clause d’exonération de la garantie des vices cachés prévue à l’acte de vente. Monsieur et Madame [L] seront ainsi déboutés de leurs demandes d’indemnisation concernant les dommages liés aux infiltrations.

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [K] et Madame [Z] :

L’article 32-1 du Code de procédure civile prévoit que : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».

L’abus de droit nécessite, alors que l’exercice d’une action en justice constitue un droit, de caractériser une faute faisant dégénérer l’exercice de ce droit en abus.

En l’espèce, aucun abus de droit n’est caractérisé à l’encontre de Monsieur et Madame [L] dont il n’est pas démontré qu’ils ont agi par intention de nuire et qui n’ont fait que faire valoir les demandes qu’ils estimaient fondées devant la justice.

La demande reconventionnelle de Monsieur [K] et Madame [Z] sera ainsi rejetée

Sur les demandes annexes :

Monsieur [K] et Madame [Z], qui succombent, seront condamnés aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire mais en ce non compris le coût de constat d’huissier qui relève des frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.

Au titre de l’équité, ils seront condamnés à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire de droit aux termes de l’article 514 du code de procédure civile sera rappelée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

CONDAMNE Monsieur [X] [K] et Madame [R] [Z] à payer à Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] épouse [L] la somme de 21 170,01 euros, indexée sur l’indice BT 01 du coût de la construction depuis le 25 août 2022 et jusqu’au présent jugement, en réparation des non-conformités affectant l’évacuation des eaux usées.

CONDAMNE Monsieur [X] [K] et Madame [R] [Z] à payer à Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] épouse [L] la somme de 4 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, en réparation du préjudice de jouissance résultant des non-conformités affectant l’évacuation des eaux usées.

CONDAMNE Monsieur [X] [K] et Madame [R] [Z] à payer à Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] épouse [L] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE Monsieur [F] [L] et Madame [H] [C] épouse [L] du surplus de leurs demandes.

DÉBOUTE Monsieur [X] [K] et Madame [R] [Z] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre d ‘une procédure abusive.
CONDAMNE Monsieur [X] [K] et Madame [R] [Z] aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La présente décision est signée par Madame BOULNOIS, Vice-Président, le Président, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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