L’Essentiel : Monsieur [D] [K] a vendu des lots de copropriété à Monsieur [X] [H] pour 245 000 euros. Après la vente, Monsieur [H] a signalé des nuisances sonores d’un restaurant, qu’il estime connues des propriétaires précédents, et a demandé une compensation pour des travaux d’isolation. Le conseil de Monsieur [K] a rejeté cette demande, affirmant que Monsieur [H] aurait dû se renseigner avant l’achat. En réponse, Monsieur [H] a assigné Monsieur [K] en justice pour obtenir un remboursement et des dommages-intérêts, invoquant la garantie des vices cachés et la réticence dolosive. Le tribunal a finalement rejeté toutes les demandes de Monsieur [H].
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Exposé du litigeMonsieur [D] [K] a vendu à Monsieur [X] [H] des lots de copropriété dans un immeuble à [Localité 10] pour un montant de 245 000 euros, avec des frais d’agence à la charge de l’acquéreur. Après la vente, Monsieur [H] a signalé des nuisances sonores provenant d’un restaurant situé au rez-de-chaussée, qu’il estime anciennes et connues des propriétaires précédents. Il a demandé une compensation pour les travaux d’isolation nécessaires et les préjudices subis. Réponse du vendeurLe conseil de Monsieur [K] a rejeté la demande de Monsieur [H], affirmant que ce dernier aurait dû se renseigner sur les nuisances avant l’achat. En réponse, Monsieur [H] a mis en demeure Monsieur [K] de lui verser 71 156,02 euros, puis a assigné ce dernier en justice pour obtenir un remboursement partiel du prix de vente et des dommages-intérêts. Arguments de Monsieur [H]Monsieur [H] invoque la garantie des vices cachés, arguant que les nuisances sonores rendent l’appartement impropre à son usage. Il réclame également des dommages-intérêts pour le coût des travaux d’isolation et pour des préjudices personnels liés aux nuisances. De plus, il accuse Monsieur [K] de réticence dolosive, affirmant que ce dernier a sciemment dissimulé l’ampleur des nuisances. Arguments de Monsieur [K]Monsieur [K] conteste les accusations, soutenant que les nuisances sonores ne constituent pas un vice caché et qu’il a informé Monsieur [H] de la présence du restaurant. Il affirme que les nuisances ne compromettent pas l’usage normal de l’appartement et qu’il n’a pas dissimulé d’informations. Il demande également le rejet des demandes de Monsieur [H] et la condamnation de ce dernier aux dépens. Décision du tribunalLe tribunal a examiné les éléments de preuve, y compris des rapports sonométriques et des témoignages, et a conclu que les nuisances sonores ne constituaient pas un vice caché. Il a également rejeté les accusations de réticence dolosive et de manquement à l’obligation précontractuelle d’information. En conséquence, toutes les demandes de Monsieur [H] ont été rejetées, et ce dernier a été condamné à verser des frais à Monsieur [K]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés selon le Code civil ?La garantie des vices cachés est régie par les articles 1641 à 1643 du Code civil. L’article 1641 stipule que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. » L’article 1642 précise que : « Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même. » De plus, l’article 1643 indique que : « Lorsqu’une clause de non garantie des vices cachés a été stipulée à l’acte, cette dernière est écartée lorsque la mauvaise foi du vendeur s’évinçant de sa connaissance du vice caché est démontrée. » Ainsi, pour que l’acquéreur puisse prétendre à l’indemnisation des conséquences d’un vice caché, il doit prouver : – L’existence du vice antérieurement à la vente, Dans le cas présent, M. [H] doit démontrer que les nuisances sonores constituent un vice caché au sens des articles précités, ce qui n’est pas établi selon les éléments de l’affaire. Quelles sont les implications de la réticence dolosive dans le cadre d’une vente immobilière ?La réticence dolosive est encadrée par l’article 1137 du Code civil, qui définit le dol comme : « Le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. » Cet article précise également que constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Pour établir la réticence dolosive, il faut prouver : – Que le vendeur a dissimulé une information déterminante, L’article 1112-1 du Code civil impose également au vendeur une obligation précontractuelle d’information, stipulant que : « Le vendeur est tenu d’une obligation précontractuelle d’information et à ce titre, il doit attirer l’attention de l’acquéreur sur une information déterminante dont il avait connaissance. » Cependant, ce devoir d’information ne s’étend pas à l’estimation de la valeur de la prestation. Dans l’affaire en question, M. [H] doit prouver que M. [K] a sciemment dissimulé des informations sur les nuisances sonores, ce qui n’est pas démontré par les éléments présentés. Au contraire, il semble que M. [K] ait informé M. [H] de la présence d’un restaurant, ce qui contredit l’allégation de réticence dolosive. Comment le manquement à l’obligation précontractuelle d’information est-il évalué par le tribunal ?Le manquement à l’obligation précontractuelle d’information est évalué selon les articles 1112-1 et 1137 du Code civil. L’article 1112-1 stipule que : « Le vendeur est tenu d’une obligation précontractuelle d’information et à ce titre, il doit attirer l’attention de l’acquéreur sur une information déterminante dont il avait connaissance. » Il est important de noter que le manquement à cette obligation ne suffit pas à caractériser le dol par réticence, à moins qu’il ne soit prouvé qu’il y a eu intention de tromper et que l’erreur ainsi provoquée était déterminante pour le consentement. Dans le cas présent, M. [H] doit démontrer que M. [K] a omis de fournir une information essentielle concernant les nuisances sonores, ce qui n’est pas établi. Les éléments de preuve montrent que M. [K] a pris des mesures pour informer M. [H] de la situation, notamment par l’intermédiaire de l’agent immobilier. Ainsi, le tribunal conclut que M. [K] n’a pas manqué à son obligation précontractuelle d’information, et les demandes de M. [H] à ce titre sont rejetées. |
F.C
LE 16 JANVIER 2025
Minute n°25/13
N° RG 22/04703 – N° Portalis DBYS-W-B7G-L2TM
[X], [I], [E] [H]
C/
[D], [T], [O] [K]
Le 16/01/2025
copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
Me SIEBERT – CP08
copie certifiée conforme
délivrée à
Me DESROUSSEAUX – CP322
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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PREMIERE CHAMBRE
Jugement du SEIZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :
Président : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur : Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur : Nadine GAILLOU, Magistrate honoraire,
Greffier : Audrey DELOURME
Débats à l’audience publique du 12 NOVEMBRE 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.
Prononcé du jugement fixé au 16 JANVIER 2025, date indiquée à l’issue des débats.
Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
Monsieur [X], [I], [E] [H]
né le 19 Juin 1990 à [Localité 7] (SARTHE), demeurant [Adresse 2]
Représenté par Maître Gaëlle DESROUSSEAUX, avocat au barreau de NANTES, avocate postulante et par Maître Adrien FLEURY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEMANDEUR.
D’UNE PART
ET :
Monsieur [D], [T], [O] [K]
né le 27 Juillet 1988 à [Localité 8] (VENDEE), demeurant [Adresse 1]
Représenté par Maître Jean-Christophe SIEBERT de la SELARL TORRENS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
DEFENDEUR.
D’AUTRE PART
Suivant acte authentique, reçu le 25 août 2020 par Maître [W] [P], notaire à [Localité 10], avec la participation de Maître [R] [Y], notaire à [Localité 10], assistant l’acquéreur, Monsieur [D] [K] a vendu à Monsieur [X] [H] les lots de copropriété numéros 3 et 14, dans un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 10] (Loire-Atlantique), cadastré section HM, numéro [Cadastre 3], correspondant à un appartement au premier étage et une cave, moyennant le prix de 245 000 euros, outre une rémunération de 11 000 euros pour l’agence Le Petit Bois Immobilier et de 6 125 euros pour la SAS Les Dénicheuses, à la charge de l’acquéreur.
Se plaignant de diverses nuisances, notamment sonores, qu’il estime anciennes et connues des propriétaires successifs de l’appartement, liées à l’exploitation du restaurant situé au rez-de-chaussée, M. [H], par l’intermédiaire de son conseil, a pris l’attache de son vendeur par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mai 2022, afin de trouver une issue amiable. Il précisait que le coût des travaux d’isolation de l’appartement s’élevaient à la somme de 21 156 euros TTC, accompagné d’une maîtrise d’oeuvre spécialisée en isolation phonique devisée entre 2 800 et 5 550 euros, outre les préjudices subis et les frais exposés.
Par lettre officielle du 15 juillet 2022, le conseil de M. [K] n’a pas donné une suite favorable à la demande de M. [H], estimant qu’il lui appartenait de se renseigner sur les éventuelles nuisances résultant de l’exploitation d’un restaurant en rez-de-chaussée et de se faire accompagner, le cas échéant, d’un professionnel pour apprécier si la construction était de nature à lui garantir une isolation répondant à ses critères.
M. [H] a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet 2022, mis en demeure M. [K] de lui payer la somme de 71 156,02 euros.
Par courriel officiel du 1er août 2022, le conseil de M. [H] a rappelé les termes de son courrier du 15 juillet 2022.
M [H] a dès lors, par acte du 30 septembre 2022, assigné devant le tribunal judiciaire de Nantes M. [K], sur le fondement des articles 1103, 1104, 1112-1, 1130, 1137, 1641, 1644 et 1656 du code civil, en paiement de la somme de 71 156,02 euros au titre du remboursement d’une partie du prix de la vente, ainsi qu’en indemnisation des différents préjudices subis, outre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
Il invoque en premier lieu la garantie des vices cachés, dans la mesure où, d’une part, les nuisances sonores sont anciennes, où, d’autre part, M. [K] a gardé le silence sur ce vice et où, enfin, le vice rend la chose impropre à son usage, en raison des nuisances sonores et olfactives constantes et abondantes au sein de l’appartement. Il s’estime fondé à se faire remettre une partie du prix à hauteur de 45 000 euros, compte tenu de la diminution de l’usage du bien issu de la vente en raison du vice l’affectant. Il sollicite en outre des dommages-intérêts, comprenant le coût des travaux d’isolation de l’appartement à hauteur de 21 153,02 euros TTC, ainsi qu’une somme de 5000 euros au titre des acouphènes bilatéraux persistants causés directement par les nuisances sonores subies pendant de nombreux mois. Il demande l’application d’intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 30 juillet 2022.
Il invoque en second lieu une réticence dolosive de la part de M. [K], celui-ci lui ayant sciemment dissimulé l’existence et l’importance des nuisances causées par l’activité de restauration au rez-de-chaussée de l’immeuble où se situe le bien litigieux, dont il n’a été pleinement informé qu’à la mi-février 2021, après la reprise d’activité du restaurant postérieurement aux fermetures administratives liées au Covid-19. Il assure que cette information était connue de M. [K] et qu’il n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, à un moindre prix, s’il avait eu connaissance de cette information avant la réitération de la vente. Il en conclut qu’il est bien fondé à solliciter l’allocation de dommages-intérêts au titre de la réticence dolosive.
Il estime en troisième lieu que M. [K] a manqué à son obligation précontractuelle d’information. Il souligne que lors du processus de vente, le restaurant situé au rez-de-chaussée était fermé, de sorte que, lors de la visite du bien, il n’a pas été en mesure d’identifier les nuisances et leur amplitude, alors que cette information était connue de son vendeur. Il qualifie de déterminante cette information, comme portant sur l’état de l’immeuble.
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Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 16 mai 2023, M. [D] [K] sollicite du tribunal, au visa des articles 1103, 1104, 1112, 1112-1, 1130, 1137 du code civil, de voir :
dire et juger que les conditions de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies ;dire et juger qu’il n’a commis aucune réticence dolosive ;dire et juger qu’il n’a pas manqué à son obligation précontractuelle d’information ;dire et juger mal fondées les demandes formées à son encontre ;débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;condamner M. [H] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens de l’instance ;dire et juger qu’il n’y a pas lieu d’assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire.
S’il admet les nuisances sonores provenant du restaurant situé au rez-de-chaussée, il conteste qu’elles puissent caractériser un vice caché. Il soutient tout d’abord que M. [H] ne démontre pas que l’appartement acquis présenterait un défaut qui lui est propre, tel qu’un défaut d’isolation phonique, dès lors qu’il est connu que les appartements situés dans des immeubles anciens en centre-ville ne sont pas les mieux isolés. Il fait valoir en second lieu qu’il n’est pas démontré que les prétendus bruits constatés soient d’une gravité telle qu’ils affectent substantiellement les conditions d’habitation de l’appartement. Il précise qu’il a vécu de manière sereine près de cinq ans dans cet appartement et qu’il avait même envisagé avec sa compagne d’acquérir l’appartement contigu. Il soutient en troisième lieu qu’il est établi qu’il avait informé M. [H] de la présence d’un restaurant pouvant occasionner du bruit et qu’il appartenait à celui-ci de s’informer que les conditions d’exploitation du local commercial. Il souligne que l’appartement a été mis en vente avant la fermeture administrative des restaurants et bars. Il considère en quatrième lieu qu’il n’est pas prouvé que les bruits dont se plaint le requérant seraient antérieurs à la vente. Il souligne qu’un nouveau restaurant a ouvert ses portes dans le local commercial depuis la vente.
Il conteste en outre toute réticence dolosive. Il soutient tout d’abord qu’il n’a dissimulé aucune information au cours de la vente. Il fait observer que M. [H] a reçu copie de l’ensemble des procès-verbaux des assemblées générales de l’immeuble et a pu avoir connaissance des éventuelles nuisances provenant de ce local commercial. Il estime ensuite que la qualification de dol ne peut être retenue. Il estime qu’il est évident que l’achat d’un appartement situé au-dessus d’un restaurant dans le centre ville de [Localité 10] était susceptible de générer du bruit pour l’occupant de l’appartement et qu’il n’y a pas eu d’intention de sa part de dissimuler les effets de l’exploitation du restaurant dans le cadre de la vente. Il soutient enfin que la connaissance par M. [H] des bruits pouvant être occasionnés par le restaurant ne présentait pas un caractère déterminant de son consentement, dès lors qu’il savait que l’appartement était situé au-dessus de cet établissement.
Il conteste enfin tout manquement à son obligation précontractuelle d’information, puisqu’il n’a dissimulé aucune information à M. [H]. Il souligne qu’en tout état de cause, ce dernier ne l’a jamais directement questionné sur l’existence de ce restaurant, alors que l’enseigne du restaurant était parfaitement visible depuis la rue.
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Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures susvisées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024.
Sur la garantie des vices cachés
Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
L’article 1642 du même code précise que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
C’est à l’acquéreur exerçant l’action en garantie des vices cachés qu’il appartient de rapporter la preuve de l’existence et de la cause des vices qu’il allègue.
L’article 1643 du même code ajoute que lorsqu’une clause de non garantie des vices cachés a été stipulée à l’acte, cette dernière est écartée lorsque la mauvaise foi du vendeur s’évinçant de sa connaissance du vice caché est démontrée.
L’acte authentique du 25 août 2020, qui doit faire la loi entre les parties, contient une clause usuelle de non garantie des vices cachés par le vendeur, libellée comme suit:
“L’ACQUEREUR prend le BIEN dans l’état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le VENDEUR pour quelque cause que ce soit, notamment en raison :
des vices apparents,des vices cachés.S’agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s’applique pas :
si le vendeur a la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, sauf si l’acquéreur a également cette qualité,ou s’il est prouvé par l’ACQUEREUR, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du VENDEUR.”
Il en résulte que pour pouvoir prétendre à l’indemnisation des conséquences de l’existence du vice caché allégué, M. [H] doit démontrer :
– l’existence du vice antérieurement à la vente,
– son caractère caché,
– le fait que le vice rendent l’immeuble impropre à sa destination ou à l’usage auquel on le destine, ou qu’il en diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il l’avait connu,
– la connaissance qu’avait le vendeur du vice, de son ampleur et de ses conséquences, laquelle rend sans effet la clause de non garantie insérée à l’acte.
En l’espèce, il ressort du rapport de mesures sonométriques établi par la ville de [Localité 10] le 7 septembre 2021que “les bruits des équipements du restaurant [5] situé [Adresse 4] à [Localité 10] portent atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé publique, par sa durée, sa répétition ou son intensité. […] Par conséquent, cette situation constitue une infraction à la réglementation relative à la lutte contre les bruits du voisinage.” Il est ainsi relevé que le niveau sonore du bruit de la VMC du restaurant [5] génère des dépassements d’émergences réglementaires dans la chambre de M. [H] et que le niveau sonore du bruit de la hotte de ce restaurant génère des dépassements réglementaires dans le salon de M. [H].
Le procès-verbal de constat du 15 mars 2022 établit que le restaurant dispose d’une mezzanine, visible sur les photographies, de sorte que “les têtes des clients arrivent à hauteur du linteau de l’encadrement haut des ouvertures à quelques centimètres du plancher de l’appartement. […] Dans la chambre, j’entends distinctement les voix de plusieurs personnes, discutant; je les entends rire. Je dois parler assez haut avec M. [H] afin de couvrir ses bruits, notamment lors d’un éclat de voix d’un homme. Les bruits de conversation sont continus. J’entends une personne tousser. J’entends également des bruits de chaise. […] Dans le bureau, […] j’entends un bruit bourdonnant en continue. M. [H] me précise qu’il s’agit du moteur de la hotte de la cuisine du restaurant qui fonctionne pendant de très nombreuses heures dans la journée depuis le matin jusqu’au soir après le service.”
M. [H] produit également un courrier du 4 septembre 2003, donc sept ans avant la vente objet du présent litige, du syndic de copropriété au liquidateur judiciaire du restaurant “[6]” situé [Adresse 2] à [Localité 10], selon lequel “les copropriétaires se plaignent depuis plusieurs années des nuisances apportées par le fonctionnement du restaurant en référence. Le restaurant ne semble notamment pas conforme aux règles en vigueur en matière d’évacuation des odeurs, des eaux (usées et vannes) et des déchets liés à son activité.” Il n’est toutefois pas fait état de nuisances sonores.
Les procès-verbaux des assemblées générales font également état de difficultés avec le restaurant situé au rez-de-chaussée de l’immeuble. Ainsi, lors de l’assemblée générale du 23 juin 1999, soit plus de 10 ans avec la vente objet du présent litige, “comme les années passées, l’assemblée a réaffirmé que l’immeuble n’était pas adapté pour recevoir des restaurants. Le règlement de copropriété semble autoriser l’exploitation de ces commerces au sein de l’immeuble, mais a contrario interdit l’installation sur la façade d’enseignes à caractère commercial. Les restaurateurs encombrent abusivement les parties communes, notamment le hall d’entrée, les caves (de surcroît l’un des restaurateurs occupe une cave dont il n’a pas la jouissance officiellement) et enfin le local-poubelles. […] Par ailleurs, les réserves des restaurateurs sont entreposées au sous-sol, ce qui génère des allées et venues permanentes entre les locaux du rez-de-chaussée et les caves, nécessitant un maintien en position ouverte (avec crochet) de la porte de l’immeuble. Ce libre accès à l’immeuble facilite les cambriolages (certains ont été constatés dans les caves fin 1999).” Lors d’une autre assemblée générale, dont il est difficile pour le tribunal de déterminer laquelle il s’agit au vu de la pièce numéro 4 telle qu’elle est produite, “les copropriétaires ont fait observer qu’ils n’étaient pas fâchés du départ de M. [M]. En effet, depuis plusieurs années le succès commercial croissant de cet établissement était paradoxalement devenu une nuisance importante pour l’immeuble, compte tenu du fait que les locaux du rez-de-chaussée sont totalement inadaptés et inadaptables à cette activité et à celle de même nature. Pas d’issue de secours – aucun dégagement – impossibilité d’en créer – risques d’incendie permanents du fait des appareils utilisés”. Lors de l’assemblée générale du 24 avril 1989, “les copropriétaires et notamment M. [A], ont fait remarquer au syndic que l’occupant du rez-de-chaussée, locataire commercial de Mme [G], causait au reste de l’immeuble un trouble de voisinage important et continu, en diffusant de la musique fort tard dans la nuit.”
Il verse enfin à la procédure un message électronique non daté qui lui a été adressé par M. [J] [N] qui indique: “étant copropriétaire pendant 8 ans du restaurant [9] Je souligne effectivement qu’il y avait un problème d’isolation au niveau de la salle du fond à l’étage. M. [K] nous l’avait bien fait remarquer et mon défunt associé, M. [C], était monté chez lui, pour constater ce léger dérangement selon lui (M. [K]). Vu que le bruit ne le dérangeait pas trop. Nous avons continué à exploiter tout en respectant de notre côté. Nous avons essayé au mieux de faire attention au bruit que nous faisions, malgré 2 ou 3 fois où nous avions fait plus de bruit.”
M. [K] produit, pour sa part, plusieurs attestations, dont celle de l’agent immobilier en charge de la vente, qui atteste le 27 octobre 2022 avoir informé l’acquéreur de la présence du restaurant. Les autres attestants certifient n’avoir pas été importunés par l’activité du restaurant situé au rez-de-chaussée. Il verse également un message électronique du 19 août 2020, soit quelques jours avant la signature de l’acte authentique, par lequel il informe l’agent immobilier du “projet d’enseigne pour le nouveau restaurant au [Adresse 2]. La copropriété me demande de valider ou non le projet : il serait bien que M. [H] puisse se prononcer”.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’appartement vendu est situé au-dessus d’un restaurant, qui a changé de direction concomitamment à la vente litigieuse, ce dont M. [H] avait connaissance. L’activité de ce restaurant génère des nuisances sonores de deux types :
– celle liée à la VMC et à la hotte, dont il n’est cependant pas démontré qu’elles étaient antérieures à la vente, étant précisé que le rapport de mesures sonométriques date d’un an après la vente et que les plaintes des anciens copropriétaires concernaient essentiellement des nuisances olfactives;
– celle liée à la clientèle du restaurant, étant précisé que le restaurant présente la particularité d’avoir une mezzanine, de sorte que les clients placés dans la mezzanine sont relativement proches de l’appartement du premier étage, ce qui est susceptible de générer des nuisances sonores plus importantes qu’un restaurant dans lequel les clients sont attablés au niveau du sol. Force est toutefois de constater que cette mezzanine est visible, au vu des photographies jointes au procès-verbal de constat, de l’extérieur. Le caractère caché du vice allégué requis par la loi n’est donc pas caractérisé.
Au surplus, s’agissant de l’ampleur du trouble qui doit être important au point d’empêcher un usage normal du bien ou bien le diminuer celui-ci au point que l’acheteur en aurait donné un moindre prix, les nuisances sonores générées par l’activité du restaurant situé sous l’appartement, si elles sont désagréables et diminuent ponctuellement l’agrément, ne compromettent toutefois pas l’habitation et ainsi l’usage normal de la chose vendue. Le vendeur y a vécu lui-même cinq ans et il l’a cédé pour entamer une autre vie, après avoir vainement tenté d’acquérir l’appartement mitoyen pour y héberger sa famille à venir.
Il s’en suit qu’aucun vice caché au sens des articles 1641 et suivants du code civil tenant aux nuisances sonores générées par l’activité du restaurant situé sous l’appartement vendu n’est démontré.
Sur la réticence dolosive et le manquement à l’obligation précontractuelle d’information
L’article 1137 du code civil énonce que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Le dol consiste ainsi en une manoeuvre ou un mensonge, par commission ou par réticence, ayant pour but et pour effet de surprendre le consentement d’une partie, de provoquer chez le cocontractant une erreur qui le détermine à contracter. Il doit émaner du cocontractant ou de son représentant et est constitué d’un élément matériel et d’un élément intentionnel. L’auteur des manoeuvres, du mensonge ou de la réticence doit en effet avoir agi « intentionnellement pour tromper le contractant ».
Le dol peut porter sur n’importe quel élément du contrat. Mais le demandeur doit établir qu’il n’aurait pas consenti s’il avait connu la réalité, c’est-à-dire que l’élément concerné était pour lui déterminant, ce qu’il pourra établir librement.
La charge de la preuve du caractère intentionnel du comportement du cocontractant et le caractère déterminant du dol allégué pèse sur la personne qui prétend que son consentement a été vicié. Il doit établir la réalité des agissements qui ont provoqué son erreur.
Selon l’article 1112-1 du code civil, le vendeur est tenu d’une obligation précontractuelle d’information et à ce titre, il doit attirer l’attention de l’acquéreur sur une information déterminante dont il avait connaissance.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Le manquement à une obligation précontractuelle d’information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, s’il ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci.
Ainsi, l’existence ou l’absence d’intention de tromper fournit le critère essentiel de distinction entre le dol et le simple manquement à l’obligation précontractuelle d’information.
En l’espèce, il ne ressort pas des pièces produites énumérées ci-dessus que M. [K] aurait dissimulé une information déterminante à son acquéreur. Au contraire, il a veillé à l’informer, par l’intermédiaire de l’agent immobilier, du changement d’enseigne du restaurant et il est suffisamment démontré par l’ancien restaurateur et les amis qu’il a pu héberger qu’il ne se plaignait pas du bruit généré par l’activité du restaurant situé en-dessous de chez lui, si bien qu’il a sérieusement envisagé d’acquérir l’appartement mitoyen pour y loger sa famille à venir.
Il ressort en outre d’un message de la SAS Les Dénicheuses adressé à l’agent immobilier quelques jours avant la signature de l’acte authentique que “le plus important” pour M. [H] “pour pouvoir emménager rapidement, est la connexion internet”. Il ne ressort pas des éléments versés aux débats que M. [H] se ait cherché à en savoir davantage sur l’activité du restaurant, que ce soit auprès de l’exploitant du restaurant alors en activité ou de l’agent immobilier ou même de la SAS Les Dénicheuses qui l’assistait dans sa recherche, contrairement à ce que M. [B] avait fait avant son propre achat, à la lecture de l’attestation de M. [N], co-gérant du Point G. M. [H], qui savait acheter un bien situé au dessus d’un restaurant, n’établit pas le caractère déterminant dans sa décision d’acquérir que pouvait revêtir la qualité sonore de l’environnement du bien considéré.
Ses demandes au titre de la réticence dolosive et du manquement à l’obligation précontractuelle d’information seront dès lors rejetées.
Sur les autres demandes
Succombant, M. [H] sera condamné aux dépens de la présente instance. Il ne peut dès lors prétendre à l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable qu’il prenne en charge les frais que M. [K] a dû engager pour se défendre non compris dans les dépens et évalués à la somme de 3 000 euros.
Rien ne justifie que le présent jugement ne soit pas assorti de l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal,
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
REJETTE l’intégralité des demandes présentées par Monsieur [X] [H], y compris sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE Monsieur [X] [H] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE Monsieur [X] [H] aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Audrey DELOURME Marie-Caroline PASQUIER
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