Vente d’œuvres d’art avec un faux propriétaire : pensez à l’action en revendication

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Vente d’œuvres d’art avec un faux propriétaire : pensez à l’action en revendication

Y compris en matière de vente d’oeuvres d’art, en vertu des dispositions de l’article 2276 du code civil, « en fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »

Pour éviter l’application des dispositions de cet article, il appartient aux appelants de démontrer le vice éventuel ou la précarité de la possession de M. [S], étant précisé que la bonne foi, qui est présumée sauf preuve contraire, s’entend de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis.

En l’espèce, un contrat de vente d’une Miniature d’art a été conclu le 25 janvier 2011 entre M. [Y] [U] et la société The [S] Collection moyennant le prix de 4 millions de dollars.

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust justifient qu’alors que cette convention prévoyait que M. [Y] [U] devait remettre à l’acquéreur « la facture d’origine prouvant l’acquisition de l’oeuvre par la première partie à Hydrocarbon Logistics » ainsi que « tout autre document original ou copie de document prouvant la chaîne ininterrompue de propriété de l’oeuvre d’art couvrant toute la période depuis l’acquisition du folio chez Sotheby’s en avril 1990 », et que l’origine d’une oeuvre d’art constitue un élément essentiel de son authenticité et, partant, de sa valeur, M. [S] n’a en réalité pas procédé à des vérifications approfondies sur l’origine de propriété puisque :

– il a affirmé avoir « appelé Sotheby’s pour vérifier la réalité de ces ventes aux enchères [au début des années 90 et vers la fin des années 90] » alors que Sotheby’s indique dans une lettre n’avoir réalisé aucune autre vente aux enchères publiques de l’oeuvre litigieuse que celle du 23 avril 1996,

– il ne s’est pas préoccupé de la circonstance de la signature par M. [L] de la facture de vente établie par la société Hydrocarbon Logistics datée du 9 novembre 2006.

Au surplus, alors que la vente était conclue au prix de 4 millions de dollars, le prix de vente a été versé par 4 chèques postdatés à des dates comprises entre le 25 février et le 25 mai 2011 libellés à l’ordre de l’épouse de M. [Y] [U], ce qui apparaît un mode anormal de règlement, particulièrement suspect dès lors que les deux parties ont indiqué devant la police des explications divergentes (règlement d’une dette alimentaire de M. [Y] [U] à son épouse selon M. [S], volonté de soustraire ce paiement à des mesures d’exécution forcée diligentées par M. [L] aux dires de M. [Y] [U]).

Enfin, tant M. [S] que M. [Y] [U] ont reconnu devant les services de police et le magistrat instructeur que la valeur réelle de la Miniature était de 12 millions de dollars, ce qui là encore caractérise là encore un élément irrégulier tenant au prix extrêmement avantageux de la cession.

Il convient de dire que l’ensemble de ces éléments démontre la mauvaise foi de M. [V] [S] et la société The [S] Collection lors de l’acquisition de la Miniature.

En conséquence, il convient de faire droit à l’action en revendication de M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust et de condamner la société The [S] Collection LLC à remettre à la Fondation KFT la Miniature intitulée « Minushi Enthroned » sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 60ème jour après la signification de la décision à intervenir. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la recevabilité de l’action de la Fondation KFT et M. [L] à l’encontre de M. [S] et la société The [S] Collection

M. [L] et la Fondation KFT affirment que la recevabilité de leurs demandes à l’encontre de M. [S] et de la société The [S] Collection n’est pas contestable dès lors que leur implication dans l’acquisition de l’oeuvre qu’ils revendiquent est établie. Invoquant l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre, M. [S] indique n’avoir jamais été l’acquéreur de la Miniature litigieuse, soutient que sont inopérants les circonstances qu’il ait participé aux négociations ou que le paiement ait été effectué au moyen de chèques tirés sur son compte et affirme que seule la société The [S] Collection, propriétaire de l’oeuvre, a qualité à défendre à l’instance.

Sur le droit applicable

Les parties s’accordent sur l’application de la loi française au litige, malgré les demandes contradictoires. En vertu de la Convention de Rome, le droit anglais ne s’applique pas. Les demandes des parties sont examinées en fonction de la loi du for.

Sur la demande de restitution de la Miniature

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust justifient leur demande de restitution de la Miniature par des preuves de leur acquisition antérieure. Ils démontrent la mauvaise foi de M. [S] lors de l’acquisition de l’oeuvre. La demande est fondée sur l’action paulienne.

Sur la responsabilité contractuelle de M. [Y] [U]

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust affirment que M. [Y] [U] a violé les obligations résultant de son mandat, ce qui est de nature à engager sa responsabilité contractuelle. M. [Y] [U] conteste l’existence d’un mandat et soutient avoir agi de bonne foi.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [Y] [U]

M. [Y] [U] demande des dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation. Les demandes sont rejetées en l’absence de faute de la part de M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust.

Sur les demandes accessoires

Les demandes de frais irrépétibles et de dépens de première instance sont rejetées pour M. [Y] [U] et M. [V] [S] et la société The [S] Collection. Ils sont condamnés à verser des dommages et intérêts à M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 AVRIL 2024

N° RG 21/03297

N° Portalis DBV3-V-B7F-UQUD

AFFAIRE :

[P] [X] [L] …

C/

[Y] [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mars 2021 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 15/08514

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pauline REY

Me Franck LAFON

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [P] [X] [L]

né le 18 Décembre 1945 à [Localité 13] (IRAN)

[Adresse 10]

[Localité 14] (UNITED KINGDOM)

FONDATION [L] FAMILY TRUST (KFT)

[Adresse 12]

[Localité 5] (LIECHTENSTEIN)

Représentant : Me Pauline REY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 555

Représentant : Me Laurent MERLET de la SELARL MERLET PARENT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0327

APPELANTS

****************

Monsieur [Y] [U]

né le 19 Janvier 1963 à [Localité 15] (IRAN)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Nathalie ROUX de l’AARPI DURAND & ROUX, ASSOCIÉS, A.A.R.P.I., Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 746

INTIME

Monsieur [V] [S]

[Adresse 16]

[Localité 7] – EMIRATS ARABES UNIS

SOCIETE THE [S] COLLECTION LLC

[Adresse 11]

[Adresse 9]

[Localité 8] – EMIRATS ARABES UNIS

S.C.I. ASSAL

N° SIRET : 440 587 756

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Pierre-françois VEIL de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T06

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Madame Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

——–

FAITS ET PROCEDURE :

M. [P] [L], professeur d’université de nationalité iranienne et anglaise, possède une collection des arts du monde islamique gérée par la fondation Nour, filiale de la Fondation [L] Family Trust (ci-après  » la Fondation KFT »).

M. [Y] [U] est un homme d’affaires de nationalité iranienne et française, avec lequel M. [L] et sa fondation sont entrés en relation d’affaires à compter de l’année 2004.

M. [V] [S] est également un homme d’affaires de nationalité iranienne, gérant de la société Assal dont l’objet est notamment 1’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier et mobilier dont des oeuvres d’art.

A compter du mois de mars 2010, les relations d’affaires entre M. [L] et M. [Y] [U] se sont dégradées, donnant lieu à diverses procédures à l’étranger et en France avec l’ouverture d’une information judiciaire contre auteur inconnu le 5 septembre 2014 par réquisitoire introductif du procureur de la République de Paris des chefs de faux et usage de faux et de dénonciation calomnieuse, étendue par deux réquisitoires supplétifs des 27 avril 2015 et 14 septembre 2016 à des faits d’abus de confiance et de recel d’abus de confiance, puis à des faits d’escroquerie.

Le 25 janvier 2011, M. [S] a acquis une oeuvre d’art dite la  » Miniature » au prix de

4 000 000 dollars.

Contestant la validité de cette cession et revendiquant la propriété de la Miniature, par acte d’huissier délivré le 28 mai 2015, M. [L] et la Fondation KFT ont fait assigner M. [Y] [U] et M. [S] devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins principalement de voir condamner M. [Y] [U] à payer à la Fondation [L] Family Trust la somme de 2 000 000 euros en réparation de son préjudice financier et moral et à payer à M. [L] la somme de 1 euro en réparation de son préjudice moral, outre de voir déclarer inopposable à la Fondation la cession de la  » Miniature » intervenue entre M. [Y] [U] et M. [S] et d’obtenir la restitution de l’oeuvre.

Par acte d’huissier délivré le 11 mars 2016, M. [L] et la Fondation ont fait assigner la société Assal en intervention forcée devant ce tribunal.

Par ordonnance du 26 septembre 2016, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances.

Par ordonnance du 30 mars 2018, 1e juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. [L] et la Fondation, faute d’avoir été soulevée avant toute discussion au fond.

Par ordonnance du 28 juin 2019 et conformément à l’accord des parties, le juge de la mise en état a déclaré parfait le désistement d’incident de M. [L] et de la Fondation aux fins de communication de la facture de vente du 25 janvier 2011 de la  » Miniature ».

Par ordonnance du 13 novembre 2020, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. [L] et la Fondation faute d’avoir été soulevée avant toute discussion au fond et faute de caractériser dans quelle mesure la mise en examen de M. [Y] [U] et l’issue de l’information judiciaire conditionneraient l’issue du litige civil, dès lors que le tribunal est saisi au fond sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l’égard de M. [Y] [U] et sur le fondement de l’action paulienne s’agissant de M. [S] et de sa société.

Par jugement du 12 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– reçu l’intervention volontaire de la société The [S] Collection LLC,

– mis hors de la cause la société Assal,

– rejeté les moyens d’irrecevabilité tirés du défaut de qualité à agir de la Fondation [L] Family Trust, du défaut d’intérêt à agir de M. [L] et du défaut de qualité à défendre de M. [S],

– débouté M. [Y] [U] de sa demande de rejeter des débats les attestations de MM. [Z] et [G],

– débouté M. [L] et la Fondation [L] Family Trust de l’ensemble de leurs prétentions,

– rejeté les demandes indemnitaires formées par M. [S] et par la société The [S] Collection LLC,

– débouté M. [Y] [U] et la société Assal de leur demande indemnitaire pour procédure abusive,

– condamné in solidum M. [L] et la Fondation [L] Family Trust à payer la somme de 20 000 euros à M. [Y] [U] et celle de 25 000 euros à M. [S], la société The [S] Collection LLC et la société Assal, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision déférée,

– condamné in solidum M. [L] et la Fondation [L] Family Trust aux dépens, avec recouvrement direct,

– rejeté toutes autres demandes.

Par acte du 20 mai 2021, M. [L] et la fondation [L] Family Trust ont interjeté appel.

Par ordonnance en date du 12 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :

– donné acte à M. [L] et la Fondation KFT de leur désistement partiel d’appel à l’encontre de la société Assal,

– constaté l’extinction de l’instance entre M. [L] et la Fondation [L] Family Trust et la société Assal,

– dit que l’instance se poursuit entre les autres parties,

– constaté le dessaisissement partiel de la Cour,

– laissé les dépens à la charge de la partie qui se désiste.

Par dernières écritures du 6 juin 2023, M. [L] et la fondation [L] Family Trust prient la cour de:

– infirmer le jugement entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté les intimées de leur demande reconventionnelle,

– les juger recevables et bien fondées en leurs demandes,

En conséquence, sur la miniature intitulée « Minushi Enthroned »:

A titre principal:

– les juger recevable et bien fondée dans leur action en revendication,

– condamner M. [S] et la société The [S] Collection LLC à remettre à la Fondation KFT la Miniature intitulée « Minushi Enthroned » sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du 8ème jour après la signification de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

– condamner M. [Y] [U] à restituer le prix de vente de la Miniature s’élevant à la somme de 4 000 000 USD, soit la somme de 3 418 420 euros,

– condamner M. [Y] [U] à payer la somme de 8 000 000 USD soit la somme de 6 836 840 euros, au titre de la perte de chance,

En tout état de cause, sur la responsabilité de M. [Y] [U]:

– condamner M. [Y] [U] au paiement de la somme de 350 000 euros au profit de la Fondation KFT au titre de son préjudice moral,

– condamner M. [Y] [U] au paiement de la somme de 1 euro au profit de M. [L] au titre de son préjudice moral,

– débouter M. [Y] [U], M. [S] et la société The [S] Collection LLC de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner in solidum M. [Y] [U], M. [S] et la société The [S] Collection LLC à payer à la Fondation KFT et M. [L] la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [Y] [U], M. [S] et la société The [S] Collection LLC aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 28 mars 2023, M. [Y] [U] prie la cour de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* débouté M. [L] et la Fondation [L] Family Trust de l’ensemble de leurs prétentions,

* condamné in solidum M. [L] et la Fondation [L] Family Trust à payer la somme de

20 000 euros à M. [Y] [U] et celle de 25 000 euros à M. [S], la société The [S] Collection LLC et la société Assal, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum M. [L] et la Fondation [L] Family Trust aux dépens, avec recouvrement direct,

Y ajoutant,

– condamner, in solidum, la Fondation [L] Family Trust et M. [L] au paiement de la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice lié à l’atteinte et à la réputation de M. [Y] [U], sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du code civil,

– les condamner, in solidum, encore, au paiement de la somme de 50 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous dépens, avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

– débouter la Fondation [L] Family Trust et M. [L] de leurs demandes indemnitaires liés à la perte de chance et à leur préjudice d’image et de réputation, et de toute autre demande à l’encontre de M. [Y] [U].

Par dernières écritures du 19 avril 2023, M. [S] et la société The [S] Collection LLC prient la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* reçu l’intervention volontaire de la société The [S] Collection LLC,

* mis hors de cause la société Assal,

* débouté M. [L] et la Fondation [L] Family Trust de l’ensemble de leurs prétentions,

* condamné in solidum M. [L] et la Fondation KFT à payer la somme de 25 000 euros à M. [S], la société The [S] Collection LLC et la société Assal, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l’exécution provisoire de la décision,

* condamné in solidum M. [L] et la Fondation KFT aux dépens, avec recouvrement direct,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* rejeté les moyens d’irrecevabilité tirés du défaut de qualité à défendre de M. [S],

* rejeté les demandes indemnitaires formées par M. [S] et par la société The [S] Collection LLC,

Statuant à nouveau,

– déclarer M. [L] et la Fondation KFT irrecevables à agir à l’encontre de M. [S],

– déclarer que la société The [S] Collection LLC est légitime propriétaire de la miniature intitulée « Manuchir Enthroned », signée par [W] [T], constituant le folio 60 de l’ouvrage « The Shahnama of Shah Tahmasp, The Persian Book of Kings »,

– déclarer en toute hypothèse irrecevable comme prescrite, au regard du droit anglais application (article 3(2) de la loi sur la prescription (« Limitation Act » de 1980), l’action en revendication exercée par M. [L] et la fondation [L] Family Trust aux termes de leurs conclusions d’appel du 8 août 2021, ou au plus tôt par conclusions du 19 juin 2018,

– condamner in solidum M. [L] et la fondation KFT à verser à M. [S] une somme de

100 000 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamner in solidum M. [L] et la fondation KFT à verser à la société The [S] Collection LLC une somme de 1 000 000 euros à titre de dommages-intérêts,

– débouter M. [L] et la fondation KFT de l’ensemble de leurs moyens, fins et prétentions,

– condamner in solidum M. [L] et la fondation KFT à verser à M. [S] et à la société The [S] Collection LLC une somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. [L] et la Fondation KFT aux dépens, avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 14 avril 2022, la société Assal s’est désisté de l’appel incident qu’elle a formé contre M. [L] et la Fondation KFT.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action de la Fondation KFT et M. [L] à l’encontre de M. [S] et la société The [S] Collection

M. [L] et la Fondation KFT affirment que la recevabilité de leurs demandes à l’encontre de M. [S] et de la société The [S] Collection n’est pas contestable dès lors que leur implication dans l’acquisition de l’oeuvre qu’ils revendiquent est établie.

Invoquant l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre, M. [S] indique n’avoir jamais été l’acquéreur de la Miniature litigieuse, soutient que sont inopérants les circonstances qu’il ait participé aux négociations ou que le paiement ait été effectué au moyen de chèques tirés sur son compte et affirme que seule la société The [S] Collection, propriétaire de l’oeuvre, a qualité à défendre à l’instance

Sur ce,

L’article 32 du code de procédure civile dispose qu’ « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir ». L’article 122 du code de procédure civile précise par ailleurs que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité ».

Dès lors que des demandes sont en l’espèce formées à l’encontre de M. [S], dont il est affirmé qu’il aurait personnellement commis des fraudes, et sans que soit examiné à ce stade de la procédure leur bien-fondé, celui-ci a qualité à défendre à l’instance.

La décision sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de M. [S].

Sur la demande de restitution de la Miniature

Sur le droit applicable

Exposant que les intimés invoquent pour la première fois en cause d’appel l’application du droit français au litige, M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust indiquent que, s’agissant de droits disponibles, le juge n’est tenu de mettre en oeuvre le droit étranger que si une partie le demande et que les parties peuvent librement s’accorder sur l’application de la loi française, cette option liant les parties en appel.

Ils soutiennent que le principe de l’estoppel fait obstacle à ce que M. [S] et la société The [S] Collection sollicitent l’application du droit anglais, ce d’autant que M. [Y] [U] demande quant à lui l’application du droit français.

Ils affirment que cette solution est d’autant plus justifiée que la situation de fait aura les mêmes conséquences juridiques en vertu des droits anglais et français tant pour la prescription que sur le droit de la preuve, la théorie de l’équivalence permettant donc d’appliquer en l’espèce la loi du for.

M. [Y] [U] indique que, bénéficiant de la double nationalité française et iranienne, il sollicite l’application du droit français et réfute celle du droit anglais.

M. [S] et la société The [S] Collection invoquent les nombreux éléments d’extranéité de l’instance et soulignent que le contenu d’un droit réel mobilier comme le mode d’acquisition de ce droit réel sont régis par la loi de situation du meuble ou la loi du contrat.

Ils en déduisent qu’en application de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le droit anglais doit trouver à s’appliquer en raison de la première vente intervenue le 9 novembre 2006 entre la société anglaise Hydrocarbon et M. [Y] [U].

Ils indiquent également que la loi française ne peut s’appliquer à l’action paulienne dès lors que la Miniature ne se situe pas en France et soulignent qu’il appartient en outre aux appelants de démontrer que cette action est admise à la fois par la loi de la créance protégée et par celle de l’acte attaqué.

Ils réfutent solliciter pour la première fois en cause d’appel l’application de la loi étrangère mais affirment l’avoir demandé en première instance.

Sur ce,

En application de l’article 12 du code de procédure civile, « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. »

Pour les droits dont elles ont la disposition, les parties peuvent s’accorder sur l’application de la loi française du for même en présence d’un élément d’extranéité.

En l’espèce, il ressort du jugement querellé que l’ensemble des parties s’est fondé, dans le dispositif de ses conclusions de première instance, sur le droit français et aucun élément ne permet d’établir que M. [S] et la société The [S] Collection auraient invoqué le droit anglais, étant souligné que les conclusions de première instance qu’invoquent les intimés ne sont pas versées aux débats.

La seule circonstance qu’une partie se contredise au détriment d’autrui n’emporte pas nécessairement fin de non-recevoir. Seule est sanctionnée l’attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d’une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions. L’estoppel suppose ainsi la démonstration du comportement procédural déloyal d’une partie et du préjudice qui en résulte pour son adversaire.

En l’espèce, il convient de dire que le fait pour M. [S] et la société The [S] Collection de modifier leur argumentation et de solliciter l’application du droit anglais à hauteur d’appel ne constitue pas un comportement procédural déloyal dès lors que les dispositions de l’article 565 du code de procédure civile leur permettent de former en appel des prétentions dont le fondement juridique est différent dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ce qui est le cas en l’espèce.

La loi applicable aux droits réels dont sont l’objet des biens mobiliers est la loi de leur situation actuelle, la lex rei sitae. En l’espèce, M. [S] et la société The [S] Collection n’allèguent pas que la Miniature se situerait en Grande- Bretagne et aucun critère de rattachement au droit anglais n’apparaît donc établi.

De façon surabondante, à supposer même que la loi du contrat trouve à s’appliquer, le dernier contrat conclu concerne la cession de cette oeuvre de M. [Y] [U] à la société The [S] Collection le 25 mai 2011, qui n’a pas davantage été conclue en Grande- Bretagne mais à [Localité 7] et contient une clause selon laquelle le contrat est régi par le droit de l’Émirat de [Localité 7] et le droit fédéral applicable aux Emirats arabes unis.

Dès lors, M. [S] et la société The [S] Collection sont mal fondés à solliciter l’application du droit anglais.

Les trois parties concluant, à titre subsidiaire pour M. [S] et la société The [S] Collection, à l’application du droit français, il convient de faire application de la loi du for.

Sur la demande de restitution

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust affirment que la Miniature est la propriété de la Fondation pour l’avoir acquise le 17 novembre 2006 de la société Hydrocarbon Logistics, au prix de 1, 4 million de livres, par l’intermédiaire de M. [Y] [U] et rappellent la chronologie des événements.

Ils soutiennent que la mauvaise foi de M. [S] lors de l’acquisition de la Miniature le 25 janvier 2011 est démontrée par :

– son absence de vérification de la provenance de l’oeuvre malgré ses allégations contraires,

– ses déclarations mensongères au sujet de la facture du 9 novembre 2006 qui portait explicitement le nom et la signature de M. [L],

– les modalités anormales du paiement de l’oeuvre puisque M. [S] aurait remis lors de l’achat 4 chèques antidatés à l’ordre de l’épouse de M. [Y] [U],

– la minoration du prix de l’oeuvre, achetée 4 millions de dollars alors qu’elle était estimée à 12 millions,

– la dissimulation de la vente jusqu’en octobre 2011.

Les appelants en déduisent que leur action en revendication est justifiée et que M. [S], acquéreur de mauvaise foi, doit être condamné à leur restituer la Miniature.

Subsidiairement, M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust fondent leur demande de restitution sur l’action paulienne, affirment que les conditions en sont remplies aux motifs que :

– ils étaient titulaires d’une créance antérieure certaine à l’égard de M. [Y] [U] qui avait établi une reconnaissance de dette à hauteur de 86 750 000 dollars,

– M. [Y] [U] s’est appauvri en vendant la Miniature sans percevoir la moindre somme, le règlement ayant été réalisé auprès de son épouse,

– M. [Y] [U] a commis une fraude à leurs droits en procédant à cette vente effectuée dans des conditions particulièrement anormales et en la dissimulant lors du protocole transactionnel du 4 août 2011,

– M. [S] était complice de cette fraude,

et sollicitent en conséquence que la vente à M. [S] leur soit déclarée inopposable , celui-ci devant être condamné à leur restituer l’oeuvre.

M. [Y] [U] affirme que les conditions de l’action paulienne ne sont pas remplies aux motifs que la cession de l’oeuvre n’avait aucun caractère frauduleux, qu’il conteste être redevable d’une dette à l’égard de M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust, qu’il n’était pas insolvable et que l’existence d’un mandat n’est pas démontrée.

Sur ce,

Il est constant que la vente litigieuse de la Miniature est intervenue au mois de novembre 2006, le vendeur étant la société Hydrocarbon Logistics dont le gérant est M. [Z], et qu’aucun contrat de mandat écrit n’a été établi entre M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust et M. [Y] [U] à cette occasion.

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust versent aux débats :

– une facture de vente établie par la société Hydrocarbon Logistics datée du 9 novembre 2006 au nom de M. [Y] [U] et portant un cachet mentionnant « payé le 16 nov », relative à une miniature persane et 5 peintures à l’huile persanes, d’un montant total de 1 400 000 livres signée par M. [Z] et M. [L],

– un avis de débit d’une somme de 1 400 000 livres du compte de la Fondation [L], émis le 17 novembre 2006, mentionnant M. [Y] [U] comme bénéficiaire, la case « détails du paiement » indiquant « prêt (facture) ».

– un courrier adressé par M. [Y] [U] à M. [Z] le 19 novembre 2006 mentionnant « comme nous l’avions évoqué, je vous prie de transmettre les pièces à notre ami commun [X] »,

– un reçu établi et signé par M. [X] [L] le 20 novembre 2006 indiquant : « J’accuse par le présent document réception de : 1 Minulchir intronisé (…) De la part de M. [C] [Z] d’Hydrocarbon Logistics pour le compte de l’acheteur M. [Y] [U] conformément aux instructions faxées par M. [Y] [U] le 19/11/2006″,

Les appelants versent aux débats une attestation de M. [Z], datée du 14 octobre 2016, qui indique notamment  » nous avons convenu des conditions de la vente de la Miniature à son profit [de la Fondation [L]] pour un montant de 1 400 000 livres avec les cinq autres des six tableaux donnés à titre de cadeau en faveur du Professeur [L]. (. . .) Le Professeur m’a dit qu’il envoyait les fonds du prix de vente à son agent [Y] [U] et que les fonds seraient versés sur le compte de Hydrocarbon Logistics par son agent. La facture a été établie au nom de [Y] [U] à cette seule fin. J’ai rencontré [Y] [U] à une date ultérieure (…) il m’a alors confirmé que le Professeur [L] était l’acquéreur et propriétaire véritable des six tableaux et que lui, [Y], n’intervenait qu’en tant que représentant du Professeur [L]. »

M. [Z] a maintenu cette explication, entendu comme témoin par le magistrat instructeur dans le cadre de faits d’abus de confiance, en déclarant sous serment le 30 mai 2018 : « je me souviens en effet de cette vente [de la Miniature] et l’acheteur de cette vente était M. [L]. j’ignore comment M. [L] a organisé le montage de l’achat, s’il a acheté en son nom. (…) Je ne voulais pas vendre cette miniature mais chaque fois que M. [L] venait chez moi, il me demandait de la lui vendre, cela a duré 4 ans », expliquant, sur la « facture » susmentionnée du 9 novembre 2006 « ce document pour moi n’est pas une facture de vente, c’est un document de coordonnées bancaires indiquant l’objet et les coordonnées du virement bancaire. (…) Ce n’était pas une facture de vente à M. [Y] [U]. »

La concordance entre les déclarations réitérées de M. [Z], vendeur de l’oeuvre par l’intermédiaire de sa société, et l’existence d’un virement concomitant du même montant entre la Fondation [L] et M. [Y] [U] suffisent à démontrer que c’est bien la Fondation [L], et non M. [Y] [U], qui a fait l’acquisition de la Miniature en novembre 2006.

Dès lors, M. [V] [S] et la société The [S] Collection n’ont pas acquis en 2011 la Miniature de son réel propriétaire puisqu’ils ont signé un contrat de vente avec M. [Y] [U].

En vertu des dispositions de l’article 2276 du code civil, « en fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »

Pour éviter l’application des dispositions de cet article, il appartient aux appelants de démontrer le vice éventuel ou la précarité de la possession de M. [S], étant précisé que la bonne foi, qui est présumée sauf preuve contraire, s’entend de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis.

Un contrat de vente de la Miniature a été conclu le 25 janvier 2011 entre M. [Y] [U] et la société The [S] Collection moyennant le prix de 4 millions de dollars.

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust justifient qu’alors que cette convention prévoyait que M. [Y] [U] devait remettre à l’acquéreur « la facture d’origine prouvant l’acquisition de l’oeuvre par la première partie à Hydrocarbon Logistics » ainsi que « tout autre document original ou copie de document prouvant la chaîne ininterrompue de propriété de l’oeuvre d’art couvrant toute la période depuis l’acquisition du folio chez Sotheby’s en avril 1990 », et que l’origine d’une oeuvre d’art constitue un élément essentiel de son authenticité et, partant, de sa valeur, M. [S] n’a en réalité pas procédé à des vérifications approfondies sur l’origine de propriété puisque :

– il a affirmé avoir « appelé Sotheby’s pour vérifier la réalité de ces ventes aux enchères [au début des années 90 et vers la fin des années 90] » alors que Sotheby’s indique dans une lettre n’avoir réalisé aucune autre vente aux enchères publiques de l’oeuvre litigieuse que celle du 23 avril 1996,

– il ne s’est pas préoccupé de la circonstance de la signature par M. [L] de la facture de vente établie par la société Hydrocarbon Logistics datée du 9 novembre 2006.

Au surplus, alors que la vente était conclue au prix de 4 millions de dollars, le prix de vente a été versé par 4 chèques postdatés à des dates comprises entre le 25 février et le 25 mai 2011 libellés à l’ordre de l’épouse de M. [Y] [U], ce qui apparaît un mode anormal de règlement, particulièrement suspect dès lors que les deux parties ont indiqué devant la police des explications divergentes (règlement d’une dette alimentaire de M. [Y] [U] à son épouse selon M. [S], volonté de soustraire ce paiement à des mesures d’exécution forcée diligentées par M. [L] aux dires de M. [Y] [U]).

Enfin, tant M. [S] que M. [Y] [U] ont reconnu devant les services de police et le magistrat instructeur que la valeur réelle de la Miniature était de 12 millions de dollars, ce qui là encore caractérise là encore un élément irrégulier tenant au prix extrêmement avantageux de la cession.

Il convient de dire que l’ensemble de ces éléments démontre la mauvaise foi de M. [V] [S] et la société The [S] Collection lors de l’acquisition de la Miniature.

En conséquence, il convient de faire droit à l’action en revendication de M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust et de condamner la société The [S] Collection LLC à remettre à la Fondation KFT la Miniature intitulée « Minushi Enthroned » sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 60ème jour après la signification de la décision à intervenir. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la responsabilité contractuelle de M. [Y] [U]

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust affirment que M. [Y] [U] a violé les obligations résultant de son mandat, ce qui est de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

Ils exposent en effet qu’un mandat oral avait été conclu avec M. [Y] [U], aucun écrit ne pouvant être matérialisé en raison du contexte particulier de cette affaire, M. [Y] [U] leur ayant indiqué (au demeurant faussement) que la Miniature était destinée à être échangée avec le Musée [6], le nom de M. [L] et de sa Fondation, en lien étroit avec l’Etat d’Israël, ne pouvant pas apparaître lors de la transaction.

Ils soulignent avoir déjà conclu d’autres mandats informels avec M. [Y] [U] antérieurement, des relations de confiance réciproque existant à l’époque entre les parties, et affirment que les éléments qu’ils produisent justifient l’existence de ce contrat.

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust réfutent avoir versé la somme de 1, 4 million de livres à M. [Y] [U] à titre de rémunération mais soutiennent qu’il s’agissait du prix d’achat de la Miniature, que M. [Y] [U] se devait donc de leur livrer.

Ils indiquent qu’en tout état de cause, M. [Y] [U] s’est engagé, dans le protocole du 4 août 2011, à leur restituer la Miniature ou à défaut son prix de vente, sans jamais alors les informer de la revente à la société The [S] Collection intervenue le 25 janvier 2011, ce qui atteste de sa mauvaise foi.

Ils affirment subir un préjudice important lié au comportement fautif de M. [Y] [U] et sollicitent sa condamnation à leur verser les sommes de 350 000 euros au titre du préjudice moral de la Fondation KFT et 1 euro au titre du préjudice moral de M. [L].

M. [Y] [U] rappelle à titre liminaire que les accords qu’il a signés entre le 7 janvier et le 4 août 2011 ont été conclus alors qu’il se trouvait dans une situation difficile et en position d’infériorité à l’égard de M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust.

Il conteste tout contrat de mandat conclu avec M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust et souligne que la facture du 9 novembre 2016 le mentionnait comme bénéficiaire, tandis que l’avis de débit du compte de M. [L] indiquait « loan » (i.e. « prêt »), sans mention de la Miniature.

L’intimé affirme que M. [L] lui a remis la Miniature quelques jours après l’avoir reçue et qu’il a alors organisé son expédition vers [Localité 7].

Rappelant le déroulement des échanges entre les parties, M. [Y] [U] souligne que M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust, qui s’étaient abstenus de tout contrat de mandat ou de dépôt malgré la valeur alléguée de l’oeuvre, ne lui ont pas réclamé la Miniature entre 2006 et début 2011.

Il conteste les attestations de M. [Z], Mme [J] et Mme [O] qu’il qualifie de complaisantes et précise que les appelants ne justifient d’aucune rémunération de son mandat ni de prise en charge des frais de déplacement de l’oeuvre.

Il affirme qu’au regard de ces éléments démontrant qu’il était le propriétaire de la Miniature, aucun mandat n’est établi et en déduit que les demandes de restitution et de dommages et intérêts fondée sur ses manquements contractuels ne peuvent prospérer.

M. [Y] [U] soutient que la somme de 1, 4 million de livres qui lui a été versée, à titre de « prêt » selon l’intitulé bancaire, constituait en réalité une avance sur commissions pour les services qu’il avait rendus aux appelants. Il expose qu’en tout état de cause, cette somme figure sur la liste des créances sur la base de laquelle l’ensemble de ses oeuvres d’art ont été saisies et qu’aucune condamnation ne peut donc intervenir à ce titre.

Il rappelle avoir vendu la Miniature en janvier 2011 et indique avoir donc respecté sur ce point les termes du protocole du 4 août 2011 dans lequel il indiquait n’être plus en possession de cette oeuvre.

L’intimé expose avoir régulièrement vendu à la société The [S] Collection la Miniature qu’il avait acquise et précise que les facilités de paiement ont été accordées à l’acquéreur qui ne disposait pas des liquidités suffisantes pour régler en une fois le prix de vente.

M. [Y] [U] affirme que la demande au titre de la perte de chance n’est fondée sur aucun élément objectif et soutient que ni M. [L] ni sa Fondation ne justifient d’une atteinte à leur image et à leur réputation, outre qu’il s’agit d’une responsabilité délictuelle.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Au regard des éléments indiqués plus haut, il est établi que M. [Y] [U] n’était pas propriétaire de la Miniature et qu’il a commis une faute en s’abstenant de la restituer à M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust et en la revendant à M. [V] [S] et la société The [S] Collection.

Cependant, les appelants ne justifiant pas d’un préjudice particulièrement important et dès lors que la restitution de la Miniature est ordonnée, il convient de condamner M. [Y] [U] à leur verser chacun la somme de 1 euro de dommages et intérêts pour leur préjudice moral.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [Y] [U]

M. [Y] [U] affirme que l’action engagée par M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust ne vise qu’à assouvir une vindicte personnelle à son endroit, qu’il a été injustement qualifié d’escroc et qu’il a subi un préjudice justifiant l’octroi de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation.

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust affirment n’avoir commis aucune faute mais soutiennent au contraire avoir été victimes d’agissements frauduleux.

Sur ce,

Il résulte des éléments rappelés plus haut qu’aucune faute de M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust n’est démontrée en l’espèce et M. [Y] [U] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [S]

M. [V] [S] et la société The [S] Collection soutiennent que l’action a été abusivement maintenue à l’encontre de M. [S] alors qu’il était démontré que le contrat de vente avait été signé avec la société [S].

Ils exposent que l’atteinte à la réputation de M. [S] a été importante et a pour conséquence de lui causer un préjudice économique.

M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust affirment n’avoir commis aucun abus de droit et soutiennent que M. [S] et la société [S] sont particulièrement malvenus de se plaindre d’un préjudice alors qu’ils sont seuls responsables des conditions anormales de la vente litigieuse.

Sur ce,

La demande indemnitaire de M. [S] étant explicitement fondée sur l’article 32-1 du code de procédure civile, et le droit de défendre ses intérêts en justice ne dégénérant en abus de nature à justifier l’allocation de dommages-intérêts qu’en cas de mauvaise foi, intention de nuire ou erreur grossière sur ses droits qui ne sont pas démontrés en l’espèce, cette demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le jugement attaqué sera également infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. [Y] [U] et M. [V] [S] et la société The [S] Collection ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doivent supporter in solidum les dépens de première instance et d’appel.

En équité, il convient de les condamner in solidum à verser à M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans la limite de l’appel, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu’il a rejeté le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut de qualité à défendre de M. [V] [S] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société The [S] Collection LLC à remettre à la Fondation KFT la Miniature intitulée « Minushi Enthroned » dans un délai de 60 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

Dit que l’astreinte courra pendant 3 mois;

Condamne M. [Y] [U] à verser à M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust la somme de 1 euro chacun de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum M. [Y] [U] et M. [V] [S] et la société The [S] Collection à verser à M. [X] [L] et la Fondation [L] Family Trust la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [Y] [U] et M. [V] [S] et la société The [S] Collection aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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