L’Essentiel : Un gérant d’entreprise a été affilié au régime social des indépendants (RSI) de décembre 2006 à mars 2014. L’URSSAF a adressé six mises en demeure pour des cotisations impayées, totalisant 24.000 euros. En l’absence de paiement, une contrainte de 19.582 euros a été émise en janvier 2019. Le gérant a déposé une opposition en juillet 2022, contestée par l’URSSAF qui a soutenu la validité de la contrainte. Le tribunal a déclaré l’opposition irrecevable, confirmant la signification conforme de la contrainte et condamnant le gérant aux dépens, ainsi qu’à verser 1.000 euros à l’URSSAF.
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Affiliation au RSI et SuppressionMonsieur [J] [X] a été affilié au régime social des indépendants (RSI) en tant que gérant de l’EURL [7] du 1er décembre 2006 au 5 mars 2014. Le RSI a été supprimé au 1er janvier 2018, transférant ses missions de recouvrement des cotisations aux URSSAF. Mises en Demeure de l’URSSAFL’URSSAF Bretagne a adressé six mises en demeure à M. [X] entre mars et novembre 2013, pour des montants cumulés de 24.000 euros, relatifs à des cotisations et contributions sociales impayées. En l’absence de paiement, une contrainte a été émise le 21 janvier 2019, totalisant 19.582 euros. Opposition à la ContrainteM. [X] a déposé une opposition à la contrainte le 22 juillet 2022. L’affaire a été portée devant le tribunal judiciaire de Rennes, où l’URSSAF a demandé la validation de la contrainte et le paiement des sommes dues. Arguments de l’URSSAFL’URSSAF a soutenu que la contrainte avait été signifiée correctement, précisant que M. [X] n’avait pas informé l’organisme de son changement d’adresse. Elle a également affirmé que les mises en demeure avaient été envoyées dans les délais et que les interruptions de prescription étaient valides. Arguments de M. [X]M. [X] a contesté la validité des contraintes, arguant qu’il n’avait été informé de leur signification qu’en juillet 2022. Il a également soutenu que les montants réclamés étaient erronés et qu’il avait déjà acquitté ses cotisations. Il a demandé l’annulation des contraintes et des dommages-intérêts pour préjudice moral. Décision du TribunalLe tribunal a déclaré l’opposition de M. [X] irrecevable, considérant que la signification de la contrainte avait été effectuée conformément aux règles. M. [X] a été condamné aux dépens et à verser 1.000 euros à l’URSSAF au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de l’opposition à contrainteL’article L. 244-9 du Code de la sécurité sociale stipule que pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard, le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut décerner une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur, a tous les effets d’un jugement. De plus, l’article R. 133-3 du même code précise qu’une contrainte peut être décernée si la mise en demeure reste sans effet au terme d’un mois à compter de sa notification. La contrainte doit être notifiée au débiteur par tout moyen permettant de prouver la date de réception ou signifiée par acte d’huissier de justice. Il est également stipulé que le débiteur peut former opposition dans un délai de quinze jours à compter de la notification ou de la signification. En l’espèce, la contrainte a été signifiée le 7 février 2019, et l’opposition a été formée le 22 juillet 2022, soit bien après l’expiration du délai de recours. Ainsi, l’opposition à contrainte est déclarée irrecevable. Sur la validité de la signification de la contrainteL’article 654 du Code de procédure civile exige que la signification soit faite à personne. Si cela s’avère impossible, l’article 655 permet que l’acte soit délivré à domicile ou, à défaut, à résidence. L’huissier doit relater dans l’acte les diligences accomplies pour effectuer la signification et les circonstances rendant impossible cette signification à personne. En l’espèce, l’huissier a constaté l’absence du débiteur à deux adresses, a effectué des recherches et a obtenu confirmation de son domicile par des voisins. Il a donc accompli des diligences suffisantes pour signifier la contrainte. Le manquement du débiteur à informer l’organisme de son changement d’adresse ne décharge pas l’huissier de son obligation de diligences. Ainsi, la signification de la contrainte est jugée régulière. Sur la prescription des sommes réclaméesL’URSSAF soutient que les mises en demeure ont été adressées moins de trois mois après l’exigibilité de la créance, et que plusieurs interruptions de prescription ont eu lieu. L’article L. 244-9 du Code de la sécurité sociale ne précise pas de délai de prescription spécifique pour les cotisations, mais la jurisprudence indique que le délai de prescription est de cinq ans pour les créances de sécurité sociale. En l’espèce, le débiteur a reconnu avoir formulé des demandes d’échelonnement et de délai de paiement, ce qui constitue des actes interruptifs de prescription. Ainsi, les sommes réclamées ne sont pas prescrites et peuvent être légalement réclamées par l’URSSAF. Sur le montant des cotisations réclaméesL’URSSAF a détaillé les calculs des cotisations sur la base des revenus professionnels connus. Le débiteur conteste ces montants, affirmant avoir acquitté ses cotisations. L’article R. 133-6 du Code de la sécurité sociale stipule que les frais de signification de la contrainte et tous actes de procédures nécessaires à son exécution doivent être pris en charge par le débiteur. En l’absence de preuves comptables fournies par le débiteur pour contester les montants, les demandes de l’URSSAF sont jugées fondées. Ainsi, le tribunal condamne le débiteur au paiement des sommes réclamées. Sur les demandes accessoires et les dépensConformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Le débiteur a été débouté de ses demandes, ce qui entraîne sa condamnation aux dépens de l’instance. L’article 700 du même code permet au tribunal d’allouer une somme à la partie gagnante pour couvrir ses frais. En l’espèce, le tribunal condamne le débiteur à payer à l’URSSAF Bretagne la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700. Les demandes du débiteur à ce titre sont rejetées. |
PÔLE SOCIAL
MINUTE N°
AUDIENCE DU 31 Janvier 2025
AFFAIRE N° RG 22/00709 – N° Portalis DBYC-W-B7G-J4YA
88B
JUGEMENT
AFFAIRE :
URSSAF BRETAGNE
C/
[J] [X]
Pièces délivrées :
CCCFE le :
CCC le :
PARTIE DEMANDERESSE :
URSSAF BRETAGNE
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Madame [T] [S], munie d’un pouvoir
PARTIE DEFENDERESSE :
Monsieur [J] [X]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Maître Laurianne MONTEAU, avocate au barreau de RENNES
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Présidente : Madame Guénaëlle BOSCHER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur Laurent LE CORRE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION
DEBATS :
Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 03 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 31 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [J] [X] a été affilié au régime social des indépendants (RSI) en qualité de gérant de l’EURL [7] entre le 1er décembre 2006 et le 5 mars 2014.
Conformément à l’article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 portant loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, le RSI a été supprimé au 1er janvier 2018 et les missions qui lui étaient attribuées au titre du recouvrement des cotisations et contributions sociales ont été transférées aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF).
L’URSSAF Bretagne a délivré 6 mises en demeure à M. [X] :
Une mise en demeure en date du 13 mars 2013, réceptionnée le 14 mars 2013, d’un montant de 9.990 euros, concernant le règlement des cotisations et contributions sociales des mois de décembre 2012 et février et mars 2013 ainsi que les majorations de retard afférentes ;Une mise en demeure en date du 15 mai 2013, réceptionnée le 16 mai 2013, d’un montant de 1.363 euros, concernant le règlement des cotisations et contributions sociales du mois d’avril 2013 ainsi que les majorations de retard afférentes ;Une mise en demeure en date du 14 juin 2013, réceptionnée le 17 juin 2013, d’un montant de 2.726 euros, concernant le règlement des cotisations et contributions sociales des mois de mai et juin 2013 ainsi que les majorations de retard afférentes ;Une mise en demeure en date du 9 août 2013, réceptionnée le 12 août 2013, d’un montant de 2.726 euros, concernant le règlement des cotisations et contributions sociales des mois de juillet et août 2013 ainsi que les majorations de retard afférentes ;Une mise en demeure en date du 9 octobre 2013, réceptionnée le 11 octobre 2013, d’un montant de 1.363 euros, concernant le règlement des cotisations et contributions sociales du mois de septembre 2013 ainsi que les majorations de retard afférentes ;Une mise en demeure en date du 9 novembre 2013, réceptionnée le 13 novembre 2013, d’un montant de 6.285 euros, concernant le règlement des cotisations et contributions sociales des mois d’août 2012 et octobre et novembre 2013 ainsi que les majorations de retard afférentes.En l’absence de règlement des cotisations, une contrainte, datée du 21 janvier 2019, a été adressée par le directeur de l’URSSAF Bretagne à M. [X], pour un montant total de 19.582 euros de cotisations et contributions sociales et de majorations de retard.
La contrainte a été signifiée à M. [X] par acte d’huissier de justice déposé à l’étude du 7 février 2019.
Par requête déposée au greffe de la juridiction le 22 juillet 2022, M. [X] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes d’une opposition à contrainte.
L’affaire a été appelée à l’audience du 3 décembre 2024.
A cette audience, l’URSSAF Bretagne, maintenant les termes de ses conclusions en date du 15 avril 2024, demande au tribunal de :
A titre principal,
Déclarer irrecevable l’opposition à contrainte formée par M. [X] ;Valider la contrainte du 21 janvier 2019 signifiée le 7 février 2019 pour la somme de 19.582 euros, correspondant aux cotisations et majorations de retard relatives au mois de décembre 2012 ainsi qu’aux mois de février à novembre 2013 ;
Condamner M. [X] au paiement de la somme de 19.582 euros dont 18.423 euros de cotisations et 1.159 euros de majorations de retard relatives au mois de décembre 2012 ainsi qu’aux mois de février à novembre 2013 ;Condamner M. [X] au paiement des frais de signification de la contrainte ainsi que de tous actes de procédures nécessaires à son exécution conformément à l’article R. 133-6 du Code de la sécurité sociale ;Rejeter la demande en condamnation de l’URSSAF Bretagne pour la somme de 2.500 euros au visa de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner M. [X] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;Rejeter l’ensemble des demandes et prétentions de M. [X] ;Délivrer jugement revêtu de la formule exécutoire ;A titre subsidiaire,
Valider la contrainte du 21 janvier 2019 signifiée le 7 février 2019 pour la somme de 19.582 euros, correspondant aux cotisations et majorations de retard relatives au mois de décembre 2012 ainsi qu’aux mois de février à novembre 2013 ;Condamner M. [X] au paiement de la somme de 19.582 euros dont 18.423 euros de cotisations et 1.159 euros de majorations de retard relatives au mois de décembre 2012 ainsi qu’aux mois de février à novembre 2013 ;Condamner M. [X] au paiement des frais de signification de la contrainte ainsi que de tous actes de procédures nécessaires à son exécution conformément à l’article R. 133-6 du code de la sécurité sociale ;Rejeter la demande en condamnation de l’URSSAF Bretagne pour la somme de 2.500 euros au visa de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner M. [X] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;Rejeter l’ensemble des demandes et prétentions de M. [X] ;Délivrer jugement revêtu de la formule exécutoire.A l’appui de ses demandes, elle fait essentiellement valoir que la contrainte a été signifiée par dépôt à étude, l’intéressé étant absent, l’acte de signification précisant que l’huissier a eu la confirmation du domicile du destinataire par des voisins, de sorte que le délai pour former opposition expirait le 22 février 2019.
Sur le fond, l’URSSAF indique que l’huissier s’est rendu au [Adresse 2] mais, constatant que le cotisant n’y résidait plus, a procédé à des recherches qui ont abouti à la découverte d’une seconde adresse au [Adresse 1]. Observant que M. [X] reconnaît lui-même qu’il ne rapporte pas la preuve d’avoir informé l’organisme de son changement d’adresse, elle soutient que le cotisant ne démontre pas qu’à la date de la signification il résidait bien [Adresse 8]. Elle affirme que la jurisprudence sur les diligences citée par la partie adverse est inapplicable en l’espèce dans la mesure où l’étude a procédé à de nombreuses diligences et pas seulement à une enquête de voisinage. Elle ajoute que tous les avis de réception des mises en demeure ont été signés par M. [X] et que M. [N], signataire de la contrainte, était directeur de l’URSSAF depuis le 1er avril 2013.
Sur la prescription, l’URSSAF indique que les mises en demeure ont été adressées moins de 3 mois après l’exigibilité de la créance. Elle soutient en outre que le délai de prescription depuis l’envoi des mises en demeure a subi plusieurs interruptions : la demande d’échelonnement de la dette formulée par le cotisant le 3 décembre 2014, la demande de délai de paiement effectuée par le cotisant par courrier du 28 juillet 2015, le dernier avis avant poursuites du 23 septembre 2016 et la reconnaissance de dette formulée par M. [X] le 23 novembre 2016.
Sur le montant des sommes réclamées, l’URSSAF détaille les calculs qu’elle a réalisés à titre provisionnel puis à titre définitif sur la base des revenus professionnels dont elle avait connaissance et explique que les retards de déclaration de M. [X] sont la cause des discordances alléguées par l’opposant. Elle fait enfin valoir que le cotisant ne communique aucun élément comptable de nature à remettre en cause le calcul des cotisations réclamées.
Monsieur [J] [X], régulièrement représenté, soutenant oralement ses conclusions du 25 mars 2024, prie le tribunal de :
– Dire et juger recevables les oppositions formées par M. [X] sur les contraintes du 21 et 31 janvier 2019 ;
– Dire et juger irrégulières les délivrances des contraintes émises le 21 janvier 2019 et le 31 janvier 2019 par l’URSSAF ;
En conséquence,
Dire et juger nulles les contraintes émises le 21 janvier 2019 et le 31 janvier 2019 ;Sur la nullité de la contrainte,
Constater que M. [X] s’en rapporte à la sagesse du tribunal s’agissant des mises en demeures préalables et de la qualité du signataire ;Sur le fond,
A titre principal,
Dire et juger que les cotisations mentionnées sur la contrainte du 21 janvier 2019 sont prescrites ;Dire et juger que les cotisations sollicitées au sein des deux contraintes des 21 et 31 janvier 2019 sont infondées ;Dire et juger que les cotisations des années 2012, 2013 et 2014 ont déjà été acquittées par M. [X] ;Dire et juger que l’URSSAF a perçu indûment la somme de 19.095 euros ;Condamner l’URSSAF à verser à M. [X] la somme de 19.095 euros à titre des sommes indûment perçues ;A titre subsidiaire,
Dire et juger que les montants des cotisations sollicitées sont erronés et incertains ;Dire et juger que le montant de la contrainte du 31 janvier 2019 s’élève à 0 euro ;Dire et juger que le montant de la contrainte du 31 janvier 2019 s’élève à 13.005 euros ;Condamner l’URSSAF à verser à M. [X] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi ;Débouter l’URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions ;Condamner l’USSARF à verser à M. [X] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner l’URSSAF aux entiers dépens en ce compris ceux éventuels d’exécution.A l’appui de ses prétentions, il expose principalement que les contraintes litigieuses ont été signifiées le 7 février 2019 par voie de dépôt à étude mais qu’il n’en a eu connaissance que le 20 juillet 2022, lorsque les contraintes ont été transmises à son conseil dans le cadre d’une procédure de saisie des rémunérations, de sorte que le délai de 15 jours a commencé à courir au 21 juillet 2022. Il soutient que l’huissier n’a pas délivré l’acte à la dernière adresse connue et qu’il aurait dû réaliser toutes les diligences nécessaires et ne pas se contenter d’une simple enquête de voisinage. Concernant la dernière adresse connue, M. [X] affirme que la contrainte a été déposée au [Adresse 1], soit à son ancienne adresse, alors que l’organisme était parfaitement informé du fait qu’il résidait au [Adresse 2] et que la signification aurait dû être effectuée à cette adresse. Concernant les diligences de l’huissier, il indique que la seule vérification auprès des voisins est insuffisante et qu’il avait déménagé une année auparavant. Reconnaissant qu’il n’est plus en mesure de justifier de l’information relative au changement d’adresse à l’URSSAF, il indique que ce changement ressort de ses bulletins de salaire, d’un courrier que la caisse primaire d’assurance maladie lui a transmis et de son avis d’imposition.
Sur la prescription des sommes sollicitées, M. [X] estime que, même en retenant le jour postérieur au mois qui suit la réception de la dernière mise en demeure comme point de départ de la prescription, la contrainte aurait dû être émise et régulièrement délivrée avant le 12 décembre 2018. Il ajoute que les courriers dont l’URSSAF se prévaut ne sont nullement interruptifs de prescription et qu’en l’absence de créance certaine, aucune reconnaissance de dette n’a pu intervenir.
Sur le fond, M. [X] soutient qu’il s’est toujours acquitté des cotisations dues et que les montants sollicités ne sont en rien justifiés. Il expose que le RSI lui a adressé plusieurs appels de cotisations pour les années 2012 et 2013 mais que les montants ne correspondent pas. Concernant l’année 2014, il indique n’avoir perçu aucun revenu professionnel non salarié, qu’il a dû procéder à la déclaration de son état de cessation des paiements au 1er février 2014 et que sa société a été placée en liquidation judiciaire, que la procédure collective a été clôturée pour insuffisance d’actif et qu’il a cessé son activité dès le 5 mars 2014, ce dont il avait informé l’organisme. Il indique en outre avoir versé des acomptes pour un montant global de 39.879 euros, de sorte qu’il s’est acquitté de la totalité des sommes réclamées et que le l’URSSAF a même perçu la somme de 19.488 euros de manière parfaitement indue.
A titre subsidiaire, M. [X] estime que l’URSSAF ne peut solliciter aucune majoration de retard dans la mesure où la créance est incertaine, que les montants sollicités doivent être diminués au regard des incohérences mises en exergue. Sur le préjudice moral, il expose avoir été particulièrement stressé et avoir dû subir une procédure devant le juge de l’exécution alors même qu’il n’avait pas été informé de la contrainte irrégulièrement signifiée et nulle.
Conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.
Sur la recevabilité de l’opposition à contrainte :
Aux termes de l’article L. 244-9 du Code de la sécurité sociale, pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard, le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut décerner une contrainte qui comporte, à défaut d’opposition du débiteur, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.
Selon l’article R. 133-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, une contrainte peut être décernée si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition.
Aux termes de l’articles 654 du Code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.
L’article 655 du même code dispose que « Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu’à condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. »
L’article 656 du même code précise enfin que « Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
La copie de l’acte est conservée à l’étude pendant trois mois. Passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé.
L’huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l’acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions. »
Le manquement d’un affilié à un régime de sécurité sociale à son obligation de déclarer son changement de situation ou d’adresse ne décharge pas l’huissier de justice de son obligation de procéder à ces diligences (Civ. 2e, 4 mars 2021, n° 19-25.291).
L’huissier ne peut se contenter de dire que l’intéressé habite à l’adresse indiquée (Civ. 2e, 18 mars 1981, n° 78-11.609) ou qu’il n’a pu signifier à personne malgré toutes les démarches effectuées et personnes interrogées (Civ. 2e, 21 juillet 1986, n° 85-10.279). Il ne peut se contenter d’apposer une croix en face d’une mention pré-imprimée de l’acte (Civ. 1ère, 12 janvier 1988, n° 86-16.476).
En principe, il ne peut se contenter d’effectuer une seule diligence, telle que la seule certification de la réalité du domicile par une personne présente dans les lieux loués sans indication de l’identité de celle-ci (Civ. 2e, 22 octobre 1997, n° 95-20.542).
De la même manière, la seule confirmation du domicile par le voisinage, sans autre précision, n’est pas de nature à établir, en l’absence d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte (Civ. 2e, 28 février 2006, n° 04-12.133 ; Civ. 2e, 1er février 2018, n° 16-28.272 ; Civ. 2e, 19 mars 2020, n° 19-12.079 ; Civ. 2e, 30 janvier 2020, n° 18-25.229).
La seule mention, dans l’acte de l’huissier de justice, que le nom du destinataire de l’acte figure sur la boîte aux lettres, n’est pas de nature à établir, en l’absence de mention d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte (Civ. 2e, 8 septembre 2022, n° 21-12.352 et n° 21-16.183).
En revanche, quand d’autres diligences ont été effectuées, la signification est valable. Il en va ainsi lorsque :
le nom des destinataires figurait sur la boîte aux lettres et le domicile avait été confirmé par un voisin dont l’huissier n’était pas tenu de mentionner l’identité (Civ. 2e, 8 mars 2006, n° 04-19.140 ; Civ. 2e, 20 janvier 2011, n° 10-11.903 ; Civ. 2e, 22 février 2012, n° 11-11.392 ; Civ. 2e, 26 septembre 2013, n° 12-23.167 ; Civ. 2e, 27 juin 2013, n° 09-68.865 ; Com., 9 avril 2013, n° 12-15.743),le nom du destinataire figurait sur la boîte aux lettres et le tableau des résidents (Civ. 2e, 1er février 2018, n° 16-13.120) et le domicile avait été confirmé par la mairie (Civ. 2e, 14 octobre 2004, n° 02-19.862),l’acte avait été délivré au siège social de la société et le nom figurait sur la boîte aux lettres et la sonnette (Civ. 2e, 19 mars 2015, n° 14-15.385 ; Civ. 2e, 13 novembre 2015, n° 14-26.088),le nom figurait sur la boîte aux lettres et sur la porte de la résidence et était confirmée par un extrait de l’annuaire produit par ailleurs ; de plus la mise en demeure était revenue non réclamée (Civ. 2e, 16 mai 2012, n 11-16.972).En revanche, lorsque l’huissier instrumentaire s’est rendu à l’adresse indiquée par le cotisant comme étant celle de son domicile, a constaté que le destinataire n’y avait ni domicile, ni résidence, ni établissement, sa société ayant été remplacée par une autre, a consulté l’annuaire électronique et effectué une recherche sur le site societe.com, lequel mentionnait « entreprise radiée », et qu’aucun renseignement complémentaire n’avait pu lui être fourni, le cotisant n’ayant pas avisé la caisse de la liquidation judiciaire des sociétés dont il était le gérant et de son changement de domicile, il y a lieu de juger que l’huissier a accompli des diligences plurales et suffisantes et que l’acte de signification de la contrainte est régulier (Civ. 2e, 30 novembre 2017, n° 16-26.467).
Enfin, il est de jurisprudence constante que la preuve de l’impossibilité de signifier l’acte à personne doit résulter de l’acte de signification lui-même, et non de déclarations postérieures à l’acte (Civ. 2e, 3 octobre 1979, n° 76-14.796 ; Civ. 2e, 26 novembre 1986, n° 85-14.417).
En l’espèce, il est d’emblée observé que M. [X] reconnaît expressément qu’il n’a pas déclaré son changement d’adresse à l’URSSAF.
La contrainte lui a été signifiée par acte d’huissier de justice du 7 février 2019.
L’acte de signification comporte deux adresses :
Une adresse dactylographiée : le [Adresse 2] à [Localité 6], qui correspond à la nouvelle adresse de M. [X],Une adresse inscrite à la main par l’huissier : le [Adresse 1] à [Localité 6], qui correspond à l’ancienne adresse de M. [X].Il doit ainsi être déduit que l’huissier instrumentaire s’est rendu aux deux adresses mentionnées dans l’acte :
d’abord au [Adresse 2], adresse initialement prévue puisque dactylographiée, puis au [Adresse 1], adresse envisagée dans un second temps puisqu’ajoutée manuscritement.De tels éléments, qui résultent directement de l’acte, ne peuvent être remis en cause par l’opposant qu’au moyen d’une procédure en inscription de faux.
M. [X] produit plusieurs pièces afin de démontrer qu’il résidait bien au [Adresse 1] au 7 février 2019 : un bulletin de salaire du mois de juin 2019, un courrier de la caisse primaire d’assurance maladie du 7 février 2019 et son avis d’imposition sur les revenus de l’année 2019.
Une telle démonstration est cependant inopérante dans la mesure où la signification mentionne expressément sa nouvelle adresse, de sorte que l’huissier doit être présumé s’y être rendu.
L’acte indique, au titre des circonstances ayant rendu impossible la signification à personne ou à un tiers présent, que l’intéressé était absent.
En présence de deux adresses inscrites dans l’acte, il convient de dire que l’intéressé était absent de ces deux adresses.
S’agissant de la vérification de la réalité du domicile, l’huissier n’a coché aucune des mentions pré-imprimées de l’acte (tableau des occupants, boîte aux lettres, porte palière, interphone, enseigne commerciale, sonnette ou porte).
Il a en revanche coché la mention de l’acte selon laquelle le domicile du cotisant a été confirmé par des voisins.
Il ressort donc expressément des mentions de l’acte :
Que l’huissier s’est rendu à la nouvelle adresse de M. [X],Qu’ayant constaté son absence, il a manifestement procédé à des recherches et a trouvé son ancienne adresse, qu’il a inscrite sur l’acte,Qu’il s’est rendu à cette ancienne adresse et, constatant une nouvelle fois l’absence du destinataire de l’acte, il a cherché à obtenir la confirmation du domicile du cotisant,Qu’ayant obtenu cette confirmation en interrogeant le voisinage, il a déposé l’avis de passage à l’ancienne adresse, qui constituait la dernière adresse connue du cotisant en l’absence de déclaration à l’organisme du changement d’adresse.Le simple fait que l’huissier ait ajouté l’ancienne adresse de M. [X] sur l’acte démontre qu’il ne s’est pas contenté d’effectuer une enquête de voisinage mais a recherché la dernière adresse connue du destinataire de l’acte afin de procéder à la signification de la contrainte à personne.
Dans ces conditions, l’huissier a accompli des diligences plurales et suffisantes pour signifier la contrainte litigieuse à personne.
Il importe peu que la contrainte mentionne l’ancienne adresse du cotisant, dès lors que la signification a bien été opérée à sa dernière adresse connue et que l’intéressé ne justifie pas avoir informé l’organisme de son changement d’adresse (dans le même sens, v. CA Poitiers, 13 juin 2024, n° RG 22/00132).
Le délai de recours a donc couru à compter du 7 février 2019, de sorte que l’opposition à contrainte du 22 juillet 2022 est tardive et donc irrecevable.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, M. [X] sera condamné aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
Il convient de débouter M. [X] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.
L’équité commande de condamner M. [X] à payer à l’URSSAF Bretagne la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée par M. [X] à ce titre.
Il sera en outre rappelé qu’en application de l’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale, la décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire.
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DECLARE irrecevable l’opposition formée par Monsieur [J] [X] le 22 juillet 2022 à l’encontre de la contrainte qui lui a été signifiée le 7 février 2019,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE Monsieur [J] [X] aux dépens,
CONDAMNE Monsieur [J] [X] à payer à l’URSSAF Bretagne la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE la demande formée par Monsieur [J] [X] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.
La Greffière La Présidente
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