L’Essentiel : En vertu d’un jugement du Tribunal Judiciaire de Toulouse en date du 26 août 2022, des créanciers, à savoir un vendeur et une victime, ont procédé à deux saisies-attribution sur les comptes d’un débiteur et de son épouse, pour un montant total de 39.239,76€. Les débiteurs ont contesté cette saisie, arguant que le titre exécutoire ne leur avait jamais été signifié. Les créanciers ont répliqué en affirmant que les débiteurs n’avaient jamais effectué de paiement. Le tribunal a confirmé la validité du titre exécutoire et a rejeté la demande de cantonnement de la saisie, validant ainsi les saisies-attribution.
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Contexte du LitigeEn vertu d’un jugement du Tribunal Judiciaire de Toulouse en date du 26 août 2022, des créanciers, à savoir un vendeur et une victime, ont procédé à deux saisies-attribution sur les comptes d’un débiteur et de son épouse, tenus dans une banque, pour un montant total de 39.239,76€. Contestations des DébiteursLes débiteurs ont contesté cette saisie par requête en date du 4 septembre 2024, arguant que le titre exécutoire ne leur avait jamais été signifié. Ils ont également demandé que les saisies soient limitées à une somme inférieure, tout en sollicitant la mainlevée des saisies et des dommages-intérêts. Arguments des SaisissantsLes créanciers ont répliqué en affirmant que les débiteurs n’avaient jamais effectué de paiement et que leur demande de saisie conservatoire était irrecevable, insistant sur le fait que les saisies-attribution étaient justifiées. Intervention d’un Co-DébiteurUn co-débiteur a également intervenu, affirmant avoir réglé sa part de la créance et demandant à être mis hors de cause, tout en sollicitant des dommages-intérêts. Validité du Titre ExécutoireLe tribunal a examiné la validité du titre exécutoire, rappelant que la signification d’une décision de justice peut être effectuée même sans possession de la grosse du jugement. Les débiteurs ont affirmé ne pas avoir reçu la signification, mais le tribunal a jugé que les diligences du commissaire de justice étaient suffisantes. Montant de la CréanceLe tribunal a confirmé que les débiteurs étaient condamnés à payer plusieurs sommes, y compris des frais de justice, et a rejeté leur contestation concernant certains montants, les considérant comme dus. Nature des SaisiesLes débiteurs ont confondu les saisies-attribution avec des saisies conservatoires, ce qui a conduit le tribunal à déclarer leur demande irrecevable. Les saisies-attribution ont été validées, car les créanciers avaient respecté les procédures appropriées. Demande de Cantonnement de la SaisieLe tribunal a également rejeté la demande de cantonnement de la saisie, affirmant que les saisies-attribution étaient devenues définitives et que les créances étaient clairement établies. Exemption des Intérêts de RetardLa demande des débiteurs d’être exemptés de la majoration des intérêts de retard a été rejetée, car ils n’avaient pas justifié leur situation financière. Créance du Co-DébiteurConcernant le co-débiteur, le tribunal a constaté qu’il n’était plus redevable de sommes, car les créanciers n’avaient pas exercé leur droit de solidarité. Demandes de Dommages-IntérêtsLes demandes de dommages-intérêts des débiteurs ont été rejetées, car ils avaient été déboutés de toutes leurs prétentions. Condamnation aux DépensEnfin, le tribunal a condamné solidairement les débiteurs à verser des sommes aux créanciers en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, y compris les frais de commissaire de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la validité du titre exécutoire et les diligences du commissaire de justiceEn vertu de l’article 654 al 1er du code de procédure civile, il est stipulé : “Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit à défaut de domicile connu, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification”. De plus, l’article 656 al 1 du même code précise que : “Si personne ne peut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile”. Il est donc essentiel que les diligences du commissaire de justice soient documentées de manière précise. Dans le cas présent, les débiteurs contestent avoir reçu la signification du jugement du 26 août 2022. Ils soutiennent que leurs contradicteurs ont reconnu n’avoir reçu la grosse du jugement qu’en juin 2024, alors que la signification est réputée avoir eu lieu le 7 septembre 2022. Cependant, il est important de noter que la signification d’une décision de justice ne nécessite pas que le commissaire de justice soit en possession de la grosse de cette décision, une simple copie étant suffisante. Les arguments des débiteurs concernant l’absence de signification ne sauraient prospérer, car l’authenticité des actes diligentés par le commissaire de justice est présumée jusqu’à preuve du contraire. Ainsi, la validité et l’opposabilité du titre exécutoire à ces débiteurs ne seront pas remises en cause. Sur le montant de la créanceIl est établi que les débiteurs ont été condamnés au paiement des sommes suivantes par le jugement du 26 août 2022 : – 18.967,85€ au principal L’article 695 du code de procédure civile énonce que : “Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent : 1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ; 2° Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ; 3° Les indemnités des témoins ; 4° La rémunération des techniciens ; 5° Les débours tarifés ; 6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels ; 7° La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ; 8° Les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger ; 9° Les frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (UE) 2020/1783 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale (obtention des preuves) (refonte) ; 10° Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072, 1171 et 1221 ; 11° La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l’article 388-1 du code civil ; 12° Les rémunérations et frais afférents aux mesures, enquêtes et examens requis en application des dispositions de l’article 1210-8”. Les débiteurs contestent devoir la somme de 715,54€, qui correspond au coût total des assignations délivrées en référé et au fond, ainsi que les actes de signification. Cependant, ces sommes relèvent des frais et débours tarifés, fixés par décret, et sont donc dues par les débiteurs. Concernant la somme de 7.338,18€ mentionnée dans le décompte du commissaire de justice, il s’agit des frais d’expertise, qui sont également dus par les débiteurs, car ils ont succombé à l’instance au fond et ont été condamnés aux entiers dépens. Les moyens soulevés par les débiteurs seront donc rejetés. Sur les saisies-attributionLes débiteurs évoquent des “saisies conservatoires”, régies par l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution, qui stipule : “Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire”. Cependant, il est clair que la contestation des débiteurs porte sur des saisies-attribution et non sur des saisies conservatoires. L’article 12 du code de procédure civile précise que : “Le juge (…) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée”. Ainsi, il sera statué sur les demandes concernant les saisies-attribution. Conformément aux articles L. 211-1 et R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire peut saisir les créances de son débiteur. Dans cette affaire, les saisies-attribution mises en œuvre apparaissent régulières, d’autant plus que les débiteurs ont acquiescé à ces mesures par acte du 19 août 2024. Sur la demande de cantonnement de la saisieL’article L211-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “L’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. La notification ultérieure d’autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d’un jugement portant ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution”. Étant donné l’effet attributif des actes de saisie, et puisque ni le montant de la créance du saisissant ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables, les saisies-attribution seront validées. La banque, en tant que tiers saisi, devra payer les sommes déjà saisies au profit des créanciers. Sur la demande d’exemption des intérêts de retardL’article L313-3 du code monétaire et financier stipule : “En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant”. Dans cette affaire, les débiteurs ayant succombé dans leurs demandes et n’ayant pas justifié de leur situation financière, la demande d’exemption sera rejetée. Sur le montant de la créance de Monsieur [Y]Le jugement du 26 août 2022 a condamné les débiteurs in solidum avec un autre débiteur, mais à concurrence de 10% des sommes dues pour ce dernier. Les créanciers ont poursuivi séparément ce débiteur, ce qui a permis d’apurer la créance. Le bénéfice de la solidarité n’ayant pas été exercé, il est établi que ce débiteur n’est plus redevable d’aucune somme. Le décompte des sommes dues par les débiteurs a été régulièrement ajusté, et le moyen soulevé sera rejeté. Sur les demandes de dommages intérêtsL’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose : “Le Juge de l’exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcées ou des mesures conservatoires”. De plus, l’article L121-3 du code des procédures civiles d’exécution précise que : “Le Juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages intérêts en cas de résistance abusive”. Les débiteurs étant déboutés de l’ensemble de leurs prétentions, toute demande sur ce fondement sera rejetée. Sur les demandes annexesAu regard de la nature de l’affaire, de son contexte et de la durée du contentieux, il convient de condamner solidairement les débiteurs à la somme de : – 3.000€ au bénéfice des créanciers en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les frais de commissaire de justice. Le tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort, déclare les débiteurs irrecevables en toutes leurs demandes concernant une quelconque saisie conservatoire, les déboute de l’ensemble de leurs demandes concernant les saisies-attribution, valide les saisies-attribution pratiquées, et rejette toutes les demandes complémentaires. Le jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel n’ayant pas d’effet suspensif. |
JUGEMENT DU : 05 Février 2025
DOSSIER : N° RG 24/04172 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TJPL
NAC : 78M
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
JUGEMENT DU 05 Février 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
En application de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 22 Janvier 2025, en audience publique, sans opposition des avocats devant :
Madame Sophie SELOSSE, Vice-Président chargé du rapport
Qui ont rendu compte au Tribunal dans son délibéré composé de
Madame Sophie SELOSSE, Vice-Président
Monsieur Robin PLANES, Vice-Président
Monsieur Jean-Michel GAUCI, Vice-Président
GREFFIER lors du prononcé
Mme Emma JOUCLA
JUGEMENT
Contradictoire, rendu après délibéré et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe. Rédigé par Mme Sophie SELOSSE.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDEURS
M. [U] [I]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 11] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 8]
représenté par Me Eric ZERBIB, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, vestiaire : 190
Mme [W] [E] épouse [I]
née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 9] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Eric ZERBIB, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, vestiaire : 190
DEFENDEURS
M. [N] [S]
né le [Date naissance 7] 1982 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 4]
représenté par Maître Hélène SIMEON de la SCP D’AVOCATS COTTIN – SIMEON, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 80
Mme [L] [P]
née le [Date naissance 6] 1983 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Maître Hélène SIMEON de la SCP D’AVOCATS COTTIN – SIMEON, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 80
M. [J] [Y],
né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 14],
demeurant [Adresse 5]
représenté par Maître Corine CABALET de la SELARL SELARL TERRACOL-CABALET AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 257
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Vu l’ordonnance de clôture du 22 Janvier 2025, l’affaire a été mise en délibéré, et le Tribunal a rendu ce jour le jugement suivant :
En vertu d’un jugement du Tribunal Judiciaire de Toulouse en date du 26 août 2022, par actes de commissaire de justice en date du 9 août 2024 dénoncés le 13 août 2024 à Monsieur [U] [I] et Madame [W] [I] née [E], Monsieur [S] et Madame [P] ont fait diligenter deux saisies-attribution sur les comptes de ces derniers, tenus dans les livres de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL sise à [Localité 13] et pour un montant de 39.239,76€.
Par requête en date du 4 septembre 2024, Monsieur et Madame [I] ont saisi la présente juridiction en contestation de cette saisie.
Ils faisaient valoir à titre principal que le titre exécutoire ne leur avait jamais été signifié, et à titre subsidiaire, que les “saisies conservatoires” devaient être cantonnées à la somme de 24.319,72€, les sommes dues à hauteur de 10% par Monsieur [Y], également condamné dans cette affaire, n’ayant pas été soustraites, outre le fait que les dépens étaient surévalués. Les demandeurs souhaitaient enfin être exemptés de la majoration de retard de 5% des intérêts au taux légal.
Ils sollicitaient ainsi la mainlevée des “saisies conservatoires”, ainsi que la condamnation des saisissants à des dommages intérêts outre une condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile.
En réplique, les saisissants faisaient plaider que les débiteurs n’avaient jamais réglé la moindre somme spontanément, et qu’ainsi, outre le fait qu’aucune saisie conservatoire n’avait jamais été prise au contraire des deux saisies-attribution, ce qui rendait toute demande de ce chef irrecevable, ils devaient, sur le fond, être déboutés de toutes leurs demandes.
Monsieur [Y] intervenait également et affirmait avoir réglé l’intégralité de sa créance comme confirmé par courrier du commissaire de justice mandaté pour le recouvrement. Il sollicitait ainsi sa mise hors de cause ainsi que la condamnation de toute partie succombante à 2.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La décision a été mise en délibéré au 5 février 2025.
Sur la validité du titre exécutoire et les diligences du commissaire de justice
L’article 654 al 1er du code de procédure civile dispose : “ Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut-être délivré soit à domicile, soit à défaut de domicile connu, à résidence.
L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signifiation”.
L’article 656 al 1 du code de procédure civile dispose “ Si personne ne peut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il ser afait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile”.
Il est ainsi constant que les diligences accomplies par le commissaire de justice doivent-être relatées de façon précises et concrètes, sachant qu’une simple enquête de voisinage ou constat d’un nom sur une boîte aux lettres, sans démarches complémentaires auprès, notamment, des institutionnels susceptible de permettre de localiser le destinataire, ne saurait suffire et fait encourir l’annulation du procès-verbal.
Dans le cas d’espèce, Monsieur et Madame [I] affirment ne jamais avoir reçu signification du jugement du 26 août 2022, et fondent leur argumentaire sur le fait que leurs contradicteurs reconnaissent dans leurs conclusions n’avoir été mis en possession de la grosse du jugement qu’au cours du mois de juin 2024, alors que la signification est réputée avoir eu lieu le 7 septembre 2022.
Il sera rappelé toutefois que la signification d’une décision de justice n’implique pas que le commissaire de justice soit en possession de la grosse de cette décision, une simple copie étant suffisante pour emporter signification.
Par ailleurs, s’agissant des diligences de cet auxiliaire de justice, Monsieur et Madame [I] font plaider que la signification aurait du leur parvenir dans la mesure où ils ne s’absentent que rarement de leur domicile, et que l’acte du commissaire de justice qui précise que les requis était absents serait erroné, voire falsifié.
Or, tout acte diligenté par un commissaire de justice lui confère l’authenticité, et ce, jusqu’à inscription de faux.
La présente juridiction n’ayant pas connaissance de l’engagement d’une plainte pour faux en écriture publique déposée devant le Procureur de la République, l’argument ne saurait prospérer.
Ainsi, la validité et l’opposabilité du titre exécutoire à Monsieur et Madame [I] ne sera pas remise en cause.
Sur le montant de la créance
Il n’est pas contesté que Monsieur et Madame [I], par jugement du 26 août 2022, ont été condamnés au paiement des sommes suivantes :
– 18.967,85€ au principal
– 1.500€ en réparation du préjudice moral
– 4.400€ en application de l’article 700 du code de procédure civile
– aux entiers dépens.
L’article 695 du code de procédure civile dispose :
“Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent :
1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ;
2° Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
3° Les indemnités des témoins ;
4° La rémunération des techniciens ;
5° Les débours tarifés ;
6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
7° La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
8° Les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger ;
9° Les frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (UE) 2020/1783 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale (obtention des preuves) (refonte) ;
10° Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072, 1171 et 1221 ;
11° La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l’article 388-1 du code civil ;
12° Les rémunérations et frais afférents aux mesures, enquêtes et examens requis en application des dispositions de l’article 1210-8.”
Dans le cas d’espèce, Monsieur et Madame [I] contestent devoir la somme de 715,54€ qui embrasse le coût total des assignations délivrées en référé et au fond, ainsi que les actes de signification.
Or, ces sommes correspondent au 5° de l’article précité, soit les frais et débours tarifés, lesquels sont fixés par décret pris en Conseil d’Etat, et parfaitement respectés dans leurs montant dans le cas présent.
Ces sommes sont ainsi dues par Monsieur et Madame [I].
S’agissant de la somme de 7.338,18€ également listée au décompte du commissaire de justice, il s’agit des frais d’expertise facturés par l’expert et contrôlés par le juge mandant, soit les frais visés aux 4° et 12° du présent article.
Ces sommes sont ainsi dues par Monsieur et Madame [I] dans la mesure où ils ont succombé à l’instance au fond, et ont été condamnés aux entiers dépens.
Les moyens seront rejetés.
Sur les saisies-attribution
Dans leurs conclusions, Monsieur et Madame [I] visent systématiquement, excluant ainsi toute possibilité d’une erreur de plume, les “saisies conservatoires”, lesquelles sont régies par l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose:“Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.”.
Or, l’examen de la procédure permet de comprendre que la contestation de Monsieur et Madame [I] porte sur deux saisies-attribution et non sur une quelconque saisie conservatoire.
Toute demande de ce chef devrait ainsi être déclarée irrecevable.
Toutefois, l’article 12 du code de procédure civile dispose : “Le juge (…) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.”
Dès lors, il sera statué sur les demandes concernant les actes d’exécution forcée, lesquels sont en l’espèce des saisies-attribution.
Ainsi, au visa des articles L. 211-1 et R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.En l’espèce, Madame [P] et Monsieur [S] ont rencontré des difficultés dans le recouvrement de leur créance, de sorte que les mesures d’exécution forcée querellées, mises en œuvre selon les formes appropriées, apparaîssent tout à fait régulières, d’autant plus que Monsieur et Madame [I] ont acquiessé à ces mesures de saisies-attribution par acte du 19 août 2024.
Sur la demande de cantonnement de la saisie
L’article L211-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “L’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.
La notification ultérieure d’autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d’un jugement portant ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution.
Toutefois, les actes de saisie notifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours.
Lorsqu’une saisie-attribution se trouve privée d’effet, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date”.
Compte tenu de l’effet attributif des actes de saisie fructueux, tel qu’énoncé par l’article précité, et dès lors que ni le montant de la créance du saisissant, ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables, les présentes saisies-attribution seront validées.
Ainsi, conformément à l’article R. 211-12 du même code, la banque, tiers saisi, devra payer les sommes d’ores et déjà saisies au profit de Monsieur [S] et Madame [P].
Sur la demande d’exemption des intérêts de retard
L’article L313-3 du code monétaire et financier dispose : “En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.
Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.”.
Dans le cas d’espèce, dans la mesure où Monsieur et Madame [I] succombent dans leurs demandes, qu’ils ne justifient en rien de l’étendue exacte de leurs revenus, et qu’ils n’ont pas engagé le moindre paiement volontaire préalable, la demande sera rejetée.
Sur le montant de la créance de Monsieur [Y]
Le jugement du 26 août 2022 a condamné Monsieur et Madame [I] in solidum avec Monsieur [Y], également intervenu sur le chantier litigieux, mais à concurrence de 10% des sommes dues pour Monsieur [Y].
Malgré la solidarité, Monsieur [S] et Madame [P] ont poursuivi séparemment Monsieur [Y] par le truchement d’un commandement de payer valant saisie vente, démarche fructueuse ayant permis l’apurement de la créance comme en atteste le décompte du commissaire de justice en date du 7 novembre 2024.
Le bénéfice de la solidarité n’ayant pas été exercé par les créanciers, il est à ce jour établi que Monsieur [Y] n’est plus redevable d’aucune somme, et que le décompte des sommes dues par Monsieur et Madame [I] a été régulièrement expurgé des 10% dus par Monsieur [Y].
Le montant retenu par le commissaire de justice est ainsi parfaitement régulier.
Le moyen sera rejeté.
Sur les demandes de dommages intérêts
L’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose : “Le Juge de l’exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcées ou des mesures conservatoires.”.
L’article L121-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose “ Le Juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages intérêts en cas de résistance abusive” .
Monsieur et Madame [I] étant déboutés de l’ensemble de leurs prétentions, toute demande sur ce fondement sera rejetée.
Sur les demandes annexes
Au regard de la nature de l’affaire, de son contexte et de la durée du contentieux, il convient de condamner solidairement Monsieur et Madame [I] à la somme de :
– 3.000€ au bénéfice de Madame [P] et Monsieur [S] en application de l’article 700 du code de procédure civile
– 2.000€ au bénéfice de Monsieur [Y] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais de commissaire de justice.
Le tribunal statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
DECLARE Monsieur et Madame [I] irrecevables en toutes leurs demandes concernant une quelconque saisie conservatoire,
DEBOUTE Monsieur et Madame [I] de l’ensemble de leurs demandes concernant les saisies-attribution du 9 août 2024, dénoncées le 13 août 2024,
VALIDE les saisies-attribution pratiquées le 9 août 2024, sur les comptes bancaires de Monsieur [U] [I] tenus dans les livres de la banque CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL sise à [Localité 13],
VALIDE les saisies-attribution pratiquées le 9 août 2024, sur les comptes bancaires de Madame [W] [E] épouse [I] tenus dans les livres de la banque CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL sise à [Localité 13],
CONSTATE que Monsieur et Madame [I] ont acquiescé à ces saisies-attribution,
REJETTE toute demande de cantonnement, ces saisies étant devenues définitives par effet attributif des saisies-attribution,
REJETTE toute demande de paiement complémentaire à la charge de Monsieur [Y],
REJETTE toute demande de dommages intérêts,
CONDAMNE solidairement Monsieur et Madame [I] à la somme de :
– 3.000€ au bénéfice de Madame [P] et Monsieur [S] en application de l’article 700 du code de procédure civile
– 2.000€ au bénéfice de Monsieur [Y] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais de commissaire de justice,
DÉBOUTE les parties de toute demande plus ample ou contraire.
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif par application des dispositions de l’article R. 121- 21 du code des procédures civiles d’exécution;
Ainsi jugé par Madame Sophie SÉLOSSE, Vice-Présidente, assistée de Madame Emma JOUCLA, greffière, jugement prononcé par mise à disposition au greffe le 5 février 2025.
Le greffier La Présidente
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