L’Essentiel : Monsieur [U] [A] a signé un bail commercial le 18 mars 1971 avec Monsieur [O] [F] et Madame [S] [P] pour une durée de neuf ans. Ce bail, renouvelé plusieurs fois, a vu des modifications concernant la destination des locaux. En 2021, la société GALERIE SAPHIR a accumulé des arriérés de loyer, entraînant un commandement de payer de 20.457,94 euros. Contestant ce commandement, la société a demandé sa nullité, mais le tribunal a rejeté cette demande, constatant le non-paiement des loyers. Toutefois, des délais de paiement ont été accordés à la société, évitant ainsi la résiliation du bail.
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Contexte du Bail CommercialMonsieur [U] [A] a conclu un bail commercial avec Monsieur [O] [F] et Madame [S] [P] le 18 mars 1971, pour une durée de neuf ans, afin d’exercer une activité de commerce de gros de divers articles. Le bail a été renouvelé plusieurs fois, avec des modifications concernant la destination des locaux et des travaux réalisés par le bailleur. Transfert de Bail et Changement de LocataireLa société TOUBIJOU SAPCO a cédé son fonds de commerce à la société TRACES D’ARTISTES, qui a ensuite cédé à la société GALERIE SAPHIR en 2001. Un avenant a été signé en 2009 pour réviser le loyer, suivi d’une nouvelle révision en 2018. Problèmes de Paiement et Commandement de PayerEn 2021, la société GALERIE SAPHIR a accumulé des arriérés de loyer, entraînant plusieurs mises en demeure de la part des bailleresses. Un commandement de payer a été signifié le 12 avril 2022, portant sur une somme de 20.457,94 euros, en raison de loyers impayés. Opposition au Commandement de PayerLa société GALERIE SAPHIR a contesté le commandement de payer par voie d’assignation, et une médiation judiciaire a été proposée mais n’a pas abouti. Les bailleresses ont demandé la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire. Arguments des PartiesLa société GALERIE SAPHIR a demandé la nullité du commandement de payer, arguant d’une irrégularité de fond, tandis que les bailleresses ont soutenu la régularité de l’acte. Elles ont également demandé la résiliation judiciaire du bail pour manquement aux obligations contractuelles. Décision du TribunalLe tribunal a rejeté la demande de nullité du commandement de payer, constatant que la clause résolutoire était acquise en raison du non-paiement des loyers. Cependant, il a accordé des délais de paiement à la société GALERIE SAPHIR, constatant qu’elle avait apuré ses dettes dans les délais accordés. Conséquences de la DécisionLa société GALERIE SAPHIR a été déboutée de sa demande de nullité du commandement de payer, mais les bailleresses ont également été déboutées de leurs demandes de résiliation du bail et d’expulsion. Le tribunal a condamné la société GALERIE SAPHIR aux dépens de l’instance et a ordonné le paiement de frais irrépétibles aux bailleresses. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoireLa société GALERIE SAPHIR soutient que le commandement de payer délivré par l’indivision [A] est nul en raison de l’absence de personnalité juridique de l’indivision. Elle se réfère à l’article 815-3 du Code civil, qui stipule que « l’indivision n’a pas la personnalité juridique ». Cependant, l’article 117 du Code de procédure civile précise que les irrégularités de fond affectant la validité de l’acte incluent le défaut de capacité d’ester en justice et le défaut de pouvoir d’une partie. En l’espèce, le commandement mentionne l’état civil complet des indivisaires, ce qui permet de considérer que l’acte a été délivré par des personnes ayant la capacité d’agir. Ainsi, le tribunal conclut que le commandement de payer est valide et rejette la demande de nullité. Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoireMesdames [X] et [Z] [A] demandent l’acquisition de la clause résolutoire, arguant que la société GALERIE SAPHIR n’a pas réglé les sommes dues dans le délai d’un mois suivant le commandement de payer. L’article L. 145-41 du Code de commerce stipule que la clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. La société GALERIE SAPHIR ne conteste pas le fait qu’elle n’a pas réglé l’arriéré locatif dans le délai imparti. Par conséquent, le tribunal constate que la clause résolutoire est acquise à la date du 12 mai 2022, conformément aux dispositions légales. Sur la demande en paiement formée par Mesdames [A]Mesdames [A] réclament le paiement de 49.220,29 euros au titre de l’arriéré locatif. La société GALERIE SAPHIR ne conteste pas cette somme. Cependant, elle a remis un chèque de 50.000 euros, dont l’encaissement a été confirmé. Ainsi, le tribunal constate que la dette locative a été soldée et déboute Mesdames [A] de leur demande de paiement. Sur les demandes subsidiaires de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoireLa société GALERIE SAPHIR sollicite des délais de paiement en raison de difficultés financières. L’article 1343-5 du Code civil permet au juge de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur. Le tribunal accorde des délais de paiement jusqu’au 10 août 2022, suspendant ainsi les effets de la clause résolutoire pendant cette période. La société GALERIE SAPHIR a apuré les causes du commandement dans les délais accordés, ce qui signifie que la clause résolutoire n’a pas joué. Sur la demande de résiliation judiciaire du bail formée par Mesdames [A]L’article 1217 du Code civil permet à une partie de demander la résiliation d’un contrat en cas de manquement de l’autre partie. Cependant, le tribunal constate que la société GALERIE SAPHIR a réglé sa dette locative, ce qui ne justifie pas une résiliation judiciaire. Ainsi, la demande de résiliation du bail et les demandes d’expulsion sont rejetées. Sur les demandes accessoiresLe tribunal condamne la société GALERIE SAPHIR aux dépens de l’instance, conformément à l’article 695 du Code de procédure civile, et lui ordonne de payer 3.000 euros au titre de l’article 700 du même code. Aucun motif ne justifie l’écartement de l’exécution provisoire de la décision. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le:
à Me GABRIEL (U0004)
C.C.C.
délivrée le :
à Me VERRECCHIA (C1200)
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18° chambre
2ème section
N° RG 22/05250
N° Portalis 352J-W-B7G-CWY7Q
N° MINUTE : 1
Assignation du :
27 Avril 2022
JUGEMENT
rendu le 08 Janvier 2025
DEMANDERESSE
S.A.R.L. GALERIE SAPHIR (RCS de PARIS n°316 418 904)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Christelle VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1200
DÉFENDERESSES
Madame [X] [A]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Madame [Z] [A]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentées par Maître Isabelle GABRIEL de la SELARL G 2 & H, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #U0004
Décision du 08 Janvier 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 22/05250 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWY7Q
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du code de l’organisation judiciaire et 812 du code de procédure civile, l’affaire a été attribuée au juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique, assistée de Paulin MAGIS, Greffier.
DÉBATS
A l’audience du 13 Novembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement
Contradictoire
en premier ressort
Par acte sous seing privé en date du 18 mars 1971, Monsieur [U] [A] a donné à bail à Monsieur [O] [F] et Madame [S] [P], afin d’y exercer une activité de “commerce de gros de coutellerie, bimbeloterie, articles de Paris, articles de cadeaux, ainsi qu’au commerce de demi-gros des mêmes articles”, divers locaux commerciaux situés [Adresse 2] et désignés comme suit :
“Au rez-de-chaussée :
1) à gauche de l’entrée de l’immeuble une boutique avec devanture et au fond[s] de ce local une arrière boutique avec en retour derrière l’escalier de l’immeuble une pièce sous verrière avec trappe donnant accès [suite illisible]
descente à la cave, et une porte donnant accès au couloir de l’immeuble,
W.C. avec équipement sanitaire, cuvette et chasse d’eau, tout à l’égout,
un débarras aveugle au fond de cette pièce contigue [Adresse 1].
2) à droite de l’entrée de l’immeuble et séparée par une boutique :
une boutique avec devanture, une arrière boutique avec trappe donnant accès à un escalier de descente à la cave et porte sur le côté, donnant accès à l’escalier de l’immeuble.
2 petites pièces au fond, dont l’une avec équipement de W.C. cuvette à la turque, chasse d’eau, tout à l’égout.
3) une boutique contigue et à droite de la précédente, une arrière boutique avec trappe et escalier de descente à la cave, évier et poste d’eau.
Au sous-sol :
Caves correspondant aux locaux du Rez-de-chaussée.
Au 1er étage :
à droite du palier une chambre au fond du couloir donnant sur courette”.
Ce bail a été conclu pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 1971 et autorisait les preneurs à réaliser des travaux permettant la communication des locaux.
Il a été renouvelé à plusieurs reprises :
– suivant acte sous seing privé non daté, pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 1980,
– puis suivant acte sous seing privé en date du 21 février 1990 et conclu entre Mesdames [X] et [Z] [A], propriétaires indivis, venant aux droits de Messieurs [U] et [M] [A] et la société KLIMA venant aux droits des époux [F], pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 1989,
– suivant acte sous seing privé en date du 14 septembre 1998 conclu entre les indivisaires [A] et la société TOUBIJOU SAPCO pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 1998 avec restitution au bailleur de la pièce située au 1er étage, les travaux de fermeture de la dalle, d’enlèvement de l’escalier et d’électricité pour ce local étant réalisés par le bailleur et à ses frais, ainsi que l’élargissement de la destination contractuelle des locaux à la vente en gros d’objets de maroquinerie.
La société TOUBIJOU SAPCO a cédé son fonds de commerce incluant le droit au bail à la société TRACES D’ARTISTES qui a elle-même cédé son fonds de commerce à la société GALERIE SAPHIR, actuelle locataire, suivant acte notarié en date du 19 octobre 2001 auquel le bailleur est intervenu.
Suivant un acte sous seing privé du même jour, l’indivision [A] a autorisé la pose d’une enseigne outre la despécialisation moyennant le versement d’une indemnité de 30.000 euros, la destination des locaux étant désormais celle de :
“Achat, vente, dépôt, échange, exposition, création et diffusion relatifs à la présentation, à l’évaluation, à la vente et plus généralement au commerce d’antiquités et de tous objets de collection anciens, modernes et contemporains, et en particulier de livres anciens et modernes, manuscrits ou imprimés, d’autographes, de documents, de disques, de cartes, de gravures, de lithographies anciennes et modernes, de tableaux, dessins, aquarelles, gouaches, sculptures en quelque matériau que ce soit, céramiques, objets liturgiques, bijoux, oeuvres et objets d’art uniques ou multiples, anciens, modernes ou contemporains”.
Suivant avenant en date du 6 mars 2009, le loyer annuel révisé a été fixé à la somme de 37.218,90 euros pour la période du 1er décembre 2007 au 30 juin 2008.
Par courrier en date du 2 juillet 2018, le loyer annuel révisé a été fixé à la somme de 43.339,90 euros.
Par acte extrajudiciaire signifié les 27 et 28 novembre 2018, la société GALERIE SAPHIR a sollicité le renouvellement du bail pour neuf années à compter du 1er janvier 2019.
Par acte extrajudiciaire en date du 1er février 2019, les bailleresses ont accepté le renouvellement du bail moyennant un loyer porté à la somme annuelle de 56.005 euros.
Puis, elles ont accepté que le loyer de renouvellement reste fixé à la somme de 43.339,90 euros par an.
Ce loyer a fait l’objet d’une révision à compter du 3 juillet 2021 et a été porté à la somme de 47.256,31 euros par an, hors taxes et hors charges.
Faisant valoir que le loyer et les charges n’étaient pas payés, les bailleresses ont mis en demeure leur locataire, en avril 2021, septembre 2021, novembre 2021 et janvier 2022 de payer l’arriéré locatif.
Par acte extrajudiciaire en date du 12 avril 2022, Mesdames [X] et [Z] [A] ont signifié à la société GALERIE SAPHIR un commandement de payer portant sur la somme de 20.457,94 euros au titre de la dette locative arrêtée au 7 avril 2022 (échéance du 1er trimestre 2022 incluse), visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par actes délivrés les 27 et 29 avril 2022, la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR a fait assigner Mesdames [X] et [Z] [A] devant ce tribunal en opposition au commandement de payer.
Une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties par le juge de la mise en état mais n’a pu être mise en place faute d’accord de Mesdames [X] et [Z] [A].
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2023, la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR, demande au tribunal de :
Vu les articles 815-3, 1134 ancien devenu 1103 et 1104, 1343-5 du code civil, 117 du code de procédure civile et L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce,
– La déclarer recevable et bien fondée en ses prétentions,
– A titre principal, “prononcer nul et de nul effet” le commandement de payer visant la clause résolutoire du 12 avril 2022, délivré au nom de l’indivision [A] [J],
– A titre subsidiaire, accorder à la société GALERIE SAPHIR les plus larges délais de paiement et suspendre les effets de la clause résolutoire attachée au commandement de payer signifié le 12 avril 2022,
– En tout état de cause, débouter Mesdames [X] [A] et [Z] [A] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, à l’exception de leur demande subsidiaire relative aux conditions aménageant les délais de paiement,
– Réduire dans de plus justes proportions l’article 700 du code de procédure civile,
– Ne pas écarter l’exécution provisoire du chef des demandes de la société GALERIE SAPHIR.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 août 2023, Mesdames [X] et [Z] [A] demandent au tribunal de :
Vu les articles L. 145-17 et L. 145-41 du code de commerce, 1728, 1103, 1217, 1124 à 1230 du code civil,
– Les recevoir en toutes leurs demandes et y faire droit,
– Débouter la société GALERIE SAPHIR de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre principal :
– Constater, dire et juger que la clause résolutoire insérée au bail et rappelée dans le commandement de payer en date du 12 avril 2022 est acquise,
En tout état de cause :
– Constater, dire et juger que la société GALERIE SAPHIR a gravement manqué à ses obligations contractuelles et ordonner la résiliation judiciaire du bail à ses torts exclusifs,
– En conséquence, ordonner l’expulsion immédiate de la société GALERIE SAPHIR ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux qu’elle occupe au [Adresse 2] et désignés comme suit :
– Au rez-de-chaussée une boutique en forme de U, à double ouverture sur la rue du Temple et deux devantures de part et d’autre de la porte d’entrée de l’immeuble avec une porte d’accès sur le couloir de l’immeuble.
– Au sous-sol, série de caves voûtées à sol bétonné,
– Dire que l’expulsion se fera en la forme ordinaire ou avec l’assistance du commissaire de police et du serrurier si besoin est,
– Les autoriser à faire séquestrer les objets mobiliers trouvés dans les lieux lors de l’expulsion dans tel garde meuble qu’il leur plaira aux frais, risques et périls de la partie expulsée,
– Condamner la société GALERIE SAPHIR à leur payer :
– la somme de 49.220,29 euros au titre de la dette locative arrêtée au 19 juillet 2023 (avis d’échéance du 3ème trimestre 2023 inclus),
– une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 1er octobre 2023, égale au montant du loyer majoré des charges, taxes et impôts normalement exigibles, avec possibilité de réviser le montant de cette indemnité et de régulariser les charges conformément au contrat de bail s’il n’avait été résilié, et d’obtenir paiement du solde des charges, taxes et impôts récupérables sur justificatifs jusqu’à son départ des lieux qui se matérialisera par la remise des clés ou l’expulsion,
A titre subsidiaire, si par impossible, le tribunal accordait la suspension de la clause résolutoire et des délais de paiement :
– Assortir lesdits délais à l’obligation pour la société GALERIE SAPHIR, de régler en sus des mensualités prévues, les loyers courants à bonne date,
– Prévoir une clause de déchéance du terme en cas de non-paiement des mensualités prévues au moratoire, de même qu’en cas de non-paiement à bonne date des loyers courants,
– Dans cette hypothèse, ordonner l’expulsion immédiate de la société GALERIE SAPHIR ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux qu’elle occupe au [Adresse 2], dire que l’expulsion se fera en la forme ordinaire ou avec l’assistance du commissaire de police et du serrurier si besoin est, les autoriser à faire séquestrer les objets mobiliers trouvés dans les lieux lors de l’expulsion dans tel garde meuble qu’il lui plaira aux frais, risques et périls de la partie expulsée et condamner la société GALERIE SAPHIR à leur payer une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges, taxes et impôts normalement exigibles, avec possibilité de réviser le montant de cette indemnité et de régulariser les charges conformément au contrat de bail s’il n’avait été résilié, et d’obtenir paiement du solde des charges, taxes et impôts récupérables sur justificatifs jusqu’à son départ des lieux qui se matérialisera par la remise des clés ou l’expulsion,
En tout état de cause :
– Condamner la société GALERIE SAPHIR à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société GALERIE SAPHIR aux entiers dépens de l’instance, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer délivré le 12 avril 2022, ainsi que et les coûts de signification de la saisie conservatoire et de sa dénonciation, dont distraction au profit de la SELARL G2 & H Avocats, représentée par Maître Isabelle GABRIEL, Avocat à la Cour, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– Maintenir l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
* * *
Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
La clôture de la mise en état a été prononcée le 16 octobre 2023.
Décision du 08 Janvier 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 22/05250 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWY7Q
L’affaire a été appelée pour plaidoiries à l’audience tenue en juge unique du 13 novembre 2024 et mise en délibéré à la date de ce jour.
A l’audience, le conseil de la société GALERIE SAPHIR a remis au conseil des bailleresses un chèque de banque d’un montant de 50.000 euros. Une note en délibéré a été autorisée afin que le conseil des bailleresses confirme son encaissement.
Par une note en délibéré en date du 2 décembre 2024, le conseil de Mesdames [X] et [Z] [A] a confirmé le bon encaissement du chèque et a communiqué un extrait de compte de la locataire actualisé.
Sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire
La société GALERIE SAPHIR fait valoir qu’en application des articles 815-3 du code civil et 117 du code de procédure civile ainsi que d’une jurisprudence constante, l’acte délivré par une indivision, laquelle est dépourvue de la personnalité juridique, est affecté d’une irrégularité de fond entraînant sa nullité. Elle soutient que le fait que le commandement précise la composition de l’indivision ne couvre pas l’irrégularité de fond.
Mesdames [X] et [Z] [A] répliquent que le commandement fait mention de l’état civil complet des deux indivisaires et a été délivré à la requête de ces dernières.
Elles concluent que le commandement est régulier.
Selon l’article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d’huissier de justice (de commissaire de justice) est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
L’article 117 du code de procédure civile dispose que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
– Le défaut de capacité d’ester en justice ;
– Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
– Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.
En l’espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié par acte extrajudiciaire en date du 12 avril 2022 “À LA DEMANDE DE :
L’indivision [A] [J] composée de :
Madame [A] [X] née le 18/05/1971 à [Localité 5] De nationalité française, Chef de publicité domiciliée [Adresse 3]
Mademoiselle [A] [Z] née le 26/08/1974 à [Localité 4] De nationalité française domiciliée [Adresse 2]”.
Dès lors que le commandement énumère l’identité complète de chacune des indivisaires propriétaires de l’immeuble donné à bail, il ne peut être considéré que l’acte a été délivré par l’indivision qui n’a pas la personnalité juridique. Ledit commandement ne saurait donc être déclaré nul de ce chef.
Il convient, dès lors, de rejeter la demande tendant à juger que le commandement litigieux est nul et de nul effet.
Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire
Mesdames [X] et [Z] [A] sollicitent à titre reconventionnel l’acquisition de la clause résolutoire, faisant valoir que la preneuse n’a pas réglé les sommes visées par le commandement de payer du 12 avril 2022 dans le mois de sa délivrance.
La preneuse ne conteste pas ne pas avoir apuré l’arriéré locatif dans le délai susvisé et sollicite des délais de paiement faisant valoir qu’elle a rencontré des difficultés financières dans le contexte de la crise sanitaire.
L’article L.145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux et permet au juge de suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire en accordant des délais, la clause résolutoire ne jouant pas si le locataire se libère dans les conditions fixées et ces délais pouvant être accordés de manière rétroactive.
En l’espèce, le bail unissant les parties contient une clause qui prévoit qu’à défaut de paiement à son échéance de toute somme due en vertu du bail, et notamment du loyer et de ses accessoires, comme en cas d’inexécution d’une seule des conditions du bail, et un mois après un commandement de payer ou quinze jours après une mise en demeure demeurés infructueux, le bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, sans qu’il soit besoin de remplir de formalité judiciaire.
Par acte extrajudiciaire du 12 avril 2022, Mesdames [X] et [Z] [A] ont fait signifier à la preneuse un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur une somme de 20.457,94 euros, au titre de loyers et charges impayés arrêtés au 7 avril 2022, échéance du 1er trimestre 2022 incluse.
La société GALERIE SAPHIR ne conteste pas le quantum visé et n’allègue pas avoir procédé au règlement de cette somme dans le mois de la délivrance du commandement de payer du 12 avril 2022.
Les causes du commandement de payer n’ayant pas été réglées dans le mois de sa délivrance, le tribunal ne peut que constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 12 mai 2022 à vingt-quatre heures. Les délais de règlement sollicités par la société GALERIE SAPHIR, dont la demande de ce chef sera examinée ci-après, ne permettent, s’ils étaient accordés, que la suspension des effets de cette clause dont le jeu n’est définitivement écarté que dans l’hypothèse où la preneuse respecte les termes et modalités de l’échéancier octroyé par le tribunal.
Sur la demande en paiement formée par Mesdames [A]
Mesdames [A] sollicitent le paiement par la société GALERIE SAPHIR de la somme de 49.220,29 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 19 juillet 2023, terme du 3ème trimestre 2023 inclus, suivant le décompte par elle produit pour la période comprise entre le 31 décembre 2021, terme du 4ème trimestre 2021 inclus, date à laquelle ne figure aucun solde ni débiteur ni créditeur, et le 30 juin 2023 (terme du 2ème trimestre 2023 et facturation des taxes foncières et d’enlèvement des ordures ménagères des années 2020, 2021 et 2022).
La société GALERIE SAPHIR ne conteste pas devoir cette somme.
Dès lors qu’elle a remis à la barre un chèque de banque de 50.000 euros dont le bon encaissement a été confirmé par une note en délibéré du conseil des bailleresses, il convient de constater que la dette locative dont le paiement est sollicité a été soldée. Il convient donc de débouter Mesdames [A] de leur demande en paiement.
Sur les demandes subsidiaires de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire
La société GALERIE SAPHIR expose qu’elle a, à maintes reprises, alerté le gestionnaire de biens des bailleresses des difficultés rencontrées suite aux confinements successifs et restrictions d’accueil du public pendant la crise sanitaire ainsi qu’à la grave maladie de sa gérante ; qu’elle a sollicité des mesures d’accompagnement, telles que le bénéfice d’une franchise de loyer d’un demi-mois, la négociation d’un avoir et d’une réduction de loyer, l’autorisation d’adjoindre une activité de galeriste, la mensualisation du paiement des loyers à compter du 1er janvier 2021 qui lui a été accordée à compter du 1er février 2021 ; qu’elle a, malgré une perte de chiffre d’affaires de – 76 %, réglé les loyers des années 2020 et 2021 et a, en procédant à divers virements, soldé les causes du commandement de payer le 14 septembre 2022. Elle expose être de bonne foi, en ayant notamment accepté de régler un arriéré de taxes sur 9 années alors qu’il était en partie prescrit, avoir réalisé des travaux ayant valorisé les locaux, et déployé d’importants efforts pour redresser sa trésorerie. Elle rappelle être locataire depuis 22 ans.
Mesdames [A] s’opposent à ces demandes aux motifs que :
– la locataire ne règle pas ou avec retard ses loyers et charges depuis plus de 14 ans, indépendamment de la crise sanitaire,
– la dette locative ne fait que de s’accroître, étant de 49.220,29 euros au 19 juillet 2023, échéance du 3ème trimestre 2023 incluse,
– la société GALERIE SAPHIR n’est pas de bonne foi et a introduit la présente procédure afin de bénéficier des délais inhérents à celle-ci,
– les bailleresses ont accepté le renouvellement du bail à des conditions financières avantageuses pour la locataire ainsi que des facilités de paiement que la locataire n’a pas respectées, raison pour laquelle de multiples relances lui ont été notifiées, qu’il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir octroyé de franchise de loyers dès lors qu’il est désormais constant que la crise sanitaire n’a pas exonéré les locataires de leur obligation de payer le loyer,
– il n’a jamais été réclamé à la locataire des taxes prescrites,
– la locataire ne justifie pas de sa situation financière, des aides de l’Etat dont elle a bénéficié, de la maladie de sa gérante ou des travaux qu’elle prétend avoir réalisés.
Aux termes des dispositions du second alinéa de l’article L. 145-41 du code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
En outre, d’après les dispositions du premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Il ressort des éléments versés aux débats que les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 12 avril 2022 ont été soldées le 10 août 2022 à la suite de plusieurs versements effectués par la locataire et que la dette locative arrêtée au 19 juillet 2023, terme du 3ème trimestre 2023 inclus, a également été réglée par la remise d’un chèque de banque de 50.000 euros à la barre.
De plus, il est dûment justifié à la fois des difficultés de trésorerie de la société GALERIE SAPHIR pendant la crise sanitaire ainsi que de la maladie de sa gérante au cours de l’année 2023 qui a nécessairement affecté l’activité de l’entreprise. Compte tenu de ces éléments, de la durée des relations contractuelles entre les parties (la société GALERIE SAPHIR étant locataire depuis le 19 octobre 2001) et des efforts importants effectués par la locataire pour apurer sa dette locative lesquels attestent de capacités financières, il convient d’accorder rétroactivement à la société GALERIE SAPHIR des délais de paiement jusqu’au 10 août 2022 inclus pour apurer les causes du commandement de payer, de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant ces délais, de constater que la société GALERIE SAPHIR a apuré les causes du commandement dans les délais accordés, et de dire que la clause résolutoire n’a pas joué.
Les bailleresses ne peuvent, en conséquence, poursuivre l’expulsion de la locataire.
Sur la demande de résiliation judiciaire du bail formée par Mesdames [A]
L’article 1741 du code civil dispose que le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.
En application des articles 1217 et suivants du code civil, une partie à un contrat synallagmatique envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec des dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé un délai au défendeur selon les circonstances.
Les juges apprécient souverainement si les manquements imputés à l’autre partie sont assez graves pour justifier la résiliation.
La partie qui demande la résiliation de ce chef doit démontrer un manquement de son cocontractant à ses obligations contractuelles et les juges apprécient souverainement s’il est assez grave pour justifier cette résiliation.
En l’espèce, s’agissant du défaut de paiement des loyers et charges, il a été constaté que la locataire a apuré la dette locative arrêtée au 19 juillet 2023 par la remise d’un chèque à la barre.
Dans ces conditions et eu égard aux éléments pris en compte pour accorder des délais de paiement rétroactifs à la locataire, le manquement de la société GALERIE SAPHIR à son obligation principale de payer les loyers et charges contractuels n’est pas suffisamment grave pour fonder une résiliation judiciaire du bail.
Dès lors, la demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du bail, ainsi que les demandes subséquentes d’expulsion, de séquestration du mobilier et de paiement d’une indemnité d’occupation seront rejetées.
Sur les demandes accessoires
Dès lors qu’il a été jugé que la société GALERIE SAPHIR était redevable d’une dette locative, il est justifié qu’elle soit condamnée aux dépens de l’instance tels que définis par l’article 695 du code de procédure civile, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer délivré le 12 avril 2022, et qui pourront être recouvrés directement par la SELARL G2 & H Avocats, représentée par Maître Isabelle GABRIEL, avocat, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société GALERIE SAPHIR est également condamnée à payer à Mesdames [A] une somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
Enfin aucun motif ne conduit à écarter l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal, statuant par jugement rendu publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Déboute la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR de sa demande de juger nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été signifié le 12 avril 2022,
Constate l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail portant sur les locaux situés [Adresse 2] à la date du 12 mai 2022 à vingt-quatre heures, par l’effet du commandement du 12 avril 2022 délivré par Mesdames [X] et [Z] [A] à la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR,
Accorde rétroactivement à la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR des délais pour apurer sa dette locative jusqu’au 10 août 2022 inclus,
Suspend les effets de la clause résolutoire pendant ce délai,
Constate que la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR a apuré les causes du commandement du 12 avril 2022 dans le délai ainsi accordé et, en conséquence, que la clause résolutoire visée par le commandement délivré le 12 avril 2022, bien que les conditions d’acquisition en étaient réunies au 12 mai 2022, a été privée d’effet,
Constate que la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR a réglé la somme de 50.000 euros par remise d’un chèque de banque à la barre,
Déboute Mesdames [X] et [Z] [A] de leur demande de condamnation de la société GALERIE SAPHIR au paiement de la somme de 49.220,29 euros au titre de la dette locative arrêtée au 19 juillet 2023,
Déboute Mesdames [X] et [Z] [A] de leurs demandes de résiliation judiciaire du bail, d’expulsion de la société GALERIE SAPHIR, de séquestration des objets mobiliers se trouvant dans les lieux lors de l’expulsion et de condamnation de la société GALERIE SAPHIR à leur payer une indemnité d’occupation,
Condamne la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR aux entiers dépens de l’instance tels que définis par l’article 695 du code de procédure civile, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer délivré le 12 avril 2022, et qui pourront être recouvrés directement par la SELARL G2 & H Avocats, représentée par Maître Isabelle GABRIEL, avocat, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.R.L. GALERIE SAPHIR à payer à Mesdames [X] et [Z] [A] la somme de 3.000 (trois mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 08 Janvier 2025
Le Greffier Le Président
Paulin MAGIS Maïa ESCRIVE
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