L’Essentiel : Le 5 septembre 2024, [D] [S] a assigné [C] [R] et la SCP [N] [R] devant le tribunal, demandant des mesures d’instruction pour obtenir des documents relatifs à une donation contestée. Les défendeurs ont réclamé l’incompétence du tribunal, arguant que [D] [S] ne prouvait pas son droit de propriété sur la parcelle litigieuse. Le tribunal a reconnu sa compétence mais a conclu que [D] [S] n’avait pas établi de motif légitime pour ses demandes, remettant en question l’authenticité des documents présentés. En conséquence, les demandes de [D] [S] ont été rejetées, entraînant des frais à sa charge.
|
Contexte de l’affaire[O] [V] épouse [P] et [T] [P] sont propriétaires d’un terrain sur lequel se trouve leur maison, situé à [Adresse 1], [Localité 15]. [T] [P] a promis de donner une partie de ce terrain à sa fille [X] [P] et à son concubin [D] [S], désignés comme bénéficiaires d’une dotation cadastrée d’environ 950 m². Demande de permis de construireLe 1er mars 2019, [D] [S] a déposé une demande de permis de construire, qui a été accordée par la mairie le 4 juin 2019. Les concubins ont ensuite construit une maison financée par un prêt et des fonds propres. Acte de donation contestéLe 24 juillet 2021, un acte notarié a été établi, donnant à [X] [P] une parcelle résultant de la division d’une parcelle plus grande. [D] [S] conteste cet acte, affirmant qu’il a été dressé en fraude à ses droits, en raison d’un précédent acte de donation du 21 décembre 2019 qui le désignait également comme bénéficiaire. Assignation en justiceLe 5 septembre 2024, [D] [S] a assigné [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R], et la SAS [13] devant le tribunal, demandant des mesures d’instruction pour obtenir des documents relatifs à la donation. Il a formulé des demandes précises concernant la recherche de documents et l’accès à des serveurs informatiques. Réponse des défendeursLes défendeurs ont demandé au tribunal de se déclarer incompétent et de débouter [D] [S] de ses demandes. Ils ont également souligné que [D] [S] ne prouvait pas son droit de propriété sur la parcelle litigieuse et que la mesure sollicitée portait atteinte au secret professionnel du notaire. Motifs de la décisionLe tribunal a statué sur la compétence du juge des référés, affirmant que la mesure sollicitée était une mesure d’instruction. Cependant, il a conclu que [D] [S] n’avait pas établi de motif légitime pour ordonner les mesures demandées, notamment en raison de doutes sur l’authenticité des documents présentés. Conclusion du tribunalLe tribunal a rejeté les demandes de [D] [S] et l’a condamné à payer des frais aux défendeurs. Les demandes de communication de documents et d’instruction ont été considérées comme non justifiées, entraînant le rejet de la demande de [D] [S]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du juge des référés en matière de demande d’instruction ?Le juge des référés est compétent pour ordonner des mesures d’instruction lorsque des motifs légitimes justifient la conservation ou l’établissement de preuves avant tout procès. L’article 145 du Code de procédure civile stipule que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Dans cette affaire, le juge des référés a constaté qu’aucune instance au fond n’était en cours, ce qui lui confère la compétence pour statuer sur la demande d’instruction formulée par [D] [S]. Il est donc essentiel que le demandeur justifie d’éléments crédibles et plausibles pour établir un lien utile avec un litige potentiel, sans que cela ne porte atteinte aux droits d’autrui. Quelles sont les conditions pour ordonner une mesure d’instruction in futurum ?Pour qu’une mesure d’instruction in futurum soit ordonnée, il doit exister un motif légitime et des éléments crédibles qui rendent plausible l’existence des faits invoqués. Le juge doit s’assurer que la mesure sollicitée ne porte pas atteinte aux droits d’autrui et qu’elle est pertinente et utile. L’article 145 du Code de procédure civile précise que : « Les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Dans le cas présent, [D] [S] a soutenu qu’un acte de donation avait été reçu par un notaire, mais il devait établir des éléments rendant cette existence plausible. Le juge a noté que, bien que le demandeur n’ait pas à prouver irréfutablement l’existence de l’acte, il doit néanmoins fournir des éléments crédibles pour justifier une mesure aussi invasive que celle demandée. Quels sont les éléments à considérer pour établir la fraude à des droits dans une donation ?Pour établir une fraude à des droits dans le cadre d’une donation, il est nécessaire de démontrer que l’acte a été réalisé dans l’intention de nuire aux droits d’un tiers. Les éléments à considérer incluent la chronologie des actes, les intentions des parties, et les conséquences fiscales potentielles. L’article 901 du Code civil stipule que : « La donation est un acte par lequel une personne, le donateur, transmet à une autre, le donataire, un bien, sans contrepartie. » Dans cette affaire, [D] [S] a allégué que l’acte de donation du 24 juillet 2021 avait été dressé en fraude à ses droits, en raison d’un acte antérieur du 21 décembre 2019 qui le désignait également comme bénéficiaire. Le juge a examiné les éléments de preuve et a noté que la preuve d’une fraude n’était pas établie, notamment en raison de l’absence de publicité foncière pour l’acte contesté. Comment le secret professionnel du notaire est-il protégé dans le cadre d’une demande d’instruction ?Le secret professionnel du notaire est protégé par des dispositions légales qui lui interdisent de communiquer des actes à des tiers, sauf accord de l’autorité judiciaire. L’article 1 de la loi du 25 ventôse an IX stipule que : « Les notaires sont tenus au secret professionnel. » Dans le cadre de la demande d’instruction, [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] ont soutenu que la mesure sollicitée portait atteinte à ce secret. Le juge a reconnu que, bien que le secret professionnel soit une protection importante, il peut être levé par une décision judiciaire, mais seulement dans des conditions strictes. Dans cette affaire, le juge a conclu que la demande de [D] [S] ne justifiait pas une telle levée du secret, car les éléments présentés ne démontraient pas de manière convaincante l’existence d’une fraude. Quelles sont les conséquences d’une demande d’instruction non justifiée ?Lorsqu’une demande d’instruction est jugée non justifiée, le demandeur peut être condamné à payer les dépens et à indemniser les parties adverses. L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, le juge a rejeté les demandes de [D] [S] et a ordonné qu’il soit condamné à payer des sommes à [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13]. Cela souligne l’importance pour un demandeur de présenter des éléments solides et crédibles pour justifier une demande d’instruction, afin d’éviter des conséquences financières. |
N° RG 24/00375 – N° Portalis DBXU-W-B7I-H2U3
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX
JURIDICTION DES RÉFÉRÉS
ORDONNANCE DU 08 JANVIER 2025
DEMANDEUR
Monsieur [D] [S]
né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 5]
– [Localité 11]
Représenté par Maître Mahamadou NIAKATÉ, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant) et par Maître Emilie HILLIARD, avocat au barreau de l’EURE(avocat postulant)
DÉFENDEURS
S.A.S. [13]
Immatriculée au RCS d’EVREUX sous le numéro [N° SIREN/SIRET 10]
Prise en la personne de son gérant Maître [C] [R] domicilié en cette qualité audit siège
dont le siège social est sis:
[Adresse 8]
– [Localité 3]
Monsieur [C] [R]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 18],
Profession : notaire
demeurant [Adresse 8]
[Adresse 12]
– [Localité 3]
S.C.P. [N] [R] ET [C] [R],
Immatriculée au RCS d’EVREUX sous le numéro [N° SIREN/SIRET 6]
Prise en la personne de son gérant Maître [C] [R] domicilié en cette qualité audit siège
dont le siège social est sis :
[Adresse 16]
– [Localité 3]
Représentés par Me Laurent SPAGNOL, avocat au barreau de l’EURE
PRÉSIDENTE : Sabine ORSEL
GREFFIER: Christelle HENRY
DÉBATS : en audience publique du 27 novembre 2024
ORDONNANCE :
– contradictoire, rendue publiquement et en premier ressort,
– mise à disposition au greffe le 08 janvier 2025,
– signée par Sabine ORSEL, présidente et Aurélie HUGONNIER, greffier lors de la mise à disposition de la décision au greffe.
Copie exécutoire délivrée le :
Copie délivrée le :
Service expertise le :
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
[O] [V] épouse [P] et [T] [P] sont propriétaires d’un terrain, sur lequel se trouve leur maison, situé [Adresse 1], lieu-dit [Adresse 17], à [Localité 15].
Selon lettre d’intention d’achat de biens immobiliers, [T] [P] a promis de consentir à [X] [P], sa fille, et [D] [S], concubin de sa fille, désigné comme bénéficiaires, la dotation d’une partie de leur terrain, cadastrée section ZB n°[Cadastre 9] et d’une superficie d’environ 950 m².
Le 1er mars 2019, [D] [S] a déposé une demande de permis de construire auprès de la mairie, qui a été accordé par arrêté du maire de [Localité 15] du 4 juin 2019.
Les concubins ont fait construire une maison qui a été financée par un prêt et des fonds propres de chacun d’entre eux.
Selon acte notarié du 24 juillet 2021 établi par maître [N] [R], notaire au sein de la SAS [13], [O] [V] épouse [P] et [T] [P] ont donné à [X] [P] la parcelle cadastrée section ZB n°[Cadastre 7], résultant de la division de la parcelle cadastrée section ZB n°[Cadastre 9], située [Adresse 4], lieu-dit [Adresse 17], à [Localité 15].
Invoquant que l’acte authentique de donation du 24 juillet 2021 a été dressé en fraude à ses droits, et notamment d’un précédent acte de donation du 21 décembre 2019 qui le désignerait également comme bénéficiaire de la donation, [D] [S] a, par actes du 5 septembre 2024, fait assigner [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] devant le président de ce tribunal, statuant en référé. Dans ses dernières conclusions, signifiées électroniquement le 25 novembre 2024, il lui demande de :
A titre principal,
-désigner tel commissaire de justice, en qualité de mandataire de justice assisté de tout commissaire de justice territorialement compétent pour les besoins de la signification et de la réquisition de la force publique, avec pour mission de :
-se rendre :
-au siège social de la SAS [13] situé au [Adresse 8] à [Localité 3], office notarial de maître [C] [R] ;
-au siège social de la SCP [N] [R] ET [C] [R] situé
[Adresse 16] à [Localité 3], office notarial de maître [C] [R] ;
-de façon plus générale, en tout autre domicile ou siège permettant un accès direct et immédiat aux serveurs informatiques et/ou aux postes informatiques ou dossiers et archives de la SAS [13] SAS, de la SCP [N] [R] ET [C] [R] et de maître [C] [R] ;
-se faire remettre ou rechercher et prendre copie de la donation à [D] [S] et [X] [P], consentie par [T] [P] et [O] [P] suivant acte reçu par l’office notariale « SCP [N] et [C] [R], Notaires Associés » le 21 décembre 2019, figurant sur tout support physique, imprimé ou non, et notamment tout disque dur, messagerie électronique ou tout autre support externe ou interne de données informatiques ;
-vérifier, et le cas échéant, exclure des éléments appréhendés ceux qui seraient couverts par le secret professionnel du notaire ou revêtiraient un caractère « personnel » ;
-autoriser le commissaire de justice à se faire communiquer les codes d’accès notamment informatiques ou téléphoniques, nécessaires à l’exécution de sa mission ;
-autoriser le commissaire de justice à accomplir toutes diligences propres à lui permettre de vérifier qu’aucun des documents et/ou courriels et/ou messages susceptibles d’être appréhendés en exécution de l’ordonnance n’a été supprimé et procéder le cas échéant à toute opération propre à restaurer les éléments éventuellement supprimés ;
-dire que le commissaire de justice pourra, dans le cadre de la recherche des documents et informations susvisées, en plus de l’intitulé des documents recherchés, utiliser les « mots clés » suivants associés au terme « [D] [S] » (en minuscules ou en majuscules avec ou sans accent) :
-donation ;
-donataire ;
-FNA-27030_48264 ;
-[X] [P] ;
-[T] [P] ;
-[O] [P] ;
-[N] [R] ;
-[C] [R]
-[B] [E] ;
-SCP [N] et [C] [R] ;
-[13] ;
-terrain à bâtir ;
-ZB [Cadastre 7] ;
-[Adresse 14] ;
-ZB [Cadastre 9] ;
-[Adresse 17] ;
-permis de construire ;
-PC 27203 19 F0008 ;
-accord de prêt n°E8579460 ;
-division foncière n°2720319F004 ;
-promesse de donation / don ;
-authentique ;
A titre subsidiaire,
-désigner tel commissaire de justice, en qualité de mandataire de justice assisté de tout commissaire de justice territorialement compétent pour les besoins de la signification et de la réquisition de la force publique, avec pour mission de :
-au siège social de la SAS [13] situé au [Adresse 8] à [Localité 3], office notarial de maître [C] [R] ;
-au siège social de la SCP [N] [R] ET [C] [R] situé [Adresse 16] à [Localité 3], office notarial de maître [C] [R] ;
-se faire remettre une copie de la donation à [D] [S] et [X] [P], consentie par [T] [P] et [O] [P] suivant acte reçu par l’office notarial « SCP [N] et [C] [R], Notaires Associés » le 21 décembre 2019, figurant sur tout support physique, imprimé ou non, et notamment tout disque dur, messagerie électronique ou tout autre support externe ou interne de données informatiques ;
-ordonner la communication par la SAS [13], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et maître [C] [R] au commissaire de justice désigné, de l’acte notarié de la donation à [D] [S] et [X] [P], consentie par [T] [P] et [O] [P] suivant acte reçu par l’office notarial « SCP [N] et [C] [R], Notaires Associés » le 21 décembre 2019 ;
-assortir cette obligation d’une astreinte de 1 000 euros par jour calendaire passé un délai de huit jours calendaires après la signification de la décision à intervenir ;
-se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte ;
En tout état de cause,
-débouter [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
-condamner solidairement [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] à lui payer la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner solidairement [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] aux entiers dépens.
Il fait valoir que :
-il existe un faisceau d’indice qui démontre que l’acte authentique du 24 juillet 2021 a été dressé en fraude à ses droits, alors même que maître [N] [R] avait reçu la première donation du 21 décembre 2019 ;
-le fond d’archives de la SCP [N] ET [C] [R] ayant été transmis à la SAS [13], maître [W] [R]-[U], notaire en son sein, ne pouvait également ignorer, lorsqu’elle a dressé l’attestation du 29 août 2023, qu’elle agissait en fraude à ses droits ;
-ainsi, ils ont manqué à leur devoir général de loyauté, de prudence et de diligence ;
-la mauvaise foi de [X] [P] a pour conséquence de rendre inopposable aux tiers l’acte de donation publié ;
-dès lors, il dispose d’un motif légitime à ce que soit ordonné une mesure d’instruction pour que lui soit communiqué le premier acte de donation et qu’il puisse établir la preuve des manquements du notaire ;
-l’existence d’une éventuelle contestation sérieuse n’est pas de nature à faire obstacle à une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
-l’acte de donation du 21 décembre 2019, dont l’authenticité est contestée, est corroboré par la promesse de donation du 23 janvier 2019, dont il résulte une identité de parties et d’objet, ce qui n’est pas le cas de l’acte de vente du 24 juillet 2021, et par la désignation de la SCP [N] ET [C] [R] ;
-la faute de frappe dans l’attestation du 20 mai 2020 n’est pas de nature à lui conférer un caractère litigieux, d’autant que des fautes similaires peuvent être observées dans des documents émanant de l’office notarial ;
-les contenus de l’attestation du 20 mai 2020 et de l’acte de donation du 24 juillet 2021 diffèrent puisque l’attestation est relative à une situation antérieure ;
-l’acte de donation du 24 juillet 2021 stipule que la parcelle de terrain, objet de la donation, est un terrain à bâtir, alors que la maison était déjà construites ;
-le nouvel acte de donation rédigé en fraude à ses droits pourrait avoir pour motifs une volonté de réduire les conséquences fiscales de la donation, puisque n’étant pas membre de la famille, elle aurait entraîné des droits de mutation, à la charge des donateurs ;
-une ordonnance du président du tribunal judiciaire lève le secret professionnel auquel est astreint le notaire vis-à-vis des tiers ;
-en matière de donation, l’acte apparent peut être analysé comme un commencement de preuve par écrit permettant l’accès à des modes de preuve imparfaits ;
-la mesure portant sur des documents précis, utiles à la démonstration de la responsabilité du notaire et excluant toute information de nature personnelle, est légalement admissible.
Dans leurs dernières conclusions signifiées électroniquement le 25 novembre 2024, [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] demandent au président de ce tribunal, statuant en référé, de :
A titre principal,
-se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire d’Évreux statuant au fond ;
A titre subsidiaire,
-débouter [D] [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause,
-condamner [D] [S] à leur payer, à chacun, la somme de 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner [D] [S] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’exécution forcée.
Ils font valoir que :
-étant donné que [D] [S] succombe à démontrer un droit de propriété sur la parcelle litigieuse, la mesure n’est pas légalement admissible et contrevient aux dispositions de l’article 146 du code de procédure civile ;
-la mesure sollicitée porte atteinte au secret professionnel du notaire, qui lui proscrit de communiquer tout acte à un tiers, conformément aux dispositions du code de déontologie de la profession et de la loi du 25 ventôse an IX, sauf accord de l’autorité judiciaire de communiquer à un tiers les actes qu’il a établi ;
-[D] [S] affirme qu’un acte de donation aurait été reçu en 2019 mais, faute de preuve, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée ;
-l’acte dont se prévaut [D] [S] ne peut valoir donation qu’à condition d’être enregistré à la conservation des hypothèques, ce qui n’est pas le cas ;
-en tout état de cause, l’attestation du 20 mai 2020 dont il se prévaut est fausse puisque n’a pas été rédigé par les soins de maître [N] [R] ;
-la remise en cause par [D] [S] de l’acte de donation de 2021 par la production d’un acte antérieur relève du juge du fond ;
-la mesure est injustifiée puisque [D] [S] ne démontre pas avoir demandé à [X] [P] la communication des documents réclamés ;
-les consorts [P] n’ont en réalité jamais consenti une donation au profit de [D] [S], dont ils n’auraient pu supporter le coût fiscal, et c’est pour cela qu’ils n’ont pas donné suite à l’éventualité d’une donation à [D] [S].
Sur la compétence du juge des référés
L’article 145 du code de procédure civile dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
La mesure sollicitée est une mesure d’instruction et il ne résulte d’aucun élément qu’une instance au fond soit en cours. Dès lors, le juge des référés est compétent pour statuer sur cette demande.
Sur la demande d’instruction in futurum
Selon les dispositions précitées, le juge des référés peut ordonner une mesure d’instruction s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
Le motif légitime est un fait crédible et plausible ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque, puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démonter que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
En l’espèce, le demandeur soutient qu’un acte de donation a été reçu par un notaire qui le conteste.
Si le demandeur n’a pas à rapporter la preuve irréfutable de l’existence de l’acte, encore faut-il qu’il établisse des éléments rendant son existence plausible pour justifier une mesure aussi invasive que celle qu’il sollicite.
Il résulte des éléments du dossier et des dires des parties que, dans un premier temps, eu égard à l’acte du 23 janvier 2019, il a été envisagé par les époux [P] de procéder à une donation à [X] [P] et à [D] [S], ce qui est corroboré par le fait que ce dernier a pu procéder aux démarches nécessaires pour diviser la parcelle, déposer un permis de construire et faire réaliser la construction de la maison, notamment en recevant tous pouvoirs, comme cela est inscrit dans l’acte de vente du 24 juillet 2021.
Il ne peut être exclu que les époux [P] aient décidé, après la construction de la maison et en contradiction avec l’acte du 23 janvier 2019 et notamment pour des raisons fiscales, de réaliser une donation uniquement au profit de leur fille, [X] [P], en excluant [D] [S].
Le document présenté comme une attestation du notaire du 20 mai 2020 relative à l’acte de donation dont la preuve est recherchée, présente de nombreux points faisant fortement douter de son authenticité :
la typographie et la mise en page, différentes de celles utilisées pour l’ensemble des actes des notaires.les désignations imprécises (absence de mention du mariage des donateurs et de leur régime matrimonial, absence de la mention de la qualité des dons, etc..).le cachet tronqué sur sa gauche, qui peut laisser présumer qu’il s’agit d’un montage.
Dès lors, ce document ne permet pas de considérer comme plausible l’existence d’une donation reçue à la date décrite, qui n’aurait pas fait l’objet d’une publicité foncière et dont l’existence est formellement contestée par un officier ministériel.
Il n’est dès lors pas rapporté la preuve d’un motif légitime à voir ordonner les mesures sollicitées et la demande sera rejetée.
Ainsi, la mesure d’instruction sollicitée, et a fortiori la demande de communication sous astreinte, seront rejetées.
N° RG 24/00375 – N° Portalis DBXU-W-B7I-H2U3 – ordonnance du 08 janvier 2025
Sur les frais du procès
[D] [S], qui succombe, sera tenu aux dépens.
Il sera en outre tenu de payer à [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] la somme de 500 euros chacun.
La présidente du tribunal judiciaire,
REJETTE les demandes de [D] [S] ;
CONDAMNE [D] [S] à payer à [C] [R], la SCP [N] [R] ET [C] [R] et la SAS [13] 500 euros chacun ;
CONDAMNE [D] [S] aux entiers dépens.
Le greffier, La présidente,
Laisser un commentaire