Problématique de la validité des dispositions testamentaires face à l’état de santé du testateur.

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Problématique de la validité des dispositions testamentaires face à l’état de santé du testateur.

L’Essentiel : Madame [B] [U] [D], retraitée et veuve, est décédée le [Date décès 1] 2023. Sa fille, Madame [X] [T], est désignée héritière. Avant son décès, des inquiétudes concernant la gestion patrimoniale de Madame [B] ont conduit à une demande de protection, sans suite. Après son transfert en EHPAD, un juge a ordonné une sauvegarde de justice. Deux testaments ont été découverts, le second révoquant le premier en faveur de Madame [X]. Madame [E], petite-fille, conteste la validité du testament de 2022, demandant une expertise médicale, mais sa requête a été rejetée par le juge des référés.

Décès de Madame [B] [U] [D]

Madame [B] [U] [D], retraitée et veuve de Monsieur [W] [I] [T], est décédée le [Date décès 1] 2023 à [Localité 20]. Elle laisse derrière elle sa fille, Madame [X] [T], qui est désignée comme héritière.

Demande de protection et inquiétudes familiales

Avant son décès, Madame [J] [E], petite-fille de la défunte, a sollicité en décembre 2022 la mise en place d’un régime de protection pour sa grand-mère, en raison de préoccupations concernant sa gestion patrimoniale. Le procureur a répondu qu’aucun dossier n’était ouvert à cet effet. En parallèle, Madame [X] [T] a demandé une habilitation familiale alors que Madame [B] [D] était hospitalisée.

Intervention du juge des tutelles

Après le transfert de Madame [B] [D] en EHPAD, Madame [E] a exprimé ses inquiétudes au procureur concernant la gestion de l’héritage par sa mère. Le 7 avril 2023, le juge des tutelles a ordonné un placement sous sauvegarde de justice, désignant un mandataire spécial.

Testaments et héritage

Madame [E] a découvert l’existence de deux testaments olographes, l’un daté du 30 mars 2010 et l’autre du 23 mars 2022. Le premier testament institue ses petits-enfants comme légataires, tandis que le second révoque toutes les dispositions antérieures en faveur de Madame [X] [T] et maintient des contrats d’assurance vie pour les petits-enfants.

Contestation de la validité du testament

Madame [E] conteste la validité du testament de 2022, arguant que sa grand-mère était dans un état de santé incompatible avec la rédaction de ce document. Elle a demandé une expertise médicale pour évaluer l’état de santé de Madame [B] [D] au moment de la rédaction du testament.

Procédures judiciaires et demandes

Madame [J] [E] a assigné Madame [X] [T] et la SCP [18] pour obtenir des documents relatifs à la succession et une expertise médicale. Madame [X] [T] a contesté ces demandes, arguant de l’irrecevabilité de la demande d’expertise et de la révocation des legs.

Décision du juge des référés

Le juge des référés a rejeté la demande d’expertise médicale, considérant que Madame [E] n’avait pas qualité à agir pour contester le testament. De plus, la demande de communication de pièces par le notaire a également été rejetée, en raison du secret professionnel. La demande de communication au Ministère Public a été déboutée, faute de preuves suffisantes d’un crime ou délit.

Conséquences financières

Madame [J] [E] a été condamnée à supporter les dépens de la procédure, sans application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. La décision est exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la qualité à agir pour demander une expertise judiciaire en matière de testament ?

La qualité à agir pour demander une expertise judiciaire en matière de testament est régie par l’article 145 du Code de procédure civile, qui stipule :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans le cas présent, madame [J] [E] a sollicité une expertise médicale pour vérifier l’état de santé de sa grand-mère, feue [B] [U] [D], afin de contester la validité du testament du 23 mars 2022.

Cependant, il est établi que seule une personne ayant la qualité d’héritier réservataire ou de légataire universel peut demander la nullité d’un testament pour insanité d’esprit.

Or, madame [E] n’a ni la qualité d’héritière réservataire, ni celle de légataire universel, ce qui la rend irrecevable à agir en nullité du testament sur ce fondement.

Ainsi, sa demande d’expertise judiciaire est manifestement vouée à l’échec, car elle ne démontre pas l’existence d’un motif légitime justifiant l’organisation d’une telle expertise.

Quelles sont les conditions de communication des documents par un notaire ?

La communication des documents par un notaire est régie par l’article 23 de la Loi du 25 ventôse an XI, modifié par l’ordonnance N° 2000-916 du 19 septembre 2000, qui dispose :

« Les notaires ne pourront également, sans l’ordonnance du président du tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d’une amende de 15 euros, et d’être en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l’exécution des lois et règlements sur le droit d’enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à une publication. »

Dans cette affaire, madame [J] [E] a demandé la communication de documents relatifs à la succession de sa grand-mère.

Cependant, le notaire est tenu par le secret professionnel et ne peut communiquer des actes qu’aux parties intéressées, leurs héritiers ou ayants droit, ou à toute personne autorisée par la loi ou par décision judiciaire.

Étant donné que madame [E] n’a pas qualité à agir pour obtenir la communication des pièces sollicitées, sa demande a été rejetée.

Quelles sont les conditions pour solliciter une enquête par le Ministère Public ?

Les conditions pour solliciter une enquête par le Ministère Public sont définies par l’article 40 du Code de procédure pénale, qui stipule :

« Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

Dans le cas présent, madame [E] a sollicité la communication pour enquête, arguant d’un préjudice né d’un abus de faiblesse.

Cependant, le juge des référés a constaté que la preuve d’un crime ou délit n’était pas rapportée avec l’évidence requise, et que la demande n’était pas suffisamment étayée.

Par conséquent, la demande de madame [E] a été rejetée, car elle ne remplissait pas les conditions nécessaires pour justifier une enquête par le Ministère Public.

Quelles sont les conséquences de la révocation d’un legs par aliénation ?

Les conséquences de la révocation d’un legs par aliénation sont régies par l’article 1038 du Code civil, qui dispose :

« Toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou de partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l’aliénation postérieure soit nulle, et que l’objet soit rentré dans la main du testateur. »

Dans cette affaire, il a été établi que l’appartement, objet d’un legs particulier à madame [E], a été vendu par la défunte en 2016.

Cette vente a entraîné la révocation tacite du legs, et ce, indépendamment de l’état de santé de la testatrice à ce moment-là.

Ainsi, la révocation remontant à 2016, madame [E] ne peut pas contester cette aliénation, et toute action pour abus de faiblesse ou révocation pour cause d’ingratitude serait vouée à l’échec.

CG/MLP

Ordonnance N°
du 19 NOVEMBRE 2024

Chambre 6

N° RG 24/00516 – N° Portalis DBZ5-W-B7I-JSK7
du rôle général

[J] [E]

c/

S.C.P. [18]
[X] [T]

EZ GOUNEL-LIBERT-PUJO
la SCP VILLATTE-DESSERT

GROSSES le

– la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO
– la SELARL DAURIAC & ASSOCIES (Limoges)
– la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES
– la SCP VILLATTE-DESSERT

Copies électroniques :

– la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO
– la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES
– la SCP VILLATTE-DESSERT

Copie :

– Dossier

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE,

par Madame Catherine GROSJEAN, Présidente du Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND

assistée de Madame Laetitia JOLY, Greffière

dans le litige opposant :

DEMANDERESSE

– Madame [J] [E]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

représentée par la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

ET :

DEFENDERESSES

– La S.C.P. [18], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 19]
[Adresse 19]

représentée par la SELARL DAURIAC & ASSOCIES, avocats au barreau de LIMOGES substituée par la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

– Madame [X] [T]
actuellement [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par la SCP VILLATTE-DESSERT, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

Après débats à l’audience publique du 15 Octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré à ce jour, la décision étant rendue par mise à disposition au greffe.

~ ~ ~ ~ ~ ~

EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [B] [U] [D], en son vivant retraitée, veuve de monsieur [W] [I] [T], est décédée le [Date décès 1] 2023 à [Localité 20], laissant pour lui succéder madame [X] [T], sa fille.
Avant le décès de sa grand-mère, madame [J] [E], petite fille et filleule de madame [B] [U] [D], a écrit au procureur de la République de [Localité 12] au mois de décembre 2022 afin que soit mis en place un régime de protection confié à une personne neutre.
Le procureur de la République lui a répondu selon courrier du 12 janvier 2023 qu’aucun dossier n’était ouvert devant le juge des tutelles de Brive la Gaillarde.
Parallèlement, le 28 décembre 2022, alors que madame [D] était admise à l’hôpital de [Localité 12], madame [X] [T] a déposé une demande d’habilitation familiale.
Suite au transfert de madame [B] [D] de l’hôpital à l’EHPAD [17] situé à [Localité 20], madame [E] a écrit au procureur de la République de [Localité 13] le 23 janvier 2023 pour lui faire part de son inquiétude sur la gestion du patrimoine de sa grand-mère par sa mère, madame [X] [T].
Le 04 avril 2023, madame [E] s’est adressée au juge des tutelles de Clermont-Ferrand pour dénoncer le comportement de madame [X] [T].
Le 07 avril 2023, le juge des tutelles du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a ordonné un placement sous sauvegarde de justice avec désignation de l’[9] ([9]) en qualité de mandataire spécial.
Informée par Maître [F], notaire à [Localité 12] en charge de la succession, qu’elle n’était pas héritière et n’avait donc pas accès aux éléments de la succession, madame [E] a levé un état du fichier des dispositions des dernières volontés de sa grand-mère, laissant apparaître l’existence de deux testaments olographes dont un en date du 30 mars 2010 et l’autre du 23 mars 2022.
Aux termes du testament olographe du 30 mars 2010, la défunte a institué ses trois petits enfants, madame [J] [E], monsieur [A] [L] et monsieur [G] [T] (prénom d’usage : [N]) légataires particuliers en ces termes :
« Je demande à ma fille adoptive, [X] [T] [défenderesse] seule héritière réservataire, de délivrer les legs suivants :
– à ma petite fille [J] [E] épouse [R] née le [Date naissance 5] 1971 :
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 14],
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 11],
*un Emau de [Localité 16] (ETE)

– à mon petit-petit fils [A] [L] né le [Date naissance 7] 1977 :
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 14],
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 11],
*un Emau de [Localité 16] (HIVER) »

– à mon petit-petit fils [N] [T] né le [Date naissance 2] 1986 :
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 14],
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 11],
*un Emau de [Localité 16] (PRINTEMPS) »

Madame [B] [D] a vendu l’appartement objet du leg à sa petite fille [J] [E] le 29 août 2016.

Suivant testament olographe du 23 mars 2022, madame [B] [D] a révoqué de manière expresse toutes dispositions antérieures au bénéfice de sa fille unique madame [X] [T] et a maintenu des contrats d’assurance vie au bénéfice de ses petits-enfants.

Madame [E] expose que le dernier testament est intervenu durant une période à compter de laquelle l’état de santé de madame [B] [D] apparaissait incompatible avec la rédaction de dispositions de dernières volontés. La petite fille de la défunte souligne que sa grand-mère a fait l’objet d’hospitalisations au CHU de [Localité 12], la dernière du 22 décembre 2022 au 11 janvier 2023, laquelle a conduit à la demande d’ouverture d’une mesure de protection.
Par actes séparés en date des 28 et 29 mai 2024, madame [J] [E] a fait assigner madame [X] [T] et la SCP [18] devant la Présidente du tribunal statuant en référé aux fins suivantes :
dire et juger Madame [E] recevable et bien fondée en ses demandes,
ordonner une expertise médicale sur pièces, de Madame [B] [U] [D], née le [Date naissance 8] 1939 à [Localité 15], et décédée à [Localité 20] le [Date décès 1] 2023, avec mission ci-après définie : convoquer et entendre les parties assistées, le cas échéant, de leur Conseil, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou la tenue des réunions d’expertise, prendre connaissance des pièces de la procédure, entendre tous sachants, notamment les médecins, personnels soignants de l’EPHAD [17] à [Localité 20], EPHAD de [10], Hôpital de [Localité 12], mais également le dossier médical confié au Juge des Tutelles, le dossier médical du Docteur [S] [O], [Adresse 4], médecin traitant de la de cujus, et le Docteur [Z], médecin consulté lors de son arrivée à la maison de retraite [17] à [Localité 20], et plus généralement tout praticien susceptible de fournir un avis sur l’état de santé de feue Madame [B] [U] [D], à la période d’élaboration du testament du 23 mars 2022,se faire remettre l’ensemble des documents médicaux concernant feue Madame [B] [D], les certificats et autres documents détenus notamment par les médecins traitants et médecins praticiens,décrire la nature et la gravité des éventuels troubles physiques et mentaux de Madame [D] avant le mois de juin 2022 et à la date du testament, en précisant autant que faire se peut, si les troubles étaient stables ou sujets à variations,donner tous éléments permettant d’apprécier si l’affection dont souffrait Madame [D] était de nature à affecter son intelligence ou dérégler sa faculté de discernement ou, en d’autres termes, si elle était en état de troubles excluant sa lucidité au moment de l’établissement du testament objet du litige,rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties autoriser Madame [J] [E] à obtenir la communication par Maître [F] de tous les documents relatifs à la succession de Madame [B] [U] [D], née le [Date naissance 8] 1939 à [Localité 15], et décédée à [Localité 20] le [Date décès 1] 2023, et notamment : les procès-verbaux d’ouverture et de dépôt de l’intégralité des testaments enregistrés au sein du fichier ADSNdu certificat médical, ou tout autre justificatif médical de la capacité de Madame [D] à ester à une période concomitante au testament du 23/03/2022 qui lui aurait été transmis
de l’acte de notoriété et inventaire dressés à l’ouverture de la succession des relevés de compte de la de cujus sollicitéscondamner Madame [X] [T], sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la signification de la Décision à intervenir, de communiquer la copie figurée et l’attestation de dépôt et d’ouverture des deux testaments rédigés par Madame [D] les 30/03/2010 et 23/03/2022, débouter toute partie de ses demandes plus amples ou contraires,réserver les dépens.L’affaire a été appelée à l’audience du 18 juin 2024 puis elle a fait l’objet de renvois successifs à la demande des parties jusqu’à l’audience du 15 octobre 2024 à laquelle les débats se sont tenus.
Par des conclusions en défense, madame [X] [T] a conclu aux fins suivantes :
débouter Mme [J] [E] de sa demande de communication sous astreinte, déclarer irrecevable la demande d’expertise judiciaire formulée par Mme [J] [E] en l’absence de motif légitime,débouter Mme [J] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de Mme [X] [T], condamner Mme [J] [E] à payer et porter à Mme [X] [T] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner Mme [J] [E] aux entiers dépens. Par des conclusions en défense, la SCP [18] a sollicité de voir :
donner acte à Me [F] de sa remise à droit sous réserve de limiter les informations à délivrer par le notaire aux demandes concernant strictement la succession, à savoir les procès-verbaux d’ouverture et des dépôts des testaments enregistrés au sein du fichier ADSN, de l’acte de notoriété et de l’inventaire dressé à l’ouverture de la succession, à l’exception de tout autre document médical ou bancaire,prononcer la mise hors de cause de Maître [F] dans l’hypothèse où l’expertise médicale sollicitée par Madame [E] serait ordonnée, condamner Madame [J] [E] aux entiers dépens de l’instance. Dans ses dernières écritures, madame [J] [E] a maintenu ses demandes initiales, à l’exception de sa demande de condamnation de madame [T] à produire des pièces sous astreinte. Elle a également sollicité de voir :
ordonner la communication du dossier au Ministère Public pour enquête en application des dispositions de l’article 40 du Code de procédure pénaledébouter toute partie de ses demandes plus amples ou contrairescondamner madame [X] [T] à lui payer et porter la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure. Pour un plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions régulièrement déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la demande d’expertise judiciaire
L’article 145 du Code de procédure civile dispose que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
En l’espèce, madame [J] [E] sollicite l’organisation d’une mesure d’expertise médicale sur pièces à l’effet de vérifier l’état de santé de feue [B] [U] [D], sa grand-mère, et l’incompatibilité de cet état de santé avec la rédaction du testament olographe du 23 mars 2022. Elle précise qu’il est improbable que sa grand-mère ait pu déposer ledit testament en l’étude du notaire, lequel a toujours refusé de communiquer l’attestation de dépôt et que les médecins ont opposé le secret médical à ses demandes de communication du dossier médical.
Madame [X] [T] soulève l’irrecevabilité de la demande d’expertise pour défaut de qualité à agir de la demanderesse.
Madame [T] conteste par ailleurs l’existence d’un abus de faiblesse dans la mesure où le legs particulier dont la demanderesse entend se prévaloir a été révoqué par la défunte elle-même dès la vente de 2016.
La SCP [18] sollicite la mise hors de cause de Maître [F] dans l’hypothèse où l’expertise médicale sollicitée par madame [E] serait ordonnée.
Il est constant que la nullité relative pour insanité d’esprit ne peut être demandée que par les successeurs universels légaux ou testamentaires du de cujus. Ainsi, un légataire à titre particulier n’a pas qualité pour agir en nullité du testament ou de la donation et doit être déclaré irrecevable, de sorte que toute action engagée par madame [E] sur ce fondement serait manifestement vouée à l’échec.
Par ailleurs, la décision de la première chambre civile de la Cour de cassation (n°21-24.930) versée aux débats par la demanderesse n’est pas applicable à la présente en l’espèce. Dans cette affaire, les demandeurs à l’expertise entendaient se prévaloir de leur qualité de légataires universels qui avait été instituée aux termes d’un testament antérieur.
Or madame [E] n’a ni la qualité d’héritière réservataire, ni celle de légataire universel, de sorte qu’elle ne dispose pas de la qualité à agir en nullité du testament sur le fondement de l’insanité d’esprit. Elle ne dispose donc pas d’un motif légitime pour solliciter une expertise de ce chef.
Madame [E] soutient par ailleurs qu’elle pourrait engager la responsabilité délictuelle de sa mère ou toute autre personne qui aurait commis un abus de faiblesse en profitant de l’état de santé mentale de [B] [T] pour lui faire signer des actes contraires à ses souhaits et son intérêt.
En application de l’article 1038 du Code civil, « Toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou de partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l’aliénation postérieure soit nulle, et que l’objet soit rentré dans la main du testateur ».
L’appartement situé [Adresse 11], objet du legs particulier à madame [E], a été vendu par la défunte en 2016, ce qui a entraîné la révocation tacite du legs.
Cette révocation remontant à l’année 2016, date à laquelle aucun élément ne permet de prouver que madame [D] ne disposait pas de toutes ses facultés, conduit à considérer qu’une action pour abus de faiblesse apparaît manifestement vouée à l’échec.
S’agissant d’une possible action en révocation pour cause d’ingratitude, une telle demande doit être formée dans l’année de commission du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour où ce délit aura été connu.
Madame [E] ne conteste pas avoir été informée de la vente de l’appartement situé [Adresse 11], objet du legs particulier, réalisée le 29 août 2016, de sorte qu’elle n’est plus recevable à formuler une telle demande en 2024.
Aussi, toute action de sa part en révocation pour cause d’ingratitude est également manifestement vouée à l’échec.
Dans ces conditions, madame [J] [E] ne démontre pas l’existence d’un motif légitime justifiant l’organisation d’une expertise judiciaire.
Elle sera déboutée de sa demande.
2/ Sur la demande de communication de pièces par le notaire
Madame [J] [E] sollicite d’être autorisée par le juge à obtenir la communication par Maître [F] de tous les documents relatifs à la succession de Madame [B] [U] [D], née le [Date naissance 8] 1939 à [Localité 15], et décédée à [Localité 20] le [Date décès 1] 2023, et notamment :
les procès-verbaux d’ouverture et de dépôt de l’intégralité des testaments enregistrés au sein du fichier ADSNdu certificat médical, ou tout autre justificatif médical de la capacité de Madame [D] à ester à une période concomitante au testament du 23/03/2022 qui lui aurait été transmis de l’acte de notoriété et inventaire dressés à l’ouverture de la succession des relevés de compte de la de cujus sollicités.Elle fait notamment valoir que dans la mesure où elle et d’autres membres de la famille pourraient avoir une vocation successorale et raisonnablement être considérés comme ayants droits potentiels, elle est bien fondée à solliciter l’autorisation de communication par Maître [F] des documents précités.
La SCP [18] s’en remet à droit sur cette demande sous réserve de limiter les informations à délivrer aux demandes concernant strictement la succession.
Par principe, le secret professionnel du notaire est intangible. Il n’est en délié que dans les cas spécifiquement prévus par la Loi.
Selon l’article 23 de la Loi du 25 ventôse an XI, modifié par l’ordonnance N° 2000-916 du 19 septembre 2000 :
« Les notaires ne pourront également, sans l’ordonnance du président du tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d’une amende de 15 euros, et d’être en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l’exécution des lois et règlements sur le droit d’enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à une publication. »
Le notaire peut donc refuser de donner communication des actes déposés en son office, sauf aux parties elles-mêmes, leurs héritiers ou ayants-droits ou leurs mandataires, ou toute personne autorisée par la loi ou par décision judiciaire, qui auront à justifier de leur identité et de leur qualité, à peine de dommages-intérêts et d’une amende.
Il découle des motifs qui précèdent que madame [E] n’a pas qualité à agir pour être autorisée à avoir communication des pièces sollicitées.
Par conséquent, cette demande sera rejetée.
3/ Sur la demande de communication du dossier au Ministère Public
Madame [E] sollicite la communication pour enquête sur le fondement des dispositions de l’article 40 du Code de procédure pénale. Elle considère qu’elle est recevable à solliciter l’indemnisation de son préjudice né de l’abus de faiblesse qui pourrait être relevée au préjudice de sa grand-mère.
L’article 40 du Code de procédure pénale dispose que :
« Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
En l’état des pièces versées au dossier, la preuve d’un crime ou délit n’est pas rapportée avec l’évidence requise en référé de sorte que le juge des référés ne peut avoir acquis avec certitude la connaissance des infractions alléguées.
En tout état de cause, cette demande n’est pas suffisamment étayée dans les écritures de la demanderesse.
Par conséquent, madame [J] [E] sera déboutée de cette demande.
4/ Sur les frais
Aucune considération tirée de l’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Madame [J] [E], succombant en ses demandes, conservera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
Le juge des référés, statuant publiquement en premier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande d’expertise médicale sur pièces,
REJETTE la demande de communication de pièces,
DÉBOUTE madame [J] [E] de sa demande de communication du dossier au Ministère Public,
DIT n’y avoir lieu à référé sur toute autre demande,
DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
LAISSE les dépens à la charge de madame [J] [E],
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
La Greffière, La Présidente,

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