Validité de la contrainte et imputation des paiements en matière de cotisations sociales

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Validité de la contrainte et imputation des paiements en matière de cotisations sociales

L’Essentiel : Madame [J] [V] [Y] a contesté une contrainte de la CIPAV, signifiée le 13 juin 2023, pour un montant de 17.983,35 € relatif à des cotisations de 2022. Lors de l’audience, prévue le 18 novembre 2024, elle a reconnu un montant réduit de 307,94 €, affirmant avoir payé 261,45 € le 31 juillet 2023. L’URSSAF a contesté ce paiement. Madame [Y] a fourni des preuves, dont un chèque de 261,45 € avec preuve d’encaissement. Le tribunal a validé la contrainte pour 46,49 € après déduction, condamnant Madame [Y] à payer des frais de signification de 73,04 €.

Contexte de l’affaire

Madame [J] [V] [Y] a introduit une requête le 23 juin 2023 auprès du tribunal judiciaire de Nanterre pour former opposition à une contrainte établie par la CIPAV, signifiée le 13 juin 2023, pour un montant de 17.983,35 € relatif à des cotisations et majorations de retard pour l’année 2022. L’affaire a été retenue pour audience le 18 novembre 2024.

Demandes de l’URSSAF

L’URSSAF, successeur de la CIPAV, a demandé au tribunal de débouter Madame [Y] de ses demandes, de valider la contrainte pour un montant réduit de 307,94 €, de condamner Madame [Y] à verser une indemnité de 500 € et de lui faire payer les frais engagés pour le recouvrement de la créance.

Position de Madame [Y]

Lors de l’audience, Madame [Y] a reconnu le montant réduit de 307,94 €, mais a affirmé avoir effectué un paiement par chèque de 261,45 € le 31 juillet 2023, correspondant à des cotisations de retraite de base et des majorations. L’URSSAF a contesté la réalité de ce paiement.

Éléments de preuve fournis par Madame [Y]

Madame [Y] a présenté plusieurs documents, dont un courrier de l’huissier mentionnant les sommes dues, un courriel indiquant l’envoi d’un chèque de 249 €, et une copie du chèque de 261,45 € avec preuve d’encaissement. Ces éléments ont permis d’établir qu’elle avait effectivement réglé cette somme.

Décision du tribunal

Le tribunal a validé la contrainte établie le 11 avril 2023 pour un montant de 46,49 €, après déduction du paiement de Madame [Y]. Il a également condamné Madame [Y] à payer les frais de signification de la contrainte, s’élevant à 73,04 €, et a précisé que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.

Conclusion sur les frais et l’exécution

Le tribunal a rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire et que tous les actes de procédure nécessaires à l’exécution de la contrainte sont à la charge du débiteur. L’URSSAF a été déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la contrainte établie par l’URSSAF ?

La contrainte établie par l’URSSAF repose sur l’article R133-3 du code de la sécurité sociale, qui précise les conditions de mise en œuvre de cette procédure.

Cet article stipule que « si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L133-8-7, L161-1-5 ou L244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles.

La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice.

À peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

Il est également précisé que le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou, pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier.

L’opposition doit être motivée et accompagnée d’une copie de la contrainte contestée.

Comment se justifie le montant de la créance contestée par Madame [Y] ?

Le montant de la créance contestée par Madame [Y] est justifié par le recalcul effectué par l’URSSAF, qui a abouti à une créance de 307,94 €, dont 291,69 € en cotisations et 16,25 € en majorations de retard.

Madame [Y] ne conteste pas ce montant réduit, mais elle fait valoir qu’elle a effectué un paiement partiel de 261,45 € le 31 juillet 2023.

Pour établir la réalité de ce paiement, elle produit plusieurs éléments, notamment un courrier de l’huissier de justice mentionnant les sommes dues, un courrier électronique indiquant l’envoi d’un chèque de 249 € pour la régularisation des cotisations, ainsi qu’une copie du chèque de 261,45 € et la preuve de son encaissement.

Ces éléments permettent de conclure que le paiement de 261,45 € doit être déduit de la créance de l’URSSAF, réduisant ainsi le montant dû à 46,49 €.

Quelles sont les conséquences des frais d’exécution selon le code de la sécurité sociale ?

Les conséquences des frais d’exécution sont régies par l’article R133-6 du code de la sécurité sociale, qui stipule que « les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions de l’article R133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l’opposition a été jugée fondée.

Dans le cas présent, l’opposition n’étant pas fondée, les frais de signification de la contrainte, d’un montant de 73,04 €, seront donc mis à la charge de Madame [Y].

Cette disposition vise à garantir que les frais engagés pour le recouvrement de créances soient supportés par le débiteur, sauf si celui-ci réussit à prouver la validité de son opposition.

Quelle est la portée de la décision du tribunal concernant les dépens et les frais irrépétibles ?

La décision du tribunal concernant les dépens et les frais irrépétibles est fondée sur le principe selon lequel chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

Cela signifie que, indépendamment de l’issue du litige, chaque partie doit supporter ses propres frais de justice.

En ce qui concerne les frais irrépétibles, le tribunal a décidé de ne pas condamner Madame [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui permet au juge d’allouer une indemnité à la partie gagnante pour couvrir ses frais non compris dans les dépens.

Cette décision est prise en considération de l’équité, ce qui montre que le tribunal a pris en compte les circonstances particulières de l’affaire avant de rendre sa décision.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
07 Janvier 2025

N° RG 23/01364 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YT6V

N° Minute : 24/01792

AFFAIRE

URSSAF ILE-DE-FRANCE (CIPAV)

C/

[J] [V] [Y]

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

URSSAF ILE-DE-FRANCE (CIPAV)
Venant aux droits de la CIPAV
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie PAILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0536

DEFENDERESSE

Madame [J] [V] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Raluca BORDEIANU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0053

***

L’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Jean-Marie JOYEUX, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Hanene ARBAOUI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Gaëlle PUTHIER, Greffière.

JUGEMENT

Prononcé en dernier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par requête du 23 juin 2023, Madame [J] [V] [Y] a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre, spécialement désigné en application de l’article L211-16 du code de l’organisation judiciaire, aux fins de former opposition à la contrainte établie le 11 avril 2023 par le directeur de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV), et signifiée le 13 juin 2023, pour un montant de 17.983,35 € au titre de cotisations et majorations de retard dues entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022.

Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été retenue à l’audience du 18 novembre 2024.

L’Union de Recouvrement de Cotisations de Sécurité Sociale et Allocations Familiales d’Île-de-France (URSSAF), venant aux droits de la CIPAV, demande au tribunal de :
– débouter Madame [Y] de ses demandes ;
– valider la contrainte pour un montant réduit de 307,94 €, dont 291,69 € de cotisations et 16,25€ de majorations de retard, arrêté à la date du 22 novembre 2022 ;
– condamner Madame [Y] à lui verser une indemnité de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner, à titre reconventionnel, Madame [Y] au paiement des frais engagés pour le recouvrement de la créance, conformément aux articles R133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.

En défense, Madame [J] [V] [Y], représentée par son conseil, ne conteste pas lors de l’audience le montant réduit de 307,94 €, mais se prévaut d’un règlement par chèque débité de 261,45 € le 31 juillet 2023, correspondant selon elle au solde des cotisations de retraite de base de l’année 2021 (249 €) et des majorations (12,45 €).

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 7 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé de la contrainte

Aux termes de l’article R133-3 du code de la sécurité sociale, « si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L133-8-7, L161-1-5 ou L244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
L’huissier de justice avise dans les huit jours l’organisme créancier de la date de signification.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition.
La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire ».

Il appartient à l’opposant à la contrainte de démontrer le bien-fondé de son opposition.

En l’espèce, l’URSSAF apparaît avoir procédé à un recalcul des sommes dues par Madame [Y] et aboutit à une créance de 307,94 €, soit 291,69 € en cotisations et 16,25 € en majorations de retard, indiquant en particulier accepté à titre exceptionnel une réduction sur la cotisation de retraite complémentaire de l’année 2022.
Ces modalités de calcul ne sont pas contestées par l’opposante mais celle-ci évoque un paiement partiel par chèque débité le 31 juillet 2023, d’un montant de 261,45 €, dont la réalité est contestée par l’URSSAF.

Madame [Y] produit à cet égard :
– un courrier de l’huissier de justice en date du 17 juillet 2023 mentionnant diverses sommes dues par Madame [Y], dont 249 € au titre de la régularisation des cotisations 2022 (sur l’année 2021) du régime de base (tranche 2), et des majorations afférentes de 12,45 € ;
– un courrier électronique de Madame [Y] du 19 juillet 2023 adressé à l’huissier de justice indiquant envoyer un chèque de 249 € correspondant à cette régularisation des cotisations 2022, et demandant l’annulation du surplus de sa dette (invalidité décès 2022, retraite complémentaire 2022, les majorations afférentes) ;
– la copie du chèque n°00588021 adressé à l’huissier de justice, d’un montant de 261,45 € (soit 249 € + 12,45 €), ainsi que la preuve de son encaissement.

Ces éléments permettent d’établir que Madame [Y] a effectivement réglé cette somme de 261,45 € qu’elle entendait voir imputer sur sa dette objet du présent litige. Par conséquent, elle est fondée à soutenir que ce paiement doit venir en déduction de la créance de l’URSSAF.

Il conviendra en conséquence de valider la contrainte établie le 11 avril 2023 pour le montant de 46,49 € [soit 307,94 € – 261,45 €] au titre de cotisations et majorations de retard dues pour la période comprise entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022.

Sur les frais d’exécution

Aux termes de l’article R133-6 du code de la sécurité sociale, les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions de l’article R133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l’opposition a été jugée fondée.

L’opposition n’étant pas fondée, les frais de signification de la contrainte signifiée le 13 juin 2023, dont il est justifié pour un montant de 73,04 €, seront mis à la charge de Madame [Y].

Sur les dépens

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Sur les frais irrépétibles

En revanche, l’équité commande de ne pas condamner Madame [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE, statuant par décision contradictoire, rendue en dernier ressort,

VALIDE la contrainte établie le 11 avril 2023 par le directeur de la CIPAV, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Île-de-France, à l’encontre de Madame [J] [V] [Y], pour un montant de 46,49 € au titre de cotisations et majorations de retard dues sur la période comprise entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 ;

CONDAMNE Madame [J] [V] [Y] au paiement des frais de signification de la contrainte du 11 avril 2023, d’un montant de 73,04 € ;

RAPPELLE que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire et que tous les actes de procédure nécessaires à l’exécution de la contrainte, sont à la charge du débiteur ;

DIT que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens ;

DÉBOUTE l’URSSAF d’Île-de-France de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Gaëlle PUTHIER, Greffière, présents lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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