Un photographe a découvert qu’une association utilisait sa photographie en page d’accueil de sa page Facebook, ce qui a été constaté par un procès-verbal d’huissier et pourtant aucune contrefaçon ni atteinte au droit moral du photographe n’a été retenue.
Photographie originale
La photographie reproduite sur Facebook a été considérée comme originale. L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».
Le droit de l’article susmentionné est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
De plus, l’arrêt du 1 er décembre 2011,(CJUE, 3e ch., 1 er déc. 2011,aff. C-145/10, Eva-Maria P. c/Standard Verlags GmbH et a., a précisé : « il résulte du dix-septième considérant de la directive n? 93/98, qu’une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu’elle reflète la personnalité de celui-ci. Or, tel est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’oeuvre en effectuant des choix libres et créatifs. S’agissant d’une photographie de portrait, il y a lieu de relever que l’auteur pourra effectuer ses choix libres et créatifs de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation. Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage. Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée. Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels. A travers ces différents choix, l’auteur d’une photographie de portrait est ainsi en mesure d’imprimer sa « touche personnelle » à l’oeuvre créée ».
Ainsi, l’auteur doit être en mesure d’expliciter les éléments permettant de comprendre son effort créatif et ce qu’il revendique comme étant l’empreinte qu’il a imprimée à cette œuvre et qui ressort de sa personnalité.
En l’espèce, le photographe a suffisamment explicité ses choix tant au niveau du sujet, que dans la mise en scène, la pose des enfants photographiés, ainsi que le cadrage et l’atmosphère qu’il a voulu ainsi créer. Cette photographie reflétait la volonté de son auteur de montrer une image positive de l’insertion en France des enfants de migrants de la deuxième génération, en cela, l’empreinte de la personnalité de l’auteur était également démontrée.
Absence de contrefaçon
La photographie en cause avait fait l’objet d’une cession par le photographe. Par conséquent, ce dernier ne démontrait pas avoir qualité pour agir en contrefaçon au titre des droits d’exploitation. La cession en cause ne mentionnant aucune limite quant à la durée et au type de supports autorisés, la reproduction sur un site internet tel que Facebook était donc autorisée. Droit moral du photographe
Sur le volet du droit moral du photographe, les juges ont considéré que ce dernier ne pouvait à la fois arguer d’une dénaturation de son œuvre et invoquer le droit à la paternité sur cette reproduction qu’il estimait dénaturée (irrecevabilité). |
→ Questions / Réponses juridiques
Quelle est la nature de la photographie en question ?La photographie en question a été considérée comme une œuvre originale, protégée par le droit d’auteur. Selon l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif sur celle-ci, dès sa création. Ce droit inclut des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Cela signifie que la photographie, en tant qu’œuvre de l’esprit, est protégée sans qu’il soit nécessaire d’effectuer des formalités administratives. L’originalité de l’œuvre est déterminée par la capacité de l’auteur à exprimer sa personnalité à travers ses choix créatifs lors de la réalisation de la photographie. Quels éléments ont été pris en compte pour établir l’originalité de la photographie ?Pour établir l’originalité de la photographie, plusieurs éléments ont été pris en compte. L’arrêt de la CJUE du 1er décembre 2011 souligne que l’originalité d’une œuvre réside dans la capacité de l’auteur à exprimer sa personnalité à travers des choix créatifs. Dans le cas de la photographie de portrait, l’auteur a la possibilité de faire des choix à différents moments, tels que la mise en scène, la pose du sujet, l’éclairage, le cadrage, et l’angle de prise de vue. Ces choix permettent à l’auteur d’imprimer sa « touche personnelle » à l’œuvre. Dans cette affaire, le photographe a explicité ses choix concernant le sujet, la mise en scène, et l’atmosphère qu’il souhaitait créer, ce qui a démontré son empreinte personnelle sur l’œuvre. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de contrefaçon retenue dans cette affaire ?La raison pour laquelle aucune contrefaçon n’a été retenue dans cette affaire est liée à la cession des droits d’exploitation de la photographie par le photographe. En effet, le photographe avait cédé ses droits sans mentionner de limites quant à la durée ou au type de supports autorisés. Cela signifie que la reproduction de la photographie sur un site internet comme Facebook était autorisée. Par conséquent, le photographe ne pouvait pas revendiquer une contrefaçon, car il n’avait pas la qualité pour agir en ce sens, étant donné qu’il avait transféré ses droits d’exploitation. Qu’en est-il du droit moral du photographe dans cette affaire ?Concernant le droit moral du photographe, les juges ont estimé que le photographe ne pouvait pas à la fois revendiquer une dénaturation de son œuvre et invoquer son droit à la paternité sur cette reproduction qu’il considérait comme dénaturée. Cette position a conduit à l’irrecevabilité de ses arguments. Le droit moral, qui inclut le droit à la paternité et le droit au respect de l’œuvre, est un droit inaliénable, mais dans ce cas précis, les juges ont jugé que les arguments du photographe étaient contradictoires et donc non recevables. |
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