Urgence et nuisances : enjeux de la protection des occupants en copropriété

·

·

Urgence et nuisances : enjeux de la protection des occupants en copropriété

L’Essentiel : Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé à [Adresse 2] a assigné M. [U] [M] [B] et ses co-curateurs en référé pour obtenir le nettoyage de son appartement, en raison de nuisances liées à l’accumulation d’objets, caractéristique d’un syndrome de Diogène. Malgré les troubles de voisinage et les risques sanitaires, M. [U] [M] [B] a demandé un délai de six mois pour nettoyer son logement, tout en contestant la demande de condamnation. Le tribunal a ordonné un désencombrement dans un délai d’un mois, tout en rejetant la demande de condamnation au titre de l’article 700.

Contexte de l’affaire

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé à [Adresse 2] a assigné M. [U] [M] [B] et ses co-curateurs, M. [T] [B] et l’UDAF 93, en référé pour obtenir la condamnation in solidum de ces derniers à faire vider et nettoyer l’appartement de M. [U] [M] [B]. Cette demande est fondée sur les articles 834 et 835 du code de procédure civile, avec une demande subsidiaire de désignation d’un commissaire de justice pour constater les conditions d’occupation du logement et les nuisances éventuelles.

Les nuisances signalées

Le syndicat des copropriétaires a soutenu que l’appartement de M. [U] [M] [B] est source de nuisances en raison de l’accumulation d’objets et de déchets, caractéristique d’un syndrome de Diogène. Cette situation, qui perdure depuis plusieurs années, entraîne des troubles de voisinage, des risques sanitaires et d’incendie, aggravés par le refus de M. [U] [M] [B] de coopérer avec les interventions proposées.

La défense de M. [U] [M] [B]

En réponse, M. [U] [M] [B], assisté par l’UDAF 93, a demandé un délai d’au moins six mois pour nettoyer son logement et s’est opposé à toute astreinte. Il a également proposé la désignation d’un expert pour évaluer les nuisances, tout en contestant la demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, arguant que sa maladie nécessite un accompagnement spécifique.

Les éléments de preuve

Le tribunal a examiné plusieurs éléments de preuve, dont un procès-verbal de constat, un courrier du service communal d’hygiène et de santé, ainsi que des attestations de voisins. Ces documents établissent la réalité des nuisances, notamment la prolifération de nuisibles et les nuisances olfactives, et confirment que des interventions antérieures n’ont pas suffi à résoudre le problème.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté l’imminence d’un dommage et a ordonné à M. [U] [M] [B] de faire intervenir une entreprise spécialisée pour désencombrer et nettoyer son logement dans un délai d’un mois. Il a également précisé que M. [U] [M] [B] devait justifier de cette intervention auprès du syndicat des copropriétaires dans les dix jours suivant celle-ci. La demande de condamnation au titre de l’article 700 a été rejetée, et chaque partie a été condamnée à supporter ses propres dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application des articles 834 et 835 du code de procédure civile en matière de référé ?

L’article 834 du code de procédure civile stipule que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Cela signifie que pour qu’une mesure soit ordonnée en référé, il doit exister une situation d’urgence qui nécessite une intervention rapide du juge.

L’article 835, quant à lui, précise que le président peut prescrire en référé des mesures conservatoires ou de remise en état, même en présence d’une contestation sérieuse, pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent est défini comme un dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation actuelle perdure.

Ainsi, pour que le juge des référés puisse intervenir, il doit être établi l’imminence d’un dommage, ce qui justifie l’urgence de la mesure demandée.

Dans le cas présent, le syndicat des copropriétaires a démontré l’existence de nuisances et de risques sanitaires, ce qui a permis au juge de conclure à l’urgence de la situation.

Comment le juge évalue-t-il l’imminence d’un dommage dans le cadre d’une procédure en référé ?

Pour qu’une mesure soit prononcée en référé, il est nécessaire que le juge constate, à la date à laquelle il statue, l’évidence de l’imminence d’un dommage.

Un dommage imminent est celui qui est certain de se produire si la situation actuelle se maintient.

Le juge doit donc évaluer les éléments de preuve présentés par les parties, tels que des constats d’huissier, des rapports d’experts ou des témoignages, pour établir la réalité de la situation.

Dans l’affaire en question, plusieurs éléments ont été produits, notamment un procès-verbal de constat et des attestations de voisins, qui établissent la réalité des nuisances causées par l’appartement de M. [U] [M] [B].

Ces preuves ont permis de caractériser l’urgence et l’imminence d’un dommage, justifiant ainsi l’intervention du juge.

Il est important de noter qu’un dommage purement éventuel ne saurait fonder l’intervention du juge des référés, ce qui implique que les preuves doivent démontrer une situation concrète et actuelle de nuisances.

Quelles sont les conséquences d’une décision de référé sur les parties concernées ?

La décision rendue en référé a des conséquences immédiates et contraignantes pour les parties.

Dans le cas présent, M. [U] [M] [B] a été condamné à faire intervenir une entreprise spécialisée pour désencombrer et nettoyer son logement dans un délai d’un mois.

Cette décision est exécutoire par provision, ce qui signifie qu’elle peut être mise en œuvre immédiatement, même si elle est susceptible d’appel.

De plus, le juge a précisé que M. [U] [M] [B] devait justifier de l’exécution de cette mesure auprès du syndicat des copropriétaires dans un délai de 10 jours après l’intervention, en fournissant une facture détaillée.

Les parties conservent chacune la charge de leurs dépens, ce qui signifie qu’elles doivent assumer les frais liés à la procédure.

Enfin, la décision ne prévoit pas de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui indique que le juge a estimé que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas une indemnisation des frais d’avocat de la partie gagnante.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/00776 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZDLI

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 09 JANVIER 2025
MINUTE N° 25/00016
—————-

Nous, Madame Mallorie PICHON, Vice-présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Madame Tiaihau TEFAFANO, Greffière,

Après avoir entendu les parties à notre audience du 21 novembre 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :

ENTRE :

Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2], représenté par son syndic le Cabinet LOUIS-PORCHERET,
dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Maître Chloé SOULARD de la SELARL A.K.P.R., avocats au barreau de VAL-DE-MARNE, [Adresse 3]

ET :

Monsieur [U] [M] [B], représenté par Monsieur [L] [F], co-curateur, et bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale (BAJ : C-93008-2024-011809),
demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jeanne-Céline MBENOUN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB247,

L’UDAF 93, pris en sa qualité de co-curateur de Monsieur [U] [B],
dont le siège social est sis [Adresse 4]

non comparante, ni représentée

Monsieur [T] [B] pris en qualité de co-curateur de Monsieur [U] [M] [B],
demeurant [Adresse 5] – CANADA

non comparant, ni représenté

EXPOSE DU LITIGE

Par actes des 8 et 9 avril 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2]) a assigné M. [U] [M] [B] et ses co-curateurs M. [T] [B] et l’UDAF 93 en référé devant le président de ce tribunal, pour obtenir, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, leur condamnation in solidum à faire vider et nettoyer l’appartement de M. [U] [M] [B] et à justifier des diligences effectuées en produisant un constat de commissaire de justice pour contrôle de bonne fin, sous astreinte. Subsidiairement, il demande au visa de l’article 145 du code de procédure civile la désignation d’un commissaire de justice aux fins de constat des conditions d’occupation par M. [U] [M] [B] de son logement et dire si celles-ci sont la source de nuisances pour les autres occupants de l’immeubles et en préciser la ou les causes, et en tout état de cause, la condamnation in solidum des défendeurs à régler la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Après renvois, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 21 novembre 2024, lors de laquelle le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] à [Localité 7] a maintenu ses demandes dans les termes de l’assignation.

Il expose au soutien de ses demandes que la copropriété subit des nuisances provenant de l’appartement de M. [U] [M] [B], qui présente un syndrome de Diogène et accumule objets et déchets, ce qui cause la prolifération de nuisibles et des nuisances olfactives. Il affirme que cette situation, qui persiste depuis de nombreuses années car M. [U] [M] [B] refuse ou met en échec les interventions, entraine des troubles anormaux de voisinage, ainsi que des risques sanitaires et d’incendie.

En défense, M. [U] [M] [B], assisté par l’UDAF 93, demande à titre principal que soit octroyé un délai d’au moins six mois pour faire nettoyer le logement et s’oppose à toute astreinte. A titre subsidiaire, il indique ne pas s’opposer à la désignation d’un expert pour déterminer les nuisances éventuelles. En tout état de cause, il demande le rejet de la demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait principalement valoir que sa maladie nécessite un accompagnement spécifique et du temps pour adhérer aux interventions proposées, et que par ailleurs, l’intégralité des troubles invoqués ne saurait lui être imputable, un simple désordre dans son logement ne causant pas de nuisances.

Régulièrement cité suivant les dispositions de l’article 684 du code de procédure civile et de l’article 10.b de la convention de La Haye du 15 novembre 1965, M.. [T] [B], co-curateur de M. [U] [M] [B], n’a pas comparu.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et le cas échéant aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

L’article 834 du code de procédure civile prévoit que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

Il s’ensuit pour que la mesure sollicitée soit prononcée, qu’il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle le juge statue et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, dont le constat suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets. Un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l’intervention du juge des référés.

En l’espèce, il est notamment produit aux débats un procès-verbal de constat du 27 janvier 2023, un courrier du service communal d’hygiène et de santé de la commune de [Localité 7] en date du 29 juin 2023, des échanges entre le conseil syndical et le juge des tutelles ou l’UDAF 93, et de nombreuses attestations émanant de voisins de M. [U] [M] [B] qui établissent la réalité de l’encombrement du logement, de la prolifération de nuisibles (mouches et rongeurs) et de nuisances olfactives.

Il est également acquis qu’une intervention de débarras, de nettoyage des sols, désinfection et désinsectisation a pu être réalisée en juin 2024, mais que la situation s’est depuis lors à nouveau dégradée et qu’un passage régulier est indispensable pour éviter les nuisances et les risques sanitaires pour M. [U] [M] [B] et pour les autres occupants de l’immeuble.

Il est ainsi justifié de l’imminence d’un dommage auquel il convient de remédier dans les meilleurs délais, tout en tenant compte de la pathologie du défendeur qui nécessite un accompagnement spécifique, de sorte qu’il y a lieu d’autoriser la mesure sollicitée, selon modalités fixées au dispositif, sans qu’il y ait lieu à prévoir une astreinte.

Chaque partie supportera la charge de ses dépens.

Les circonstances de l’espèce et l’équité commandent de ne pas faire droit à la demande au titre de l’article 700 code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Condamnons M. [U] [M] [B], assisté par ses co-curateurs, l’UDAF 83 et M. [T] [B], à faire intervenir une entreprise spécialisée pour désencombrer, nettoyer, désinfecter et le cas échéant, désinsectiser et dératiser son logement situé [Adresse 1], ceci dans le délai de un mois à compter de la signification de la présente décision, et à en justifier auprès du syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] dans un délai de 10 jours à compter de l’intervention, en lui adressant une facture détaillée.

Rejetons toute autre demande plus ample ou contraire ;

Disons n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 09 JANVIER 2025.

LA GREFFIERE
LA PRÉSIDENTE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon