De la collaboration au CDILe mouvement des premières requalifications en contrat de travail des prestataires des secteurs de l’économie « uberisée » serait-il amorcé ? En l’espèce, une personne assurant des services de soutien psychologique en ligne sur une plateforme en ligne a obtenu la requalification de son « contrat de collaboration » en contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Présomption simple de contrat de travailLa Start up, employeur, a invoqué sans succès l’article L. 8221-6 du code du travail qui dispose que sont présumés ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à l’immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales. Il s’agit là d’une présomption simple qui peut être renversée par la preuve de l’existence d’un lien de subordination et ce lien était bien établi en l’espèce. Au terme du contrat liant les parties, une partie du matériel était fournie par la société (l’outil informatique), et, si le reste du matériel nécessaire à l’exercice de l’activité devait être possédé par la psychologue (et donc être sa propriété), elle n’avait cependant pas le choix du matériel à utiliser, puisqu’il lui était imposé de disposer d’un ordinateur connecté à une ligne ADSL et de posséder une ligne fixe, mais encore, et surtout, il lui était interdit d’utiliser certains modes de communication, tels que les téléphones portables. Existence d’un lien de subordinationS’il est compréhensible que pour l’exercice de l’activité concernée, il était impossible, ou en tout cas préférable, de ne pas utiliser de téléphone portable, il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’une limite aux conditions d’exercice de l’activité, qui ne pouvait donc pas se faire librement, et était donc soumise à des contraintes imposées, indice de l’existence d’un lien de subordination. Le contrat stipulait encore que « le psychologue s’engage à allouer au minimum 8 heures de présence connectée sur la plate-forme « Pros-Consulte » par semaine ». Il s’agissait donc d’un volume horaire imposé au point qu’en cas de non-respect de ce volume la société se réservait le droit de résilier de plein droit le contrat, ce qui caractérise, outre un volume horaire imposé, l’exercice d’un pouvoir de sanction, indice de l’existence d’un lien de subordination. De même, l’activité de la psychologue n’était pas exercée de manière libre et indépendante, puisqu’elle ne pouvait pas être appelée plus de 3 fois sur une durée de 30 jours par la même personne. Elle ne pouvait donc pas librement décider de poursuivre, ou non, avec la même personne les échanges entrepris, et s’il était décidé qu’elle pouvait poursuivre les appels cela ne pouvait se faire que sous la responsabilité d’un autre professionnel, dans des conditions fixées par la société qui, par ailleurs, était tenue informée de certaines situations telles que le risque de passage à l’acte, l’avenant prévoyant qu’une telle information était donnée au psychologue référent « et au responsable de Pros-Consulte le jour même ». En outre, les psychologues référents devaient être tenus informés des rapports mensuels d’activité des intervenants, et lorsque cela n’était pas fait, le président de la société le leur rappelait. Ces rapports constituaient une modalité de contrôle de l’activité de la psychologue. La prestataire n’avait pas non plus le choix des personnes avec lesquelles elle pouvait être en relation professionnelle, non seulement en ce qu’elle ne pouvait pas choisir les personnes qui solliciteraient son écoute et son aide, ce qui n’est pas en soi et à lui seul un élément suffisant pour caractériser une relation salariale, mais surtout en ce qu’elle ne pouvait pas choisir de garder, ou de ne pas garder, telle personne avec laquelle elle allait être en relation par le biais de la plate-forme Internet en fonction de la problématique rencontrée. Licenciement sans cause réelle et sérieuseIl résulte de l’ensemble de ces éléments une intégration de l’activité du prestataire à un service organisé qui constitue un autre indice de l’existence d’un lien de subordination. Les parties étaient donc liées par un contrat de travail, la rupture du contrat produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Conditions du contrat de travailEn vertu de l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes est compétent pour connaître des différends qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail. Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s’engage, moyennant une rémunération, à mettre son activité à la disposition d’une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. L’existence d’une relation de travail ne dépend donc ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité. En l’absence de l’existence d’un contrat de travail écrit, il incombe à celui qui se prévaut de l’existence du contrat de travail d’en rapporter la preuve. Le lien de subordination est le critère déterminant du contrat de travail, il est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné; le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quelles actions ont conduit au licenciement de la salariée ?La salariée a été licenciée pour avoir transféré, depuis sa boîte électronique professionnelle, un total de 188 courriels vers deux boîtes personnelles. Ces courriels contenaient des documents de nature professionnelle, notamment des informations commerciales et stratégiques. Ces documents incluaient des coordonnées de fournisseurs, une base de données de produits, des factures, et d’autres informations sensibles appartenant à son employeur. Le transfert de ces informations a été considéré comme une violation grave des obligations contractuelles, notamment en raison de leur caractère confidentiel. Pourquoi les documents étaient-ils considérés comme confidentiels ?Les documents transférés par la salariée ont été qualifiés de confidentiels par nature, ce qui signifie qu’il n’était pas nécessaire de les identifier explicitement comme tels. La salariée, en raison de son rôle au sein de l’entreprise, ne pouvait ignorer le caractère sensible des informations contenues dans ces documents. Cela incluait des données sur des fournisseurs chinois, des prix, des marges, ainsi que des informations sur les stocks, qui sont déterminantes pour la compétitivité de l’entreprise. Quelles preuves ont été fournies pour justifier la faute lourde ?Le premier juge a estimé que l’ampleur des documents transférés était suffisante pour établir la faute lourde. Le volume des courriers, leur fréquence de transfert, et la présence de commentaires réguliers indiquaient que la salariée avait consacré un temps considérable à cette opération. Ce temps, qui aurait dû être dédié à ses obligations professionnelles, a été jugé incompatible avec une exécution normale de son travail. Quelles sont les conséquences d’un licenciement pour faute lourde ?Un licenciement pour faute lourde entraîne des conséquences significatives pour le salarié. Selon l’article L 1232-1 du code du travail, le salarié licencié pour faute lourde est privé de son droit au préavis et à l’indemnité de licenciement. De plus, il ne peut pas prétendre à l’indemnité compensatrice de congés payés, ce qui représente une perte financière importante. Quelles conditions doivent être remplies pour qu’un licenciement soit considéré comme justifié ?Pour qu’un licenciement soit considéré comme justifié, il doit avoir une cause réelle et sérieuse. La faute lourde, qui implique une intention de nuire, doit être prouvée par l’employeur. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables, et l’employeur doit agir dans un délai de deux mois après avoir eu connaissance des faits fautifs, conformément à l’article L 1332-4 du code du travail. Quels sont les droits du salarié en cas de licenciement ?En cas de licenciement, le salarié a des droits qui varient selon la nature de la faute. Dans le cas d’une faute lourde, comme mentionné précédemment, le salarié perd son droit au préavis et à l’indemnité de licenciement. Cependant, en cas de licenciement pour d’autres motifs, le salarié peut avoir droit à des indemnités, y compris l’indemnité compensatrice de congés payés, selon les dispositions du code du travail. |
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