Uber : la requalification en contrat de travail

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Uber : la requalification en contrat de travail

Un chauffeur Uber a obtenu la requalification de sa collaboration en contrat de travail. L’organisation même du service Uber (lien de subordination, contrôle, sanction ..) ne permet pas l’exercice d’une activité indépendante des chauffeurs.

Présomption de non salariat

Selon l’article L. 8221-6 du code du travail, les personnes
physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation sur
les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être
liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail. L’existence d’un
contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent
des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de
subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc.,
13 nov. 1996, n° 94-13187, Bull. V n° 386, Société générale), le lien de
subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un
employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en
contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Selon
cette même jurisprudence, peut constituer un indice de subordination le travail
au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement
les conditions d’exécution.

Critères déterminants du contrat de travail

Les juges suprêmes ont retenu que le chauffeur Uber a été
contraint pour pouvoir devenir « partenaire » de la société et de son
application éponyme de s’inscrire au Registre des Métiers et que, loin de
décider librement de l’organisation de son activité, de rechercher une
clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de
prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV,
qui n’existe que grâce à cette plateforme, service de transport à travers
l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas
librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de
transport, qui sont entièrement régis par la société Uber BV.

A propos de la liberté de se connecter et du libre choix des
horaires de travail, le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail
n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu’un
chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par
la société Uber BV.

Au sujet des tarifs, ceux-ci sont contractuellement fixés au
moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif,
imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix,
puisque le contrat prévoit en son article 4.3 une possibilité d’ajustement par
Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un « itinéraire inefficace »,
S’agissant des conditions d’exercice de la prestation de transport, l’application
Uber exerce un contrôle en matière d’acceptation des courses, puisque, au bout
de trois refus de sollicitations, est adressé au chauffeur le message
« Êtes-vous encore là ?« , la charte invitant les chauffeurs qui ne
souhaitent pas accepter de courses à se déconnecter » tout simplement. Cette
invitation doit être mise en regard des stipulations du point 2.4 du contrat,
selon lesquelles : »Uber se réserve également le droit de désactiver ou
autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’Application Chauffeur ou
des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute
autre raison, à la discrétion raisonnable d’Uber », lesquelles ont pour
effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une
course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à
la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir
librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur
convient ou non, ce d’autant que le point 2.2 du contrat stipule que le
chauffeur « obtiendra la destination de l’utilisateur, soit en personne
lors de la prise en charge, ou depuis l’Application Chauffeur si l’utilisateur
choisit de saisir la destination par l’intermédiaire de l’Application mobile
d’Uber », ce qui implique que le critère de destination, qui peut
conditionner l’acceptation d’une course est parfois inconnu du chauffeur
lorsqu’il doit répondre à une sollicitation de la plateforme Uber.

Sur le pouvoir de sanction, outre les déconnexions
temporaires à partir de trois refus de courses et les corrections tarifaires
appliquées si le chauffeur a choisi un « itinéraire inefficace », la société
Uber BV fixait un taux d’annulation de commandes pouvant entraîner la perte
d’accès au compte, tout comme la perte définitive d’accès à l’application Uber
en cas de signalements de « comportements problématiques » par les utilisateurs.

En conclusion, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif et la société Uber BV lui avait bien adressé des directives, en avait contrôlé l’exécution et avait exercé un pouvoir de sanction. Télécharger la décision 

Questions / Réponses juridiques

Quel a été le résultat de la requalification du statut du chauffeur Uber ?

Le chauffeur Uber a obtenu la requalification de sa collaboration en contrat de travail. Cette décision repose sur l’analyse de l’organisation du service Uber, qui révèle un lien de subordination entre les chauffeurs et la société.

Ce lien de subordination se manifeste par le contrôle exercé par Uber sur les chauffeurs, notamment à travers des directives, des sanctions et un encadrement strict de l’activité. Ainsi, les chauffeurs ne peuvent pas exercer leur activité de manière indépendante, ce qui justifie la requalification de leur statut.

Qu’est-ce que la présomption de non-salariat selon le code du travail ?

L’article L. 8221-6 du code du travail stipule que les personnes physiques exerçant une activité immatriculée sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail avec le donneur d’ordre.

Cependant, cette présomption peut être renversée si les conditions d’exécution des prestations établissent un lien de subordination juridique permanente. Cela signifie que si un travailleur est soumis à l’autorité d’un employeur, il peut être considéré comme salarié, malgré la présomption initiale.

Quels sont les critères déterminants du contrat de travail selon la jurisprudence ?

La jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation, a établi que le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur. Cela inclut le pouvoir de donner des ordres, de contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

Dans le cas des chauffeurs Uber, plusieurs éléments ont été pris en compte : l’organisation du service, le contrôle des conditions d’exécution, et l’absence de liberté dans la gestion de leur activité. Ces critères ont conduit à la conclusion que les chauffeurs étaient en réalité des salariés.

Comment la liberté de choix des horaires de travail influence-t-elle la relation de travail ?

La possibilité pour un chauffeur de choisir ses jours et heures de travail ne suffit pas à établir une relation de travail indépendante. En effet, même si les chauffeurs peuvent décider de se connecter à la plateforme, ils intègrent un service organisé par Uber.

Cela signifie qu’ils doivent se conformer aux règles et aux conditions imposées par la société, ce qui limite leur autonomie. Ainsi, la liberté apparente de choisir des horaires ne remet pas en cause le lien de subordination existant.

Quel est le rôle des tarifs et des conditions d’exercice dans la relation entre Uber et ses chauffeurs ?

Les tarifs des courses sont fixés par des algorithmes de la plateforme Uber, ce qui signifie que les chauffeurs n’ont pas la liberté de déterminer leurs prix. De plus, Uber peut ajuster les tarifs en fonction de divers critères, y compris le choix d’un itinéraire par le chauffeur.

Les conditions d’exercice sont également strictement contrôlées par Uber, qui impose des règles concernant l’acceptation des courses. Les chauffeurs doivent rester connectés pour espérer obtenir des courses, ce qui renforce leur dépendance à l’égard de la plateforme.

Quelles sanctions peuvent être appliquées aux chauffeurs par Uber ?

Uber exerce un pouvoir de sanction sur ses chauffeurs, notamment par des déconnexions temporaires après plusieurs refus de courses. De plus, des corrections tarifaires peuvent être appliquées si un chauffeur choisit un itinéraire jugé inefficace.

Il existe également un taux d’annulation de commandes qui peut entraîner la perte d’accès au compte, ainsi que des signalements de comportements problématiques pouvant mener à une exclusion définitive de l’application. Ces mesures illustrent le contrôle exercé par Uber sur ses chauffeurs.

Quelle est la conclusion sur le statut des chauffeurs Uber ?

La conclusion est que le statut de travailleur indépendant des chauffeurs Uber était fictif. La société Uber BV a exercé un contrôle significatif sur leurs activités, en leur adressant des directives, en contrôlant l’exécution de leur travail et en appliquant des sanctions.

Cela démontre que les chauffeurs étaient en réalité dans une relation de travail subordonnée, justifiant ainsi la requalification de leur statut en contrat de travail.


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