Tribunal judiciaire du Mans, 6 février 2025, RG n° 22/00472
Tribunal judiciaire du Mans, 6 février 2025, RG n° 22/00472

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire du Mans

Thématique : Remboursement des allocations indûment perçues : obligations et conséquences financières.

Résumé

Contexte de l’affaire

Une allocataire s’est inscrite auprès de l’organisme de l’emploi en septembre 2014 et a perçu des allocations chômage jusqu’en février 2016, totalisant 24 080,79 euros. En mai 2016, l’organisme a notifié un trop-perçu de 11 307,09 euros, suivi d’une décision en juillet 2016 de supprimer définitivement ses droits à allocation chômage, rétroactivement à partir de mars 2015.

Notifications et mises en demeure

L’allocataire a reçu plusieurs notifications de trop-perçus, dont un montant de 10 739,27 euros en août 2016. En janvier 2017, un plan de remboursement a été établi, mais des mises en demeure ont été envoyées en octobre 2017 et juin 2021 pour des paiements non respectés. En juillet 2021, l’organisme a réclamé le règlement d’un solde de 7 186,09 euros.

Opposition à la contrainte

En octobre 2021, une contrainte a été délivrée pour des montants relatifs à des indus d’allocation. L’allocataire a formé opposition à cette contrainte en novembre 2021. En avril 2024, le juge a rejeté la demande de nullité de la contrainte et a condamné l’allocataire à payer une somme de 1 000 euros pour frais de justice.

Prétentions de l’allocataire

Dans ses conclusions, l’allocataire a demandé la nullité de la contrainte, le rejet de la demande de paiement de l’organisme, ainsi qu’une condamnation de ce dernier à lui verser une somme de 110,92 euros. Elle a également demandé des frais de justice.

Réponse de l’organisme de l’emploi

L’organisme a demandé le rejet de l’opposition à contrainte et a sollicité le paiement d’une somme de 13 260,74 euros pour le trop-perçu. Il a justifié sa demande en se basant sur des articles du code du travail et a affirmé que l’allocataire n’avait pas respecté ses obligations de déclaration.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de nullité de la contrainte et a condamné l’allocataire à rembourser 13 260,74 euros pour les allocations indûment perçues. Il a également débouté l’allocataire de sa demande de paiement de 110,92 euros et l’a condamnée aux dépens ainsi qu’à verser 2 000 euros pour frais de justice. L’exécution provisoire de la décision a été rappelée.

MINUTE 2024/
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DU MANS

Première Chambre

Jugement du 06 Février 2025

N° RG 22/00472 – N° Portalis DB2N-W-B7G-HLXX

DEMANDERESSE

Madame [T] [R] épouse[S]
née le 23 février 1958
demeurant [Adresse 3]
représentée par Maître Emilie BOURDON, membre de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON, avocate au Barreau du MANS

DEFENDERESSE

FRANCE TRAVAIL, anciennement POLE EMPLOI, institution nationale publique, dont le siège est [Adresse 1], agissant pour le compte de l’UNEDIC (organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage) en application du mandat résultant de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023, représentée par la directrice régionale des Pays de la Loire, et faisant élection de domicile au [Adresse 2],
représenté par Maître Maëlle KERMARREC, membre de la SELARL MGA, avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE, avocate plaidante et par Maître Catherine POIRIER, membre de la SCP D’AVOCATS POIRIER LETROUIT, avocate au Barreau du MANS, avocat postulant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Marie-Michèle BELLET, Vice-présidente

Statuant comme Juge Unique en application de l’article L.212-2 du code de l’organisation judiciaire.
Les avocats constitués ont été régulièrement avisés de l’attribution du juge unique en application de l’article 765 du code de procédure civile, sans que la demande de renvoi ait été formulée dans les conditions prévues par l’article 766 du même code.

GREFFIER : Patricia BERNICOT

DÉBATS A l’audience publique du 26 novembre 2024
A l’issue de celle-ci, le Président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu le 06 février 2025 par sa mise à disposition au greffe de la juridiction.

Jugement du 06 Février 2025

– prononcé publiquement par Marie-Michèle BELLET, par sa mise à disposition au greffe
– en premier ressort
– contradictoire
– signé par le président et Patricia BERNICOT, greffier, à qui la minute du jugement été remise.

copie exécutoire à Maître Emilie BOURDON de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON – 37, Maître Catherine POIRIER de la SCP SCP D’AVOCATS POIRIER LETROUIT – 41 le

N° RG 22/00472 – N° Portalis DB2N-W-B7G-HLXX

EXPOSE DU LITIGE

Madame [T] [R] épouse [S] (Mme [S]) s’est inscrite auprès de Pôle emploi Pays de Loire, nouvellement France travail (Pôle emploi) en septembre 2014 et a perçu des allocations à compter d’octobre 2014 et jusqu’à février 2016 pour une somme totale de 24 080,79 euros.

Le 23 mai 2016, Pôle emploi a notifié à Mme [S] un trop perçu d’un montant de 11 307,09 euros.

Par décision notifiée par lettre recommandée avec accusé réception du 13 juillet 2016, Pôle emploi a prononcé la suppression définitive des droits à allocation chômage, et ce rétroactivement à compter du 9 mars 2015.
Le 25 août 2016, un trop-perçu de 10 739,27 euros a été notifié à Mme [S].

Le 30 janvier 2017, Pôle emploi a confirmé par courrier le plan d’apurement sur la somme de 24 268,18 euros. Mme [S] a commencé ses versements.

Par lettre recommandée du 16 octobre 2017, Pôle emploi a mis en demeure Mme [S] de payer la somme de 10 239,27 euros, faute d’avoir respecté l’échéancier mis en place s’agissant du trop-perçu de 10 739,37 euros.

Le 21 juin 2021, une mise en demeure relative au trop-perçu de 11 307,09 euros a été adressée et est retournée pli avisé non réclamé.

Le 5 juillet 2021, Pôle emploi a de nouveau mis en demeure Mme [S] de procéder au règlement de la somme de 11 307,09 euros correspondant à un trop-perçu sur la période du 8 septembre 2014 au 29 février 2016 pour maladie ou maternité pendant la période indiquée. Le courrier a indiqué que le solde restant s’élevait à 7 186,09 euros.

Le 26 octobre 2021, Pôle emploi a délivré une contrainte à l’encontre de Mme [S] pour des montants de 5 690,94 euros et de 7 569,80 euros relatifs à des indus d’allocation d’aide au retour à l’emploi pour les motifs de « cumul sécurité sociale » et « révision de la situation ».

Mme [S] a formé opposition à l’encontre de la contrainte le 2 novembre 2021 par lettre recommandée avec accusé réception.

Par ordonnance du 25 avril 2024, le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire du Mans a :
-Constaté que Mme [S] ne présente plus de demandes relatives au manquement aux règles de la postulation territoriale ;
– Rejeté la demande de nullité de la contrainte et la fin de non recevoir tirée de la prescription présentée par Mme [S] ;
– Condamné Mme [S] à payer à Pôle emploi la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné Mme [S] aux dépens de l’incident.

La clôture est intervenue par ordonnance du 26 septembre 2024 avec effet différé au 25 novembre 2024.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2024, Mme [S] sollicite du tribunal, de :
A titre principal : prononcer la nullité de la contrainte prise le 26 octobre 2021 par France travail anciennement Pôle emploi à son encontre ;A titre subsidiaire : débouter France travail anciennement Pôle emploi de sa demande en paiement de la somme de 7.569,80 euros ;En tout état de cause : Débouter France travail anciennement Pôle emploi de l’ensemble de ses demandes ;Condamner France travail anciennement Pôle emploi à lui régler la somme de 110,92 euros ;
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Condamner France travail anciennement Pôle emploi à lui régler la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner Pôle emploi aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande de nullité, Mme [S] se fonde sur les dispositions des articles R.5426-20 et R.5426-21 du code du travail. Elle fait valoir que le montant et la nature des allocations, aides et autres prestations mentionnés dans la mise en demeure du 16 octobre 2017 ne correspondent pas aux termes indiqués dans la lettre recommandée avec accusé réception. Elle ajoute que Pôle emploi n’a pas pris en considération tous les versements qu’elle a effectués et aurait dû en conséquence notifier une nouvelle mise en demeure de révision de la situation. Elle expose qu’elle n’a pas été régulièrement mise en demeure de régler les sommes visées par la contrainte du 26 octobre 2021. De la même manière, elle indique que les deux mises en demeure ne mentionnent pas la date des versements indus mais uniquement la période, ce qui ne lui a pas permis de connaître les prestations versées par erreur et d’avoir les informations complètes sur les sommes dont elle était redevable. Elle reproche également à Pôle emploi de ne pas avoir eu connaissance de l’imputation des remboursements lorsqu’il existe plusieurs trop-perçus.

Pour solliciter à titre subsidiaire le rejet de la demande en paiement par Pôle emploi de la somme de 7.569,80 euros, Mme [S] indique qu’il n’y a eu aucune mise en demeure adressée.

Au soutien de sa demande de condamnation en paiement de Pôle emploi à la somme de 110,92 euros, la demanderesse relève que l’indu principal notifié aux termes de la contrainte du 26 octobre 2021 est de 11 307,09 euros et qu’elle justifie avoir versé 11 418,01 euros, soit un excédent de 110,92 euros.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 03 octobre 2024, FRANCE TRAVAIL sollicite du tribunal de :
Rejeter l’opposition à contrainte formée par Mme [S] ; Se substituant à la contrainte, condamner Mme [S] au paiement de la somme de 13 260,74 euros au titre du trop-perçu ; Rejeter Mme [S] de ses prétentions ; Condamner Mme [S] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ; Condamner Mme [S] aux entiers dépens ; Ordonner l’exécution provisoire de la décision.
A l’appui de sa demande de rejet de l’opposition à contrainte, Pôle emploi se fonde dans un premier temps sur les dispositions de l’article 794 du code de procédure civile et expose que Mme [S] n’a pas fait appel de l’ordonnance du juge de la mise en état qui a donc autorité de chose jugée quant à la recevabilité de la contrainte. Pôle emploi indique dans un second temps avoir bien communiqué la mise en demeure adressée le 16 octobre 2017 à laquelle il est fait référence dans la contrainte, que celle-ci fait bien état d’une révision de la situation, et qu’aucune disposition ne lui impose de notifier une nouvelle mise en demeure avant de notifier une contrainte si des règlements ont été effectués entre temps.
Le défendeur ajoute que les règlements apparaissent très clairement en déduction de la contrainte.

Il expose en outre avoir fourni toutes les informations utiles à la demanderesse pour qu’elle ait connaissance de la cause et du motif de l’indu. Il fait valoir de plus que Mme [S] ne démontre aucun grief. Il conclut enfin qu’aucune formalité substantielle au sens de l’article 114 du code de procédure civile n’est liée à la mise en demeure, excepté la nécessité de son envoi prescrite par l’article R.5426-20 du code du travail et que cette formalité a été respectée.

Au soutien de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 13 260,74, le défendeur se fonde sur les dispositions des articles R.5411-6 et R.5426-3 du code du travail, ainsi que sur les articles 25 et 27 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014 et sur les dispositions des articles 1302 et 1302-1 du code civil. Il expose que le premier trop-perçu est consécutif à une absence de déclaration d’une indisponibilité en tant que demandeur d’emploi en raison de la prise en charge par la MSA d’arrêts maladie non déclarés par la demanderesse, précisant que cette prise en charge est incompatible avec le versement des allocations chômage sur ces périodes. Il ajoute que Mme [S] a reconnu ce trop-perçu. S’agissant du second trop-perçu, il le considère comme consécutif à la sanction portant suppression définitive des droits de Mme [S] à allocation à effet du 9 mars 2015 au motif d’omissions répétées de déclarations,

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décision qu’il déclare ne pas avoir été contesté par Mme [S]. Il fait valoir que contrairement aux prétentions adverses, la dette a bien commencé à être remboursée sans l’être intégralement, et qu’il reste un solde de 5 686,09 euros au titre du premier trop-perçu, de 7 560,37 euros au titre du second trop-perçu, soit un total de 13 246,46 euros outre 14,28 euros de frais. Le défendeur précise que dans un courrier adressé le 13 août 2021, le montant des trop-perçus initiaux, des sommes déjà remboursées et des sommes restant dues en principal, soit 13 246,46 euros en principal a été détaillé. Il ajoute que les remboursements imputés sur les trop-perçus ont été détaillés. Il rappelle que par courrier du 20 août 2024, un historique des paiements effectués, inchangé depuis le 19 juillet 2021, date du dernier règlement, a de nouveau été adressé à la demanderesse sans recevoir de réponse. Il observe en réponse aux déclarations de la demanderesse selon lesquelles tous les règlements n’ont pas été pris en considération que cette dernière a engendré cinq trop-perçus pour un montant total de 25 065,15 euros en ce compris les deux trop perçus objets du présent litige et que les règlements ont été imputés sur l’ensemble de la dette.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à dispoistion au greffe, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

REJETTE la demande de nullité de la contrainte du 26 octobre 2021 présentée par Madame [T] [R] épouse [S] ;

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CONDAMNE Madame [T] [R] épouse [S] à payer à Pôle emploi la somme de 13 260,74 euros en remboursement de l’allocation retour à l’emploi indûment perçue pour les périodes du 08 septembre 2014 au 29 février 2016 et du 09 mars 2015 au 30 décembre 2015 ;

DEBOUTE Madame [T] [R] épouse [S] de sa demande de paiement de la somme de 110,92 euros ;

CONDAMNE Madame [T] [R] épouse [S] aux dépens ;

CONDAMNE Madame [T] [R] épouse [S] à payer à FRANCE TRAVAIL une indemnité de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

La Greffière La Présidente

 


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