Tribunal judiciaire du Havre, 21 novembre 2024, RG n° 23/00944
Tribunal judiciaire du Havre, 21 novembre 2024, RG n° 23/00944

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire du Havre

Thématique : Responsabilité du vendeur face aux vices cachés dans une transaction immobilière

Résumé

Acquisition de la maison

Monsieur [R] [F] et Madame [Y] [N] ont acquis une maison individuelle à Sainte-Marguerite-sur-Fauville pour un montant de 102 000 euros par acte authentique en date du 29 mars 2021.

Découverte des infiltrations d’eau

En mars 2022, lors de travaux, les nouveaux propriétaires ont été alertés par leur maçon de la présence d’eau dans la maison. Ils ont alors assigné la vendeuse, Madame [K], devant le Tribunal Judiciaire du Havre pour une expertise judiciaire. Une ordonnance de référé a été rendue le 14 mars 2023, ordonnant une expertise qui a été réalisée par [G] [V] et dont le rapport a été déposé le 21 novembre 2023.

Actions judiciaires

Le 6 mars 2023, Monsieur [F] et Madame [N] ont assigné Madame [K] devant le tribunal. Par la suite, le 31 janvier 2024, Monsieur [F] a cédé sa quote-part à Madame [N], qui est devenue la seule propriétaire et représentante dans l’instance.

Demandes de Madame [N]

Dans ses dernières conclusions, Madame [N] a demandé au tribunal de condamner Madame [K] à lui verser plusieurs sommes, dont 60 000 euros, 11 324,11 euros pour préjudice matériel, 40 000 euros pour préjudice immatériel, et 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens. Elle a soutenu que les infiltrations d’eau étaient dues à des ruissellements agricoles connus de la vendeuse.

Réponse de Madame [K]

Madame [K] a demandé le déboutement de toutes les demandes de Madame [N] et a formulé des demandes reconventionnelles pour un préjudice moral de 25 000 euros et 8 000 euros au titre de l’article 700. Elle a affirmé que les travaux effectués par les acheteurs avaient modifié la structure de la maison, entraînant les infiltrations d’eau, et a nié avoir eu connaissance de tels problèmes durant sa période de propriété.

Expertise et constatations

L’expert a conclu que les infiltrations d’eau étaient dues à des ruissellements agricoles, existant avant l’acquisition de la maison, et que les travaux réalisés par les acheteurs n’étaient pas responsables de ces dommages. Des témoignages ont corroboré que Madame [K] avait été informée des inondations antérieures.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré Madame [K] responsable du vice caché affectant le bien. Madame [N] a été déboutée de sa demande de 60 000 euros et de dommages et intérêts pour préjudice matériel. En revanche, Madame [K] a été condamnée à verser 10 000 euros pour préjudice moral et 2 200 euros au titre de l’article 700. Les dépens, y compris les frais d’expertise, ont été mis à la charge de Madame [K].

Exécution provisoire

La décision a été assortie de l’exécution provisoire, conformément aux dispositions du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANCAISE
——–

TRIBUNAL JUDICIAIRE DU HAVRE
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JUGEMENT

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

le Tribunal judiciaire du HAVRE (1ère chambre) a
rendu le jugement suivant :

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
N° RG 23/00944 – N° Portalis DB2V-W-B7H-GFVJ
NAC: 54G Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction

DEMANDEURS:

Madame [Y] [N]
née le 01 Septembre 1983 à DIEPPE (76640), demeurant 15 route des Enfants – 76640 TERRES DE CAUX, venant aux droits de Monsieur [R] [F], né le 14 octobre 1981 à SAINT VALERY EN CAUX
représentée par Me Sandrine ULRICH, avocat au barreau de ROUEN

DÉFENDERESSE:

Madame [Z] [A] veuve [K]
née le 28 Août 1954 à ETRECHY, demeurant 17 Rue Claude Debussy – 91580 ETRECHY
Ayant pour avocat postulant Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du HAVRE et pour avocat plaidant Me Etienne CACAN, avocat au barreau de l’Essonne

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats sans opposition des avocats et en application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile l’affaire a été plaidée et débattue devant :

Président : Madame HOANG-TRONG, Juge rapporteur

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal composé de :

Président: Monsieur LE MOIGNE Vice-Président

Juges: Madame CORDELLE, Juge et Madame HOANG-TRONG, Juge

Greffier lors des débats : P.BERTRAND

DEBATS : en audience publique le 19 Septembre 2024. A l’issue des débats, le Tribunal a mis l’affaire en délibéré et le président a informé les parties présentes que le jugement serait rendu le 21 Novembre 2024.

JUGEMENT : contradictoire en premier ressort, rendu publiquement par mise à disposition du jugement au greffe du Tribunal.

SIGNE PAR : Monsieur LE MOIGNE Vice- Président, et M.BERTRAND Greffier auquel le magistrat signataire a remis la minute de la décision.

EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 29 mars 2021, Monsieur [R] [F] et Madame [Y] [N] ont acquis auprès de Madame [K] une maison individuelle sise 15, route des enfants à Sainte -Marguerite-sur-Fauville – TERRES DE CAUX (76640) pour un prix de 102 000 euros.
Au cours de travaux entrepris au cours du mois de mars 2022, ils ont été alertés par leur maçon d’une présence d’eau dans la maison et ont assigné leur vendeuse devant le président du Tribunal Judiciaire du HAVRE aux fins d’expertise judiciaire. Par ordonnance de référé du 14 mars 2023, le président du Tribunal Judiciaire a ordonné une expertise et désigné [G] [V] pour y procéder. Ce dernier a déposé son rapport le 21 novembre 2023.
Par acte de commissaire de justice du 6 mars 2023, Monsieur [F] et Madame [N] ont fait assigner Madame [K] devant le tribunal judiciaire du Havre.
Par acte authentique du 31 janvier 2024, Monsieur [F] a cédé sa quote-part du bien immobilier à Madame [N], désormais seule propriétaire du bien et seule représentée à la présente instance.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 février 2024, Madame [N] demande au tribunal de :
Condamner Madame [K] à lui payer la somme de 60 000 euros sauf à parfaire ou diminuer dans l’attente du rapport d’expertise judiciaire,Condamner Madame [K] à lui payer la somme de 11 324,11 euros au titre de son préjudice matériel,Condamner Madame [K] à lui payer la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice immatériel,Condamner Madame [K] à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire et de constat d’huissier, dont distraction au profit de Maître Sandrine ULRICH, avocat au barreau de Rouen.Au soutien de ses prétentions, Madame [N] explique que les infiltrations d’eau proviennent d’importants ruissellements agricoles en provenance de terrains situés à l’arrière de la maison. Elle ajoute avoir été contrainte d’effectuer d’onéreux travaux sur la dalle de la maison eu égard au risque d’effondrement mis en avant par l’architecte et le maçon en charge du chantier. Elle fait valoir que Madame [K] ne pouvait ignorer cette situation dans la mesure où la maison a déjà subi des inondations lorsque cette dernière en était encore propriétaire. Elle en déduit, à titre principal, l’existence d’un vice caché n’entrant pas dans le champ de la clause contractuelle d’exonération des vices cachés de l’acte de vente. A titre subsidiaire, elle fonde sa demande sur le dol. Enfin, Madame [N] explique que ce désordre lui a fait prendre 2 ans de retard sur le chantier de sa maison, pendant lesquels toute la famille, dont sa fille onze ans, a été logée dans un mobil-home implanté dans le jardin.
Par dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2023, Madame [K] demande au tribunal de :
Débouter Madame [N] et Monsieur [F] de l’ensemble de ses demandes,Condamner solidairement Madame [N] et Monsieur [F] à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral,Condamner in solidum Madame [N] et Monsieur [F] à lui payer la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure.Madame [K] fait valoir que Monsieur [C] et Madame [N] ont effectué de lourds travaux consistant en la réfection de la dalle, au retrait du béton devant la maison ainsi que de la véranda, que ces travaux ont modifié la structure du bien ainsi que le circuit d’écoulement des eaux de pluie et de ce fait, sont à l’origine des infiltrations d’eau dans la maison. En tout état de cause, elle souligne sa bonne foi, précise n’avoir jamais connu de dégâts de eaux dans la maison et n’avoir d’ailleurs jamais déclaré un tel sinistre à son assurance pendant les 27 années où elle en a été propriétaire. Elle ajoute que la maison n’est pas située en zone inondable contrairement aux maisons voisines. Au soutien de ses demandes reconventionnelles, Madame [K] indique que la procédure engagée par les acheteurs a impacté sa santé du fait d’insomnies et d’angoisses.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024 et l’affaire fixée à l’audience du 19 septembre 2024, tenue à juge rapporteur.
Le prononcé du jugement, par mise à disposition au greffe, a été fixé au 21 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS
 
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
– DECLARE Madame [Z] [K] responsable du vice caché affectant le bien immobilier vendu à Monsieur [R] [F] et Madame [Y] [N] le 29 mars 2021,
– DEBOUTE Madame [Y] [N] de sa demande provisoire de 60 000 euros résultant d’une erreur matérielle,
– DEBOUTE Madame [Y] [N] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,
– CONDAMNE Madame [Z] [K] à payer à Madame [Y] [N] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,
– CONDAMNE Madame [Z] [K] à payer à Madame [Y] [N] la somme de 2 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– DEBOUTE Madame [Z] [K] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– CONDAMNE Madame [Z] [K] à supporter les dépens, y compris ceux relatifs à l’expertise judiciaire, qui seront recouvrés directement par Maître Sandrine ULRICH, avocate au barreau de ROUEN, selon les dispositions de l’article 699 du code civil.
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.
 En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président et par le Greffier.
Le Greffier, Le Président,

 


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