Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire d’Évreux
Thématique : Responsabilité liée à la vente immobilière et vice caché : enjeux de l’information précontractuelle.
→ RésuméConstitution et Acquisition du TerrainLa société Mélèze, formée par les époux [E] [K] et [N] [B], a pris à bail un terrain de la commune de [Localité 3] en octobre 1991, avant de l’acheter en avril 1992. Sur ce terrain, elle a construit une maison d’habitation et a commencé un bâtiment industriel, avec un permis de construire obtenu en janvier 1994. Vente à HC Immobilier et Projets de LotissementLe 30 septembre 2020, la société Mélèze a vendu une partie de ce terrain à la société HC Immobilier pour 150 000 euros. HC Immobilier avait l’intention de développer un lotissement de neuf parcelles pour des habitations sur le terrain acquis. Découverte de Problèmes EnvironnementauxEn avril 2022, lors de travaux, HC Immobilier a découvert des remblais enfouis et a engagé un bureau d’étude pour des investigations géotechniques. En novembre 2022, la commercialisation des lots a été suspendue en raison de problèmes de stabilité et de risques de pollution liés aux déchets enfouis. Assignation en JusticeLe 20 juillet 2023, HC Immobilier a assigné Mélèze devant le tribunal judiciaire d’Evreux, demandant la résolution de la vente et des dommages-intérêts pour les préjudices subis. La clôture de l’affaire a eu lieu le 27 mai 2024. Demandes de HC ImmobilierHC Immobilier a demandé la résolution de la vente, le remboursement de 466 480,26 euros, ainsi que 5 000 euros pour les frais de justice. Elle a soutenu que la pollution du terrain constituait un vice caché, affirmant que Mélèze, en tant que professionnelle, ne pouvait ignorer cette pollution. Réponses de la Société MélèzeMélèze a demandé le rejet des demandes de HC Immobilier, arguant qu’elle n’avait pas connaissance de la pollution et que le contrat excluait la garantie des vices cachés. Elle a également contesté la qualification de pollution et a soutenu que les permis de construire avaient été délivrés. Analyse des Vices CachésLe tribunal a examiné les conditions nécessaires pour établir un vice caché. Il a conclu que HC Immobilier n’avait pas prouvé que la présence de remblais et de benzopyrène rendait le terrain impropre à la construction. Les investigations n’ont pas confirmé la pollution alléguée. Obligation d’InformationConcernant l’obligation d’information, le tribunal a noté que HC Immobilier n’avait pas prouvé que Mélèze avait connaissance de la pollution. Les photographies aériennes ont montré que le terrain avait conservé son aspect depuis 1985, ce qui a renforcé la position de Mélèze. Décision du TribunalLe tribunal a rejeté les demandes de HC Immobilier pour la résolution de la vente et les dommages-intérêts. Il a condamné HC Immobilier aux dépens et à verser 5 000 euros à Mélèze pour les frais de justice. L’exécution provisoire de la décision a été confirmée. |
RG N° : N° RG 23/02475 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HK5M jugement du 28 janvier 2025
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX
CHAMBRE CIVILE
N° RG 23/02475 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HK5M
NAC : 56F Demande en résolution formée par le client pour inexécution de la prestation de services
CIVIL – Chambre 1
JUGEMENT DU 28 JANVIER 2025
DEMANDEUR :
S.A.R.L. HC IMMOBILIER
Dont le siège social est sis :
[Adresse 5]
Représentée par Me Corinne GAUTHIER, avocat au barreau de l’EURE (avocat postulant) et par Me Virginie LE BIHAN, membre de la SELARL NOMOS AVOCATS, avocat au barreau de DIEPPE (avocat plaidant)
DEFENDEUR :
S.C.I. MELEZE
Immatriculée au RCS de EVREUX sous le n°381 879 717
Dont le siège social est sis :
[Adresse 6]
– [Localité 3]
Prise en la personne de son représentant légal, Madame [N] [B], veuve [K], gérante domiciliée en cette qualite audit siège
Représentée par Me Carine DESROLLES, membre de la SCP BRULARD LAFONT DESROLLES, avocat au barreau de l’EURE
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
– Madame Marie LEFORT, Présidente,
– Madame Anne-Caroline HAGTORN, juge
– Madame Louise AUBRON-MATHIEU, Juge placée auprès de la Première présidente de la cour d’appel de Rouen, déléguée aux fonctions de juge au tribunal judiciaire d’Evreux
GREFFIER : Madame Aurélie HUGONNIER
DEBATS :
En audience publique du 12 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2025.
JUGEMENT :
– au fond,
– contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe,
– rédigé par Anne-Caroline HAGTORN,
– signé par Madame Marie LEFORT, première vice-Présidente et Madame Aurélie HUGONNIER, greffier
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte des 26 et 29 octobre 1991, la société Mélèze, constituée entre [E] [K] et [N] [B], époux, a pris à bail de la commune de [Localité 3] un terrain sis sur cette commune, cadastré section ZA n°[Cadastre 4].
Par acte du 24 avril 1992, la commune de [Localité 3] a vendu ce terrain à la société Mélèze, sur lequel celle-ci a construit une maison d’habitation et commencé à construire un bâtiment industriel, suivant permis de construire en date du 26 janvier 1994.
Le 30 septembre 2020, la société Mélèze a vendu à la société HC Immobilier une partie de ce terrain, cadastré section ZA n°[Cadastre 2], édifié d’une partie du bâtiment industriel, moyennant un prix de 150 000 euros. La société Mélèze a conservé la propriété du surplus du terrain, désormais cadastré section ZA n°[Cadastre 1] et sur lequel a été édifié la maison d’habitation.
La société HC Immobilier avait pour projet de réaliser sur le terrain acquis une opération de promotion immobilière par constitution d’un lotissement de neuf parcelles destinées à la construction d’habitations.
Le 13 avril 2022, après avoir, au cours de ses travaux, découvert des remblais enfouis dans le sol, la société HC Immobilier a fait intervenir sur le site un bureau d’étude, E2GO, aux fins de réaliser des investigations géotechniques et géologiques.
En novembre 2022, la commercialisation des lots a été suspendue, en raison d’une difficulté de stabilité nécessitant des fondations spéciales mais également des risques sanitaires de pollution en raison de la nature des déchets enfouis et de leur décomposition.
C’est dans ce contexte que la société HC Immobilier a assigné la société Mélèze par acte du 20 juillet 2023 devant le tribunal judiciaire d’Evreux aux fins de résolution de la vente et condamnation à l’indemniser de ses préjudices.
La clôture est intervenue le 27 mai 2024 par ordonnance du même jour.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de son assignation, la société HC Immobilier demande au tribunal de :
prononcer la résolution de la vente du 30 septembre 2020, condamner la société Mélèze à lui payer la somme de 466 480,26 euros à titre de dommages et intérêts et restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2022, date de la mise en demeure, ou subsidiairement du 20 juillet 2023, date de l’assignation, condamner la société Mélèze à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la société Mélèze à supporter les entiers dépens, avec distraction au profit de Me Gauthier,ordonner l’exécution provisoire du jugement. Au visa des articles 1103, 1104 et 1641 du code civil, la société HC Immobilier soutient que la présence de déchets et de pollution dans le sol du bien vendu constitue un vice caché.
Elle fait valoir que la société Mélèze ne pouvait pas ignorer la pollution du terrain, étant une professionnelle de l’immobilier, du fait de son objet, qui est la location à titre commercial de l’immeuble, et disposant du terrain depuis 27 ans.
Elle souligne que les clauses relatives au remblaiement et à la pollution des sols stipulées à la promesse de vente n’ont pas été reprises dans le contrat de vente.
Elle affirme que la présence de remblai pollué rend l’immeuble impropre à sa destination de construction de maisons d’habitation, du fait de la présence de benzopyrène relevé par son bureau d’études, E2GEO, en février 2023.
Elle demande, outre le remboursement du prix et des frais de vente de 161 300 euros, le remboursement des travaux entrepris depuis son achat pour un montant de 305 180,26 euros TTC.
Subsidiairement, au visa de l’article 1112-1 du code civil, elle soutient que la société Mélèze avait connaissance de la pollution et, ne pouvant ignorer le caractère déterminant de cette information pour son acquéreur, avait l’obligation de la lui communiquer. Ne le faisant pas, elle a donc selon l’acheteur commis une faute l’obligeant à indemniser son cocontractant.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 23 février 2024, la société Mélèze demande au tribunal de :
A titre principal,
débouter la société HC Immobilier de toutes ses demandes,
subsidiairement,
limiter sa condamnation à la restitution du prix, soit 150 000 euros,
En tout état de cause,
condamner la société HC Immobilier à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la société HC Immobilier à supporter les entiers dépens, écarter l’exécution provisoire du jugement.
Au visa des articles 1641 et suivants du code civil, la société Mélèze soutient qu’elle n’avait pas connaissance de la présence du remblai litigieux sur le bien vendu avant d’en être informée par son acquéreur. Elle fait valoir que le contrat de vente exclut la garantie des vices cachés dont elle n’avait pas connaissance.
Elle expose que le site a été une carrière jusqu’en 1979, date à laquelle celui-ci a acquis son aspect actuel.
Elle conteste le caractère impropre à sa destination du bien, faisant valoir que les permis de construire sur les neuf lots ont bien été délivrés, que la pollution du sol n’a pas été établie par des investigations contradictoires, et que le benzopyrène détecté est présent à un niveau inférieur au seuil réglementaire.
Elle conteste avoir manqué à une obligation d’information, n’ayant pas connaissance de l’information revendiquée par la société HC Immobilier.
Subsidiairement, elle s’oppose à devoir prendre en charge le coût des travaux de voirie que la société HC Immobilier a engagé alors même que l’entrepreneur avait informé celle-ci de la présence de remblai, ainsi que le coût des investigations géotechniques et géologiques qui ont été effectuées de manière non contradictoire.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens de chacune des parties, il convient de se référer aux dernières écritures susvisées, en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
REJETTE les demandes de la société HC Immobilier aux fins de résolution de la vente du 30 septembre 2020, et de condamnation de la société Mélèze à lui payer la somme de 466 480,26 euros à titre de dommages et intérêts et de restitution du prix de vente,
CONDAMNE la société HC Immobilier aux dépens de l’instance,
CONDAMNE la société HC Immobilier à payer à la société Mélèze la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la société HC Immobilier de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente et le greffier.
Le greffier, La Présidente,
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