Tribunal judiciaire d’Évreux, 28 janvier 2025, RG n° 23/00483
Tribunal judiciaire d’Évreux, 28 janvier 2025, RG n° 23/00483

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire d’Évreux

Thématique : Obligation d’information et conséquences d’une dissimulation dans une transaction immobilière

Résumé

Contexte de l’Affaire

Par acte notarié en date du 8 octobre 2022, M. [N] [Y] et Mme [O] [U] ont signé un compromis de vente pour l’acquisition d’un bien immobilier comprenant une maison et deux gîtes, pour un montant de 370 000 euros. Ils ont versé une indemnité d’immobilisation de 37 000 euros au notaire, Maître [V] [P].

Demande d’Annulation

Le 23 novembre 2022, M. [Y] et Mme [U] ont demandé l’annulation de la promesse de vente, invoquant la découverte d’un projet de parc éolien à proximité du bien. Après une tentative de règlement amiable infructueuse, ils ont assigné les vendeurs devant le tribunal judiciaire d’Evreux le 7 février 2023, demandant l’annulation de la promesse, la restitution de l’indemnité, des dommages et intérêts, ainsi que le remboursement des frais de justice.

Arguments des Demandeurs

M. [Y] et Mme [U] soutiennent que les vendeurs avaient connaissance du projet éolien, information qu’ils auraient dû communiquer, car elle était déterminante pour leur consentement. Ils affirment que ce projet aurait pu nuire à leur projet d’activité de gîte et à la valeur du bien. Ils estiment que les vendeurs ont intentionnellement caché cette information ou, à tout le moins, ont manqué à leur devoir d’information.

Réponse des Vendeurs

Mme [R] et M. [W] contestent les demandes des acheteurs, arguant que l’information sur le projet éolien n’était pas essentielle et que les acheteurs auraient dû se renseigner eux-mêmes. Ils affirment également que le projet était public et que les acheteurs ont été informés par des affiches lors de leur visite.

Décision du Tribunal

Le tribunal a rejeté la demande d’annulation de la promesse de vente, considérant que bien que les vendeurs aient manqué à leur obligation d’information, l’élément intentionnel requis pour caractériser le dol n’était pas prouvé. Cependant, il a reconnu un préjudice pour M. [Y] et Mme [U] en raison de ce manquement, leur accordant des dommages et intérêts de 37 000 euros.

Conséquences Financières

Le tribunal a ordonné que la somme de 37 000 euros versée par M. [Y] et Mme [U] soit libérée au profit de Mme [R] et M. [W]. En outre, les vendeurs ont été condamnés à verser des dommages et intérêts aux acheteurs, ainsi qu’à couvrir les frais de justice.

Conclusion

Le jugement a été rendu exécutoire à titre provisoire, et les demandes supplémentaires des parties ont été rejetées.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX

CHAMBRE CIVILE

N° RG 23/00483 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HFZE
NAC : 50G Demande relative à l’exécution d’une promesse unilatérale de vente ou d’un pacte de préférence ou d’un compromis de vente
CIVIL – Chambre 1

JUGEMENT DU 28 JANVIER 2025

DEMANDEURS :

Monsieur [N] [Y]
né le 28 Octobre 1963 à [Localité 16],
De nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
– [Localité 9]

Madame [O] [U]
née le 07 Février 1969 à [Localité 12],
De nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
– [Localité 9]

Représentés par Me Jean-yves PONCET, membre de la SCP PONCET DEBOEUF BEIGNET, avocat au barreau de l’EURE

DEFENDEURS :

Monsieur [S] [W]
né le 18 Juillet 1975 à [Localité 8]
De nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
– [Localité 3]

Madame [T] [R]
née le 18 Décembre 1979 à [Localité 14],
De nationalité française,
demeurant [Adresse 6],
[Adresse 6]
– [Localité 5]

Représentés par Me Emmanuelle LAILLET-TOUFLET, membre de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de l’EURE

RG N° : N° RG 23/00483 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HFZE jugement du 28 janvier 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

– Madame Marie LEFORT, Présidente,
– Madame Anne-Caroline HAGTORN, juge
– Madame Louise AUBRON-MATHIEU, Juge placée auprès de la Première présidente de la cour d’appel de Rouen, déléguée aux fonctions de juge au tribunal judiciaire d’Evreux.

GREFFIER : Madame Aurélie HUGONNIER

DEBATS :

En audience publique du 12 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2025.

JUGEMENT :

– au fond,
– contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe,
– rédigé par Madame Louise AUBRON-MATHIEU,
– signé par Madame Marie LEFORT, première vice-Présidente et Madame Aurélie HUGONNIER, greffier

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique en date du 8 octobre 2022, reçu en l’étude de Maitre [V] [P], notaire à [Localité 9], M. [N] [Y] et Mme [O] [U] ont signé avec Mme [T] [R] et M. [S] [W] un compromis pour l’acquisition d’un bien immobilier situé [Adresse 4], comportant une maison d’habitation et deux gîtes, appartenant, au prix de 370 000 euros hors frais de notaire.

M. [Y] et Mme [U] ont versé entre les mains de Maitre [P] la somme de 37 000 euros à titre d’indemnité d’immobilisation.

Le 23 novembre 2022, M. [Y] et Mme [U] ont informé Maitre [P] qu’ils souhaitaient annuler la promesse de vente et se faire restituer l’indemnité d’immobilisation, au motif qu’ils venaient d’être informés de l’existence d’un projet de construction d’un parc éolien à proximité dudit bien immobilier.

Après échec d’une tentative de règlement amiable du litige, par acte d’huissier en date du 7 février 2023, M. [Y] et Mme [U] ont fait assigner Mme [R] et M. [W] devant le tribunal judiciaire d’Evreux aux fins notamment de voir prononcer l’annulation de la promesse de vente, obtenir la restitution de la somme de 37 200 euros, la condamnation des vendeurs au paiement de la somme de 37 200 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu’à la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mai 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er décembre 2023, M. [Y] et Mme [U] demandent au tribunal de :

– prononcer l’annulation de la promesse de vente du 8 octobre 2022 ;
– dire qu’il appartiendra soit à Maître [P] encore détenteur des fonds, soit à la Caisse des dépôts et consignations en sa qualité de séquestre de libérer au profit de Mme [U] la somme de 18 600 euros et au profit de M. [Y] la somme de 18 600 euros ;
– subsidiairement et pour le cas où les fonds auraient été libérés au profit de Mme [R] et M. [W], les condamner solidairement au paiement au profit de Mme [U] de la somme de 18 600 euros et au profit de M. [Y] de la somme de 18 600 euros ;
– condamner solidairement Mme [R] et M. [W] au paiement à titre de dommages et intérêts d’une somme de 37 200 euros, soit 18 600 euros au profit de Mme [U] et 18 600 euros au profit de M. [Y] outre la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance ;
– débouter Mme [R] et M. [W] de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions
– rappeler l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de leurs prétentions et au visa des articles 1104, 1112-1, 1130, 1137 du code civil, ils soutiennent que :

-ils recherchaient un bien dans une région rurale dans un cadre préservé pour y établir leur résidence principale mais également pour y développer une activité de gîte, ce que les vendeurs ne pouvaient ignorer ;

-il est manifeste que les vendeurs avaient connaissance de l’existence d’un projet éolien en cours à proximité immédiate de leur habitation, 2,5 kilomètres en l’espèce, qui a fait la Une de la presse locale et qui a suscité une vive opposition des habitants et des maires concernés ; que cette information constituait ainsi une information majeure, déterminante de leur consentement qui aurait dû être portée à leur connaissance.

-cette information était déterminante en ce qu’un parc éolien génère nécessairement des nuisances visuelles, esthétiques et acoustiques, qui auraient pu avoir une influence sur leur activité de gîte et pouvaient avoir une incidence défavorable sur la valeur vénale du bien ;

-les vendeurs leur ont intentionnellement caché cette information dans le but de ne pas risquer de dissuader les acheteurs d’acquérir le bien ;

-sinon, les vendeurs ont manqué à leur devoir précontractuel d’information qui n’exige pas d’élément intentionnel.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 mars 2024, Mme [R] et M. [W] demandent au tribunal de :

-débouter M. [Y] et Mme [U] de toutes leurs demandes ;
-condamner solidairement M. [Y] et Mme [U] au paiement de la somme de 37 000 euros tel que prévue au contrat au titre de l’indemnité d’immobilisation du bien, forfaitaire et non réductible ;
-ordonner au notaire Maitre [P] d’avoir à se libérer de cette somme entre les mains des concluants sur présentation de la décision devant être rendue ;
-condamner solidairement M. [Y] et Mme [U] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que :

-l’information selon laquelle un parc éolien était en projet de construction n’est pas une information essentielle sans laquelle les demandeurs n’auraient pas contracté dans la mesure où ils ont été assurés par un responsable des Gîtes de France qu’ils n’excluaient pas les labellisations des gîtes situés à proximité ou avec vue sur des éoliennes ;

-en tant qu’acquéreurs diligents, M. [Y] et Mme [U] auraient dû se renseigner sur le bien qu’ils entendaient acheter et sur son environnement ;

-l’information selon laquelle un projet de parc éolien était en cours était une information publique dont les acheteurs auraient pu avoir connaissance car les articles de presse sur le sujet ont été publiés antérieurement à leur visite du 23 juillet 2022 puis du 28 septembre 2022 et qu’une douzaine de panneaux étaient visibles dans le centre du bourg lors de leur visite du 28 septembre 2022;

-la démonstration du dol suppose que soient réunis à la fois un élément matériel mais également un élément intentionnel, qui n’est pas rapporté en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

REJETTE la demande de M. [N] [Y] et Mme [O] [U] visant à prononcer l’annulation de la promesse de vente portant sur le bien immobilier situé [Adresse 4], comportant une maison d’habitation et deux gîtes, consentie par Mme [T] [R] et M. [S] [W] au profit de M. [N] [Y] et Mme [O] [U] suivant acte de Maître [V] [P], notaire à [Localité 9], le 8 octobre 2022 sur le fondement du dol ;

REJETTE la demande de M. [N] [Y] et Mme [O] [U] tendant à la restitution à leur profit de l’indemnité d’immobilisation de 37 000 euros ;

ORDONNE que la somme de 37 000 euros versée par M. [N] [Y] et Mme [O] [U] au titre de l’indemnité d’immobilisation, soit libérée par Maître [V] [P], notaire à [Localité 9] ou par la Caisse des dépôts et consignations en sa qualité de séquestre, au profit de Mme [T] [R] et M. [S] [W] ;

CONDAMNE solidairement Mme [T] [R] et M. [S] [W] à verser à M. [N] [Y] et Mme [O] [U] la somme de 37 000 euros à titre de dommages et intérêts, soit au profit de Mme [O] [U] la somme de 18 500 euros et au profit de M. [N] [Y] la somme de 18 500 euros ;

CONDAMNE in solidum Mme [T] [R] et M. [S] [W] aux dépens de l’instance ;

CONDAMNE in solidum Mme [T] [R] et M. [S] [W] à verser à M. [N] [Y] et Mme [O] [U] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de Mme [T] [R] et M. [S] [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE tout autre demande plus ample ou contraire ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente et le greffier.

Le greffier, La Présidente,

 


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