Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Versailles
Thématique : Prescription et qualité à agir dans le cadre d’une restitution de sommes versées.
→ RésuméAcquisition du fonds de commerceLa société O’Châteaudun a été fondée par Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G], qui ont acquis un fonds de commerce de café, bar, brasserie, restaurant, ainsi qu’un bureau de validation de jeux de la Française des Jeux, le 15 janvier 2018. Un bail commercial a été signé le 5 mars 2018 avec la société SCI Msirda, propriétaire des lieux, dont les associés sont également Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G]. Transactions financièresMadame [J] [T] a effectué plusieurs paiements à la société SCI Msirda, incluant un chèque de 14 000,00 € et un virement de 142 500,00 €, tous deux réalisés en février 2018. Le même jour, Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G] ont cédé leurs parts sociales de la société O’Châteaudun à Madame [J] [T] et Madame [P] [F] pour un montant de 2 000,00 € chacune, ainsi que leurs créances de compte courant pour un total de 97 450,00 €. Assignation en justiceLe 6 septembre 2022, Madame [J] [T] a assigné la société SCI Msirda devant le tribunal judiciaire de Versailles, demandant la restitution de 60 500,00 € qu’elle estime avoir versés indûment. La société SCI Msirda a contesté cette demande, invoquant la prescription et le défaut de qualité de bénéficiaire effectif de Madame [J] [T]. Arguments de la société SCI MsirdaLa société SCI Msirda a soutenu que la demande de Madame [J] [T] était irrecevable en raison de la prescription de trois ans applicable aux actions liées à la cession de parts sociales. Elle a également affirmé que Madame [J] [T] n’avait pas prouvé une erreur ou une contrainte justifiant le remboursement, et que les sommes versées avaient été reçues pour le compte des cédants. Réponse de Madame [J] [T]En réponse, Madame [J] [T] a contesté la prescription, arguant que son action était soumise à un délai de cinq ans. Elle a également soutenu que la question de la qualité de bénéficiaire effectif devait être examinée par le tribunal, et que la demande de dommages et intérêts de la société SCI Msirda était infondée. Décisions du juge de la mise en étatLe juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts de la société SCI Msirda pour procédure abusive et a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription. Il a également rejeté les fins de non-recevoir concernant le défaut d’intérêt à agir et la qualité à défendre de Madame [J] [T]. Perspectives d’avancement de l’affaireLe juge a invité les parties à accomplir les diligences nécessaires avant de fixer une audience pour la clôture de l’instruction. La société SCI Msirda a été condamnée à supporter les dépens de l’incident et à verser 1 000,00 € à Madame [J] [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 09 JANVIER 2025
N° RG 22/04899 – N° Portalis DB22-W-B7G-Q2OG
JUGE DE LA MISE EN ETAT : Monsieur MADRE, Vice-Président
GREFFIER : Madame SOUMAHORO, Greffier,
DEMANDERESSE au principal et défenderesse à l’incident :
Madame [J] [T], née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5], de nationalité
française, sans profession, demeurant [Adresse 2],
représentée par Me François-Xavier GRIGNON DERENNE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Me Asma MZE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant
DEFENDERESSE au principal et demanderesse à l’incident :
La société SCI MSIRDA, société civile immobilière immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 499 952 471 et dont le siège social est sis10 [Adresse 4], prise en la personne de son Gérant domicilié audit siège ès qualité,
représentée par Maître Ivan CORVAISIER de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEBATS : A l’audience publique d’incident tenue le 18 Novembre 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Monsieur MADRE, Vice-Président, juge de la mise en état assisté de Madame SOUMAHORO, greffier, puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 09 Janvier 2025.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 15 janvier 2018, la société O’Châteaudun, dont les associés fondateurs étaient Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G], a acquis un fonds de commerce de café, bar, brasserie, restaurant auquel était attaché un bureau de validation du loto et de jeux de grattage de la Française des Jeux, situé [Adresse 3], à [Localité 6] (Yvelines).
Elle a conclu un bail commercial le 5 mars 2018 avec la société SCI Msirda, société civile immobilière propriétaire des lieux et dont le capital est détenu à égalité par Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G].
Madame [J] [T] a versé à la société SCI Msirda la somme de 14 000,00 €, par chèque émis le 2 février 2018 et tiré le 9 février 2018, ainsi que la somme de 142 500,00 €, par virement effectué le 6 février 2018.
Par acte sous seing privé conclu le 5 mars 2018, Monsieur [B] [G] a cédé à Madame [J] [T] les 50 parts sociales de la société O’Châteaudun, dont il était titulaire, pour un prix de 2 000,00 € « réglé par virement bancaire dès avant ce jour » et Monsieur [X] [G] a cédé à Madame [P] [F] épouse [T] les 50 parts sociales de la société O’Châteaudun qu’il détenait, pour un prix de 2 000,00 €.
Par acte sous privé conclu le 5 mars 2018, Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G] ont cédé à Madame [J] [T] les créances de compte courant dont ils étaient titulaires à l’encontre de la société O’Châteaudun, moyennant une somme « payée dès avant ce jour par virement bancaire », répartie comme suit : à hauteur de 48 725,00 € pour la créance de Monsieur [B] [G] et à hauteur de 48 725,00 € pour la créance de Monsieur [X] [G].
Par acte en date du 6 septembre 2022, Madame [J] [T] a fait assigner la société SCI Msirda devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’obtenir sa condamnation à lui restituer une somme de 60 500,00 € en principal, qu’elle estime lui avoir versée indûment.
Par conclusions d’incident notifiées le 13 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société SCI Msirda demande au juge de la mise en état de :
à titre principal, déclarer Madame [J] [T] irrecevable en ses demandes comme prescrites ;subsidiairement, rejeter (sic) les demandes de Madame [J] [T] pour défaut de qualité de bénéficiaire effectif de la société SCI Msirda ;à titre plus subsidiaire, juger infondées les demandes de Madame [J] [T] et l’en débouter ;à titre reconventionnel, condamner Madame [J] [T] à lui verser la somme de 20 000,00 € à titre de dommage et intérêts ;condamner Madame [J] [T] à lui payer la somme de 2 400,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l’incident.
Elle soutient en substance que la demande de Madame [J] [T] est irrecevable comme prescrite, au visa de l’article L. 235-9 du code de commerce, dès lors que la demanderesse sollicite le remboursement de sommes versées à l’occasion de la cession de parts sociales d’une société à responsabilité limitée, que les actions formées à ce titre se prescrivent par trois ans, que la cession de parts sociales incriminée a été conclue le 5 mars 2018 et que l’assignation n’a été délivrée que le 6 septembre 2022.
Elle invoque, à titre subsidiaire, l’irrecevabilité de la demande au motif que la demanderesse ne justifie nullement d’une « erreur » et encore moins d’une « contrainte » qui l’aurait conduite à procéder à un règlement prétendument non dû, alors que la Cour de cassation a jugé que la négligence ou l’imprudence du prétendu solvens rendait irrecevable l’action en répétition de l’indu.
Elle ajoute, au visa de l’article 1302-2 du code civil, que l’action en restitution ne peut être dirigée contre celui qui n’a rien reçu, ou qui, ayant reçu pour le compte d’autrui, a transmis à son donneur d’ordre ce qu’il a reçu et qu’en l’espèce, à l’exception des loyers et du dépôt de garantie, les sommes versées à la société SCI Msirda l’ont été pour le compte de Messieurs [X] et [B] [G], à leur demande et leur ont été restituées. Elle précise que la demanderesse lui a versé en toute connaissance de cause, au nom et pour le compte de Messieurs [X] et [B] [G] le prix de cession de parts sociale de la société O’Châteaudun, le remboursement des comptes courants d’associés des cédants et le remboursement des sommes avancées à Monsieur [K] [G].
Elle fait enfin valoir que Madame [J] [T] tente d’instrumentaliser la justice et d’obtenir des sommes indues en entraînant la société SCI Msirda indûment dans une procédure qui ne la concerne pas, ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts à son profit.
Par conclusions d’incident notifiées le 18 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [J] [T] demande au juge de la mise en état de :
à titre principal,
rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société SCI Msirda ;déclarer Madame [J] [T] recevable et bien fondée en son opposition à ce qu’il soit statué par le juge de la mise en état sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande ne serait pas valablement formée contre la société SCI Msirda soulevée par cette société, et renvoyer l’affaire sur ce point devant la formation de jugement ;rejeter la demande indemnitaire et la demande en paiement des frais irrépétibles non compris dans les dépens formées par la société SCI Msirda ;condamner la société SCI Msirda à lui verser la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la société SCI Msirda aux entiers dépens de l’incident, avec distraction au profit de Maître [M] [Z].
Elle fait valoir, en substance, que l’action en justice dont le tribunal est saisi n’est pas une action visant à obtenir l’annulation de la cession des parts sociales conclue le 5 mars 2018 mais une action en répétition de l’indu, soumise à la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil.
Elle s’oppose, au visa de l’article 789 du code civil, à ce que le juge de la mise en état statue sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande ne serait pas valablement formée contre la société SCI Msirda dès lors que constituent des questions de fond, relevant de la compétence du tribunal, la question de savoir si elle se serait acquittée d’obligations naturelles en réglant des sommes à la société SCI Msirda, la question de savoir si Messieurs [X] et [B] [G] auraient été les bénéficiaires du profit effectif des sommes versées à la société SCI Msirda, la question de savoir si la société SCI Msirda n’aurait reçu ces sommes qu’en qualité de mandataire, et, plus généralement, les questions de savoir à l’égard de quelles personnes Madame [J] [T] était débitrice et si l’indu invoqué constitue un indu objectif ou un indu subjectif.
Elle estime enfin que la demande de condamnation à des dommages et intérêts ne peut qu’être rejetée puisque la société SCI Msirda ne fait état d’aucune faute commise par Madame [J] [T], d’aucun préjudice subi par cette société et a fortiori d’aucun lien de causalité entre une quelconque faute et un éventuel préjudice.
Les parties ont été convoquées pour plaider sur cet incident par bulletin du greffe à l’audience du 18 novembre 2024. A cette audience, l’incident a été mis en délibéré au 9 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et non susceptible d’appel,
DISONS irrecevable la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée devant le juge de la mise en état ;
DISONS irrecevable la demande subsidiaire de la société SCI Msirda tendant à juger infondées les demandes de Madame [J] [T] et à l’en débouter ;
REJETONS la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
REJETONS les fins de non-recevoir soulevées par la société SCI Msirda tirées d’un défaut d’intérêt à agir et de qualité à défendre ;
DISONS que la société SCI Msirda devra conclure au fond avant le 13 février 2025, puis Madame [J] [T] avant le 20 mars 2025, les derniers échanges devant intervenir avant le 21 avril 2025 ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 28 avril 2025 à 9 heures 01 pour être clôturée et fixée pour plaidoiries ;
CONDAMNONS la société SCI Msirda à supporter les dépens de l’incident ;
DISONS que Maître [M] [Z] peut recouvrer directement contre la société SCI Msirda les dépens de l’incident dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
RÉSERVONS le surplus des dépens de l’instance ;
CONDAMNONS la société SCI Msirda, à payer à Madame [J] [T] la somme de 1 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;
REJETONS toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 JANVIER 2025 par Monsieur MADRE, Vice-Président, assisté de Madame SOUMAHORO, Greffier.
Le GREFFIER Le JUGE de la MISE en ETAT
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