Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Versailles
Thématique : Responsabilité et présomption d’imputabilité en cas d’accident sur le lieu de travail durant une pause.
→ RésuméContexte de l’accidentLe 2 mai 2023, la société [5] a signalé un accident du travail impliquant M. [Y], survenu le 16 mars 2023 à 12h00. L’accident a été décrit comme une agression par un collègue pendant la pause déjeuner à la cafétéria. Un certificat médical établi le même jour a constaté des blessures et une incapacité totale de travail d’un jour. Procédure de prise en chargeLa société [5] a adressé une lettre de réserves à la caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle le 11 avril 2023. Le 1er août 2023, la caisse a décidé de prendre en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Après un rejet implicite de son recours par la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal judiciaire de Versailles le 18 décembre 2023. Arguments de la société [5]Lors de l’audience, la société [5] a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de la caisse, arguant que l’altercation s’était produite en dehors des heures et du lieu de travail. Elle a soutenu que l’accident n’était pas lié à l’activité professionnelle, M. [Y] ayant agi en dehors de l’autorité de l’employeur. De plus, elle a contesté la régularité de la procédure d’instruction menée par la caisse. Arguments de la caisseLa caisse a demandé le rejet des demandes de la société, affirmant que l’accident s’était produit pendant le temps de travail, à la cafétéria du chantier. Elle a cité un arrêt de la Cour de cassation stipulant que les pauses sont considérées comme faisant partie du temps de travail. La caisse a également soutenu que la procédure suivie était conforme aux exigences légales. Éléments de preuveLes témoignages recueillis ont établi que l’altercation entre M. [Y] et son collègue s’est déroulée en dehors de l’enceinte du chantier, sur la voie publique. Les déclarations des témoins et des parties impliquées ont confirmé que les deux salariés avaient quitté volontairement le contrôle de leur employeur pour régler un différend personnel. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que la caisse ne pouvait pas bénéficier de la présomption d’imputabilité, car M. [Y] avait interrompu son activité professionnelle et rompu le lien de subordination avec son employeur. Par conséquent, la décision de la caisse a été déclarée inopposable à la société [5]. La caisse a été condamnée aux dépens, tandis que la demande de la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. |
Pôle social – N° RG 23/01642 – N° Portalis DB22-W-B7H-RYNC
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– S.A.S. [5]
– CPAM DE LA MOSELLE
– Me Véronique BENTZ
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 07 JANVIER 2025
N° RG 23/01642 – N° Portalis DB22-W-B7H-RYNC
Code NAC : 89E
DEMANDEUR :
S.A.S. [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Véronique BENTZ, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant substitué par Maître Antony VANHAECKE, avocat au barreau de LYON
DÉFENDEUR :
CPAM DE LA MOSELLE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par M. [P] [T], muni d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Béatrice THELLIER, Juge
Monsieur Olivier CRUCHOT, Représentant des employeurs et des travailleurs indépendants
Madame Madeleine LEMAIRE, Représentant des salariés
Madame Valentine SOUCHON, Greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 07 Novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 07 Janvier 2025.
Pôle social – N° RG 23/01642 – N° Portalis DB22-W-B7H-RYNC
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 2 mai 2023, la société [5] a établi une déclaration d’accident du travail faisant état d’un accident survenu à M. [Y] le 16 mars 2023 à 12h00 dans les circonstances suivantes : « agression par un collègue de travail, coups et blessure » alors que le salarié était en « pause de midi à la cafétéria ».
Le certificat médical initial, établi le 16 mars 2023 à 22h10 par le Dr [X], fait état d’un « œdème périorbitaire droit et gauche, œdème rétro-mastoïdienne droit, 2 griffures en regard du sinus maxillaire gauche » et fixe une incapacité totale de travail (ITT) d’un jour.
La société [5] a préalablement adressé un courrier de réserves à la caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle (la caisse) le 11 avril 2023.
Le 1er août 2023, après instruction, la caisse a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de l’accident survenu à son salarié au titre de la législation sur les risques professionnels.
Après rejet implicite de son recours par la commission de recours amiable (CRA), la société [5] a, par lettre recommandée avec avis de réception reçue au greffe le 18 décembre 2023, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge.
Après mise en état de l’affaire, celle-ci a été évoquée à l’audience du 7 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A l’audience, reprenant ses prétentions contenues dans ses dernières conclusions, la société [5], représentée par son conseil, demande au tribunal de lui déclarer inopposable la décision de la caisse de prendre en charge l’accident de M. [Y] du 16 mars 2023 au titre de la législation sur les risques professionnels et de condamner la caisse à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle fait valoir, au visa de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, que l’altercation physique qui a eu lieu entre M. [Y] et un de ses collègues de travail le 16 mars 2023 s’est déroulée en dehors des heures de travail (pendant la pause déjeuner) et en dehors du lieu de travail, comme le confirme les attestations qu’elle verse aux débats. Elle ajoute que cette altercation ne présente pas de lien avec l’activité professionnelle, M. [Y] s’étant volontairement soustrait à son autorité ce jour-là. Elle estime ainsi que la caisse ne peut se prévaloir de la présomption d’imputabilité.
Elle fait également valoir, au visa des articles R441-6 à R441-8 du code de la sécurité sociale, que la caisse ne lui a jamais adressé de courrier d’ouverture d’instruction l’informant des délais de l’instruction et notamment du délai de consultation du dossier avant que la décision de prise en charge ne soit rendue. Elle ajoute que la caisse a mené une instruction largement insuffisante et incomplète.
La caisse, représentée par son mandataire à l’audience, reprend oralement les prétentions contenues dans ses dernières conclusions et demande au tribunal de débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner aux entiers dépens.
Elle fait valoir, au visa de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, qu’il ressort de la déclaration d’accident du travail que l’accident du salarié s’est bien produit au temps et lieu de travail, précisant qu’il est survenu à 12h (alors que les horaires de travail de celui-ci étaient 8h-17h) au sein de la cafétéria du chantier auquel il était affecté. Elle rappelle, au visa d’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 5 mars 2019 (n°17-86.984) que les temps de pause sont considérés comme faisant partie du temps de travail et les salariés demeurent sous l’autorité de leur employeur, peu important le lieu de la pause déjeuner. Elle estime ainsi que la matérialité d’un fait accidentel survenu aux temps et lieu du travail étant démontrée, M. [Y] devait bénéficier de la présomption d’imputabilité instituée par l’article L411-1, sauf à l’employeur de démontrer que la lésion était imputable à une cause totalement étrangère au travail, ce que la société [5] ne fait pas.
Elle fait également valoir que la procédure qu’elle a suivie est parfaitement régulière et conforme aux dispositions de l’article R441-8 du code de la sécurité sociale. Elle affirme avoir informé la société [5] de l’ouverture d’une instruction et des délais applicables par courrier en date du 11 mai 2023. Elle ajoute que la société a sans difficulté complété son questionnaire le 8 juin 2023.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DECLARE inopposable à la société [5] la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle en date du 1er août 2023 prenant en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l’accident dont M. [S] [Y] a été victime le 16 mars 2023,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle aux entiers dépens,
DEBOUTE la société [5] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
Madame Valentine SOUCHON Madame Béatrice THELLIER
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