Tribunal judiciaire de Versailles, 6 février 2025, RG n° 22/00293
Tribunal judiciaire de Versailles, 6 février 2025, RG n° 22/00293

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Versailles

Thématique : Conflit locatif et obligations contractuelles en période de crise sanitaire

Résumé

Contexte du litige

La société ALLIANZ PIERRE a donné à bail à la société France Quick, maintenant FRANCE BKR, des locaux commerciaux pour un restaurant. Le bail stipule que le restaurant peut vendre à emporter et servir des boissons sans licence IV.

Demande de paiement

En octobre 2021, ALLIANZ PIERRE a signifié à FRANCE BKR une sommation de payer un arriéré locatif de 24.886,87 euros. En janvier 2022, ALLIANZ PIERRE a assigné FRANCE BKR devant le tribunal judiciaire de Versailles pour obtenir le paiement des loyers dus.

Conclusions d’ALLIANZ PIERRE

Dans ses conclusions de 2024, ALLIANZ PIERRE demande le paiement de 49.963,47 euros pour loyers et accessoires, ainsi que des pénalités et des frais liés à la sommation. Elle conteste les demandes de FRANCE BKR concernant l’abandon de loyer et la suspension de paiement, arguant que FRANCE BKR a accumulé des impayés et n’a pas respecté ses obligations contractuelles.

Arguments de FRANCE BKR

FRANCE BKR, dans ses conclusions, conteste la demande de paiement, invoquant des difficultés dues à la crise sanitaire et demandant un abandon de loyer pour la période de fermeture. Elle sollicite également un aménagement des conditions de paiement et conteste la validité des charges facturées par ALLIANZ PIERRE.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré irrecevable la demande de FRANCE BKR concernant la prescription des charges de 2015. Il a condamné FRANCE BKR à payer 49.690,47 euros à ALLIANZ PIERRE, ainsi qu’une somme de 600 euros au titre de la clause pénale. Les demandes de FRANCE BKR ont été rejetées, et elle a été condamnée aux dépens.

Conclusion

Le jugement a été prononcé le 6 février 2025, avec une exécution provisoire de droit. Le tribunal a statué sur les demandes des deux parties, en tenant compte des arguments avancés et des obligations contractuelles respectives.

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
06 FÉVRIER 2025

N° RG 22/00293 – N° Portalis DB22-W-B7G-QLX6
Code NAC : 30B
TLF

DEMANDERESSE :

La société ALLIANZ PIERRE, société civile de placement immobilier immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 328 470 570 dont le siège social est situé [Adresse 4] et agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Typhaine DE PEYRONNET du Cabinet PEYRONNET AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE :

La société FRANCE BKR, société par actions simplifiée immatriculée
au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro
950 026 914 dont le siège social est situé [Adresse 2] et prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Gabriel DE FROISSARD DE BROISSIA du Cabinet JUNON AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Virginie DELANNOY de L’AARPI PREMIERE LIGNE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 10 Janvier 2022 reçu au greffe le 14 Janvier 2022.

DÉBATS : A l’audience publique tenue le 03 Décembre 2024, Monsieur LE FRIANT, Vice-Président et Madame CELIER-DENNERY, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistés de Madame LOPES
DOS SANTOS, Greffier, ont indiqué que l’affaire sera mise en délibéré
au 06 Février 2025.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint
Monsieur LE FRIANT, Vice-Président
Madame CELIER-DENNERY, Vice-Présidente

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing privé en date du 29 décembre 1989, renouvelé en dernier lieu le 3 novembre 2017, la société ALLIANZ PIERRE, venant aux droits de MONCEAU IMMOVALOR 2, a donné à bail à la société France Quick, désormais dénommée FRANCE BKR, elle-même venant aux droits de NEGOCE PIERRE, divers locaux commerciaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 1].

Le bail prévoit comme destination contractuelle : « Restaurant sous toutes ses formes avec vente à emporter et débit de boissons ne nécessitant pas de licence IV ».

Par acte extrajudiciaire du 7 octobre 2021, la société ALLIANZ PIERRE a fait signifier à la société FRANCE BKR une sommation de payer la somme de 24.886,87 euros TTC, se décomposant entre :
• 24.645,31 euros TTC, au titre de l’arriéré locatif imputé à la locataire arrêté au 20 septembre 2021,
• 221,56 euros au titre du coût de l’acte.

Par acte d’huissier du 17 janvier 2022, la société ALLIANZ PIERRE a assigné la société FRANCE BKR devant le tribunal judiciaire de Versailles.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2024, la société ALLIANZ PIERRE demande au tribunal, vu l’article 1728 du code civil, vu la jurisprudence citée, vu le bail du
3 novembre 2017, de :

– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 49.963,47 euros TTC, correspondant au montant des loyers et accessoires arrêtés à la date du 3 octobre 2024 ;
– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 221,56 euros TTC, correspondant au coût de la sommation de payer délivrée le 7 octobre 2021 ;
– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 2.464,53 euros à titre de pénalités fixées à l’article 9 des conditions particulières du bail ;
– dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 7 octobre 2021 pour les sommes qui y sont visées, et de l’assignation pour le surplus, et ce, jusqu’au complet paiement ;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande d’abandon de loyer à hauteur de 25.743,94 euros TTC;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande de suspension définitive de l’obligation de paiement des loyers à hauteur de 25.743,94 euros TTC ;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande de délais de paiement ;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande de remboursement de provisions et redditions de charges à hauteur de 67.018,40 euros TTC et a minima de la somme de 19.590,05 euros TTC correspondant aux honoraires de gestion et aux charges « Habitation » subsidiairement, de compensation avec les sommes dues à Allianz Pierre ;
– débouter la société FRANCE BKR de toutes ses demandes, fins et
conclusions ;
– juger prescrite la demande de remboursement de la reddition de charges de l’année 2015 ;
– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société FRANCE BKR aux entiers dépens, qui incluront le coût de signification de l’assignation et autoriser Maître Michèle de KERCKHOVE à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– juger qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Elle fait valoir que :
– le preneur a accumulé des impayés de loyers, charges et accessoires,
– il ne peut lui être reproché de mauvaise foi dès lors qu’elle n’a jamais opposé de refus à la société ALLIANZ PIERRE lui demandant simplement de communiquer les documents comptables de sa société et de son groupe pour prioriser les aides accordées aux locataires les plus en difficulté,
– elle a accepté la demande de son locataire de pouvoir régler mensuellement les loyers à terme échu,
– elle a attendu 21 mois avant d’assigner et n’a entretemps diligenté aucune mesure coercitive, ni conservatoire à l’encontre de son locataire,
– il n’y a pas eu perte de la chose louée ni exception d’inexécution ni manquement à l’obligation de délivrance du fait de la crise sanitaire et les arrêts de la Cour de cassation sur ces points sont applicables à la société FRANCE BKR,
– rien ne justifie que la société FRANCE BKR laisse courir un arriéré locatif au vu de ses résultats financiers,
– il est inopérant que le restaurant soit exploité par un locataire gérant dès lors que le bail a été conclu par FRANCE QUICK devenue FRANCE BKR,
– la société ALLIANZ PIERRE a rempli l’intégralité de ses obligations contractuelles,
– pendant toute la période durant laquelle la société FRANCE BKR demande la suspension ou l’exonération de ses loyers et charges, les locaux étaient occupés par l’intégralité de ses ingrédients, de sa marchandise, de ses machines, de ses archives, et de ses documents de gestion,
– elle a pu exploiter ses cuisines, et faire travailler ses salariés pour la vente à emporter et les livraisons (UberEats, Deliveroo, Just Eat…), avec bien moins de difficultés que les restaurants classiques au regard de son activité connaissant parfaitement les contours de la vente à emporter,
– s’agissant de la clause d’indexation au titre des années 2022, 2023 et 2024, la société ALLIANZ PIERRE a attendu juillet 2024 pour que la société FRANCE BKR lui indique qu’au regard de son chiffre d’affaires, elle ne pouvait pas bénéficier du plafonnement de l’indexation,
– la clause pénale prévue au bail s’applique 8 jours après la sommation sur la somme due à ce titre,
– le non-règlement de ses loyers à hauteur de 18.261,65 euros TTC est incompréhensible, de même que l’irrégularité des règlements de la société FRANCE BKR qui ne règle jamais ses loyers et charges à bonne date et selon les termes du contrat,
– la situation financière de la société FRANCE BKR ne justifie pas l’octroi de délais de paiement,
– une partie des demandes de la société FRANCE BKR est en tout état de cause prescrite, dès lors que la reddition de charges 2015 a été facturée le
13 avril 2017, et son remboursement est demandé pour la première fois
dans les conclusions adverses signifiées le 13 juin 2022,
– les redditions 2019, 2020, 2021, qui étaient créditrices, et dont la société FRANCE BKR se plaint, sont étonnamment exclues du calcul global des redditions de charges dont il faudrait prononcer l’annulation,
– la société ALLIANZ PIERRE a effectué et communiqué toutes les redditions de charges jusqu’à 2022 inclus et celle de 2023 est en cours,
-l’immeuble étant soumis au régime de la copropriété, l’assemblée générale qui viendra clôturer l’exercice 2023 ne s’est pas encore tenue,
– les relevés individuels de dépenses détaillant l’ensemble des postes et la quote-part imputable à la société FRANCE BKR sont produits dans le cadre de la présente instance,
– les relevés généraux des dépenses détaillant chacun de ses postes pour l’immeuble sont également produits dans le cadre de la présente instance,
– dans la mesure où la société FRANCE BKR ne cible ni ses demandes ni ses contestations, mais se contente de solliciter le justificatif de toutes les charges facturées depuis 5 ans, la communication de toutes les factures intervenues, sur tous les postes de charges, depuis 2017, dans le cadre de la présente procédure, paraît difficilement réaliste compte-tenu de leur volume,
– elle verse dans la présente procédure, le dernier état descriptif de division de la copropriété justifiant les tantièmes de la société FRANCE BKR, locataire des lots 2, 8, et 9 et le détail des clés de répartition du bail de FRANCE BKR, en fonction des postes de charges visés,
– le bailleur ne transfère pas intégralement au preneur le montant des charges appelées par le syndic de l’immeuble pour tous les lots détenus par ALLIANZ PIERRE,
– s’agissant du libellé « CH NR HABITATION » sur les relevés de dépense, ce libellé signifie que la dépense est récupérable sur les locataires sauf sur les locataires habitation, et il s’agit soit de charges qui concernent les charges générales, soit des charges du bâtiment,
– elle n’a jamais facturé de charges liées à la gestion des loyers,
– elle n’a jamais commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité,
– alors qu’elle n’avait jamais formulé la moindre critique ni contestation sur les charges appelées et les redditions de charges pratiquées, la société FRANCE BKR a tenté de faire diversion dans la présente procédure en multipliant les contestations et les demandes. Ces contestations qui se sont révélées chaque fois sans fondement ont considérablement allongé la durée de la procédure et les échanges d’écritures entre les parties, occasionnant des frais significatifs à la société ALLIANZ PIERRE.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2024, la société FRANCE BKR demande au tribunal, vu les articles 1104, 1106, 1190, 1719 et 1722 du code civil, les articles 1343-5 et 1347 et suivants du code civil, l’article R.145-36 du code de commerce, l’arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, le décret n°2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire de :

– juger recevables et bien fondées les demandes, fins et conclusions de la société FRANCE BKR ;
– juger bien fondée la contestation de la société FRANCE BKR d’exigibilité du solde du 2ème trimestre 2020 et ordonner l’abandon de loyer à hauteur de 25.743,94 euros TTC, correspondant à un mois et demi du fait de l’impossibilité d’exploiter les locaux entre le 16 mars et le 15 juin 2020 ;

A titre subsidiaire,
– ordonner un aménagement des conditions d’exécution des obligations contractuelles de la société FRANCE BKR de manière exceptionnelle et temporaire à savoir une suspension définitive de l’obligation de paiement de la société FRANCE BKR, à hauteur 25.743,94 € TTC pour la période entre le
16 mars et le 15 juin 2020 ;

A titre très subsidiaire,
– rejeter l’ensemble des demandes de la société ALLIANZ PIERRE de voir appliqués la clause pénale et des intérêts de retard et le cas échéant, juger excessive la clause pénale et la réduire à une somme de un (1) euro ;
– octroyer à la société FRANCE BKR un échéancier de vingt-quatre (24) mois pour s’acquitter de l’arriéré locatif arrêté à la date des présentes, la première échéance intervenant le 1er du mois suivant la signification de la décision à intervenir ;

A titre reconventionnel,
– ordonner à la société ALLIANZ PIERRE :
o L’annulation des provisions de charges réglées depuis la prise d’effet du Bail, soit la somme de 58.752 euros TTC, à parfaire ;
o L’annulation des redditions de charges réglées depuis la prise d’effet du Bail, soit la somme de 8.266,40 euros TTC ;
o Le remboursement consécutif des provisions et redditions de charges depuis la prise d’effet du Bail, soit la somme de 67.018,40 euros TTC à parfaire et a minima de la somme de 19.590,05 euros TTC correspondant aux honoraires de gestion et aux charges « Habitation » ;

– A titre subsidiaire sur ce point, ordonner la compensation entre les sommes que se doivent réciproquement la société ALLIANZ PIERRE et la société FRANCE BKR ;

En tout état de cause,
– débouter la société ALLIANZ PIERRE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société ALLIANZ PIERRE à payer à la société FRANCE BKR la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société ALLIANZ PIERRE aux entiers dépens ;
– juger de ne pas faire application de l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle fait valoir que :
– les arrêts du 30 juin 2022 rendus par la Cour de cassation ne sauraient être transposables puisqu’ils concernent une activité autre que celle de restauration, spécifique au regard des fermetures administratives dont elle a fait l’objet,
– l’activité de restauration n’a pas été soumise aux mêmes périodes de fermetures que les commerces qualifiés de non essentiels,
– la bonne foi entre les parties fait défaut du fait de l’envoi d’une mise en demeure le 13 octobre 2020 soit quelques jours avant la mise en place de nouvelles mesures de restriction d’exploitation du fait de la dégradation des conditions sanitaires et de l’absence de toute proposition du bailleur,
– les manœuvres de la société ALLIANZ PIERRE pour maintenir la pression sur la société FRANCE BKR ne souffrent pas de contestation,
– le bailleur n’a à aucune moment voulu accompagner la société FRANCE BKR,
– elle était à jour du paiement des loyers pendant toute la durée d’occupation antérieure des locaux jusqu’à la crise sanitaire et même postérieurement,
– le bailleur n’a pas fait de démarche pour annuler le loyer de novembre 2020 alors que cela lui permettait de bénéficier d’un avantage fiscal ni pour obtenir une exonération même partielle de la taxe foncière,
– elle sollicite une adaptation exceptionnelle et temporaire se matérialisant par une diminution du loyer proportionnelle à la baisse du chiffre d’affaires subie, par comparaison avec l’année précédente sur le même site car retenir le chiffre d’affaires global tel que voulu par le bailleur n’a aucun sens ni fondement,
– les décisions gouvernementales ont donc contraint la société FRANCE BKR à fermer son établissement, constituant un cas fortuit ayant pour conséquence la perte temporaire des locaux,
– en application de la théorie des risques, le contrat se maintient pour la part dont l’exécution demeure possible. Il en résulte une réduction des obligations à hauteur de ce que le débiteur / preneur empêché peut fournir. La réduction de loyer peut se traduire par une exonération du paiement du loyer en cas de perte temporaire ou de remboursement du loyer qui a été réglé,
– la société FRANCE BKR s’est trouvée empêchée pendant une durée limitée et de manière absolue d’exploiter son activité,
– au regard de la perte de la chose louée, les demandes du bailleur d’obtenir l’application de la clause pénale d’un montant élevé et le paiement consécutif ne pourront qu’être rejetées,
– compte tenu de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, aucune pénalité ne saurait être appliquée pour le défaut de paiement des loyers et charges locatives pendant la période d’état d’urgence sanitaire pour les entreprises dont l’activité s’est trouvée affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19,
– en tout état de cause, le tribunal dispose d’un pouvoir souverain au regard de l’article 1231-5, alinéa 2 du code civil, pour réduire la clause pénale de 10 % et la réduira consécutivement à 1 € compte tenu de son caractère manifestement excessif et des circonstances exceptionnelles,
– le bailleur ne démontre nullement le préjudice subi qui justifierait l’application de la clause pénale, a fortiori face à son refus obstiné de tout accord amiable,
– nonobstant ce loyer partiellement impayé pour les causes sus énoncées, aucun incident de quelque ordre que ce soit n’est à relever dans l’exécution par le preneur de ses obligations locatives : absence d’incident de paiement, absence d’infraction aux clauses du Bail et aux dispositions légales, alors que le bailleur n’a pas respecté de son côté ses obligations relatives aux charges.
– sa bonne foi et les conséquences économiques inédites auxquelles elle a été confrontée justifient pleinement sa demande de délais de paiement,
– le bailleur n’a pas respecté ses obligations contractuelles en transmettant les régularisations de charges de plusieurs jours à plus d’une année après la date fixée au contrat du 30 septembre,
– le bailleur n’a transmis que des justificatifs incomplets, insuffisants et pour certains d’entre eux incompréhensibles,
– ce retard ne peut se justifier ni par les retards des tiers cocontractants ni la date de tenue de l’assemblée générale pour l’exercice 2022, celle-ci s’étant tenue le 26 juin 2023,

– aucun justificatif n’a été transmis pour les taxes foncières et taxes d’enlèvement des ordures ménagères,
– il appartient à la société ALLIANZ PIERRE en tant que bailleur de justifier du principe et du calcul des charges,
– la société ALLIANZ PIERRE indique que les lieux loués correspondent aux lots n°2,8 et 9 alors qu’il résulte des régularisations de charges de la société ALLIANZ PIERRE est propriétaire des lots à savoir 2,3,5 et 8 mais que le lot n°9 n’apparaît pas de sorte qu’il est impossible de s’assurer que la société ALLIANZ PIERRE ne lui impute pas des charges correspondant à d’autres lots,
– il ne peut être déterminé à quoi correspondent les charges « CH NR HABITATION »,
– figure dans les provisions sur charges réglées par le preneur un poste intitulé « Honoraires » d’un montant de 4,15 €/m² pourtant proscrit depuis la réforme Pinel,
– en l’absence d’un inventaire des catégories de charges, impôts, taxes et redevances et même si d’autres clauses mettent à la charge du preneur des charges ou taxes, les clauses du bail relatives au transfert de charges (article 6 « CHARGES, IMPOTS ET TAXES ») doivent être réputées non écrites,
– le bailleur, pourtant professionnel de l’immobilier et foncière cotée, a persisté dans son attitude procédurière malgré l’ancienneté de la relation locative et dans le cadre de la présente procédure, a poursuivi sur ce comportement, ne daignant même pas répondre aux demandes légitimes du preneur sur les charges.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 3 décembre 2024 et mise en délibéré au 6 février 2025. Le tribunal a invité les parties à faire connaître leurs observations sur la recevabilité de la fin de non-recevoir opposée par la société ALLIANZ PIERRE dans un délai de quinze jours.

Par note en délibéré reçue le 4 décembre 2024 la société ALLIANZ PIERRE fait valoir que le tribunal peut statuer sur sa fin de non-recevoir, la compétence du juge de la mise en état prévue par l’article 789 du code de procédure civile n’étant pas d’ordre public, les articles 122 et 123 du même code prévoyant que les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal judiciaire statuant par décision contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe après débats en audience publique,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir présentée par la société ALLIANZ PIERRE aux fins de faire juger prescrite la demande de remboursement de la reddition de charges de l’année 2015 ;

Condamne la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 49.690,47 euros TTC correspondant au montant des loyers et accessoires arrêtés à la date du 3 octobre 2024 avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2021 sur la somme de 24.645,31 euros, à compter du 10 janvier 2022 sur la somme de 1.098,63 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;

Condamne la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 600 euros au titre de la clause pénale prévue à l’article 9 du bail liant les parties ;

Déboute la société FRANCE BKR de l’ensemble de ses prétentions ;

Condamne la société FRANCE BKR aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Michele DE KERCKHOVE ;

Condamne la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en ce compris le coût de la sommation de payer du 7 octobre 2021 ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 FÉVRIER 2025 par M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY

 


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