Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Tours
→ RésuméEn janvier 2023, Monsieur [H] [C] a assigné la SAS LA SAUVAGERE devant le tribunal judiciaire de Tours, réclamant 15.681,60 € TTC et 1.500 € de dommages-intérêts pour enrichissement sans cause. Le 17 octobre 2024, le tribunal a condamné la SAS à verser 9.504,00 € à Monsieur [H] [C], tout en déboutant ce dernier de ses autres demandes. Le tribunal a également ordonné à Monsieur [H] [C] de payer 2.000 € à la SAS pour les frais de justice, soulignant que la SAS avait respecté ses obligations contractuelles concernant la récolte.
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Au second semestre de 2022, Monsieur [H] [C], exploitant du « Domaine de la Haute Duterie », a convenu avec la SAS LA SAUVAGERE que cette dernière récolterait une partie de ses vignes, soit 1 ha 09 ares 82 ca, en échange d’un paiement de 1,60 € HT par kilo récolté. En janvier 2023, Monsieur [H] [C] a assigné la SAS LA SAUVAGERE devant le tribunal judiciaire de Tours pour obtenir le paiement de 15.681,60 € TTC et 1.500 € de dommages-intérêts, tout en invoquant l’enrichissement sans cause.
Dans ses conclusions, Monsieur [H] [C] a demandé des condamnations financières supplémentaires et le remboursement des frais de justice. De son côté, la SAS LA SAUVAGERE a contesté les demandes de Monsieur [H] [C], affirmant avoir déjà payé une partie de la récolte et demandant à être déboutée de ses demandes. Le 28 mai 2024, le juge a ordonné la clôture de l’instruction et fixé l’audience de plaidoirie au 11 juin 2024. Le tribunal a finalement rendu son jugement, condamnant la SAS LA SAUVAGERE à verser 9.504,00 euros TTC à Monsieur [H] [C], tout en déboutant ce dernier du surplus de ses demandes et en le condamnant à payer 2.000 euros à la SAS LA SAUVAGERE au titre des frais de justice. Les dépens ont été partagés entre les parties. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Tours
RG n°
23/00236
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS
PREMIERE CHAMBRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT RENDU LE 17 OCTOBRE 2024
N° RG 23/00236 – N° Portalis DBYF-W-B7H-IUBV
DEMANDEUR
Monsieur [H] [C]
entrepreneur individuel en nom propre du DOMAINE DE LA HAUTE DUTERIE
(SIRET : 420 923 914)
né le 27 Février 1955 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3] – [Localité 2]
représenté par Maître Jean-yves LETERME de la SELARL CONFLUENCES AVOCATS, avocats au barreau de TOURS,
DÉFENDERESSE
S.A.S. LA SAUVAGERE
(SIRET n° 903 084 085), dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 1]
représentée par Maître Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocats au barreau de BLOIS,
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame V. GUEDJ, Vice-Présidente, siégeant comme Juge Unique en application des articles 812 et suivants du Code de procédure civile,
Assistée de V. AUGIS, Greffier, lors des débats et C. FLAMAND lors du prononcé du jugement.
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 Juin 2024 avec indication que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024 prorogée au 17 Octobre 2024.
Au second semestre de l’année 2022, Monsieur [H] [C] exploitant en nom propre le « Domaine de la Haute Duterie » et la SAS LA SAUVAGERE sont convenus que la seconde procéderait à la récolte d’une partie des vignes – à hauteur de 1 ha 09 ares 82 ca – appartenant au premier.
Il était convenu que la SAS LA SAUVAGERE conserve le produit de la récolte, contre paiement d’un prix de 1,60 € HT par kilo récolté.
Par acte de commissaire de justice du 14 janvier 2023, Monsieur [H] [C] entrepreneur individuel en nom propre du « Domaine de la Haute Duterie » a assigné devant le tribunal judiciaire de Tours, la SAS LA SAUVAGERE, à titre principal, en paiement d’une somme de 15.681,60 € TTC, ainsi que de 1.500 € à titre de dommages-intérêts ; et à titre subsidiaire, en de la somme de 15.681,60 € TTC sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 16 novembre 2023 et auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [H] [C] exploitant en nom propre du « Domaine de la Haute Duterie » demande de :
– condamner la SAS LA SAUVAGERE à verser à Monsieur [H] [C] :
· La somme de 15.681,60 € TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 octobre 2022 ;
· La somme de 2.500 € de dommages et intérêts ;
– condamner la SAS LA SAUVAGERE à verser au Domaine de la Haute Duterie la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SAS LA SAUVAGERE à supporter la charge des entiers frais et dépens de l’instance qui comprendront le coût des interventions des officiers ministériels ;
– débouter la SAS LA SAUVAGERE de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires.
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 24 avril 2023 et auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS LA SAUVAGERE demande de :
– dire et juger que Monsieur [C] ne rapporte pas la preuve d’une obligation de paiement de la part de la société LA SAUVAGERE de la somme de 14.256 € HT soit 15.681,60 € TTC pour une récolte de 8.910 kg de raisins ;
– donner acte à la société LA SAUVAGERE de ce qu’elle a payé la somme de 8.640 € HT au titre des 5.400 kg de raisins récoltés sur la propriété de Monsieur [C] ;
– dire et juger Monsieur [C] mal fondé quant au surplus de ses demandes ;
– débouter Monsieur [C] de ses plus amples demandes ;
– condamner Monsieur [C] à payer à la société LA SAUVAGERE la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [C] aux dépens.
Par ordonnance du 28 mai 2024, le Juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et la fixation de l’audience de plaidoirie au 11 juin 2024 en formation à juge unique.
L’affaire a été mise en délibéré au 26 septembre 2024, lequel a été prorogé au 17 octobre 2024.
1. Sur la demande en paiement de la récolte
Monsieur [C] s’estime fondé en ses demandes et soutient que :
– la pesée de la récolte donne lieu à un « relevé de pesée » permettant de déterminer avec exactitude son poids et par suite le prix ;
– il appartient à celui qui récolte d’effectuer la pesée, ce à quoi la défenderesse a manqué ;
– il a quant à lui établi sa facture sur la base de ses propres récoltes sur les mêmes périodes et parcelles ;
– la carence dans l’administration de la preuve est imputable à la défenderesse qui ne peut se prévaloir de ses déclarations unilatérales établies presque deux mois après la fin des récoltes.
La SAS LA SAUVAGERE réplique que :
– elle a effectivement récolté 5.400 kg de raisins, cette récolte plus faible que celle annoncée en demande s’expliquant par diverses raisons ;
– ses techniques de récolte et la qualité de son vin produit impliquent qu’une partie des grains ne sont pas ramassés ;
– le prix au kilo du raisin (1,60 € HT) est plus élevé que le cours normal, mais a justement pour but de compenser une éventuelle perte de récolte, compte tenu de la sélection des grains opérée par elle ;
– il appartient au demandeur, en application de l’article 1353 du code civil, de prouver le bien-fondé du poids qu’elle facture, sans pouvoir se prévaloir de ses propres récoltes dès lors que les causes de la moindre récolte sont justifiées ;
– le rendement 2022 litigieux est meilleur que celui de l’année 2021 qui n’a pas fait l’objet de contestation.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
L’article 9 du code de procédure civile énonce, pour sa part, qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il est de droit constant qu’il incombe au demandeur à une obligation contractuelle, outre le principe de sa créance, « d’établir le montant de sa créance, et, à cet effet, de fournir les éléments permettant de fixer ce montant » (Civ. 1, 18 novembre 1997, n°95-21.161, publié au bulletin).
En l’espèce, si l’existence d’un contrat entre les parties et certaines de ses modalités sont constantes, les obligations exactes de la SAS LA SAUVAGERE en résultant font l’objet de contestation.
Monsieur [C] estime qu’il appartenait à la SAS LA SAUVAGERE de procéder à la pesée de la récolte à l’issue de celle-ci. La SAS LA SAUVAGERE réplique qu’il appartient au demandeur de prouver le bien-fondé du poids facturé.
D’une part, le demandeur n’apporte aucun élément au soutien de l’affirmation d’une obligation de pesée pesant sur la défenderesse, laquelle ne ressort pas expressément des pièces produites.
D’autre part et en toutes hypothèses, il ne résulte d’aucun élément produit que des modalités spécifiques de pesée auraient été stipulées, notamment de manière contradictoire ou par un tiers, alors précisément qu’il ne ressort des courriers du demandeur qu’il n’a jamais sollicité que la déclaration par la défenderesse des pesées.
En effet, le demandeur a sollicité par courrier daté du 6 octobre 2022, la communication de pesées de la récolte, avant de solliciter, par courrier daté du 19 octobre 2022, une pesée par jour et par cépage.
Or, la SAS LA SAUVAGERE a effectivement transmis le 3 décembre 2022 un relevé des pesées par cépage.
La SAS LA SAUVAGERE énonce ne pas s’être engagée à récolter la totalité des grains de raisin présents sur les vignes récoltées, mais en opérant une sélection dont il aurait été tenu compte dans la détermination du prix au kilo des raisins. Elle a ainsi consigné sur le compte CARPA de son conseil la somme de 9.504 € TTC, correspondant à la somme à laquelle elle serait tenue en retenant une récolte de 5.400 kg.
Ces modalités spécifiques de récolte, qui auraient été convenues entre les parties, justifieraient la différence de rentabilité entre les vignes récoltées par la SAS LA SAUVAGERE et celles récoltées par Monsieur [C], au vu desquelles ce dernier fonde sa demande en paiement.
Or, Monsieur [C] ne conteste pas, d’une part, ces modalités spécifiques de récolte et l’adaptation du prix au kilo du raisin en conséquence ni, d’autre part, que la rentabilité au kilo de la récolte de l’année précédente était inférieure à celle de l’année litigieuse.
Ainsi, il n’est pas justifié que le poids de la récolte déclaré ne correspondrait pas au poids de la récolte effective – étant précisé qu’il était notamment relevé au courrier daté du 6 octobre 2022 du demandeur (pièce M. [C] n°5) qu’il était « laiss[é] beaucoup de raisins sous les souches voir même des rangs entiers pas vendangés» –, ni que la récolte effective n’a pas respecté les modalités contractuelles de récolte.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le demandeur ne justifie pas que la SAS LA SAUVAGERE aurait manqué à ses obligations contractuelles, soit en ne procédant pas à une pesée de la récolte, soit en ne récoltant pas l’intégralité des raisins de la vigne, objet du contrat.
Si la SAS LA SAUVAGERE a consigné la somme de 9.504 € TTC au titre des sommes qu’elle reconnaît devoir sur la base d’une récolte de 5.400 kg, il apparaît que cette consignation a été réalisée sur le compte de son propre conseil, et non au profit du demandeur, qui reste donc fondé à en solliciter le paiement, sans que la SAS LA SAUVAGERE puisse se prévaloir du caractère libératoire de cette consignation.
Il convient en conséquence de condamner la SAS LA SAUVAGERE au paiement de la somme de 9.504 € TTC à Monsieur [C].
Enfin, le courrier daté du 19 octobre 2022 (pièce M. [C] n°6) ne tend qu’à solliciter l’adressage des pesées litigieuses, et non au paiement d’une somme, tout en rappelant un échéancier par tiers les 15 novembre 2022, 15 mars 2023 et 15 mai 2023. Par suite, il ne saurait constituer la mise en demeure de paiement d’une créance exigible faisant courir les intérêts moratoires au sens des articles 1231-6, 1344 et 1344-1 du code civil.
En conséquence, les intérêts moratoires au taux légal ne courront qu’à compter de l’acte introductif d’instance.
2. Sur la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [C]
L’article 1231-1 du code civil prévoit que « à moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable. »
Par application de l’article 1231-6 du code civil, « Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire. »
En l’espèce, il est sollicité des dommages-intérêts au motif, d’une part, que l’absence de pesée a empêché Monsieur [C] de déclarer ses récoltes au bureau des douanes et l’a contraint à multiplier des démarches administratives, et d’autre part le défaut de paiement a eu des conséquences sur la trésorerie de son exploitation.
Or, il n’est pas justifié de la mauvaise foi de la défenderesse dans le non-paiement de sommes dues.
En outre, il n’est pas justifié de préjudice distinct du simple retard dans le paiement qui en résulterait, alors que d’une part il n’est pas démontré que les difficultés de déclarations de récoltes au bureau des douanes ou les démarches administratives afférentes résultent d’un manquement de la défenderesse, et qu’au surplus, les difficultés de trésorerie sont évoquées sans précision ni justification.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur [C] de sa demande en ce sens.
3. Sur les demandes accessoires
Au regard des circonstances de l’espèce, l’équité commande de condamner Monsieur [C] à verser à la SAS LA SAUVAGERE la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par application de l’article 696 du code de procédure civile, dès qu’il n’est fait droit à la demande en paiement de Monsieur [C] que partiellement, et que le demandeur succombe en sa demande de dommages-intérêts, les dépens seront partagés par moitié.
Le Tribunal judiciaire, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
CONDAMNE la SAS LA SAUVAGERE à payer à Monsieur [H] [C] la somme de 9.504,00 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2023 ;
DÉBOUTE Monsieur [H] [C] du surplus de ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [H] [C] à payer à la SAS LA SAUVAGERE la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.
Ainsi fait, jugé et rendu par mise à disposition au Greffe les jour, mois et an que dessus.
LE GREFFIER,
C. FLAMAND
LA PRÉSIDENTE,
V. GUEDJ
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