Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Toulouse
Thématique : Retard de livraison et obligations contractuelles en matière immobilière
→ RésuméContexte de l’affaireUn contrat préliminaire de vente a été signé le 8 février 2016 entre la société NETWILLER et les époux [P] pour l’acquisition d’un appartement T3 et d’un parking dans un programme immobilier. Les époux ont souscrit un prêt de 279.744 euros le 27 mai 2016, et l’acte notarié d’acquisition a été réalisé le 9 juin 2016, avec une livraison prévue au 31 décembre 2016. Retards de livraisonLa livraison du bien a été retardée à plusieurs reprises, et la déclaration d’achèvement des travaux a été déposée le 21 novembre 2017. Les époux [P] ont mis en demeure la société NETWILLER le 14 juin 2018 pour obtenir une date ferme de livraison et des indemnités pour les préjudices subis. Ils ont ensuite assigné la société en justice le 25 juillet 2018. Protocole transactionnelUn protocole transactionnel a été établi le 5 novembre 2018, stipulant que la société NETWILLER devait livrer les biens au plus tard le 31 décembre 2018 et verser une indemnité de 3.465 euros pour le retard de livraison, ainsi que 5.400 euros pour la perte d’avantage fiscal. La livraison n’ayant pas eu lieu à cette date, les époux ont de nouveau assigné la société en mars 2020. Liquidation judiciaireLe tribunal a prononcé une liquidation judiciaire à l’encontre de la société NETWILLER le 10 mai 2022. Les époux [P] et la société AXA BANQUE ont déclaré leurs créances auprès du mandataire judiciaire. La livraison des biens a finalement eu lieu le 5 juillet 2022, et les biens ont été mis en location à partir du 30 novembre 2022. Actions en justice et demandes d’indemnisationLes époux [P] se sont désistés de leur action contre AXA BANQUE en mai 2023. Ils ont ensuite appelé en cause le mandataire liquidateur de NETWILLER pour que le jugement soit opposable. Ils ont formulé diverses demandes d’indemnisation pour pertes locatives, perte d’avantage fiscal, désorganisation de trésorerie et préjudice moral. Arguments de la société NETWILLERLa société NETWILLER a soutenu qu’elle avait rencontré des causes légitimes de retard, notamment des problèmes de santé de son gérant et des difficultés liées à la COVID-19. Elle a également demandé un délai de grâce pour finaliser le programme immobilier et a contesté les demandes d’indemnisation des époux [P]. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que la société NETWILLER avait manqué à son obligation de livraison et a fixé au passif de la société des indemnités pour pertes locatives et le remboursement d’une somme versée par les époux dans le cadre d’un protocole. Les demandes d’indemnisation pour perte d’avantage fiscal, désorganisation de trésorerie et préjudice moral ont été rejetées. La demande de délai de paiement de NETWILLER a également été refusée. ConclusionLe tribunal a statué en faveur des époux [P], leur accordant des indemnités pour pertes locatives et le remboursement d’une somme, tout en rejetant les autres demandes d’indemnisation. La décision a été rendue exécutoire de droit à titre provisoire. |
MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 30 Janvier 2025
DOSSIER : N° RG 20/01166 – N° Portalis DBX4-W-B7E-PBBI
NAC : 50C
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL COLLEGIALE
JUGEMENT DU 30 Janvier 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
En application de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2024, en audience publique, sans opposition des avocats devant :
Madame KINOO, Vice-Présidente (chargée du rapport)
et
Madame GABINAUD, Vice-Présidente (chargée du rapport)
Qui ont rendu compte au Tribunal dans son délibéré composé de
PRESIDENT : Madame KINOO, Vice-Présidente
ASSESSEURS : Madame GABINAUD, Vice-Présidente
Monsieur SINGER, Juge
GREFFIER lors du prononcé
Madame CHAOUCH
JUGEMENT
Réputé contradictoire, rendu après délibéré et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe. Rédigé par M. SINGER.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée le
à
DEMANDEURS
M. [F] [P]
né le 31 Décembre 1959 à [Localité 6] (CHINE), demeurant [Adresse 4]
Mme [I] [B] épouse [P]
née le 13 Février 1976 à [Localité 7] (CHINE), demeurant [Adresse 4]
représentés par Me Déborah MAURIZOT, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant, vestiaire : 287, et par Maître Virginie METIVIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,
DEFENDERESSES
S.C.C.V. NETWILLER, dont le siège social est sis [Adresse 2] – FRANCE
représentée par Me Sophie FERREIRA-GUEDJ, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, vestiaire : 424
S.E.L.A.R.L. BDR & ASSOCIES, pris en la personne de Maître [T] [Y] [H], ès qualités de liquidateur judiciiare de la SCCV NETWILLER, dont le siège social est sis [Adresse 5]
défaillant
S.A. AXA BANQUE, RCS Créteil 542 016 993, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Isabelle FAIVRE, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant, vestiaire : 287, et par Maître Bernard Claude LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 8 février 2016, un contrat préliminaire de vente en l’état futur d’achèvement a été régularisé entre la société civile immobilière de construction vente à capital variable NETWILLER, d’une part, et M. [F] [P] et Mme [I] [B] épouse [P], d’autre part, portant sur un appartement type T3 d’une superficie habitable de 68,07 m², ainsi que sur un parking dans le cadre d’un programme immobilier « LE 201 » situé aux [Adresse 1] à [Localité 8] (31).
Les consorts [P] ont souscrit un prêt le 27 mai 2016 auprès de la société AXA BANQUE d’un montant de 279.744 euros.
Par acte notarié du 9 juin 2016, M. [F] [P] et Mme [I] [B] épouse [P] ont acquis le lot de copropriété n° 60 (appartement type T3) et le lot n°121 (parking), moyennant le prix de 270.000 euros. La livraison était prévue au 31 décembre 2016.
Les fonds souscrits dans le cadre du prêt ont été débloqués le 15 décembre 2017 avec un début du paiement des échéances en janvier 2018.
La livraison du bien a été retardée à plusieurs reprises.
La déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux a été déposée par la SCCV NETWILLER et reçue par la mairie de [Localité 8] le 21 novembre 2017.
Les consorts [P] ont mis en demeure le 14 juin 2018 la société NETWILLER de leur communiquer une date ferme de livraison, de les indemniser de l’intégralité des préjudices subis sur la période depuis la date de livraison contractuellement prévue.
Par acte d’huissier du 25 juillet 2018, les consorts [P] ont assigné la société NETWILLER devant le juge des référés de [Localité 8].
Un protocole transactionnel a été établi le 5 novembre 2018 et homologué par ordonnance du juge des référés le 4 décembre 2018.
Les parties ont convenu notamment que la société devait :
– livrer les biens immobiliers acquis et remettre les clés des dits biens à l’acquéreur, au plus tard le 31 décembre 2018,
– verser à M. [F] [P] et Mme [I] [B] épouse [P] une indemnité globale, forfaitaire et transactionnelle de 3.465 euros pour le préjudice du retard de livraison jusqu’au 31 décembre 2018, outre 5.400 euros au titre de la perte de l’avantage fiscal au titre des revenus 2017, le tout devant être versé avant le 28 février 2019.
La livraison n’étant pas intervenue à la nouvelle date prévue, par actes signifiés le 16 mars 2020 et le 16 avril 2020, M. [F] [P] et Mme [I] [B] épouse [P] ont assigné la société NETWILLER et la société AXA BANQUE aux fins notamment d’injonction à la société NETWILLER de livrer lesdits lots et de condamnation de la société NETWILLER à diverses sommes au titre de dommages et intérêts. Ils ont également sollicité la suspension du prêt conclu auprès de la société AXA BANQUE.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 26 mai 2020, les demandeurs ont formé un incident devant le juge de la mise en état aux fins de suspension du prêt.
Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 2 juillet 2020, il a été :
– ordonné la suspension du prêt n°006291A accordé par la SA AXA BANQUE aux demandeurs, jusqu’à ce qu’une décision tranchant le fond du litige soit rendue par le tribunal,
– dit que cette suspension ne concerne pas les primes d’assurance versées par les demandeurs au titre de ce prêt, mais uniquement les mensualités des échéances de remboursement,
– dit que la première échéance du prêt qui aurait dû être payée immédiatement après la date de la présente décision, point de départ du délai de suspension, constitue la première échéance exigible à l’expiration de la période de suspension le terme du prêt étant reporté d’une durée égale à celle de la suspension accordée.
Un protocole transactionnel a été conclu le 12 mars 2021 entre la société NETWILLER, le maître d’oeuvre d’exécution, les entreprises de construction et les époux [P]. Dans le cadre de ce protocole, les acquéreurs ont accepté de préfinancer une somme supplémentaire en règlement exclusif d’une partie des arriérés des entreprises de construction à hauteur de 4.960 euros pour l’appartement T3. Le maître d’ouvrage s’est engagé à rembourser les sommes supplémentaires versées par les acquéreurs et à régler à chacune des entreprises le solde des arriérés respectifs.
Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de TOULOUSE a prononcé une liquidation judiciaire à l’encontre de la SCCV NETWILLER.
La société AXA BANQUE a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire le 23 juin 2022 à hauteur de 70.000 euros à titre de créance chirographaire.
Les époux [P] ont déclaré leur créance auprès du mandataire judiciaire le 23 juin 2022 à hauteur de 63.648,60 euros à titre de créance chirographaire.
La livraison des biens est intervenue le 5 juillet 2022 et les biens ont été mis en location à effet du 30 novembre 2022.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 mai 2023, les époux [P] se sont désistés de l’instance et de leur action dirigées contre la société AXA BANQUE.
Par arrêt du 31 mai 2023, la cour d’appel de TOULOUSE a confirmé l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SCCV NETWILLER.
Par exploit d’huissier en date du 9 août 2023, les époux [P] ont appelé en cause la SAS BDR & ASSOCIES, en la personne de Maître [T] [Y] [H], ès-qualité de mandataire liquidateur de la SCCV NETWILLER, afin que le jugement à intervenir lui soit commun et opposable.
Une ordonnance de jonction a été prise par le juge de la mise en état le 21 septembre 2023.
La clôture est intervenue le 23 avril 2024.
L’affaire a été retenue à l’audience du 12 septembre 2024 et mise en délibéré au 19 décembre 2024 puis prorogée au 16 janvier 2025 et prorogée une nouvelle fois au 30 janvier 2025.
Aux termes de leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 décembre 2023, les époux [P] sollicitent du tribunal, au visa des articles 1103, 1231-1, 1231-2 et 1601-1du code civil, L. 261-1 du code de la construction et de l’habitation de :
– dire que le jugement à intervenir sera commun et opposable à la SAS BDR & ASSOCIES, en la personne de Maître [T] [Y] [H], ès-qualité de mandataire liquidateur de la SCCV NETWILLER,
– constater que la SCCV NETWILLER a renoncé irrévocablement à invoquer, à l’égard de l’acquéreur, d’éventuels « causes légitimes de suspension du délai de livraison » ou « cas de force majeure », afin de justifier le retard de livraison des biens immobiliers et de remise des clés jusqu’au 31 décembre 2018,
– dire que la SCCV NETWILLER ne peut se prévaloir d’aucune cause légitime de suspension et d’aucun cas de force majeure postérieur au 31 décembre 2018,
– fixer au passif de la SCCV NETWILLER, représentée par la SAS BDR & Associés, ès-qualité de liquidateur judiciaire, les sommes de :
– 36.190 euros, à titre de dommages et intérêts, au titre de la perte locative,
– 48.600 euros, à titre de dommages et intérêts, au titre de la perte de l’avantage fiscal 2019 (sur les revenus 2018), à compléter et parfaire,
– 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, au titre de la désorganisation de trésorerie,
– 10.000 euros, à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice moral,
– 4.960 euros, conformément au protocole du 12 mars 2021,
– ordonner la compensation entre les éventuelles sommes demeurant dues, au jour de la livraison, par les demandeurs à la SCCV NETWILLER au titre de l’acquisition et les condamnations prononcées contre la SCCV NETWILLER,
– débouter la SCCV NETWILLER de sa demande de délais de paiement pour s’acquitter des indemnisations,
– débouter la société AXA BANQUE de toutes ses demandes à leur encontre,
– fixer au passif de la SCCV NETWILLER, représentée par la SAS BDR & Associés, ès-qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– fixer au passif de la SCCV NETWILLER, représentée par la SAS BDR & Associés, ès-qualité de liquidateur judiciaire, les entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Déborah MAURIZOT, avocat aux offres de droit, qui en entreprendra le recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Sur la violation par la société NETWILLER de son obligation de livraison des biens, les époux [P] font valoir en application des dispositions de l’article 1103 et 1601-1 du code civil que la SCCV NETWILLER a violé son obligation de livraison des biens au 31 décembre 2016, contrairement aux dispositions contractuelles et qu’aucune cause légitime de suspension du délai de livraison ne peut être invoquée notamment pour faire échec à la complète indemnisation des demandeurs. Ils contestent les causes légitimes mises en avant par la société NETWILLER.
Ils exposent que la SCCV NETWILLER a été défaillante dans la communication des éléments nécessaires à la mise en jeu de la garantie financière d’achèvement et rappellent que cette garantie n’a vocation qu’à régler le coût des dépenses, à venir, nécessaires à l’achèvement du programme immobilier, mais n’a pas vocation à faire réaliser les travaux. Les époux [P] soutiennent que la société devra être déboutée de sa demande de délais de paiement ne produisant aucune pièce au soutien de sa demande.
Concernant leur préjudice, après avoir rappelé que le retard de livraison a été de 66 mois, les époux [P] exposent leur préjudice financier notamment en pertes locatives, de la perte de la réduction fiscale au titre de l’année 2018, en désorganisation de trésorerie, sur le remboursement de la somme versée dans le cadre du protocole de mars 2021. Ils sollicitent également l’indemnisation de leur préjudice moral au regard de la gestion administrative importante et du stress subi liés au retard de livraison et aux divers reports. Ils sollicitent la prononcé de la compensation des sommes éventuellement dues en application des dispositions de l’article 1348-1 du code civil.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2020, la SCCV NETWILLER sollicite du tribunal au visa des articles 1134, 1147, 1148, 1184 et 1610 du code civil (dans leur rédaction en vigueur au jour de la conclusion de l’acte de vente litigieux du 9 juin 2016), 1343-5 du code civil, 9, 510 et suivant et 700 du code de procédure civile de :
– constater que les époux [P] et elle-même ont reporté conventionnellement la date de livraison de leur logement au 31 décembre 2018 moyennant une indemnité transactionnelle de 3.465 € pour l’ensemble des préjudices subis au titre du retard de livraison de leur bien immobilier depuis le 31 décembre 2016,
– dire que les causes légitimes et les cas de force majeure qu’elle a subis justifient le report de la date de livraison, étant précisé qu’elle peut se prévaloir des événements postérieurs au 31 décembre 2018 tant en vertu de la transaction elle-même qu’aux termes de l’acte authentique de vente et des textes applicables,
– lui accorder un ultime délai de grâce de 6 mois pour permettre le déblocage de la situation avec la compagnie MILLENIUM INSURANCE, Garant Financier d’Achèvement et avec les entreprises de construction en vue de l’achèvement et la livraison du bien immobilier des époux [P],
– juger mal fondées les demandes d’indemnisation complémentaire formulées par les époux [P] eu égard aux causes légitimes et cas de force majeure subis postérieurement au 31 décembre 2018 et qui doivent inévitablement être supportés par les acquéreurs en l’état futur d’achèvement
– subsidiairement :
– réduire toutes condamnations à de plus juste proportions, sous réserve de la production des justificatifs concernés, de la preuve des fautes, préjudices et liens de causalité y afférents pour chaque poste complémentaire invoqué et uniquement pour la période postérieure au 16 mars 2020 (date de signification de l’assignation introductive d’instance et en l’absence de mise en demeure préalable et postérieure au 1er janvier 2019), sous déduction du double du temps durant lequel les causes légitimes et cas de force majeure ont entravé la finalisation du programme,
– déduire de toutes condamnations prononcées à son encontre la somme de 3.850 € déjà perçue par Monsieur et Madame [P]
– assortir toutes condamnations d’un délai de paiement de 24 mois à compter de la signification du Jugement à venir afin de ne pas compromettre la poursuite de son activité et la finalisation du programme,
– en tout état de cause
– débouter Monsieur et Madame [P] et la SA AXA BANQUE de leurs plus amples demandes, fins et prétentions à son encontre ;
– rejeter leurs demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile au regard des causes étrangères subies par elle et de sa situation actuelle extrêmement difficile ;
– laisser à chaque partie la charge de ses dépens d’instance ;
– écarter l’exécution provisoire de droit de la décision à venir en ce qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire et ferait obstacle au déblocage du programme immobilier en cause.
La SCCV NETWILLER met en avant des causes légitimes de retard des cas de force majeure subis justifiant le report de la livraison d’un temps égal au double à celui pendant lequel ces événements ont entravé la construction et que ces causes légitimes exonèrent le vendeur de toute responsabilité. Elle expose qu’en raison de la conclusion du protocole d’accord homologué en 2018, les parties ont déjà transigé sur la question du retard de livraison jusqu’au 31 décembre 2018. Elle fait état de faits et événements relatifs à des tierces personnes, externes et totalement indépendants de sa volonté notamment l’insuffisance d’actifs en lien avec la liquidation judiciaire de l’assurance DO et CNR, le décès de l’architecte en charge de la conception du programme en août 2019 (et les difficultés d’urbanisme engendrées par rapport au permis de construire), les maladies du gérant et associé fondateur (suite notamment à un infarctus en novembre 2019 et un isolement spécifique lors de la pandémie du COVID-19) ainsi que la crise sanitaire, économique et financière liée à la COVID-19 depuis mars 2020 et elle soutient que ces événements empêchent toute indemnisation pour la période postérieure au 31 décembre 2018.
Sur les préjudices, la société sollicite le rejet des différentes demandes d’indemnisation de la part des époux [P]. Elle expose que les époux [P] ne démontrent pas avoir subi un préjudice locatif. Sur la perte d’avantages fiscaux, elle fait valoir que les époux [P] n’ont pas adressé une requête aux services des impôts pour expliquer la situation, qu’il n’est pas démontré que cette perte soit définitive, les recours étant toujours possibles. Sur la désorganisation de trésorerie, la société NETWILLER expose que cette demande, non justifiée, fait double emploi avec le préjudice lié aux pertes locatives et le préjudice moral et que ce préjudice a été indemnisé dans le cadre de l’indemnité transactionnelle. La société fait valoir que le préjudice moral n’est pas démontré.
Sur les demandes liées aux préjudices, elle sollicite à titre subsidiaire l’octroi d’un délai de paiement. Elle sollicite également le rejet de la demande de dommages et intérêts sollicitée par la société AXA BANQUE comme étant non fondée et en toute occurrence injuste et injustifiée.
Par courrier communiqué par voie électronique le 16 avril 2024, la SSCV NETWILLER expose que ses conclusions et pièces doivent nécessairement être prises en considération par la juridiction. Elle expose que le liquidateur judiciaire n’a pas constitué avocat, faute de fonds disponibles et que la société, prise en la personne de son gérant, est dessaisie de l’administration et de la disposition de ses biens depuis la confirmation de la procédure de liquidation judiciaire mais conserve le droit de se défendre et d’être entendue dans toute instance engagée préalablement à l’ouverture de la procédure judiciaire et qui a une incidence sur son passif.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 janvier 2024, la société AXA BANQUE sollicite du tribunal au visa des articles 1103 et 1240 du code civil de :
– condamner la société NETWILLER à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l’article 1240 code civil,
– condamner la société NETWILLER à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société AXA BANQUE soutient que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage et que notamment tout incident de paiement ou toute demande de suspension des échéances génère des frais de gestion spécifiques et qu’un tel surcoût doit être indemnisé par la partie fautive responsable du mauvais déroulement des opérations de construction.
Bien que régulièrement assignée dans le cadre de la présente procédure, la SAS BDR & ASSOCIES, en la personne de Maître [T] [Y] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la SCCV NETWILLER, n’a pas constitué avocat et n’a fait parvenir aucune conclusion à la juridiction saisie.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant par décision réputée contradictoire rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe,
FIXE au passif de la SCCV NETWILLER, représentée par la SAS BDR & ASSOCIES, en la personne de Maître [T] [Y] [H], és qualités de liquidateur judiciaire, les sommes à verser à M. [F] [N] [V] [P] et de Mme [I] [B] épouse [P] de :
– 24.640 euros à titre de dommages et intérêts pour pertes locatives,
– 4.960 euros conformément aux dispositions du protocole transactionnel conclu le 12 mars 2021 ;
DIT que la demande de la SCCV NETWILLER d’ultime délai de grâce de six mois est sans objet en raison de la livraison du bien ;
REJETTE les demandes de M. [F] [N] [V] [P] et de Mme [I] [B] épouse [P] de dommages et intérêts au titre de la perte de l’avantage fiscal pour 2019, au titre de la désorganisation de la trésorerie et au titre du préjudice moral ;
REJETTE les demandes de la SCCV NETWILLER de réduction des condamnations à de plus justes proportions et de déduction de la somme de 3.850 euros des condamnations prononcées à son encontre ;
REJETTE la demande de la SCCV NETWILLER de fixation d’un délai de paiement ;
REJETTE la demande de compensation de M. [F] [N] [V] [P] et de Mme [I] [B] épouse [P] ;
REJETTE la demande de la société AXA BANQUE à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;
FIXE au passif de la SCCV NETWILLER, représentée par la SAS BDR & ASSOCIES, en la personne de Maître [T] [Y] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire, les dépens de l’instance dont distraction sera faite au profit de Maître Déborah MAURIZOT, avocat aux offres de droit, qui en entreprendra le recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
FIXE au passif de la SCCV NETWILLER, représentée par la SAS BDR & ASSOCIES, en la personne de Maître [T] [Y] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire, la créance de 4.000 € de M. [F] [N] [V] [P] et de Mme [I] [B] épouse [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les demandes de la SCCV NETWILLER et de la société AXA BANQUE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 30 janvier 2025, et signé par la présidente et la greffière.
La Greffière, La Présidente,
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