Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Toulouse
Thématique : Obligations du bailleur et conditions de décence du logement : enjeux et conséquences.
→ RésuméContexte de la locationL’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT a loué un immeuble à usage d’habitation à Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] à Toulouse, avec un loyer de 873,02€ incluant les charges, à partir du 17 juin 2019. Assignation en justiceLes locataires ont assigné leur bailleur en référé le 4 avril 2023, alléguant des désordres dans le logement et demandant la reconnaissance de l’indécence de celui-ci depuis le 1er septembre 2021, ainsi que d’autres réparations et un relogement. Décision du juge des référésLe juge des référés a constaté le 13 février 2024 que les demandes des locataires excédaient ses attributions et a renvoyé l’affaire au fond pour une audience prévue le 16 mai 2024. Conclusions des locatairesLors de l’audience du 24 septembre 2024, les locataires ont réitéré leurs demandes, incluant la reconnaissance de l’indécence du logement, la condamnation du bailleur à reloger, et la suspension de leur obligation de paiement des loyers. Arguments du bailleurL’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT a contesté les allégations des locataires, affirmant qu’il n’avait pas été informé des désordres en temps utile et qu’il avait pris des mesures pour remédier aux infiltrations d’eau. Éléments de preuveLes locataires ont produit des constats d’huissier et des rapports d’expertise pour soutenir leurs allégations d’infiltrations, tandis que le bailleur a fourni des courriers et des preuves de ses interventions. Décision du tribunalLe tribunal a débouté les locataires de leur demande de relogement et de suspension de paiement des loyers, tout en reconnaissant un préjudice de jouissance de 2550 euros en faveur des locataires, en raison de l’absence d’un logement en bon état d’usage. Résiliation du bailLe tribunal a prononcé la résiliation du bail aux torts exclusifs des locataires, en raison de leur non-paiement des loyers depuis novembre 2021, et a ordonné leur expulsion. Indemnités et dépensLes locataires ont été condamnés à payer 24 851,87 euros d’arriérés de loyers et une indemnité d’occupation mensuelle de 873,02 euros jusqu’à leur expulsion, tout en supportant les dépens de la procédure. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
Site Camille Pujol
2 allées Jules Guesde
BP 7015
31068 TOULOUSE cedex 7
NAC: 5AG
N° RG 24/00401 – N° Portalis DBX4-W-B7I-SVCC
JUGEMENT
N° B
DU : 21 Novembre 2024
[I] [S]
[L] [S]
C/
E.P.I.C. TOULOUSE METROPOLE HABITAT
Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 21 Novembre 2024
à CABINET SERDAN
Expédition délivrée
à toutes les parties
JUGEMENT
Le Jeudi 21 Novembre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,
Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection,statuant en matière civile, assistée de Olga ROUGEOT Greffier, lors des débats et chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 24 Septembre 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;
ENTRE :
DEMANDEURS
Mme [I] [S], demeurant RESIDENCE VIA TOLOSA BAT 1 APPT 401 – 1 AVENUE MARCEL DASSAULT – 31500 TOULOUSE
M. [L] [S], demeurant RESIDENCE VIA TOLOSA BAT 1 APPT 401 – 1 AVENUE MARCEL DASSAULT – 31500 TOULOUSE
représenté par Maître Catherine CARRIERE-PONSAN de la SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN, avocats au barreau de TOULOUSE
ET
DÉFENDERESSE
E.P.I.C. TOULOUSE METROPOLE HABITAT, dont le siège social est sis 7 RUE DE SEBASTOPOL – 31000 TOULOUSE
représentée par Maître Jean-manuel SERDAN de la SELARL CABINET J.M. SERDAN, avocats au barreau de TOULOUSE
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé prenant effet le 17 juin 2019, l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT a donné en location à Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] un immeuble à usage d’habitation et un emplacement de stationnement n°96 situés Résidence Via Tolosa – 1 avenue Marcel Dassault – Bat. 1 Apt. 401 à TOULOUSE (31500), moyennant un loyer actuel de 873,02€ provision sur charges comprise.
Invoquant des désordres dans le logement, Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] ont fait assigner leur bailleur, l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT, en référé devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse, pour l’audience du 04 avril 2023, afin d’obtenir notamment la reconnaissance du caractère indécent de leur logement depuis le 1er septembre 2021, le manquement du bailleur à ses obligations de délivrance d’un logement décent, et sa condamnation à faire une offre de relogement pour un T4 équivalent à celui pris à bail et dans la même zone géographique dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 500€ par jour de retard, de juger que les locataires ne sont plus tenus au paiement des loyers, outre le paiement de la somme de 567,24€ en réparation de leur préjudice matériel et de la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts pour les troubles dans leur conditions d’existence.
Par ordonnance rendue le 13 février 2024, le juge des référés de céans a constaté que les demandes excédaient ses attributions et renvoyé l’affaire au fond devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse à l’audience du 16 mai 2024.
L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties.
A l’audience du 24 septembre 2024, Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S], valablement représentés, se rapportent à leurs conclusions déposées aux termes desquelles ils sollicitent :
– la reconnaissance du caractère indécent de leur logement depuis le 1er septembre 2021,
– le manquement du bailleur à ses obligations de délivrance d’un logement décent, d’entretien de la chose louée et de garantie de la jouissance paisible des locataires,
– en conséquence,
– condamner l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT à faire une offre de relogement pour un T4 équivalent à celui pris à bail et dans la même zone géographique dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 500€ par jour de retard,
– juger que les locataires ne sont plus tenus au paiement des loyers à compter du mois de novembre 2021 et jusqu’à ce que logement soit redevenu décent,
– condamner l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT à leur payer la somme de 567,24€ en réparation de leur préjudice matériel,
– condamner l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT à leur payer la somme la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts pour les troubles dans leur conditions d’existence,
A titre subsidiaire,
– condamner l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT à faire réaliser à ses frais par toute entreprise compétente les travaux nécessaires pour faire cesser les infiltrations d’eau dans le logement occupé et effectuer les travaux d’embellissement sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir jusqu’à parfait achèvement des travaux.
En tout état de cause,
-condamner l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT à leur payer la somme de 4.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Au soutien de leurs demandes et sur le fondement de l’article 1719 du code civil, des articles 6 et 20-1 de la loi du 06 juillet 1989 et du décret du 30 janvier 2022, ils font valoir, premièrement que le bailleur a manqué à son obligation de délivrer un logement décent et de le maintenir en bon état d’usage et de réparation. Ils rappellent que la jurisprudence considère qu’un logement affecté d’humidité est considéré comme indécent. Ils soutiennent avoir signalé l’existence d’importantes infiltrations d’eau dans leur logement dès le 13 octobre 2021 et que le bailleur n’a saisi le syndic de la difficulté que trois mois après, alors qu’il est tenu d’une obligation de résultat, et sans qu’aucune mesure conservatoire ne soit prise. Ils produisent un constat d’huissier réalisé à leur demande en octobre 2022 soit un an après leur réclamation, lequel relève la présence d’une importante infiltration
d’eau entre le plafond et le mur dans la chambre au fond du couloir ayant entraîné un délitement du revêtement du mur, de la moisissure et un décollement de plâtre ainsi que le gonflement d’un meuble. L’expertise diligentée par l’assureur dommages ouvrages de la copropriété, la SMABTP, réalisée en mars 2023, relève des jonctions infiltrantes dans la chambre 2 de l’appartement entre le joint de couvertine et la liaison couventine/façade. Ils affirment que la réparation n’a pas été réalisée de façon efficiente de sorte que le logement est indécent et que le bailleur a failli à son obligation de maintenir le logement en bon état d’usage. En second lieu, ils font valoir que le bailleur ne leur a pas mis à disposition un logement leur permettant de jouir pleinement du bien et qu’ils ont subi ainsi un trouble de jouissance dont il doit réparation de sorte qu’ils sont fondés à solliciter de ne pas être redevables des loyers à compter de novembre 2021. Ils sollicitent également de ce fait que le bailleur soit condamné à leur proposer une solution de relogement. Ils exposent que les infiltrations leur ont causé un préjudice matériel dès lors qu’un ordinateur portable a été détruit, et qu’ils demandent réparation à ce titre pour la somme de 567,24 €. Ils sollicitent, par ailleurs, une indemnisation des troubles dans leurs conditions d’existence à hauteur de 3000€ en ce qu’une chambre du logement est inutilisable depuis plus de deux ans.
L’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT, valablement représenté, se rapporte à ses conclusions déposées et régulièrement signifiées le 22 juillet 2024 aux demandeurs, et sollicite:
– à titre principal, au rejet des demandes des locataires
– à titre subsidiaire, il estime que les demandes indemnitaires doivent être ramenées à de plus justes proportions s’agissant du quantum du préjudice de jouissance
– à titre reconventionnel, il sollicite de :
*condamner solidairement les locataires à lui payer les arriérés de loyers et charges d’un montant de 24.851,87€, somme arrêtée au 10 juillet 2024, et à parfaire,
*prononcer la résiliation du contrat de bail concernant le logement et le parking aux torts exclusifs des locataires en raison d’un manquement à leur obligation de payer le loyer et les charges;
*ordonner leur expulsion ainsi que tout occupant de leur chef avec l’assistance de la force publique si besoin est, et sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
*condamner solidairement Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] à payer à l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT à compter du jour où sera ordonnée leur expulsion, une indemnité d’occupation de 873,02 euros jusqu’à la libération effective des lieux, ainsi qu’aux frais éventuels de leur expulsion,
* Ordonner la séquestration des objets mobiliers se trouvant dans les lieux, dans tels garde-meubles qu’il plaira au tribunal de fixer, et ceux aux frais, risques et périls des défendeurs,
En tout état de cause, condamner Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] in solidum au paiement de la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir qu’il n’a pas été informé des désordres immédiatement en octobre 2021 comme les locataires le prétendent puisqu’ils avaient évoqué un dégât des eaux pour lequel il leur incombait de saisir leur assureur, ce qu’ils ont fait. Il affirme qu’il n’a été informé que le 27 décembre 2021 de l’existence de désordres et que dès le 11 janvier 2022, il a saisi le syndic, les infiltrations trouvant leur origine dans les parties communes de l’immeuble de même que l’assureur dommages- ouvrage, la SMABTP de sorte qu’aucune négligence ne peut donc lui être reprochée. Il soutient que les locataires ont refusé l’accès à leur logement et qu’il a été contraint de les mettre en demeure par courrier du 11 octobre 2022. Il expose que la société SOPREMA, diligentée aux fins de faire une recherche de fuite a pu effectuer sa mission et procéder aux mesures conservatoires nécessaires le 23 novembre 2022 et que depuis cette date aucun nouveau sinistre n’a été dénoncé alors que les locataires persistent à ne plus honorer les versements de leur loyer depuis le mois de novembre 2021 de sorte que la dette locative ne cesse de s’accroître. Il affirme qu’ en réalité les locataires ont instrumentalisé la procédure pour s’affranchir de tout paiement des loyers depuis le mois de novembre 2021.Il ajoute que l’assureur dommages-ouvrage a produit un rapport d’investigation contenant une proposition d’indemnisation portant sur la reprise des embellissements à hauteur de 530,20 euros après intervention de l’entreprise en reprise de l’étanchéité en partie commune. L’expert mandaté par l’assureur dommages ouvrage a souligné l’absence de dommages immatériels et le syndicat des copropriétaires a ensuite fait procéder à la reprise de l’étanchéité des joints de couvertine. Les travaux préparatoires ont été effectués le 17 mai 2023 avec reportage photographique qui permet d’attester la réalisation des travaux. Il précise avoir commandé les travaux de peinture pour procéder à la reprise des embellissements mais qu’en raison du silence des locataires les travaux n’ont pas pu être réalisés. Il conteste que les désordres invoqués perdurent en ce que les photographies produites ne sont pas datées et ne concernent que la reprise des embellissements restant dans l’attente de l’accord des locataires. Il souligne que les infiltrations ponctuelles localisées étaient sèches lorsque l’expert a visité le logement ce qui ne saurait suffire à caractériser le logement d’indécent comme le soutiennent les demandeurs.
À titre subsidiaire, il sollicite de réduire le quantum sollicité en ce les demandeurs sollicitent non seulement de ne pas régler le loyer pendant 21 mois mais également la somme de 3000 € ainsi que le préjudice matériel, ce qui est disproportionné.
À titre reconventionnel, faisant valoir qu’il est démontré que les infiltrations n’ont pas été actives pendant 21 mois et qu’en tout état de cause elles n’ont pas eu pour effet de rendre l’appartement inhabitable, il sollicite la condamnation solidaire des locataires au paiement des loyers et charges impayées, la dette locative ne cessant d’augmenter et les locataires s’étant dispensés de régler celui-ci de leur propre chef. Il fait également valoir que les locataires ont démontré leur mauvaise foi en refusant l’accès à leur logement et en ignorant les courriers, les mises en demeure, et le commandement de payer délivré par le bailleur, ce qui caractérise un manquement à leurs obligations de payer le loyer et les charges de sorte qu’il convient de prononcer la résiliation du bail liant les parties.
Il convient de se reporter aux conclusions de chacune des parties pour un plus ample exposé des moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
La décision était mise en délibéré au 21 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] de leur demande de relogement assortie d’une astreinte;
DEBOUTE Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] de leur demande de suspension de leur obligation de paiement des loyers avec effet rétroactif au mois de novembre 2021 et jusqu’à achèvement des travaux ;
CONDAMNE l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT à payer à Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] la somme de 2550 euros au titre de leur préjudice de jouissance;
DEBOUTE Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] de leur demande au titre de leur préjudice matériel,
PRONONCE la résiliation du bail à effet au 17 juin 2019 conclu entre l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT, d’une part, et Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] , d’autre part, relatif à l’appartement à usage d’habitation et un emplacement de stationnement n°96 situés Résidence Via Tolosa – 1 avenue Marcel Dassault – Bat. 1 Apt. 401 à TOULOUSE (31500), aux torts exclusifs des locataires et à compter du présent jugement ;
ORDONNE en conséquence à Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] de libérer les lieux et de restituer les clés ;
DIT qu’à défaut pour Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;
DEBOUTE l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT de sa demande d’assortir l’expulsion d’une astreinte ;
CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] à payer à l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT la somme de 24.851,87 euros (décompte arrêté au 10 juillet 2024, comprenant les loyers et charges jusqu’à l’échéance du mois de juin 2024 comprise)°;
CONDAMNE in solidum Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] à payer à l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 21 novembre 2024 et jusqu’à la date de la libération définitive des lieux et la restitution des clés, fixée à la somme de 873,02 euros ;
DEBOUTE Monsieur [L] [S] et Madame [I] [S] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE l’EPIC TOULOUSE METROPOLE HABITAT de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidumMonsieur [L] [S] et Madame [I] [S] aux dépens;
DEBOUTE les parties de tout autre prétention ;
RAPPELLE que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire.
La greffière, La vice-présidente
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