Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Toulouse
Thématique : Maintien de l’isolement en milieu psychiatrique : évaluation des conditions légales et médicales.
→ RésuméAdmission en soins psychiatriquesLe patient a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 29 janvier 2025, sur décision préfectorale, alors qu’il était détenu. Cette admission était fondée sur un certificat médical indiquant son état d’inadaptation à la réalité et sa méfiance envers les traitements sédatifs. Le certificat médical a également mentionné des troubles du comportement majeurs, tels que l’opposition, le mutisme et la désorganisation psycho-comportementale. Il a été transféré à l’UHSA de l’hôpital [1] le même jour à 19h00. Mesure d’isolementUne mesure d’isolement a été instaurée le 29 janvier 2025 à 21h55, justifiée par des risques de passages à l’acte hétéro-agressifs, un état d’agitation, et une désorganisation psychique. Cette mesure a été renouvelée toutes les douze heures, avec deux évaluations par période de 24 heures. La dernière décision de renouvellement, prise le 31 janvier 2025, a été motivée par l’absence d’amélioration de l’état du patient et l’inefficacité des traitements. Saisine du juge déléguéLe juge délégué a été saisi le 1er février 2025, dans les délais légaux. L’information concernant le renouvellement des mesures d’isolement a été transmise au juge le 31 janvier 2025, conformément aux exigences légales. Bien que le patient ait exprimé le souhait d’être entendu, un obstacle médical a empêché son audition. Un avocat a été désigné pour le représenter et a demandé la mainlevée de la mesure d’isolement pour trois motifs. Examen des moyens d’irrégularitéLe premier moyen soulevé concernait la motivation de l’arrêté préfectoral, jugée suffisante par le tribunal. Le juge a confirmé que la saisine relative à l’isolement était distincte de celle concernant l’hospitalisation sans consentement. Le second moyen, relatif à la nécessité et à la proportionnalité de l’isolement, a également été rejeté, le tribunal considérant que les décisions étaient suffisamment motivées par les risques encourus. Enfin, le troisième moyen, portant sur l’absence de certains certificats médicaux, a été écarté, les documents requis ayant été fournis. Décision finaleLe tribunal a constaté que la mesure d’isolement avait été régulièrement renouvelée et que des interventions alternatives avaient été tentées avant son instauration. Les médecins avaient justifié la nécessité de l’isolement pour prévenir un dommage immédiat pour le patient ou autrui. En conséquence, le maintien de la mesure d’isolement a été autorisé, et la décision a été notifiée aux parties concernées. L’ordonnance est susceptible d’appel dans un délai de vingt-quatre heures. |
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
CABINET DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
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ORDONNANCE STATUANT SUR UNE MESURE D’ISOLEMENT
DOSSIER : N° RG 25/0197 – N° Portalis DBX4-W-B7J-TX53
NOM DU PATIENT : [Y] [Z]
Nous, Marion STRICKER, Juge délégué au Tribunal judiciaire de Toulouse, statuant en notre cabinet,
Vu la loi du 05 juillet 2011, modifiée par la loi du 27 septembre 2013, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, et son décret d’application du 18 juillet 2011, modifié par le décret du 15 août 2014 ;
Vu la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique,
Vu les dispositions des articles L. 3211-12-1 à L. 3211-13, L.3212-1 et suivants, L.3213-1 et suivants, L3222-5-1, R. 3211-7 à R. 3211-45 du code de la santé publique, ainsi que de l’article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ;
Vu la décision d’admission en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète concernant :
Monsieur [Y] [Z]
né le 22 mai 1999 à [Localité 2] (34)
se trouvant à l’hôpital psychiatrique de [1] à [Localité 3]
représentée par Maître Sarra ABBES, avocat au barreau de Toulouse
Vu la mesure initiale d’isolement prise le 29 janvier 2025 à 21h55,
Vu l’information donnée le 31 janvier 2025 par le directeur de l’établissement au juge délégué du tribunal de Toulouse relative à la mesure d’isolement,
Vu la saisine du juge délégué au tribunal judiciaire de Toulouse par le directeur de l’établissement le 1er février 2025 à 11h03 en application des dispositions de l’article L.3222-5-1 II du Code de la Santé publique,
Vu les pièces communiquées en application des articles R.3211-12 et R.3211-33-1 du code de la santé publique,
Vu les observations écrites du procureur de la République datées du 1er février 2025, qui émet un avis favorable au maintien de la mesure,
Vu les conclusions écrites de Maître Sarra ABBES, représentant [Y] [Z], parvenues le 1er février 2025 au greffe du juge délégué du tribunal judiciaire de Toulouse, recueillies en raison du recueil de l’avis du patient du 1er février 2025 qui souhaitait être entendu et être assisté d’un avocat,
Vu en revanche l’absence d’audition de [Y] [Z] en raison de l’obstacle médical relevé par le psychiatre le 31 janvier 2025,
MOTIFS DE LA DECISION
Le patient a été admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’Etat, par arrêté préfectoral du 29 janvier 2025, alors qu’il était détenu au centre pénitentiaire de [4], sur le fondement d’un certificat médical d’admission qui mentionnait son état d’inadaptation à la réalité, sa réticence et sa méfiance vis-à-vis de toute thérapeutique sédative, cet état clinique ne permettant pas son maintien en détention. Le certificat médical des 24h précisait des troubles du comportement majeurs avec opposition, mutisme, rigidité catatonique, désorganisation psycho-comportementale, refus de traitement. Il ressort du dossier qu’il a été transféré à l’UHSA de l’hôpital [1] le 29 janvier 2025 à 19h00.
Une mesure d’isolement a été prise dès le 29 janvier 2025 à 21h55.
Cette décision initiale de placement à l’isolement prise par le médecin psychiatre est motivée par la menace ou l’imminence de passages à l’acte hétéro-agressifs, un état d’agitation non dirigée, une désorganisation psychique et comportementale massive, un déni des troubles, un envahissement psychique important, la nécessité de sécuriser avec une surveillance clinique rapprochée.
La mesure a par la suite été renouvelée toutes les douze heures, le patient a bénéficié de deux évaluations par période de 24 heures.
La décision la plus récente de renouvellement de la mesure d’isolement avant la saisine a été prise par le médecin psychiatre le 31 janvier 2025 à 11h29 est motivée par l’absence d’amélioration de l’état initial et l’inefficacité des traitements médicamenteux.
La saisine du juge délégué est intervenue le 1er février 2025 à 11h03, soit dans les délais légaux (avant l’expiration de la 72ème heure d’isolement). L’information du juge délégué du renouvellement des mesures d’isolement avait également été effectuée selon les exigences légales, le 31 janvier 2025 (dans les 48h).
Aucune audition n’a été organisée malgré son souhait exprimé dans le formulaire de recueil de l’avis du patient du 1er février 2025 d’être entendu, en ce qu’il existe un obstacle médical à son audition. En revanche, dans la mesure où il souhaitait également être assisté devant le juge, un avocat a été désigné pour représenter ses intérêts. Maître Sarra ABBES, a sollicité la mainlevée de la mesure en soulevant trois motifs :
1- L’arrêté préfectoral ordonnant les soins contraints est insuffisamment motivé
2- La mesure n’est ni nécessaire ni proportionnée en l’absence de risque à l’intégrité du malade
3- L’intégralité des certificats médicaux et avis médicaux ne sont pas délivrés
La présente décision est rendue sur dossier.
Sur ce :
Sur les moyens d’irrégularité soulevés :
– Concernant le premier moyen :
Il est relatif à la motivation de l’arrêté préfectoral qui a placé le patient en soins contraints qui serait insuffisante et viendrait par suite vicier toute la procédure de placement à l’isolement.
Or la saisine du juge sur le fondement des articles L3222-5-1 et suivants du code de la santé publique relative aux mesures d’isolement et de contention est distincte de la saisine du juge sur le fondement des articles L3211-1 et suivants qui concerne les mesures d’hospitalisation sans consentement, tant s’agissant des délais que des critères de fond.
Le juge doit seulement s’assurer, conformément à l’article L3222-5-1 du code de la santé publique pris dans son I, que l’isolement concerne bien des patients en hospitalisation complète sans consentement, ce qui est le cas en l’espèce.
Au surplus, il est rappelé que le juge n’a pas vocation à se substituer au psychiatre, tant s’agissant de la motivation du certificat médical d’admission pour les soins sans consentement, que s’agissant de la motivation des décisions d’isolement, mais uniquement d’en vérifier l’existence. Tel est le cas en l’espèce.
Ainsi, il convient de retenir que les dispositions légales ont été respectées, et de rejeter le moyen.
– Concernant le deuxième moyen :
Il est relatif à la motivation de l’isolement (décision initiale puis renouvellements), l’article L3222-5-1 du code de la santé publique pris dans son I prévoit que « L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ».
En l’espèce, la décision initiale est ainsi motivée : la menace ou l’imminence de passages à l’acte hétéro-agressifs, un état d’agitation non dirigée, une désorganisation psychique et comportementale massive, un déni des troubles, un envahissement psychique important, la nécessité de sécuriser avec une surveillance clinique rapprochée. La dernière décision est motivée par l’absence d’amélioration de l’état initial.
Dès lors que cette motivation est développée, étayée, et suffisamment précise concernant le risque que l’intéressé fait courir à autrui, l’exigence légale n’étant pas exclusivement tournée vers le risque d’auto-agressivité, mais également l’hétéro-agressivité, le psychiatre ayant bien rendu une décision motivée afin de prendre une mesure d’isolement adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient, la loi est respectée.
Ainsi, il convient de retenir que les dispositions légales relatives à la motivation ont été respectées, étant rappelé que le juge n’a pas vocation à se substituer au psychiatre, mais uniquement à vérifier l’existence de la motivation. Le moyen sera donc rejeté.
– Concernant le troisième moyen :
Il est relatif aux pièces exigées par l’article R3211-12 du code de la santé publique, les avis et certificats médicaux seraient manquants, ce qui vicierait toute la procédure.
En application de cet article, sont communiqués au magistrat du siège du tribunal judiciaire afin qu’il statue :
« 1° Quand l’admission en soins psychiatriques a été effectuée à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, une copie de la décision d’admission motivée et, le cas échéant, une copie de la décision la plus récente ayant maintenu la mesure de soins, les nom, prénoms et adresse du tiers qui a demandé l’admission en soins ainsi qu’une copie de sa demande d’admission ;
2° Quand l’admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l’arrêté d’admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l’arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins ;
3° Quand l’admission en soins psychiatriques a été ordonnée par une juridiction, une copie de la décision et de l’expertise mentionnées à l’article 706-135 du code de procédure pénale ;
4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins
5° Le cas échéant :
a) L’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 ;
b) L’avis d’un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l’objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition.
Le juge peut solliciter la communication de tous autres éléments utiles ».
En l’espèce, le 4° est respecté puisque la décision au vu de laquelle la mesure d’isolement a été décidée initialement a été produite, de même que la décision de renouvellement la plus récente, le caractère « utile » de tout autre certificat ou avis médical étant laissé à l’appréciation du juge qui peut solliciter la communication de tout élément utile. Les éléments en l’espèce sont suffisants au juge pour exercer son contrôle.
Le moyen sera donc rejeté.
Sur le fond :
Il ressort de la lecture de ce qui précède que le patient a fait l’objet d’une mesure d’isolement, régulièrement renouvelée jusqu’à ce jour, avec deux évaluations par période de 24 heures. La mesure a été bien prise en dernier recours puisque préalablement ont été tentées des interventions alternatives (intervention verbale, désescalade, temps calme, espace d’apaisement, entretien avec un soignant, administration de médicaments). Enfin, comme évoqué ci-dessus par rapport à la motivation des décisions de renouvellement, les médecins ont caractérisé le risque de dommage immédiat ou imminent pour la patiente ou pour autrui, que seule une mesure d’isolement permettait d’éviter et ce, de manière adaptée, nécessaire et proportionnée après évaluation clinique de la patiente. Cet état clinique a bien nécessité la mise à l’isolement dans un lieu dédié et une adaptation thérapeutique.
Par conséquent, les conditions de l’article L3222-5-1 I du Code de la Santé publique étant réunies, il est justifié d’autoriser le maintien de la mesure d’isolement dont fait l’objet l’intéressée.
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