Tribunal judiciaire de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 22/05385
Tribunal judiciaire de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 22/05385

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Toulouse

Thématique : Responsabilité des mandataires dans la vente d’un cheval : enjeux de preuve et préjudices.

Résumé

Acquisition et Vente du Cheval

Madame [U] [T] a acheté un cheval nommé « Ulysse de RABUTIN » en 2017 pour 7 800 euros. Elle a ensuite décidé de le vendre et a conclu un mandat avec Monsieur [J] [W], fixant le prix de vente à 10 000 euros. Monsieur [J] [W] a chargé Madame [E] [D] de trouver un acquéreur, qui s’est révélé être Monsieur [N] [C], ce dernier affirmant avoir payé 5 000 euros pour le cheval.

Dépôt de Plainte et Enquête

Le 21 janvier 2019, Madame [U] [T] a déposé une plainte contre Madame [E] [D] pour abus de confiance. Lors de l’enquête, Madame [E] [D] a déclaré avoir remis le cheval à Monsieur [S] [I], qui a ensuite vendu le cheval à Monsieur [N] [C] sans que Madame [U] [T] ait reçu le prix de vente.

Assignation en Justice

Après plusieurs mises en demeure infructueuses, Madame [U] [T] a assigné en justice Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D] devant le Tribunal judiciaire de Toulouse, demandant leur condamnation à rembourser le prix de vente du cheval et à verser des dommages-intérêts. Elle a également assigné le liquidateur judiciaire de Madame [E] [D].

Demandes de Madame [U] [T]

Dans ses conclusions, Madame [U] [T] a demandé la reconnaissance de la responsabilité de Monsieur [J] [W] et de Madame [E] [D] en tant que mandataires, ainsi que des indemnités pour le prix de vente non versé, la perte de chance de vendre à un prix supérieur, et un préjudice moral. Elle a soutenu que l’absence d’écrit pour le mandat était due à des relations affectives et à des usages dans le domaine hippique.

Réponses de Monsieur [J] [W]

Monsieur [J] [W] a contesté l’existence d’un mandat, arguant que la preuve devait être écrite. Il a également demandé à être débouté de toutes les demandes de Madame [U] [T] et a formulé des demandes reconventionnelles pour procédure abusive. Il a soutenu que les préjudices invoqués par Madame [U] [T] n’étaient pas prouvés.

Éléments de Preuve et Décisions

Le tribunal a examiné les éléments de preuve, y compris les auditions et les correspondances, et a conclu à l’existence d’un contrat de mandat entre Madame [U] [T] et Monsieur [J] [W]. Cependant, il n’a pas pu établir de contrat entre Madame [U] [T] et Madame [E] [D]. Le tribunal a reconnu la responsabilité de Monsieur [J] [W] pour ne pas avoir restitué le prix de vente.

Indemnisation et Préjudices

Le tribunal a condamné Monsieur [J] [W] à verser 5 000 euros à Madame [U] [T] pour le préjudice matériel correspondant au prix de vente non restitué. En revanche, la demande de dommages-intérêts pour perte de chance a été rejetée, tout comme la demande de préjudice moral, qui a été partiellement acceptée à hauteur de 1 000 euros.

Demandes Reconventionnelles et Décisions Accessoires

Les demandes reconventionnelles de Monsieur [J] [W] ont été rejetées, y compris sa demande de garantie contre Madame [E] [D]. Le tribunal a également condamné Monsieur [J] [W] aux dépens et à verser 2 000 euros à Madame [U] [T] au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire de la décision a été maintenue.

MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 17 Janvier 2025
DOSSIER : N° RG 22/05385 – N° Portalis DBX4-W-B7G-ROJJ
NAC : 50B

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL – Fil 6

JUGEMENT DU 17 Janvier 2025

PRESIDENT

Madame PUJO-MENJOUET, Juge
Statuant à juge unique conformément aux dispositions des
articles R 212-9 et 213-7 du Code de l’Organisation judiciaire

GREFFIER lors du prononcé

Madame RIQUOIR, Greffière

DEBATS

à l’audience publique du 08 Novembre 2024, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l’audience du 10 janvier puis prorogé à l’audience de ce jour.

JUGEMENT

Réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDERESSE

Mme [U] [T]
née le 09 Septembre 1978 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Anaïs TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 296

DEFENDEURS

Me [G] [V], demeurant [Adresse 1]
défaillant

Mme [E] [D]
née le 19 Avril 1967 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
défaillant

M. [J] [W]
né le 26 Juin 1973 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Vincent BARAY, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant, vestiaire : 47, Me Elodie KASSEM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire : P158

EXPOSE DU LITIGE

Madame [U] [T] a acquis un cheval, « Ulysse de RABUTIN » au cours de l’année 2017, au prix de 7 800 euros.

Ayant ensuite souhaité le mettre en vente, elle indique avoir conclu un mandat avec Monsieur [J] [W] en vue de confier la vente à ce dernier, et fixant le prix du cheval, hors frais ou commission, au montant de 10 000 euros.

Elle explique que Monsieur [J] [W] aurait lui-même chargé Madame [E] [D] de trouver un acquéreur, à la suite de quoi cet acquéreur, Monsieur [N] [C], l’aurait informée avoir payé un prix de 5 000 euros et souhaitait récupérer un certificat d’immatriculation.

Elle a effectué un dépôt de plainte le 21 janvier 2019 auprès de la gendarmerie d’[Localité 6] à l’encontre de Madame [E] [D] pour abus de confiance. Lors de son audition par les enquêteurs, Madame [E] [D] a indiqué avoir confié le cheval de Madame [U] [T] à Monsieur [S] [I].

Ce dernier, qui a été également auditionné par les enquêteurs, leur a dit avoir vendu le cheval à Monsieur [N] [C] et avoir récupéré les fonds issus de cette vente après approbation donnée par Madame [E] [D], que Madame [U] [T] indique n’avoir jamais perçus.

Après mises en demeures infructueuses adressées à Madame [E] [D] et Monsieur [J] [W], Madame [U] [T] les a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de Toulouse suivant exploits d’huissier des 16 et 23 décembre 2022 afin d’obtenir leur condamnation in solidum, à rembourser le prix de vente de son cheval, outre le paiement de dommages-intérêts.

Suivant exploit d’huissier du 28 février 2023, elle a fait assigner Maître [G] [V] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l’entreprise individuelle de Madame [E] [D].

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 18 octobre 2023, Madame [U] [T] demande au tribunal de :
Déclarer Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D] responsables de préjudices subis par Madame [U] [T] et ce en leurs qualités de mandataires en application des articles 1991 et suivants du code civil ;En conséquence :Condamner in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D], à verser à Madame [U] [T] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice correspondant au prix de vente non versé ;Condamner in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D], à verser à Madame [U] [T] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice correspondant à la perte de chance de vendre son cheval à un prix supérieur ;Condamner in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D] à verser à Madame [U] [T] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi ;En tout état de cause :Condamner in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D] aux entiers dépens ;Condamner in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D], à verser à Madame [U] [T] la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;Débouter Monsieur [J] [W] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles à l’encontre de Madame [U] [T].
A l’appui de ses demandes et au visa des articles 1991 et suivants du Code civil, Madame [U] [T] fait valoir avoir conclu un contrat de mandat avec Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D] et que l’existence de ce contrat est établie par le procès-verbal de son audition, mais également de celles de Monsieur [J] [W] et de Monsieur [N] [C], qu’elle produit aux débats. En réponse au moyen soulevé par Monsieur [W], selon lequel la preuve du mandat en serait pas rapportée en l’absence de moyen de preuve écrit, Madame [U] [T] soutient avoir été dans l’impossibilité morale de se procurer un écrit, en raison des relations d’affection entre les parties à l’acte que Monsieur [J] [W] reconnaît au cours de son audition. En outre, elle ajoute que cette impossibilité résulte également du fait qu’il est d’usage dans le domaine hippique, de ne pas établir d’écrit. Elle considère que Monsieur [J] [W] et Madame [E] [D] ont commis une faute dans l’exécution du mandat en ce qu’ils ont réalisé la vente sans obtenir l’accord préalable du propriétaire sur le prix de 5 000 euros et en ne lui versant pas le prix de vente. La demanderesse soutient que ces fautes lui ont causé des préjudices, correspondant au prix de vente du cheval mais également à une perte de chance de vendre le cheval à un montant d’au moins 10 000 euros ainsi qu’un préjudice moral.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 14 juin 2023, Monsieur [J] [W] demande au tribunal saisi de céans de :
A titre principal, débouter Madame [U] [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre ;A titre reconventionnel, condamner Madame [U] [T] à verser à Monsieur [J] [W] la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; A titre subsidiaire :Condamner Madame [E] [D], représentée par Maître [G] [V], liquidateur judiciaire, à le relever indemne et le garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;Ecarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir ; A titre plus subsidiaire, ordonner la consignation des sommes dues ou la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations ;En tout état de cause :Condamner tout succombant à verser à Monsieur [J] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; Condamner tout succombant aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, et au visa des articles 9 et 32-1, 514-1 et 514-5 du Code de procédure civile, 1315, 1984, 1985, 1359, 1991 et suivants du Code civil, Monsieur [J] [W] fait valoir que Madame [U] [T] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un mandat conclu entre elle et lui, que cette preuve doit être rapportée par un écrit. Il considère que les éléments de preuve versés au débat par Madame [U] [T], à savoir les procès-verbaux d’audition sont insuffisants. A titre subsidiaire, il soutient que si l’existence d’un mandat le liant à Madame [U] [T] était retenue, il n’est pas démontré qu’il aurait commis une faute. Il précise qu’il n’est pas rapporté que la demanderesse lui aurait donné pour instruction de vendre son cheval à un prix situé entre 8 000 et 12 000 euros et que les fonds issus de la vente ont été remis à Madame [E] [D], qu’il n’est donc pas responsable de leur non-restitution. En outre, il considère que les préjudices invoqués par Madame [U] [T] sont inexistants, en ce qu’elle n’établit pas que son cheval a bien été vendu pour le prix de 5 000 euros, qu’elle ne démontre pas non plus que celui-ci devait être vendu au prix de 10 000 euros, ni l’existence d’un préjudice moral. A titre reconventionnel, il sollicite la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 2 500 euros au motif que l’action en responsabilité qu’elle a intentée à son encontre, ne reposant sur aucun fondement juridique sérieux, est abusive au sens de l’article 32-1 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation de Madame [E] [D] à le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, au motif que c’est cette dernière et non lui qui a commis les manquements invoqués par Madame [U] [T], à savoir la vente au prix de 5 000 euros sans son accord préalable, et l’absence de remise du prix de vente.

Pour un plus ample exposé des moyens soulevés par les parties, il est renvoyé à leurs écritures, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la mise en état est intervenue par ordonnance du 22 mars 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 08 novembre 2024. A L’issue des débats, elle a été mise en délibéré au 10 janvier 2025, prorogé au 17 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par décision réputée contradictoire rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe,

CONDAMNE Monsieur [J] [W] à payer à Madame [U] [T] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel correspondant au prix de vente non restitué ;

DEBOUTE Madame [U] [T] de sa demande tendant à obtenir la condamnation de Monsieur [J] [W] au titre de la perte de chance ;

CONDAMNE Monsieur [J] [W] à payer à Madame [U] [T] la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral ;

DEBOUTE Madame [U] [T] de sa demande de condamnation in solidum à l’encontre de Madame [E] [D] ;

DEBOUTE Monsieur [J] [W] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

DEBOUTE Monsieur [J] [W] de sa demande visant à relever garantir à l’encontre de Madame [E] [D] représentée par Maître [G] [V], liquidateur judiciaire ;

CONDAMNE Monsieur [J] [W] aux dépens de l’instance ;

CONDAMNE Monsieur [J] [W] à payer à Madame [U] [T] la somme de 2 000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la présente décision ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La greffière La présidente

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon