Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Strasbourg
Thématique : Évaluation des Conditions de Maintien en Hospitalisation Complète et Protection des Droits des Patients en Soins Psychiatriques
→ RésuméLe 27 novembre 2024, le juge Isabelle Rihm a examiné la situation de M. [K] [X], hospitalisé à l’EPSAN depuis mai 2010 pour des soins psychiatriques. Bien que des certificats médicaux mensuels aient recommandé la poursuite de l’hospitalisation, celui de novembre 2024 préconisait sa levée. Des irrégularités procédurales ont été constatées, notamment le non-respect des délais de décision par le représentant de l’État. En conséquence, le juge a ordonné la mainlevée de l’hospitalisation, avec un effet différé de 24 heures pour organiser un programme de soins, décision susceptible d’appel dans les 10 jours.
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Tribunal judiciaire
de Strasbourg
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1 Quai Finkmatt
CS 61030
67070 Strasbourg CEDEX
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Tél . 03.88.75.27.40
PROCÉDURE DE CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE
DES MESURES DE SOINS
PSYCHIATRIQUES
Juge des Libertés et de la Détention
ORDONNANCE
RG JLD n°N° RG 24/01680 – N° Portalis DB2E-W-B7I-NFV4
Le 27 Novembre 2024
Nous, Isabelle RIHM, vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de STRASBOURG, assistée de Benjamin ELWART, Greffier,
Statuant en premier ressort en qualité de magistrat du siège, après débats en audience publique ;
Vu les dispositions des articles L.3211-12, L.3211-12-1, L.3211-12-2, R.3211-12, R.3211-29 et R.3211-32 du Code de la Santé Publique et le dossier de la procédure ;
Vu la requête en date du 18 Novembre 2024 de M. LE PRÉFET DU BAS-RHIN concernant M. [K] [X] né le 25 Juillet 1954 demeurant [Adresse 2] à [Localité 1] actuellement en hospitalisation complète à l’EPSAN de [Localité 3] ;
Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 31 mai 2024 ;
Vu le certificat médical mensuel en date du 18 octobre 2024 et vu le certificat médical mensuel en date du 14 novembre 2024 préconisant la levée de la mesure ;
Vu l’avis motivé à l’appui de la requête ;
Vu l’avis du procureur de la République aux termes duquel le Ministère public s’en rapporte à l’appréciation du tribunal ;
M. [K] [X] régulièrement convoqué selon convocation avec récépissé, absent, représenté par Me Charlène SANNER, avocat de permanence ;
MOTIFS
L’article L. 3211-12-1 I du code de la santé publique dispose que « l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement (…), ait statué sur cette mesure :
1° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 ;
2° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3 ;
3° Avant l’expiration d’un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l’hospitalisation en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision.
Sur la procédure
L’article L.3216-1 du même code dispose que « la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. Le juge connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L.3211-12 et L.3211-12-1. Dans ce cas, l’irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet ».
En l’espèce, la procédure a été menée conformément à la loi et est régulière en la forme.
Sur le bien fondé de la mesure
Le juge qui se prononce sur le maintien de l’hospitalisation complète doit apprécier le bien fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués et ne peut substituer, à l’évaluation des médecins, sa propre appréciation sur l’existence des troubles psychiques, la justification thérapeutique des traitements ou la capacité du patient à consentir aux soins, ces différents éléments relevant d’une appréciation strictement médicale.
En l’espèce, il ressort des éléments joints à la saisine et des pièces du dossier que :
-le 28 mai 2010, M. [K] [X] a été admis au bénéfice des soins psychiatriques contraints sous la forme d’une hospitalisation complète à la demande du représentant de l’Etat, sur signalement du procureur de la République d’une décision de classement sans suite au vu d’une expertise psychiatrique réalisée dans le cadre d’une procédure pénale, concluant à l’irresponsabilité pénale de l’intéressé, à sa dangerosité psychiatrique et recommandant son hospitalisation d’office.
-en dernier lieu, par décision en date du 31 mai 2024, le juges des libertés et de la détention, statuant dans le cadre du contrôle obligatoire des mesures de soins à l’issue d’une période de douze jours (suite à une décision de réintégration en hospitalisation complète), a déclaré que les soins pouvaient se poursuivre sous la forme d’une hospitalisation complète.
-depuis lors, les certificats médicaux mensuels établis des mois de juin à octobre 2024 ont tous conclu à la nécessité de la poursuite des soins psychiatriques contraints sous la forme d’une hospitalisation complète, seul le certificat médical du mois de novembre concluant à la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète au regard du fait que le patient ne présente plus de trouble du comportement, qu’il accepte son suivi et son traitement et qu’il reste dans l’attente d’une place en EHPAD.
-en dernier lieu, l’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 du code de la santé publique relève que l’état de santé du patient ne nécessite plus une poursuite des soins contraints sous la forme d’une hospitalisation complète.
Il résulte des pièces du dossier :
-qu’au vu des pièces produites par le requérant, il n’est pas possible de savoir si le déroulement de la mesure de soins se situe dans le cadre du régime de droit commun ou de celui dit “renforcé”, applicables aux seules personnes visées à l’article L. 3211-12 II du code de la santé publique – dans le premier cas, dans les règles applicables à la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques relèvent de l’article L. 3213-9-1, dans le second cas de l’article L. 3213-8 ;
-qu’en tout état de cause, depuis le certificat mensuel du mois d’octobre dernier se prononçant en faveur de la levée de la mesure de soins, aucune des procédures susvisées n’a été respectée, le représentant de l’Etat n’ayant pas statué dans un délai de trois jours francs après la réception du certificat médical, lequel devait lui être transféré par le directeur d’établissement (article L. 3213-9-1 du code de la santé publique), le représentant de l’Etat n’ayant pas plus ordonné une expertise médicale de l’état mental de la personne par deux psychiatres, lequel devaient alors se prononcer dans un délai de 72 heures.
Ces irrégularités portent manifestement atteinte aux droits du patient qui se trouve privée de sa liberté alors même que plusieurs médecins se sont pronocnés en faveur de le levée de la mesure d’hospitalisation complète.
Il y a lieu dans ces conditions d’ordonner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète dont fait l’objet le patient, avec toutefois un effet différé à 24 heures pour la mise en place le cas échéant d’un programme de soins, tel que le permet l’article L. 3211-12-1 III du code de la santé publique.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,
ORDONNONS la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète de M. [K] [X] né le 25 Juillet 1954, avec effet différé à 24 heures pour permettre, le cas échéant, la mise en oeuvre d’un programme de soins ;
DISONS que les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.
RAPPELONS que cette décision est susceptible d’appel devant le Premier Président de la Cour d’appel dans un délai de 10 jours à compter de la présente notification, par déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au Greffe de la Cour d’Appel de Colmar (article R.3211-18 et suivants du Code de la santé publique).
Le délai d’appel et l’appel ne sont pas suspensifs, à l’exception de l’appel formé par le ministère public qui peut être déclaré suspensif par le premier président de la cour d’appel ou son délégué conformément aux dispositions de l’article R.3211-20 du Code de la santé publique.
Le Greffier
Le Président
copie transmise par mail le 27 Novembre 2024 à :
– M. [K] [X], par remise de copie contre récépissé par l’intermédiaire de l’établissement hospitalier,
– Ministère Public,
– Madame/Monsieur le Directeur de/du/des l’EPSAN de [Localité 3]
– Me Charlène SANNER, Conseil de [K] [X]
– Madame la Préfète du Bas-Rhin / ARS Alsace
Le Greffier
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