Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Strasbourg
Thématique : Résiliation de bail et effets des clauses contractuelles face aux évolutions législatives
→ RésuméLe 25 janvier 2023, la société ICF Nord Est a signé un bail d’habitation avec M. [S] [J] pour un loyer mensuel de 400,29 euros. Le 3 janvier 2024, un commandement de payer a été délivré à M. [S] [J] pour un arriéré de 1 641,52 euros. Le 14 juin 2024, ICF Nord Est a assigné M. [S] [J] en justice pour résiliation du bail et expulsion. Lors de l’audience du 22 octobre 2024, M. [S] [J] était absent. Le juge a constaté la résiliation du bail et a ordonné le paiement de 3 180,15 euros, ainsi qu’une indemnité d’occupation mensuelle.
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N° RG 24/05753 – N° Portalis DB2E-W-B7I-M3AQ
Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE SCHILTIGHEIM
10 rue du Tribunal – CS 70097
67302 SCHILTIGHEIM CEDEX
SCHILTIGHEIM Civil
N° RG 24/05753 – N° Portalis DB2E-W-B7I-M3AQ
Minute n°
copie le 26 novembre 2024
à la Préfecture
copie exécutoire le 26 novembre
2024 à :
– Me Gregory ENGEL
– M. [S] [J]
pièces retournées
le 26 novembre 2024
Me Grégory ENGEL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU
26 NOVEMBRE 2024
DEMANDERESSE :
S.A. ICF NORD EST
immatriculée au RCS de METZ sous le n°301 747 836
ayant son siège social 2Bis rue Lafayette 57000 METZ
représentée par Me Grégory ENGEL, avocat au barreau de STRASBOURG
DEFENDEUR :
Monsieur [S] [X] [J]
né le 05 Août 1984 à KOUIBLY (COTE D’IVOIRE)
demeurant Résidence Les Celtes
18 rue de la Westermatt 67202 WOLFISHEIM
non comparant et non représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Romain GRAPTON, Juge des Contentieux de la Protection
Evadné CHAPUS, Greffier lors des débats
Ophélie PETITDEMANGE, Greffier lors du délibéré
DÉBATS :
Audience publique du 22 Octobre 2024
JUGEMENT
Réputé contradictoire rendu en premier ressort,
Mis à la disposition du public par le greffe, et signé par Romain GRAPTON, Juge des Contentieux de la Protection et par Ophélie PETITDEMANGE, Greffier
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 25 janvier 2023, la société ICF Nord Est a consenti un bail d’habitation à M. [S] [J] sur des locaux situés au 18 Rue de la Westermatt à Wolfisheim (67202), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 400,29 euros et d’une provision pour charges de 49,31 euros.
Par acte de commissaire de justice du 03 janvier 2024, la bailleresse a fait délivrer au locataire un commandement de payer la somme principale de 1 641,52 euros au titre de l’arriéré locatif dans un délai de six semaines, en visant une clause résolutoire.
La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [S] [J] le 19 décembre 2023.
Par assignation du 14 juin 2024, la société ICF Nord Est a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Schiltigheim pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de M. [S] [J] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,
– 1 399,50 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 27 mai 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 19 juin 2024, et un diagnostic social et financier a été réalisé.
Prétentions et moyens des parties
À l’audience du 22 octobre 2024, la société ICF Nord Est sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance. La société ICF Nord Est considère enfin qu’il n’y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l’audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
Bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de justice délivré à étude, M. [S] [J] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter
La société ICF Nord Est ne forme aucune demande de suspension des effets de la clause résolutoire.
En application de l’article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
La société ICF Nord Est a précisé ne pas avoir connaissance de l’existence d’une telle procédure concernant M. [S] [J].
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIVATION
1. Sur l’absence de comparution de la partie défenderesse
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce, M. [S] [J] a été assigné devant la chambre de proximité de Schiltigheim suivant exploit de commissaire de justice, déposé à étude, le 14 juin 2024.
Il ressort du procès-verbal que le commissaire de Justice s’est assuré du domicile du défendeur en vérifiant le nom du défendeur sur la sonnette, la boîte aux lettres et la porte d’entrée au rez-de-chaussée.
M. [S] [J] n’a pas comparu à l’audience. Il n’y était pas représenté.
Au regard de ces éléments, il sera statué sur le fond de la demande suivant jugement réputé contradictoire.
2. Sur la demande de constat de la résiliation du bail
2.1. Sur la recevabilité de la demande
La société ICF Nord Est justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.
Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.
Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
2.2. Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 27 juillet 2023, tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.
Cependant, la loi du 27 juillet 2023 ne comprend aucune disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif. Ainsi, il n’y a pas lieu de faire application aux contrats conclus antérieurement au 29 juillet 2023 de l’article 10 de cette loi, en ce qu’il fixe à six semaines – et non plus deux mois — le délai minimal accordé au locataire pour apurer sa dette, au terme duquel la clause résolutoire est acquise. Ces contrats demeurent donc régis par les stipulations des parties, telles qu’encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail.
En l’espèce, si un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales a bien été signifié au locataire le 3 janvier 2024 et que la somme de 1641,52 euros n’a pas été réglée par ce dernier dans le délai de six semaines suivant la signification de ce commandement, les stipulations du contrat de bail doivent prévaloir sur les dispositions légales qui ne peuvent avoir d’effet rétroactif sur les contrats conclus antérieurement à leur entrée en vigueur. En l’absence d’autre élément permettant d’établir une volonté des parties de voir appliquer le droit nouveau à leur contrat bail, il n’y a pas lieu de constater la résiliation de plein droit du bail par l’effet du commandement de payer litigieux en appliquant un délai de six semaines, mais en reprenant le délai conventionnel de deux mois. Le locataire ne justifie pas s’être acquitté de sa dette dans ce délai.
La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 05 mars 2024.
Il convient, en conséquence, d’ordonner au locataire ainsi qu’à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser la société ICF Nord Est à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.
Cependant, dès lors qu’aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, il convient de rappeler que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance au locataire d’un commandement de quitter les lieux.
2. Sur la dette locative
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.
L’article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En l’espèce, la société ICF Nord Est verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 17 octobre 2024, M. [S] [J] lui devait la somme de 3.180,15 euros, soustraction faite des frais de procédure.
M. [S] [J] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, il sera condamné à payer cette somme à la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation sur la somme de 1 399,50 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus.
3. Sur l’indemnité d’occupation
En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera fixé à la somme mensuelle de 476,95 euros.
L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 05 mars 2024, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la société ICF Nord Est ou à son mandataire.
4. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.
M. [S] [J], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 150 euros à la demande de la société ICF Nord Est concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.
Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, compte tenu du montant et de l’ancienneté de la dette et de l’absence totale de reprise du paiement des loyers depuis l’assignation, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection,
CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 03 janvier 2024 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois ;
CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 25 janvier 2023 entre la société ICF Nord Est, d’une part, et M. [S] [J], d’autre part, concernant les locaux situés au 18 Rue de la Westermatt à Wolfisheim (67202) est résilié depuis le 05 mars 2024 ;
DIT n’y avoir lieu d’octroyer des délais de paiement à M. [S] [J], sans préjudice des délais qui pourraient lui être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement ;
ORDONNE à M. [S] [J] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au 18 Rue de la Westermatt, résidence les Celtes à Wolfisheim (67202) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement ;
DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique ;
DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;
RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux ;
CONDAMNE M. [S] [J] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 476,95 euros (quatre cent soixante-seize euros et quatre-vingt-quinze centimes) par mois ;
DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 05 mars 2024, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire ;
CONDAMNE M. [S] [J] à payer à la société ICF Nord Est la somme de 3 180,15 euros (trois mille cent quatre-vingts euros et quinze centimes) au titre de l’arriéré locatif arrêté au 17 octobre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation sur la somme de 1 399,50 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus ;
CONDAMNE M. [S] [J] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 3 janvier 2024 et celui de l’assignation du 14 juin 2024 ;
CONDAMNE M. [S] [J] à payer à la société ICF Nord Est la somme de 150 euros (cent cinquante euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024, et signé par le juge et la greffière susnommés.
Le Greffier Le Juge
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