Tribunal judiciaire de Strasbourg, 26 novembre 2024, RG n° 24/04568
Tribunal judiciaire de Strasbourg, 26 novembre 2024, RG n° 24/04568

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Strasbourg

Thématique : Résiliation de bail et effets de la clause résolutoire

Résumé

Le 6 septembre 2006, ALSACE HABITAT a signé un bail avec M. [Z] [B] pour un logement à Bischheim. Le 13 février 2024, un commandement de payer a été délivré à M. [Z] [B] pour un arriéré locatif de 2 534,77 euros. Le 30 avril 2024, ALSACE HABITAT a saisi le juge pour résilier le bail et demander l’expulsion. Lors de l’audience, M. [Z] [B] a reconnu sa dette, invoquant une dépression. Le juge a confirmé la résiliation du bail et condamné M. [Z] [B] à payer 4 112,81 euros, ainsi qu’une indemnité d’occupation mensuelle. L’expulsion a été ordonnée.

N° RG 24/04568 – N° Portalis DB2E-W-B7I-MYNG

Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE SCHILTIGHEIM
10 rue du Tribunal – CS 70097
67302 SCHILTIGHEIM CEDEX

SCHILTIGHEIM Civil
N° RG 24/04568 – N° Portalis DB2E-W-B7I-MYNG

Minute n°

copie le 26 novembre 2024

à la Préfecture

copie exécutoire le 26 novembre

2024 à :

– ALSACE HABITAT

– M. [Z] [B]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU
26 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

Société ALSACE-HABITAT (SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE)
ayant son siège social 4 rue Bartisch 67100 STRASBOURG
représentée par Mme [W] [Y], gestionnaire contentieux, munie d’un pouvoir

DEFENDEUR :

Monsieur [Z] [B]
né le 24 Novembre 1956 à SAVERNE (67700)
demeurant 3 rue de Mundolsheim 67800 BISCHHEIM
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Romain GRAPTON, Vice-président chargé des fonctions de juge des contentieux de la protection
Ophélie PETITDEMANGE, Greffier

DÉBATS :

Audience publique du 24 Septembre 2024

JUGEMENT

Contradictoire rendu en premier ressort,
Mis à la disposition du public par le greffe, et signé par Romain GRAPTON, Juge des Contentieux de la Protection et par Ophélie PETITDEMANGE, Greffier

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 6 septembre 2006, la société ALSACE HABITAT a consenti un bail d’habitation à M. [Z] [B] sur des locaux (logement et cave) situés au 3 Rue de Mundolsheim à Bischheim (67800), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 256,95 euros et d’une provision pour charges de 39,58 euros.

Par acte de commissaire de justice du 13 février 2024, la bailleresse a fait délivrer au locataire un commandement de payer la somme principale de 2 534,77 euros au titre de l’arriéré locatif dans un délai de deux mois, en visant une clause résolutoire.

La caisse d’allocations familiales a été informée de la situation de M. [Z] [B] le 2 février 2024.

Par assignation du 30 avril 2024, la société ALSACE HABITAT a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Schiltigheim pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de M. [Z] [B] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux, 3 130,66 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 15 avril 2024, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 10 mai 2024, et un diagnostic social et financier a été réalisé. Ses conclusions ont été reçues au greffe avant l’audience, à laquelle il en a été donné lecture.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

À l’audience du 24 septembre 2024, la société ALSACE HABITAT sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance. La société ALSACE HABITAT considère enfin qu’il n’y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l’audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

M. [Z] [B] ne conteste pas la dette locative, ni l’acquisition de la clause résolutoire. Il explique avoir sombré dans la dépression, raison pour laquelle il n’a pas repris le paiement de ses loyers depuis juillet 2023.

M. [Z] [B] sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais de paiement.

En application de l’article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

M. [Z] [B] a indiqué ne pas faire l’objet d’une telle procédure.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIVATION

1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail

1.1. Sur la recevabilité de la demande

La société ALSACE HABITAT justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la caisse d’allocations familiales deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

1.2. Sur la résiliation du bail

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 27 juillet 2023, tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.

Cependant, la loi du 27 juillet 2023 ne comprend aucune disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif. Ainsi, il n’y a pas lieu de faire application aux contrats conclus antérieurement au 29 juillet 2023 de l’article 10 de cette loi, en ce qu’il fixe à six semaines – et non plus deux mois — le délai minimal accordé au locataire pour apurer sa dette, au terme duquel la clause résolutoire est acquise. Ces contrats demeurent donc régis par les stipulations des parties, telles qu’encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail a été signifié au locataire le 13 février 2024. Or, d’après l’historique des versements, la somme de 2534,77 euros n’a pas été réglée par ce dernier dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 14 avril 2024.

Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l’espèce, M. [Z] [B] n’a pas repris le paiement intégral du paiement du loyer avant l’audience. Il ne produit aucune pièce justificative de sa situation financière. Il indique percevoir un revenu de 1600€. Il n’a pas d’enfant à charge.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de délais de paiement et la demande de suspension de la clause résolutoire.

Il convient, en conséquence, d’ordonner au locataire ainsi qu’à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser la société ALSACE HABITAT à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.

Cependant, dès lors qu’aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, il convient de rappeler que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance au locataire d’un commandement de quitter les lieux.

2. Sur la dette locative

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L’article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, la société ALSACE HABITAT verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 23 septembre 2024, M. [Z] [B] lui devait la somme de 4.112,81 euros, soustraction faite des frais de procédure.

M. [Z] [B] ne conteste pas cette dette. Il n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, il sera condamné à payer cette somme à la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision.

3. Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera fixé à la somme mensuelle de 395,08 euros.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 14 avril 2024, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la société ALSACE HABITAT ou à son mandataire.

4. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

M. [Z] [B], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 100 euros à la demande de la société ALSACE HABITAT concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.

Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, compte tenu du montant et de l’ancienneté de la dette et de l’absence totale de reprise du paiement des loyers depuis l’assignation, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 13 février 2024 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois ;

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 6 septembre 2006 entre la société ALSACE HABITAT, d’une part, et M. [Z] [B], d’autre part, concernant les locaux (logement et cave) situés au 3 Rue de Mundolsheim à Bischheim (67800) est résilié depuis le 14 avril 2024 ;

DÉBOUTE M. [Z] [B] de ses demandes ;

DIT n’y avoir lieu d’octroyer des délais de paiement à M. [Z] [B], sans préjudice des délais qui pourraient lui être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement ;

ORDONNE à M. [Z] [B] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au 3 Rue de Mundolsheim à Bischheim (67800) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement ;

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique ;

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux ;

CONDAMNE M. [Z] [B] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 395,08 euros (trois cent quatre-vingt-quinze euros et huit centimes) par mois ;

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 14 avril 2024, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire ;

CONDAMNE M. [Z] [B] à payer à la société ALSACE HABITAT la somme de 4 112,81 euros (quatre mille cent douze euros et quatre-vingt-un centimes) au titre de l’arriéré locatif arrêté au 23 septembre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision,

CONDAMNE M. [Z] [B] à payer à la société ALSACE HABITAT la somme de 100 euros (cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Z] [B] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 13 février 2024 et celui de l’assignation du 30 avril 2024.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024, et signé par le juge et la greffière susnommés.

La Greffière Le Juge

 


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