Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Thématique : Nationalité française : exigences de preuve et légalité des documents d’état civil
→ RésuméIntroduction de la DemandePar requête du 15 juin 2023, Madame [N] [T] [Y] a saisi le tribunal judiciaire pour annuler un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française daté du 17 novembre 2022 et pour obtenir ce certificat à son nom. Le ministère public a intervenu dans cette procédure. Arguments de la DemanderesseLa demanderesse soutient que la nationalité française de son père est incontestable, étant titulaire d’un certificat délivré le 17 juin 2015. Elle affirme également avoir été reconnue par son père pendant sa minorité et que son acte de naissance, basé sur un jugement supplétif de naissance, indique sa filiation paternelle. Cet acte a été légalisé par le consul des Comores à la Réunion. Conclusions du Ministère PublicDans ses conclusions du 28 juin 2024, le ministère public a demandé le déboutement de la demanderesse, arguant qu’elle ne peut revendiquer un certificat de nationalité délivré à d’autres membres de sa famille. Il a également souligné que les actes d’état civil comoriens doivent être légalisés pour être opposables en France et que la requérante ne peut revendiquer la nationalité française par filiation, son père ayant acquis cette nationalité après sa naissance. Irrecevabilité des Documents PrésentésLe ministère public a noté que la demanderesse n’a produit que des photocopies de son acte de naissance et du jugement supplétif, sans fournir les originaux. De plus, il a souligné que la procédure ayant conduit au jugement supplétif n’a pas été communiquée au parquet et que ce jugement n’est pas motivé, le rendant inopposable en France. État Civil et LégalitéLe tribunal a constaté que les actes d’état civil comoriens doivent être légalisés pour être opposables en France. La requérante n’ayant pas produit d’actes légalisés, son état civil n’est pas considéré comme fiable. De plus, elle n’a pas justifié de la nationalité française de ses parents. Décision du TribunalLe tribunal a jugé que la procédure était régulière et a débouté Madame [T] [Y] de sa demande, constatant son extranéité. Il a ordonné la mention prévue par l’article 28 du code civil et a condamné la demanderesse aux dépens de l’instance. Le jugement a été prononcé le 28 janvier 2025. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE : N° RG 23/02123 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GMS6
NAC : 10H
JUGEMENT CIVIL
DU 28 Janvier 2025
****************
COMPOSITION DE LA JURIDICTION AYANT DÉLIBÉRÉE APRES DÉBATS DEVANT UN JUGE RAPPORTEUR
Président : Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente (rapporteur)
Assesseur: Madame Sophie PARAT, Vice-présidente
Assesseur: Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente
Greffier : Madame Isabelle SOUNDRON,
DEMANDERESSE
Mme [N] [T] [Y]
née le 04 Août 2001 à [Localité 4] (COMORES)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Louis WEINLING GAZE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DEFENDERESSE
Mme LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE SAINT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Copie exécutoire délivrée le :28.01.2025
Expédition délivrée le :
à Me Louis WEINLING GAZE, Mme LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE SAINT DENIS
A la demande des parties lors de la clôture de l’affaire, le Juge de la Mise en Etat a autorisé le dépôt de leurs dossiers à la date du 10 décembre 2024 en les informant que le jugement serait rendu en Juge rapporteur par Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente, assisté de Isabelle SOUNDRON, Greffière, par mise à disposition le 28 Janvier 2025.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par requête du 15 juin 2023 , Madame [N] [T] [Y] a saisi le tribunal judiciaire de céans aux fins d’annuler la décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française du 17 novembre 2022 et d’ordonner la délivrance d’un certificat de nationalité française à son nom.
Le ministère public est intervenu volontairement à la présente procédure.
La demanderesse fait principalement valoir dans sa requête que :
– la nationalité française de son père ne fait l’objet d’aucune contestation possible dans la mesure où il est titulaire d’un certificat de la société française délivré le 17 juin 2015 par le greffier en chef du tribunal d’instance de Nice .
– son père [T] [Y] l’a reconnue par déclaration du 16 juin 2015 pendant sa minorité.
-son acte de naissance établi sur la base du jugement supplétif de naissance du 14 août 2019 indique sa filiation paternelle.
– cet acte de naissance et l’expédition conforme à l’original du jugement supplétif ont été légalisés par le consul des Comores à la Réunion.
Dans ses conclusions n°2 du 28 juin 2024 , le Ministère Public a demandé au tribunal de débouter la demanderesse de ses demandes.
Il fait valoir que :
– la demanderesse ne peut se prévaloir d’un certificat de nationalité délivré à d’autres membres de sa famille.
– les copies d’actes de l’État civil et les décisions judiciaires émanant de l’union des COMORES doivent être légalisés pour être reçus en France.
– la requérante ne peut revendiquer la nationalité française par filiation paternelle, son père ayant acquis la nationalité française postérieurement à sa naissance.
– C’est donc non pas l’article 18 du Code civil mais l’article 17-1 du Code civil qui s’applique.
– la force probante de l’État civil étranger ne s’attache qu’à sa copie intégrale produite en original. Or, la requérante ne produit qu’une photocopie de son acte de naissance.
– de même , elle ne produit qu’une simple photocopie du jugement supplétif de naissance du 14 août 2019 rendu par le tribunal de cadi de MBOINKOU.
– la procédure ayant donné lieu au jugement supplétif de naissance n’a pas été communiquée au parquet avant que la juridiction ne statue. Par ailleurs, ce jugement n’est pas motivé. Il est donc contraire à l’ordre public international et ne peut-être opposable en France.
– ce jugement a été signé par un greffier qui n’est pas celui qui composait la formation du jugement.
– la mention de l’égalisation de ce jugement n’est pas conforme en ce qu’elle n’authentifie pas la signature et la qualité de la personne qui a délivré la copie du jugement.
– contrairement à la législation relative à l’État civil comorien la copie de l’acte de naissance délivrée ne comporte ni la mention de l’heure à laquelle l’acte a été dressé ni la mention de l’heure de naissance de l’enfant.
– la demanderesse ne présente pas un État civil fiable certain.
– les copies de son acte de reconnaissance et de naissance de son père sont très anciennes alors que la législation exige des copies d’actes datant de moins de trois mois.
– la demanderesse ne verse aux débats aucun élément concernant sa mère revendiquée.
– la demanderesse ne verse pas aux débats la copie de la déclaration de nationalité souscrite par son père.
– elle ne justifie pas des conditions exigées par l’article 22 -1 du Code civil pour acquérir la nationalité française.
La demanderesse n’a notifié aucune conclusion en réplique aux conclusions du ministère public.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 décembre 2024 ,a fixé la date de dépôt des dossiers au 10 décembre 2024 et la date de mise à disposition du jugement au 28 janvier 2025 .
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal statuant en premier ressort, par jugement contradictoire susceptible d’appel, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONSTATE que la procédure est régulière au regard de l’article 1043 du code de procédure civile;
DEBOUTE Madame [T] [Y] de sa demande ;
ORDONNE la mention prévue par l’ article 28 du code civil;
CONDAMNE Madame [T] [Y] aux dépens de l’instance.
AINSI JUGE ET PRONONCE le 28 Janvier 2025 et nous avons signé avec Madame le GREFFIER.
Le Greffier, La Présidente,
Isabelle SOUNDRON Brigitte LAGIERE
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